vendredi 21 septembre 2018

ABANDONNEE

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Los Abandonados" de Nacho Cerda. 2006. Angleterre/Espagne. 1h36. Avec Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev, Paraskeva Djukelova et Carlos Reig-Plaza.

Sortie en salles en France le 30 Mai 2007

FILMOGRAPHIENacho Cerda est un réalisateur et scénariste espagnol né en 1969.
1990: The Awakening (court). 1994: Aftermath (court). 1998: Genesis (court). 2006: Abandonnée
                                     

« Nous nous hantons nous-mêmes. Ils sont notre mort, notre futur… »
Après s'être fait repéré avec sa trilogie de la mort et son inoubliable poème nécrophile AftermathNacho Cerda était attendu au tournant pour l'entreprise de son premier long tourné en Bulgarie. Hommage à l'Au-delà de Lucio FulciAbandonnée invoque le bad trip quasi expérimental pour laisser le spectateur en état second, entre malaise et fascination morbide, et ce à travers un voyage temporel jusqu'au bout des ténèbres. Adoptée depuis sa naissance par une famille d'accueil et n'ayant jamais connu l'identité de ses parents, Marie apprend la découverte du cadavre de sa mère et se retrouve héritière de la ferme familiale. Avec la compagnie d'un étrange guide, elle se rend sur les lieux de son pays natal en Russie. Sur place, elle rencontre un individu énigmatique, Nikolaï, réunit dans la demeure pour ses mêmes raisons personnelles. A travers son prélude suspicieux se déroulant en 1966 dans une contrée forestière de Russie (une femme mourante livre en désespoir de cause deux bébés éplorés à des paysans), l'ambiance mortifère d'Abandonnée s'inscrit déjà dans une tonalité rugueuse avec cette mère anémique esquissant son dernier souffle de vie. Ainsi, 40 ans plus tard, le frère et la soeur de celle-ci tenteront donc de renouer avec leur trouble passé en revenant sur les lieux d'un horrible drame familial, tandis que leur doppelganger tentera de les appréhender. Magnifié d'une photo blafarde aux superbes éclairages, Nacho Cerda transfigure son décorum forestier afin de nous perdre dans une ambiance cauchemardesque résolument perméable. A l'instar des deux héros de l'Au-delà de Fulci et de cette temporalité déstructurée, à mi chemin entre rêve et réalité, Marie et Nikolaï déambulent tels des témoins hagards dans une demeure hantée par leur propre double.
                                 

Conscients de découvrir leur prochaine destinée, ceux-ci en proie à l'interrogation et la paranoïa tenteront de saisir les tenants et aboutissants de la mort de leurs parents, notamment auprès de l'identité du père abusif adepte de forces obscures ("ne brisons pas le cercle", répétera t-il à plusieurs reprises !). Ainsi, de par la vigueur d'un réalisme cafardeux, une ambiance tangible de morosité et d'angoisse étouffante ne lâcheront pas d'une semelle nos héros davantage surmenés à connaître leur triste fatalité. Chaque pièce démembrée de la demeure diluant une aura malsaine de décrépitude. Tant auprès des sols boisés enduits de moisissure, des cloisons suintant l'humidité que des filets de toiles d'araignées agrippant tous les meubles à l'odeur de renfermé. De surcroît, l'accès au sous-sol envahi par les eaux laisse sous entendre l'écho de voix inquiétantes, de légers râles d'agonie issus d'outre-tombe auquel des silhouettes obscures de cadavres parcheminés invoquent l'invitation. Ainsi, ce voyage vénéneux dénué de temporalité emprisonne le spectateur dans un véritable cauchemar éveillé ! Tant et si bien que réalité et fiction se confondent à corps perdu en enchaînant des évènements toujours plus violents et terrifiants afin de nous faire perdre nos repères et la raison. A l'image de ces porcs déchiquetant outrageusement un cadavre en gros plan ou lorsqu'un bébé est sacrifié, la tête plongée dans une eau rubigineuse (une séquence claustro évidemment difficile). Et donc à travers la puissance de ses images horrifico-macabres plus vraies que nature (Nacho Cerda exploitant scrupuleusement et dans tous les cadrages possibles les diverses chambres du huis-clos, dédale tentaculaire de tous les dangers !) et l'intensité de son intrigue hermétique, Abandonnée s'adonne au cauchemar métaphysique au pouvoir de fascination à la fois diaphane et capiteux.
                                   

Au-delà de la mort
Imprégné d'une ambiance ténébreuse à l'aura d'étrangeté expressive, Abandonnée structure à l'aide d'une caméra agressive un cauchemar éveillé en proie au doute, à la déraison, à la crainte et à la peur de trépasser à proximité d'un ectoplasme délétère. Endossé par de sobres comédiens transis d'émoi et d'anxiété dans leur quête aussi bien identitaire qu'existentielle, ce poème macabre enfonce un peu plus le clou de la perplexité vers son point d'orgue nihiliste tout en y suggérant une délivrance pour la postérité de l'orpheline. Du pur cinéma d'ambiance, écorché, singulier, sensitif, personnel, pièce maîtresse de l'horreur à la fois putride et éthérée.

* Bruno
21.09.18. 3èx
27.05.11. (2283 vues)

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