vendredi 29 octobre 2021

Les Damnés / The Damned

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Joseph Losey. 1963. Angleterre. 1h27. Avec Macdonald Carey, Shirley Anne Field, Oliver Reed, Viveca Lindfors, Barbara Everest, Nicholas Clay. 

Sortie salles France: 30 Septembre 1964. Angleterre: 19 Mai 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Losey est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 14 janvier 1909 à La Crosse dans le Wisconsin et mort le 22 juin 1984 à Londres. 
1939 : Pete Roleum and His Cousins. 1941 : Youth Gets a Break. 1941 : A Child Went Forth. 1945 : A Gun in His Hand. 1947 : Leben des Galilei. 1948 : Le Garçon aux cheveux verts. 1950 : Haines. 1951 : Le Rôdeur. 1951 : M. 1951 : La Grande Nuit. 1952 : Un homme à détruire. 1954 : La bête s'éveille. 1955 : A Man on the Beach. 1956 : L'Étrangère intime. 1957 : Temps sans pitié. 1958 : Gipsy. 1959 : First on the Road. 1959 : L'Enquête de l'inspecteur Morgan. 1960 : Les Criminels. 1962 : Eva. 1963 : Les Damnés. 1963 : The Servant. 1964 : Pour l'exemple. 1966 : Modesty Blaise. 1967 : Accident. 1968 : Boom. 1968 : Cérémonie secrète. 1970 : Deux hommes en fuite. 1971 : Le Messager. 1972 : L'Assassinat de Trotsky. 1973 : Maison de poupée. 1975 : Galileo. 1975 : Une Anglaise romantique. 1976 : Monsieur Klein. 1978 : Les Routes du sud. 1979 : Don Giovanni. 1980 : Boris Godunov (TV). 1982 : La Truite. 1985 : Steaming. 


Découvrir pour la 1ère fois Les Damnés; oeuvre aussi méconnue que mal aimée alors qu'il s'agit d'une prod Hammer, est une expérience terriblement déconcertante selon mon propre jugement de valeur. Reconsidéré depuis son flop commercial et ses critiques timorées de l'époque, Les Damnés n'est nullement une oeuvre mineure vite vue vite oubliée, tant le réalisateur Joseph Losey fignole sa mise en scène auteurisante en dirigeant adroitement ses acteurs au détriment (d'une mécanique ludique) du cinéma de Genre. Le cinéaste ne cachant pas sa frilosité pour ce dernier, notamment auprès des composantes de la science-fiction et de l'horreur auquel la Hammer se fit une spécialité reconnue sur plusieurs décennies. Et cela se ressent fortement à mon sens au cours du récit apathique des Damnés filmé dans un magnifique scope monochrome tantôt envoûtant, tantôt baroque (ses statues en chiffon ou papier mâché). Le réalisateur scrupuleux prenant son temps à planter son (double) univers et ses personnages paumés au coeur d'un climat maritime éthéré sensiblement inquiétant. 


Récit d'anticipation langoureux abordant le drame, la romance et la violence à l'aide d'un parti-pris anti ludique, les Damnés est donc une oeuvre hybride difficile d'accès, de par son climat austère nonchalant et du peu d'empathie éprouvée pour les protagonistes en dépit d'un sujet brûlant stigmatisant le péril nucléaire. Ses enfants retranchés dans un labo top secret servant de cobayes pour la survie de l'humanité vouée à sa destruction. Et si sa première partie, peu à peu captivante, annonce fissa l'aura ténébreuse d'une romance à la fois désenchantée et éventuellement rassurante sur fond de règlements de compte machistes (les blousons noirs avec ce frère leader hyper protecteur envers sa soeur), la seconde partie s'avère un peu plus déroutante lorsque le couple et le frère sont contraints de s'allier au moment d'être hébergés dans une grotte par des enfants à la peau étrangement glacée. Et bien que 2/3 longueurs s'y font parfois ressentir, faute d'un rythme sporadique déstabilisant, son final nihiliste rehausse l'intérêt à travers sa dramaturgie escarpée offrant une ampleur à l'ensemble un peu plus dense et marquante. 


Remarquablement interprété (Oliver Reed en tête en blouson noir neurasthénique, la charmante Shirley Anne Field en marginale influençable) et mis en scène par l'auteur réputé Joseph Losey (Mr Klein, The Servant, le Garçon aux Cheveux Verts), Les Damnés demeure une oeuvre chorale aussi intéressante que glaçante à découvrir avec précaution faute de son climat austère limite antipathique. En tout état de cause il ne laisse pas indifférent pour les amateurs de raretés indépendantes si bien qu'un second visionnage y serait profitable afin de mieux l'apprivoiser et s'y approprier son essence hermétique. 

*Eric Binford.

jeudi 28 octobre 2021

Alone in the Dark / Dément

                                             
                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imbd.com

de Jack Sholder. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Dwight Schultz, Deborah Hedwall, Donald Pleasence, Jack Pallance et Martin Landau.

Sortie salles France: ?. U.S: 12 Novembre 1982

FILMOGRAPHIEJack Sholder est un réalisateur américain, né le 8 juin 1945 à Philadelphia. 1973: The Garden Party (court-métrage). 1982: Alone in the dark. 1985: Le Revanche de Freddy. 1987: Hidden. 1988: Vietnam War Story 2. 1989: Flic et Rebelle. 1990: By Dawn's Early Light (télé-film). 1993: 12H01: prisonnier du temps (télé-film). 1994: Sélection naturelle (télé-film). 1994: The Omen (télé-film). 1996: Generation X (télé-film). 1997: Panique sur l'autoroute (télé-film). 1999: Wishmaster 2. 2001: Arachnid. 2002: Beeper. 2004: 12 Days of terror.


