vendredi 13 août 2021

Videodrome

                                                     
                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

de David Cronenberg. 1982. U.S.A. 1h28'52" (uncut version).Avec James Woods, Sonja Smits, Deborah Harry, Peter Dvorsky, Leslie Carlson, Jack Creley, Lynne Gorman, Julie Khaner, Reiner Schwartz, David Bolt, Lally Cadeau.

Sortie Salles France: 16 mai 1984sortie U.S.A: 28 janvier 1983

FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada. 1969 : Stereo, 1970 : Crimes of the Future, 1975 : Frissons, 1977 : Rage,1979 : Fast Company, 1979 : Chromosome 3, 1981 : Scanners, 1982 : Videodrome, 1983 : Dead Zone, 1986 : La Mouche, 1988 : Faux-semblants,1991 : Le Festin Nu. 1993 : Mr Butterfly, 1996 : Crash, 1999 : eXistenZ, 2002 : Spider, 2005 : A History of Violence, 2007 : Les Promesses de l'ombre, 2011 : A Dangerous Method
 

"Mort à Videodrome, longue vie à la nouvelle chair !"
Un an après l’ébouriffant Scanners, David Cronenberg jette un pavé dans la mare avec Vidéodrome, diatribe hallucinée contre la manipulation médiatique — celle qui lobotomise la rétine à coups de programmes vulgaires bâtis sur le sexe et la violence. Le synopsis ? Max Renn, directeur du canal 83 spécialisé dans le porno underground, met la main sur une mystérieuse cassette : Vidéodrome. Une émission extrême, brute, à base de tortures et de viols non simulés — produit d’un projet utopique et tordu visant à incarner "la nouvelle chair". L’objectif ? Immuniser l’Amérique contre la menace grandissante de puissances étrangères en pleine expansion.

Ovni hallucinogène ! Objet visuel doté de vie organique ! Œuvre mutante à visionner sous contrôle. Ce Vidéodrome, si discret à sa sortie, s’insinue dans notre psyché par une expression visuelle inédite, fascinante et malsaine. Le scénario, d’une richesse thématique abyssale, se révèle presque irracontable tant les faits se distordent, se fragmentent, fusionnent avec une réalité virtuelle gouvernée par un organisme totalitaire.


Un groupuscule mystique, anarchiste, infiltre les foyers via le tube cathodique, instrument technologique ultime pour renforcer une Amérique paranoïaque. L’image, outil de contrôle absolu, hypnotise, altère la perception, façonne des cobayes hypnotisés, épris de sensations fortes, de pulsions refoulées. Max Renn, directeur avide de provocation, entame alors un labyrinthe mental à travers une conscience pervertie, un corps déformé. Sa chair se métamorphose : magnétoscope humain, il devient le canal de transmission de Vidéodrome.

Regarder cette émission pirate, c’est risquer la tumeur cérébrale. C’est s’exposer à une nouvelle réalité, née du chaos visuel, où les hallucinations sensorielles surpassent la réalité tangible. Le programme vise à rendre notre monde plus "réel" que la perception elle-même — une mutation de la conscience par l’image.

Avec aplomb, James Woods incarne ce cobaye rongé par l’expérience. Charismatique, caustique, transgressif, il s’enfonce dans l’abîme à la recherche du programme ultime. À ses côtés, Deborah Harry — la voix de Blondie — se mue en amante vénéneuse. Sensualité trouble, goût du sadomasochisme, regard alangui en quête d’extase sadienne : elle captive, fascine, désarme. Ensemble, ils plongent dans un cauchemar éveillé.

Cronenberg orchestre ici un maelström d’images dérangeantes, terrifiantes, d’une force évocatrice stupéfiante : la tête de Max engouffrée dans les lèvres de Nicki surgies de l’écran organique, les coups de fouet sur une esclave sexuelle, l’arme extirpée d’un orifice ventral semblable à un vagin, ou cette orgie de chairs et d’entrailles jaillissant de la télé. Et cette scène déchirante, presque prophétique, où des sans-abris fixent un écran comme des junkies, hypnotisés par le vide. Les effets spéciaux de Rick Baker et Michael Lennick, d’une inventivité monstrueuse, marquent durablement, à l’exception peut-être d’un gun muté un peu cheap à son extrémité cloutée.


La nouvelle chair
Visionnaire, Cronenberg livre une réflexion glaçante sur le pouvoir de l’image, l’altération de la réalité, le désir de transgression, la contagion de la violence. Amplifié par le score dissonant et permanent de Howard Shore, Vidéodrome s’impose comme un chef-d’œuvre avant-gardiste, lucide et inquiétant. Il touche à l’intime : notre rapport à la chair, à la douleur, à l’écran. Une expérience unique, éprouvante, somatique, presque mystique, qui affecte la psyché — pour peu qu’on se laisse contaminer par la "nouvelle chair", métaphore troublante de l’au-delà.

L’un des films les plus originaux et essentiels de l’histoire du cinéma, selon mon jugement écorné par ce voyage mental plus vrai que nature. Ou presque.

*Eric Binford
13.08.2021. 5èx
10.01.2011   499 v
        

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire