vendredi 14 septembre 2018

Prince des Ténèbres / Prince of Darkness. Prix de la Critique, Avoriaz 88.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site patatedestenebres.over-blog.com

de John Carpenter. 1987. U.S.A. 1h42. Avec Donald Pleasance, Jameson Parker, Victor Wong, Lisa Blount, Dennis Dun, Susan Blanchard, Anne Marie Howard, Ann Yen, Ken Wright, Dirk Blocker.

Sortie salles France: 20 Avril 1988. U.S: 23 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Passé le terrible échec commercial des Aventures de Jack Burton, John Carpenter revient à des budgets modestes pour entamer le second volet de sa trilogie de l'Apocalypse, amorcée avec The Thing et conclue par L’Antre de la Folie. Prince des Ténèbres réinvoque avec une puissance d’évocation fulgurante la thématique du Mal, cristallisée ici dans un ostensoir contenant un fluide aux origines troubles.

Le pitch : Dans une église abandonnée, à la demande d’un prêtre, un groupe de scientifiques et un professeur en philosophie sont recrutés pour étudier un mystérieux cylindre enfermant un étrange liquide. Cet artefact, gardé secret depuis des millénaires par une secte religieuse — les Frères du Sommeil — renfermerait… l’essence même du fils de Satan.

Éprouvé, dépité par le rejet de son film précédent, Carpenter joue la carte de l’épure : pas de démesure, mais un huis clos austère, gothique, dans l’enceinte d’un sanctuaire oublié. Avec un budget resserré et des têtes d’affiche de série B (ô combien convaincantes !), le briscard de l’horreur nous livre un concentré d’effroi satanique, contournant habilement les clichés. Dès son générique d’ouverture, étalé sur plus de dix minutes, Prince des Ténèbres séduit : montage millimétré, présentation fugace des protagonistes, musique cérémonielle entêtante composée par Carpenter et Howarth. Le ton est donné. Le spectacle qui s’en suit se construit comme un survival mystique, renversant les dogmes — Jésus y est présenté comme le descendant… d’un extraterrestre.

À travers cet objet cylindrique, réceptacle d’une force démoniaque aux ambitions cataclysmiques, le film déroule en moins de 24 heures une course contre la montre fiévreuse. Une lutte désespérée pour enrayer l’avènement de l’Antéchrist. Carpenter gère le suspense avec un art du rythme et du surgissement d’autant plus efficace qu’il s’affranchit de tout spectaculaire tapageur. Chaque rebondissement, chaque soubresaut d’horreur semble calculé pour nous clouer au fauteuil. Il joue de détails insidieux, de menaces diffuses : des insectes grouillants, un soleil dépressif, une armée de SDF livrés au Mal qui encerclent l’église, silencieux, menaçants, tels des zombies immobiles — parmi eux, l’inoubliable silhouette spectrale d’Alice Cooper.

À l’intérieur, l’angoisse s’intensifie : certains scientifiques, contaminés après avoir ingéré le fluide, deviennent les hôtes d’une possession froide. Un à un, ils se retournent contre leurs compagnons, recrachant sur leur visage cette essence maléfique, comme une souillure sacrée. Mais l’image la plus vertigineuse demeure celle du miroir, portail entre les mondes, où Satan attend une main secourable pour le tirer du néant : vision diaphane, main d’ombre d’un réalisme glaçant.
En parallèle, une voix de l’au-delà — entité sans visage — tente de joindre les protagonistes par-delà le sommeil, délivrant un message prémonitoire crypté, dans un flux d’images irradiées, comme un journal filmé du futur. Lentement, inexorablement, les agressions se multiplient, meurtrières, implacables, frappant des personnages dépassés, figés par la peur, aveuglés par le doute.
Et pourtant, parmi eux, certains résistent. S’érigent, vacillants mais vaillants. Jusqu’au sacrifice ultime.


Chef-d'oeuvre démonial. 
À travers une galerie de personnages bigarrés, peu à peu convaincus que le Mal s’apprête à régner sur Terre (saluons la présence intense de Donald Pleasence, prêtre miné par l’échec et le doute), Prince des Ténèbres distille un malaise grandissant autour d’un concept mystique qui dynamite les dogmes religieux. Carpenter signe ici une réflexion métaphysique sur l’abstraction du Mal et l’effritement de la réalité, qu’une poignée de scientifiques tente en vain de décrypter et d’endiguer. Le film tire sa puissance dramatique de sa mise en scène cauchemardesque, transfigurant une entité invisible en corps mutant, larvaire, tentaculaire.
Jusqu’à sa conclusion — stupéfiante, peut-être désespérée, génialement équivoque — où Carpenter tire le rideau au moment le plus alarmant d’une romance fracassée.


Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz en 1988.

* Bruno
14.09.18. 5èx
10.10.11 (220 vues)

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