Jack Sholder, modeste artisan révélé en 1987 par Hidden (Grand Prix à Avoriaz tout de même !), se fit connaître auprès des amateurs d'horreur avec ce premier long abordant le psycho-killer parmi la présence d'un trio de vénérables vétérans (Martin LandauDonal Pleasance et Jack Palance). Ainsi, à partir d'une idée simple mais originale (profitant d'une gigantesque panne électrique, quatre psychopathes s'échappent d'un asile  pour semer la terreur chez une famille ricaine), Jack Sholder réalise un petit miracle d'efficacité où terreur et humour noir se télescopent harmonieusement. Et si certaines situations s'avèrent éculées, son réalisme inopiné (renforcé du jeu étonnamment convaincant des interprètes, notamment auprès du jeu naturel de l'attachante Elizabeth Ward du haut de ses 12/13 ans) ainsi que la dérision macabre que le réalisateur emploie avec sagacité permet d'y détourner les clichés, effets de surprise en sus. Je songe surtout à la séquence du "monstre du placard" illustrant un jeune couple en étreinte réfugié sous la couette alors que l'un des tueurs est planqué à un endroit inhabituel de la chambre ! Mais bien avant ce principe ludique du huis-clos cauchemardesque, Jack Sholder cumule les séquences humoristiques ou saugrenues en nous présentant les patients de l'hôpital que le Dr Leo (Donald Pleasance toujours aussi naturellement magnétique) éduque avec un humanisme lunaire. Une première partie fort plaisante donc traité avec réalisme décalé, notamment lorsque le Dr Dan Potter (endossé avec aplomb par le méconnu Dwight Schultz) s'invite dans une boite punk sous l'influence de sa soeur et de son épouse. 


Par cette occasion débridée d'ambiance de carnaval (les chanteurs sont affublés de costumes horrifiques), les nostalgiques de cette tendance musicale marginale éprouveront les joies festives de la danse désordonnée du Pogo. Alors que dès que nos quatre demeurés se retrouvent en liberté pour se venger du suppléant Dan Potter (car persuadés que ce dernier est responsable de la mort de l'ancien praticien), le film s'adonne à une série de péripéties meurtrières renforcées d'un humour noir irrésistible. Il faut dire que nos quatre lurons s'en donnent à coeur joie pour perpétrer leurs exactions à travers leur complicité railleuse rancunière. L'ambiance horrifico-saugrenue s'affirmant davantage vers l'ultime demi-heure, home invasion affolant lorsque la famille du Dr Potter tentera de se prémunir contre la menace externe tentant de pénétrer à moult reprise en interne de leur bâtisse. Là aussi, Jack Sholder réussit à nous convaincre d'une situation rebattue au gré de rebondissements vigoureux rehaussés de la caractérisation affolée des protagonistes usant pour autant de bravoure pour venir à bout de l'intrusion dégénérée des envahisseurs au rictus diablotin (Martin Landau en tête de peloton). Or, derrière cette satire macabre fort ludique s'y dévoile  une certaine réflexion sur la réinsertion sociale des schizophrènes en y adoptant une démarche humaniste pleinement inscrite dans la tolérance. Si bien qu'au final, nous comprendrons pour quelle véritable motivation affective nos demeurés s'étaient empressés de venger la disparition du médecin altruiste particulièrement compétent pour pouvoir les comprendre, les aimer et éventuellement les guérir.


Doctor in love
Sous couvert d'une parabole sur la névrose sociétale (un dément y est tapi en chacun de nous !), Alone in the Dark demeure donc une perle (rare) d'humour noir malencontreusement occultée de nos jours en dépit de son irrévocable efficacité à jouer au jeu du chat et de la souris sous l'impulsion d'aimables vétérans désaxés s'en donnant à coeur joie dans leurs expressions décomplexées.    

*Eric Binford
28.10.21. 3èx
04.04.13. 129v

mercredi 27 octobre 2021

La Proie d'une Ombre

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Night House" de David Bruckner. 2020. U.S.A. 1h47. Avec Rebecca Hall, Stacy Martin, Sarah Goldberg, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall. 

Sortie salles France: 15 Septembre 2021. U.S: 20 Août 2021

FILMOGRAPHIEDavid Bruckner est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain né en 1977 ou 1978. 2007 : The Signal (coréalisé par Dan Bush et Jacob Gentry). 2011 : Talk Show (court métrage). 2012 : V/H/S - segment Amateur Night. 2015 : Southbound - segment The Accident. 2017 : Le Rituel (The Ritual). 2019 : Creepshow (série TV) - 2 épisodes. 2020 : La Proie d'une ombre (The Night House). Prochainement : Hellraiser. 


Qu'est-ce qu'il y a ? Y'a rien là-bas. 
- Je sais.
Après nous avoir surpris avec la production Netflix, le Rituel, David Brucker s'affirme encore plus avec son dernier né, La Proie d'une Ombre. Une ghost story intimiste d'une belle sobriété quant à sa capacité maîtrisée de nous faire croire au surnaturel par l'entremise d'une réflexion spirituelle. Celle d'une foi à l'existence du Bien et du Mal selon nos convictions tant et si bien que la protagoniste en berne qui nous est habilement esquissée sera mise à l'épreuve auprès d'une énigme filandreuse constamment captivante. Car si La Proie d'une Ombre s'avère aussi inquiétant, étrange, feutré et envoûtant, il le doit beaucoup au brio de son suspense ciselé jouant efficacement avec les codes avec originalité payante. A l'instar de son final haletant exploitant des effets spéciaux aussi réalistes que dépouillés lorsque le cinéaste met en pratique les exactions d'une présence invisible que l'on croirait extirpée du parangon l'Emprise de Sidney J. Furie

Outre son suspense charpenté ne cessant de nous interroger sur la fragilité morale de l'héroïne naviguant entre rêve (/ hallucinations) et réalité, La Proie d'une Ombre est d'autant plus renforcé du jeu fébrile de Rebecca Hall parvenant à nous retransmettre une palette d'émotions tranchées ou incertaines à travers son investigation personnelle à daigner démêler le vrai du faux au sein d'un contexte macabre d'apparence improbable. Le récit en suspens demeurant suffisamment bien mené, fertile en rebondissements vénéneux pour nous faire douter du désarroi de l'héroïne en proie à une remise en question spirituelle dans sa condition meurtrie d'espérer revoir son être aimé d'autrefois. Celle-ci combattant ses propres convictions rationnelles (tout le récit intime n'étant qu'une épreuve de force) par le biais d'un ectoplasme sciemment équivoque afin de la faire douter de ses certitudes fondées sur le néant. 


L'au-delà
Réflexion sur notre perception du Bien et du Mal sous couvert de fêlures morales éprouvantes originaires d'une love story à la fois malsaine, chétive et poignante (et ce en dépit d'un manque d'émotions et d'intensité dramatique qui auraient pu confiner à la perle rare), la Proie d'une Ombre aborde brillamment le genre horrifique avec autant de soin (formel et technique) que de réalisme sans fard pour nous interroger sur l'influence d'esprits néfastes qui nous entourent selon notre conception existentielle. En d'autre terme, le Mal est bel et bien présent d'après l'alchimiste David Bruckner.

*Eric Binford

mardi 26 octobre 2021

Médecin de Nuit

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Élie Wajeman. 2020. France. 1h22. Avec Vincent Macaigne, Sara Giraudeau, Pio Marmaï, Sarah Le Picard, Florence Janas, Lou Lampro, Ernst Umhauer.

Sortie salles France: 16 Juin 2021

FILMOGRAPHIEÉlie Wajeman est un auteur, réalisateur et scénariste français né le 21 août 1980. 2012 : Alyah. 2015 : Les Anarchistes. 2020 : Médecin de nuit. 

"Dans chaque rue, il y a un inconnu qui rêve d'être quelqu'un. C'est un homme seul, oublié, qui cherche désespérément à prouver qu'il existe."

Probablement influencé par la série TV homonyme créée par Bernard Kouchner, Hervé Chabalier et  Gilles Bression et diffusée entre le 22 septembre 1978 et le 27 juin 1986 sur Antenne 2, Médecin de Nuit en reprend le concept de base (la virée nocturne d'un praticien soignant ses malades à leur domicile le temps d'une nuit de labeur) sous un contexte contemporain de misère sociale (la toxicomanie juvénile) et de corruption professionnelle (trafic d'ordonnances pour la prescription de Subutex). Magnifique portrait d'un individu paumé victime de sa clémence, de sa fragilité morale et de son altruisme débonnaire,  Vincent Macaigne porte le film à bras le corps au coeur de cette cité urbaine crépusculaire que l'on croirait extirpée des années 80 (alors que le film, très sombre et clinique, semble hors du temps par ce classicisme monocorde dénué de fioriture). Le réalisateur recourant avec certain souci documenté à l'ambiance anxiogène, davantage dépressive au fil des déambulations de Mickaël très attaché à prêter main forte aux plus précaires et démunis (surtout les jeunes toxicos) tout en tentant de sauver son couple en dépit de son attirance pour sa jeune maîtresse (plus lucide que lui car sans illusion). 

Tous les interprètes, criants de naturel, jouant sobrement leur humanisme contrarié, empathique autour de ce médecin lunatique plongé dans un imbroglio vénal parmi la complicité du cousin Dimitri auquel il livre ces ordonnances. Riche d'intensité dramatique pour ce profil torturé se remettant sans cesse en question dans une posture contradictoire incohérente, Vincent Macaigne apporte une aspérité psychologique captivante à tenter de s'extraire maladroitement de sa besogne peu recommandable. Car anti-héros dénué de manichéisme, celui-ci cherche désespérément du fond de sa conscience démunie une main secourable puisque accablé par sa solitude et ses remords de s'être adonné à autant de charité se retournant au final contre lui. Homme enfant si j'ose dire probablement blessé par une démission parentale lors de son enfance (ça n'est que ma réflexion personnelle) et par une société arbitraire à 2 vitesses, Mickael arpente les rues parisiennes entre angoisse morale et cri de rage externe, notamment en tenant compte de ses ripostes physiques qu'il ose opérer contre ses antagonistes dénués de morale. Une manière expéditive d'y prouver son autorité au moment d'y essuyer moult menaces et chantages toujours plus draconiens. 


Un monde sans pitié
Séance intime de cinéma vérité anti diction théâtrale (rare pour ne pas le souligner dans le paysage du cinéma Français), Médecin de Nuit se décline en odyssée urbaine désenchantée (de triste actualité) à travers son climat de déréliction tangible que les interprètes insufflent avec un humanisme désargenté. La mise en scène, prude et personnelle, étant entièrement soumise à leurs actions fébriles au sein de cette cité atone évanescente (avec un dénouement bipolaire laissant libre choix au spectateur d'y opérer sa propre conclusion). Un des meilleurs films de 2021, toutes nationalités confondues.

*Eric Binford

vendredi 22 octobre 2021

Total Recall

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paul Verhoeven. 1990. U.S.A. 1h53. Avec Arnold Schwarzenegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone, Ronny Cox, Michael Ironside, Marshall Bell, Mel Johnson Jr.

Sortie salles France: 17 Octobre 1990 (Int - 12 ans). U.S: 1er Juin 1990

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam. 1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle. 2021 : Benedetta. 

Blockbuster inspiré d'une nouvelle de Philip K. Dick sous la houlette du hollandais Paul Verhoeven, Total Recall demeure un excellent film d'action transplanté dans le cadre d'une anticipation schizophrène. Et ce en dépit d'effets spéciaux aujourd'hui kitchs mais néanmoins réussis, ce qui renforce aujourd'hui un charme rétro non négligeable. Le scénario irracontable relatant la tentative houleuse de Douglas Quaid à récupérer sa mémoire après avoir (peut-être) participé à un voyage sur Mars grâce à ses vagues réminiscences. En dépit d'un récit sciemment confus ne cessant de semer le doute sur ce que nous voyons et interprétons au fil du parcours moral du héros en constante interrogation identitaire, Total Recall est avant tout un généreux film d'action mené de main de maître par un Paul Verhoeven assez décomplexé à travers le parti-pris de sa violence sanguine à la fois caustique et sardonique. Arnold Schwarzenegger se prêtant au jeu du héros pugnace avec une aisance confirmée si bien que l'on peut prétendre qu'il s'agit sans doute d'un de ses rôles les plus probants à travers sa détermination acharnée à récupérer son profil en compagnie d'une brune aussi farouche que solidaire. 

La méconnue Rachel Ticotin lui partageant la vedette dans une expression spontanée en guerrière latino soutenant le héros pour tenter de dénicher le réacteur à oxygène appartenant à la planète Mars que l'ignoble Cohaagen prive de ses habitants mutants en dictateur mégalo. Quand bien même Sharon Stone participe à la trouble aventure en vénéneuse traitresse usant autant de son charme torride que de son bagout afin de convaincre Quaid qu'il est bel et bien son époux souffrant de grave paranoïa. Enfin, le génial Michael Ironside use lestement de son charisme hostile pour alpaguer durant tout le périple le retors Quaid (notamment grâce à ces gadgets futuristes - à l'instar de l'hologramme - qu'il actionne contre ses ennemis) épaulé de ses sbires armés jusqu'aux dents. Le récit extrêmement nerveux ne lésinant pas sur les gunfights sanglants au gré de chairs déchiquetées par les déflagrations. 


Voyage au centre de la mémoire. 
Inventif, dépaysant, drôle et sans prétention de par ses délirants effets de surprises, rebondissements et détails visuels émanant d'une rutilante scénographie stellaire, généreux en diable pour son action ultra violente impeccablement coordonnée (le dynamisme du montage n'a pas pris une ride !), Total Recall déménage en diable auprès de sa course poursuite effrénée que Schwarzenegger domine avec sa traditionnelle carrure mastard. Le tout servi par un dédale narratif assez captivant de Philip K. Dick nous interrogeant sur la part ambivalente de rêve et de réalité issue d'une schizophrénie que tout un chacun pourrait subir sans s'en apercevoir. 

P.S: Copie 4k fastueuse redorant assurément une seconde jeunesse au métrage. 

*Eric Binford. 
5èx

jeudi 21 octobre 2021

Un Faux Mouvement. Grand Prix / Prix de la Critique, Cognac 93.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"One False Move" de Karl Franklin. 1992. U.S.A. 1h46. Avec Bill Paxton, Cynda Williams, Billy Bob Thornton, Michael Beach, Jim Metzler 

Sortie salles France: 5 Mai 1993. U.S: 8 Mai 1992

FILMOGRAPHIECarl Franklin, né Carl Michael Franklin, est un réalisateur et acteur américain né le 11 avril 1949 à Richmond (Californie). 1989 : Nowhere to Run. 1989 : Eye of the Eagle 2: Inside the Enemy. 1990 : Full Fathom Five. 1992 : Un faux mouvement. 1993 : Laurel Avenue (TV). 1995 : Le Diable en robe bleue. 1998 : Contre-jour. 2002 : Crimes et Pouvoir. 2004 : Out of Time. 

Loin d'être passé inaperçu, tant par la critique unanime de l'époque (celles des journaux, internet étant apparu dans les foyers en 94) que de son Grand Prix et Prix de la Critique à Cognac, Un faux Mouvement ne nous laisse pas indemne sitôt le générique bouclé. Ca démarre fort avec un prologue meurtrier proprement insoutenable lorsque trois malfrats, une métisse, son compagnon blanc et un black de type intello déciment les membres d'une soirée festive pour un enjeu de cocaïne. La violence, rigoureuse, abjecte, crapuleuse, purement gratuite nous horrifiant la vue de par l'exaction sadique d'un des tueurs recourant au self control afin de parfaire sa besogne. Une séquence abominable qui me hantera personnellement à jamais tant son réalisme cru, mais non complaisant, parvient à retranscrire avec souci de vérité le désarroi de la victime féminine aussi impuissante que suppliante face à son tortionnaire. Eprouvant et profondément malsain, ce carnage domestique ne laissera nul répit aux victimes bâillonnées réduites comme objets de soumission. La suite n'est qu'une traque langoureuse entre ce trio de psychopathes poursuivi par 2 flics émérites et un jeune shérif champêtre, et qui, durant l'enquête, tentera de prouver à ces policiers de la ville qu'il est à la hauteur de les appréhender après les avoir surpris de railleries contre lui. 


Bill Paxton
endossant à la perfection ce shérif naïf et inconséquent à l'évolution morale plus complexe qu'elle n'y parait, notamment si je me réfère aux rapports étroits qu'il eut entamé autrefois avec l'un des 3 malfrats. Ainsi, en conjuguant le film noir âpre et désespéré avec le drame familial d'une intensité dramatique graduelle, Un faux Mouvement nous immerge de plein fouet dans cette équipée immorale par le biais d'une ambiance crépusculaire davantage élégiaque. Tant et si bien que l'on redoute inévitablement l'issue de cette sordide virée criminelle avec un désarroi appréhensif, la gorge nouée au bord des larmes. Notamment en s'attachant aux personnages les plus paumés et infortunés que personnifient le shérif Dale Dixon et Lila, jeune métisse influençable, lâche et pathétique mais pour autant nantie d'une affectation maternelle franchement poignante. Karl Franklin se chargeant d'humaniser ses personnages complexés Spoil ! par le biais de leur passé conjugal à la fois chaotique, déviant, équivoque, désargenté. Autrement dit un couple raté n'ayant jamais su remonter la pente, faute de sermons et cruelle rancoeur d'origine xénophobe Fin du Spoil

Virée criminelle d'une grave intensité dramatique, tant auprès de ses éclairs de violence incontrôlés que le public subit avec dégoût et amertume, que des rapports psychologiques des personnages les plus torturés et vulnérables, Un Faux Mouvement s'édifie en chef-d'oeuvre crépusculaire (l'ambiance solaire envoûtante cède ensuite place aux nuits viciées de la façon la plus imprévue) sous l'impulsion d'un cast irréprochable faisant parfois froid dans le dos à travers leur perversité d'un flegme glaçant (Billy Bob Thornton et surtout Michael Beach plus dépouillé que son partenaire formant un tandem résolument insidieux et décomplexé). Un des plus grands polars des années 90 d'une saveur d'âpreté toujours intacte, si bien qu'il se doit d'être réservé à un public averti.

*Eric Binford
21.10.21. 4èx
28.03.01

mercredi 20 octobre 2021

Titane. Palme d'Or, Cannes 2021

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Julia Ducournau. 2021. France/Belgique. 1h48. Avec Vincent Lindon, Agathe Rousselle, Garance Marillier, Laïs Salameh, Dominique Frot, Myriem Akheddiou, Bertrand Bonell.

Sortie salles France: 14 Juillet 2021. U.S: 1er Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Julia Ducournau est une réalisatrice et scénariste française née le 18 novembre 1983 à Paris. 2011 : Mange (téléfilm co-réalisé avec Virgile Bramly). 2016 : Grave. 2021: Titane. 

Révélé par l'oeuvre choc Grave et son Grand Prix (mérité) à Gérardmer, Julia Ducournau n'en finit plus de déranger les consciences avec sa nouvelle provocation, Titane, pour le coup couronné de la Palme d'Or à Cannes ! Ca-rré-ment ! Aussi improbable que cela puisse paraître comme ont pu le souligner le public de la croisette médusé par son contenu indocile. Une hérésie diront certains, une farce de mauvais goût vociférèrent d'autres ! A tort mais aussi à raison si bien que l'on se demande ce qui a bien pu passer par la tête des membres du jury d'ovationner une oeuvre trash aussi marginale, aussi décalée, aussi viscéralement malaisante, pour ne pas dire dérangeante ad nauseam (principalement pour la séquence finale anthologique relevant de l'impensable Spoil ! en mode Tetsuo si je puis dire Fin du Spoil). Car d'une rutilante beauté à travers sa photo clinquante, ses effets de style baroques et sa sensualité sulfureuse jonglant avec la bisexualité, Titane ne ressemble à rien de connu bien que certaines références au cinéma de Cronenberg et à Crash sont sciemment nécessaires par sa réalisatrice férue de passion  amoureuse pour le maître canadien adepte de la nouvelle chair. Parlons en de cette nouvelle chair qui semble prendre possession du corps de cette tueuse en série contrainte d'apprendre à aimer un père de substitution afin d'échapper à la police suite à ces homicides sanguins (violence crue à l'appui en mode Gaspard Noe).  

L'actrice Agathe Rousselle se vouant corps et âme à se tailler une carrure dégingandée de monstre transgenre afin de taire sa véritable identité souillée par le sang et la démission parentale. Portant le film à bout de bras, celle-ci parvient autant à nous enivrer qu'à nous déstabiliser dans sa psychopathie irrévocable à la suite du traumatisme accidentel de son enfance. Sa transformation corporelle donnant lieu à un climat de malaise à la fois sous-jacent puis tangible au fil de son évolution morale à changer d'identité pour l'amour du nouveau père. Constamment inquiétant, vénéneux, toujours imprévisible (d'où le plaisir constamment éprouvé au fil de l'intrigue reptilienne dont on ignore l'issue éventuelle de rédemption !), décalé et parfois déjanté, Titane tire parti de son pouvoir attractif de par la mise en scène infiniment inspirée de Julia Ducournau déclarant sa flamme au cinéma hétérodoxe conçu pour diviser le public. Vous voilà donc à nouveau prévenu après le controversé Grave que certains ont radicalement discrédité (ce qui ne risque pas de les réconcilier avec Titane). Car outre l'intensité expressive de son étonnant casting (notamment Vincent Lindon monopolisant l'écran en pompier toxico incapable d'assumer sa perte filiale - son meilleur rôle à l'écran -), Titane demeure aussi original que constamment inventif à nous servir sur un plateau faisandé une intrigue sinueuse faisant office d'expérimentation viscérale. La réalisatrice s'efforçant de troubler, déranger par le brio de sa mise en scène parfois frontale (sa violence incisive) ainsi que par les comportements physiques des 2 anti-héros du récit (Alexia / Vincent s'apprivoisant mutuellement) martyrisant leurs corps par les effets laxatifs de la drogue et du sexe. 

Plaidoyer pour le droit à la différence et à la liberté sexuelle (quelque soit notre orientation) dans une mise en forme sciemment marginale et burnée, Titane se décline en authentique oeuvre culte à travers sa capacité formelle et viscérale d'y transfigurer (le verbe est sciemment un peu fort !) un amour paternel désespéré où la tendresse humaniste ne peut se concevoir qu'à partir d'une nouvelle chair scarifiée de plaies inguérissables. Une oeuvre bâtarde au demeurant n'ayant jamais la prétention de divertir son public pour le caresser dans le sens du poil. Car comme avec l'éclatant Grave et sa satire du végétarisme, Titane ne cessera de diviser faute de sa subtile outrance aussi malaisante que fascinante. En tout état de cause, il s'agit selon moi d'une vraie proposition de cinéma biologique sortant des sentiers battus (au risque délibéré de me réitérer) si bien que l'on s'extrait de la séance, entre soulagement, catharsis, ivresse et interrogation de ce à quoi nous venons de vivre et de participer.  

P.S: Julia, si tu me lis demain (soyons un tantinet perché), je t'aime les yeux fermés 💗

Récompense: People's Choice Award du Festival de Toronto. 
Palme d'Or, Cannes 2021
- (En attendant son éventuelle récompense aux Oscars)

                                  Ce qu'en a conclu l'ensemble de la critique : 






mardi 19 octobre 2021

Le Fils de Frankenstein

                                                                      Photo empruntée sur Google 

"Son of Frankenstein" de Rowland V. Lee. 1939. U.S.A. 1h39. Avec Basil Rathbone, Boris Karloff, Bela Lugosi, Lionel Atwill, Josephine Hutchinson, Donnie Dunagan, Emma Dunn.

Sortie salles France: 29 Mars 1939

FILMOGRAPHIE PARTIELLERowland Vance Lee, né le 6 septembre 1891 à Findlay et mort le 21 décembre 1975 à Palm Desert (États-Unis), est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain. En tant qu'acteur, il est crédité sous le nom de Rowland Lee.1931 : The Guilty Generation. 1932 : That Night in London. 1933 : Révolte au zoo. 1933 : I Am Suzanne! 1934 : Le Comte de Monte-Cristo. 1934 : Gambling. 1935 : Cardinal Richelieu. 1935 : Les Trois Mousquetaires. 1936 : One Rainy Afternoon. 1937 : L'Étrange visiteur. 1937 : L'Or et la Chair. 1938 : Bonheur en location. 1938 : Service de Luxe. 1939 : Le Fils de Frankenstein. 1939 : Frères héroïques. 1939 : La Tour de Londres. 1940 : Le Fils de Monte-Cristo. 1942 : Powder Town. 1944 : The Bridge of San Luis Rey. 1945 : Le Capitaine Kidd. 

Ultime épisode de la trilogie Frankenstein immortalisée par Boris Karloff, le Fils de Frankenstein fleure bon l'épouvante vintage sous la houlette de Universal (Monsters). Car bien que l'acteur regrette d'avoir participé à ce 3è opus, le Fils de Frankenstein est une splendide réactualisation du mythe de par sa fulgurance formelle (noir et blanc expressionniste, décors baroques au sein du vaste château, cadrages alambiqués, éclairages contrastés) et l'efficacité d'une intrigue mettant en exergue les exactions perfides de l'assistant Igor magnifiquement incarné par Bela Lugosi. Probablement un de ses meilleurs rôles tant l'acteur se délecte à se tailler une carrure démanchée, faute de son cou brisée par la pendaison, qui plus est saturé d'un regard sournois transpirant le vice à travers son rictus édenté. Ce dernier jouant une fonction faussement paternelle auprès du monstre afin de se venger des responsables de sa pendaison auquel il réchappa in extremis. 

Dans celui du baron Wolf (loup y est tu ?), fils de Henry Frankenstein, Basil Rathbone excelle également à se compromettre à la complicité d'une résurrection depuis que le monstre est plongé dans un coma. Son amitié équivoque avec le policier Krogh (excellement incarné par Lionel Atwill avec son bras amovible plus vrai que nature !) nous caractérisant peu à peu un homme plutôt lâche et impuissant à loser lui ébruiter la vérité en dépit des morts qui s'accumulent au village maudit de nouveau hanté par la présence du monstre. Et bien que cet opus ne soit pas réalisé par l'illustre James WhaleRowland V. Lee s'en sort haut la main à honorer dignement la franchise, notamment en y respectant le choix de Karloff à renouer avec la pantomime (à contrario du précédant volet donc) afin de rendre encore plus fascinant le monstre à nouveau victime de l'arrogance de l'homme ici voué à se venger. Le monstre répétant à son tour la même démarche punitive (tel père, tel fils !) à un moment propice de l'intrigue, de manière habile à relancer l'action vers un axe autrement dramatique.  

Aussi fascinant pour ses décors baroques vus nulle part ailleurs que passionnant pour la caractérisation consciencieuse de ses personnages jouant à nouveau les apprentis sorciers sous la mainmise d'un odieux forgeron que Lugosi immortalise au point d'y voler presque la vedette du monstre, le Fils de Frankenstein, s'il n'atteint pas la dimension poétique de ses prédécesseurs, demeure un classique incontournable de la Universal de par son authenticité monochrome infiniment minutieuse. Un fascinant spectacle donc remarquablement mené sans temps morts. 

*Eric Binford
2èx

lundi 18 octobre 2021

Les Grands Fonds

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The deep" de Peter Yates. 1977. U.S.A. 2h04. Avec Robert Shaw, Jacqueline Bisset, Nick Nolte, Louis Gossett Jr., Eli Wallach, Dick Anthony Williams. 

Sortie salles France: 21 Septembre 1971. U.S: 17 Juin 1977

FILMOGRAPHIE: Peter Yates, né le 24 juillet 1929 à Aldershot et mort le 9 janvier 2011 à Londres1, est un réalisateur britannique. 1964 : One Way Pendulum. 1967 : Trois milliards d'un coup. 1968 : Bullitt. 1969 : John et Mary. 1971 : La Guerre de Murphy. 1972 : Les Quatre Malfrats. 1973 : Les Copains d'Eddie Coyle. 1974 : Ma femme est dingue. 1976 : Ambulances tous risques. 1977 : Les Grands Fonds. 1979 : La Bande des quatre. 1981 : L'Œil du témoin. 1983 : L'Habilleur. 1984 : Krull. 1985 : Eleni. 1987 : Suspect dangereux. 1988 : Une femme en péril. 1989 : Délit d'innocence. 1992 : Year of the Comet. 1995 : Un ménage explosif.


Film oublié, voir même mésestimé, peut-être parce qu'il s'agit de l'adaptation d'un roman de Peter Benchley et que 2 ans plus tôt Les Dents de la Mer emporta tous les suffrages en révolutionnant le Blockbuster horrifique; Les Grands Fonds demeure toutefois un formidable film d'aventures comme on en fait plus de nos jours (numérisés). Car l'intrigue a beau se réduire à la simplicité pour son schéma convenu, la mise en scène solide de Peter Yates (Bullitt, excusez du peu), le jeu résolument impliqué de son prestigieux cast (Jacqueline Bisset, Robert Shaw et Nick Nolte se partagent la vedette à parts égales en aventuriers en herbe) et son climat sous marin quelque peu envoûtant insufflent un rythme nerveux aussi captivant que tendu quant aux effets de suspense dramatiques. 


Mais si les Grands Fonds demeure aussi plaisant que charmant à travers son cadre exotique magnifié d'un scope et d'une photo saturée, il le doit notamment à la dextérité de Peter Yates à travers son art d'y conter son histoire de manière à la fois limpide et charpentée. Car en tablant sur l'enjeu d'une improbable chasse au trésor des flots bleus que se disputent bons et méchants, Peter Yates cultive tout le long du récit un réalisme quasi documenté à travers la beauté des fonds marins et de ces poissons parfois hostiles qui environnent l'épave (réservant par ailleurs quelques méchantes déconvenues !) et auprès de sa violence oppressante ne lésinant pas sur une certaine cruauté. Nombre de rebondissements et de corps à corps musclés demeurant fort convaincants parmi l'implication des comédiens se combattant physiquement avec une scrupuleuse intensité (dans la mesure où l'on s'inquiète pour leur sort, même auprès des seconds-rôles, tout en souffrant moralement pour leur blessure invoquée sans concession par des antagonistes sournois). 


Divertissement d'aventure artisanal, tant auprès du savoir-faire de sa mise en scène consciencieuse, de l'aplomb des comédiens que de sa scénographie maritime à la fois inquiétante et fascinante (les moults déconvenues que nos protagonistes endurent avec sobre héroïsme), les Grands Fonds ne se laisse jamais influencer par l'ennui au fil de sa fascinante intrigue fertile en détails historiques afin d'y crédibiliser l'origine du trésor convoitée par d'audacieux baroudeurs. Très agréable et dépaysant en diable. 

*Eric Binford
2èx

mercredi 13 octobre 2021

La Compagnie des Loups. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 1985.

                                                                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

"The Compagny of Wolves" de Neil Jordan. 1984. Angleterre. 1h35. Avec Sarah Patterson, Angela Lansbury, David Warner, Tusse Silberg, Micha Bergese, Graham Crowden, Kathryn Pogson.

Sortie salles France: 23 Janvier 1985. U.S: 19 Avril 1985. Angleterre: 21 Septembre 1984

FILMOGRAPHIENeil Jordan est un réalisateur, producteur, scénariste et écrivain irlandais, né le 25 Février 1950 à Sligo. 1982: Angel. 1984: La Compagnie des Loups. 1986: Mona Lisa. 1988: High Spirits. 1989: Nous ne sommes pas des Anges. 1991: L'Etrangère. 1992: The Crying Game. 1994: Entretien avec un Vampire. 1996: Michael Collins. 1997: The Butcher Boy. 1999: Prémonitions. 1999: La Fin d'une Liaison. 2002: L'Homme de la Riviera. 2005: Breakfast on Pluto. 2007: A vif. 2009: Ondine. 2012: Byzantium


Adaptation cinématographique du fameux conte de Perraultla Compagnie du loup empreinte la légende du Petit Chaperon Rouge dans une texture horrifico-hermétique. Car à travers les songes d'une jeune adolescente en émoi sexuel, Neil Jordan nous confine dans un univers particulièrement baroque où la féerie côtoie l'étrangeté. Entièrement tourné en studio afin d'accentuer le côté fantasmatique des "rêves" de l'héroïne, le film baigne dans un esthétisme onirique quelque peu envoûtant parmi son village médiéval implanté au coeur d'une forêt auquel les animaux font office d'effigie. En l'occurrence, il n'y a pas vraiment de structure narrative mais plutôt un assemblage d'historiettes fondées sur la crainte du loup. Une manière d'interpeller l'éveil à la séduction d'une adolescente surprise par sa croissance physique et intellectuelle (notamment son attirance/répulsion pour le passage à l'âge adulte). Le loup étant ici une métaphore afin de mettre en exergue le côté prédateur de l'homme lorsqu'il s'agit d'un dangereux séducteur prêt à commettre ses méfaits sexuels sur une jeune pubère. Ainsi, à travers cette analogie, on peut d'ailleurs y déceler une mise en garde de la pédophilie (et des pervers sexuels) si bien qu'ici l'adulte est pleinement conscient d'y courtiser une adolescente candide. 


Imprégné d'images picturales où les animaux et la nature communient, et émaillé de symboles métaphoriques, la Compagnie des Loups transcende l'excursion baroque d'une jeune fille prête à aborder le grand méchant loup ! Dans un climat diaphane à l'aura impénétrable, Neil Jordan réussit à transfigurer le conte de fée en cauchemar psychanalytique pour les rapports de couple (les thèmes de l'adultère, de la phallocratie et du flirt dominent leur comportement). A l'instar du jeu de séduction qu'entretiennent l'homme et la femme, leur attirance charnelle étant extériorisée par la pulsion sexuelle. Quand bien même notre petit chaperon maquillé de rouge à lèvres finira par se laisser influencer par l'apparence sournoise du loup. Pour les brèves séquences de transformation, si les FX peuvent aujourd'hui paraître un brin datés, il ne manque pas d'originalité dans leur conception afin de se distinguer de ses homologues ayant préalablement accompli le miracle technique (l'inévitable diptyque: Hurlementsle Loup-garou de Londres). Enfin, on peut saluer la présence charismatique des comédiens (les rôles impartis à la grand-mère et au chaperon rouge semblent s'être évacués du conte de Charles Perrault !), des personnages iconiques se combinant parfaitement avec l'environnement dépeint !


Abstrait, opaque et davantage envoûtant lors d'un final confinant au sublime, La Compagnie des Loups demeure la caractérisation idéale du cinéma fantastique adulte tentant de proposer au public un spectacle atypique, voir difficile d'accès en y réfutant les conventions et la trivialité du divertissement. Ainsi, à l'instar du célèbre livre de Charles Perrault, La Compagnie des Loups est un classique destiné à la pérennité, à revisionner plusieurs fois pour mieux l'apprivoiser, notamment pour en savourer toute sa substance dangereusement lascive.  

Eric Binford
17.01.14. 306 v
13.10.21. 4èx

RécompensesPrix Spécial du Jury à Avoriaz, 1985
Grand Prix, Prix de la Critique, Prix des Effets-spéciaux, Sitges 1984
Prix du meilleur filmmeilleurs effets spéciaux (Christopher Tucker) et prix de la critique internationale au Festival du film de Catalogne, 1984.
Mention Spéciale au Fantafestival, 1985
Prix du meilleur filmprix du juryprix de la critique et prix des meilleurs effets spéciaux au Festival de Fantasporto, 1985.

mardi 12 octobre 2021

Sanglante Paranoïa / Brain dead

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Adam Simon. 1990. U.S.A. 1h24. Avec Bill Pullman, Bill Paxton, Bud Cort, Nicholas Pryor, Patricia Charbonneau, George Kennedy 

Sortie salles France: 27 Janvier 1993 (Janvier 90 à Avoriaz). U.S: 19 Janvier 1990

FILMOGRAPHIEAdam Simon, né le 6 février 1962 à Chicago, dans l'Illinois (États-Unis), est un scénariste et réalisateur américain. 1990 : Sanglante Paranoïa. 1992 : Body Chemistry II: The Voice of a Stranger. 1993 : Carnosaur. 


Série B native de 1990 mais sortie chez nous 3 ans plus tard; Sanglante Paranoïa est un sympathique divertissement horrifique surfant sur le concept paranoïde de l'éprouvant l'Echelle de Jacob. Interprété par Bill Pullman et Bill Paxton dans des rôles inévitablement équivoques, le récit, redondant mais pour autant efficace, relate la schizophrénie galopante d'un éminent neurochirurgien, Rex Martin, décidé à opérer John Halsey, brillant mathématicien devenu paranoïaque à la suite du massacre de sa famille. Alors que l'opération demeure un succès (le sujet semble retrouver la raison); Rex Martin perd peu à peu la boule à la suite d'hallucinations sanglantes. 


Ainsi, en suivant le délire psychotique de celui-ci lourdement éprouvé par sa nouvelle identité (tout l'entourage le prend pour John Halsey !), le spectateur ne parvient plus comme lui à distinguer la réalité des hallucinations récursives à travers des séquences ubuesques dénuées de raison. D'où l'intérêt expérimental du métrage à nous semer (parfois très efficacement) doute, confusion et malaise psychologique. Et bien que la réalisation manque clairement de maîtrise et que le scénario joue un peu trop avec l'inexpliqué comme le surligne sa conclusion ambivalente (à moult niveaux de lecture), Sanglante Paranoïa parvient parfois à terrifier (cérébralement parlant), avec parfois un goût prononcé pour l'onirisme formel (les papillons s'extirpant du crane). Inquiétant, perfide et débridé, Sanglante Paranoïa exploite donc assez efficacement une horreur cérébrale insécure dans un format de série B à la fois modeste et bricolée. A découvrir avec curiosité en y retenant surtout une effrayante lobotomie séculaire filmée en noir et blanc documenté. Malaise garanti !  

*Eric Binford.
2èx

mercredi 6 octobre 2021

Old

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de M. Night Shyamalan. 2021. U.S.A. 1h48. Avec Gael García Bernal, Vicky Krieps, Rufus Sewell, Alex Wolff, Thomasin McKenzie, Abbey Lee Kershaw. 

Sortie salles France: 21 Juillet 2021. U.S: 23 Juillet 2021

FILMOGRAPHIE: M. Night Shyamalan est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, d'origine indienne, né le 6 Août 1970 à Pondichéry. 1992: Praying with Angers. 1998: Eveil à la vie. 1999: Sixième Sens. 2000: Incassable. 2002: Signs. 2004: Le Village. 2006: La Jeune fille de l'eau. 2008: Phenomènes. 2010: Le Dernier maître de l'air. 2013: After Earth. 2015: The Visit. 2017: Split. 2019: Glass. 2021: Old. 

Cette peur viscérale de la vieillesse. 
Ce n'est un secret pour personne, M. Night Shyamalan est capable du meilleur comme du pire, et ce de façon métronome depuis la genèse de sa carrière. Ainsi, à chaque nouveau projet qui se profile, on reste dans l'espoir de retrouver le talent de cet habile artisan voué corps et âme à sa passion pour le genre Fantastique. Et je peux présumer qu'avec Old, Shyamalan nous réconcilie à nouveau avec lui tant cet épisode grandeur nature de la 4è Dimension nous captive et nous met mal à l'aise sans se laisser dériver vers un goût d'inachevé. Aussi standard soit son schéma narratif adepte de rebondissements horrifiques en pagaille. Car tout est dans l'art et la manière d'y maîtriser son histoire en progression dramatique spécialement malsaine. A l'instar de son twist final aussi crédible qu'intelligent y dénonçant Spoil !!! les dérives de la recherche médicale à force de vouloir nous empêcher de mourir Fin du Spoil. Un thème plus qu'actuel faisant inévitablement écho à la pandémie mondiale de la Covid tout en égratignant en filigrane notre société formaliste adepte de chirurgie esthétique afin d'éclipser notre peur innée de la vieillesse. Recrutant un casting hétéroclite d'acteurs aussi inquiétants que convaincants (certains visages hagards ou patibulaires font froid dans le dos à travers des plans serrés fondés sur leur incompréhension), Old parvient furtivement à insuffler un sentiment d'angoisse paranoïde qui ira crescendo au fil des incidents cauchemardesques que subira un groupe de touristes confinés sur une plage. 


Photo scope et décors splendides; la scénographie tropicale nous offre un contraste saisissant auprès de ses protagonistes en proie à un commun désarroi davantage dépressif. Dans la mesure où ceux-ci subiront un nombre incalculable d'incidents cauchemardesques à travers leur déliquescence à la fois corporelle et cérébrale. Ces derniers souffrant de maladie plus ou moins grave, raison pour laquelle ils s'exilèrent au sein de cette cure thermale faisant office de complexe touristique pour familles bourgeoises. Epreuve insurmontable de survie au sein de ce no man's land mutique terriblement hostile (si je me réfère aux immenses rochers qui entourent la berge), Old cultive un sentiment d'insécurité permanant de par son rythme effréné d'y cumuler l'horreur des situations improbables avec une intensité dramatique infaillible. Car paranoïaque en diable, nos protagonistes toujours plus esseulés ne devront compter que sur leur indépendance pour tenter de rester en vie au sein de ce décor paradisiaque redoutablement insidieux. Tant et si bien que l'empathie éprouvée pour eux demeure toujours prégnante, même auprès des personnages superficiels les plus antipathiques (la blondasse fluette aux yeux bleus obsédée par son enveloppe corporelle faisant office d'anguille écervelée). 


Un Eté d'Enfer
C'est donc en observant la psychologie à la fois torturée et désoeuvrée des personnages que l'appréhension du danger invisible fleurit le mieux sous la houlette d'un Shyamalan plutôt mesquin à molester ses protagonistes sans faire preuve de concession. Autant dire que le cauchemar estival à la fois viscéral, dérangeant et cérébral fonctionne à plein régime pour qui raffole de pitch génialement dingo. Pas un grand film, certes, mais un excellent divertissement horrifique poétiquement morbide que Shyamalan adopte au 1er degré, avec en sus une maîtrise technique parfois singulière (certains mouvements de caméra hyper véloces m'ont paru inédit dans le paysage cinématographique). 

*Eric Binford.