mercredi 30 juin 2021

Le Vampire et le Sang des Vierges

                                          
                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemadequartier.over-blog

"Die Schlangengrube und das Pendel" de Harald Reinl. 1967. Allemagne. 1h23. Avec Lex Barker, Karin Dor, Christopher Lee, Carl Lange, Vladimir Medar, Christiane Rücker.

Sortie salles France: 5 Mars 1969. Allemagne: 5 Octobre 1967


Affichant une carrière prolifique de plus de soixante films, l'autrichien Harald Reinl est surtout connu pour les adaptations des romans d'Edgar Wallace et de Karl May, dont la série des Winnetou, ainsi que deux métrages illustrant le personnage notoire du docteur Mabuse. Mais c'est avec le Vampire et le Sang des Vierges, probablement son oeuvre la plus reconnue et méritoire, que son talent explose de par sa liberté de ton saugrenue. A titre d'anecdote morbide, Harald Reinl accuse un triste destin si bien qu'il décéda le 9 octobre 1986 à Puerto de la Cruz (Espagne), assassiné par sa femme, l'actrice tchèque  Daniela Maria Delis. Tiré d'une nouvelle d'Egard PoeLe Vampire et le sang des vierges nous narre la terrible vengeance du Comte Regula autrefois écartelé par ses bourreaux pour avoir assassiné douze  vierges innocentes 35 ans plus tôt. Mais ses obscures exactions expérimentales étaient conçues pour le compte de l'immortalité. En l'occurrence, Regula, de retour à la vie avec l'aide de son comparse, eut concocté une diabolique machination pour entraîner nos héros, (un faux prêtre, un avocat, une comtesse et sa dame de compagnie) au sein d'un dédale de tous les dangers. Et parmi ses hôtes y sont conviés le fils et la fille des ancêtres responsables de sa mort. Dans la lignée des grands films gothiques influencés par Roger Corman, Mario Bava ou encore par l'illustre firme anglaise, Hammer FilmLe Vampire et le sang des vierges, production allemande auréolée de la présence du dandy Christopher Lee, est un régal esthétique pour l'amateur d'ambiance gothique aux p'tits oignons. Un envoûtement permanent de par ses fastes décors d'une poésie morbide et d'agréments macabres qu'on nous improvise avec une insolence excentrique. 


Reprenant la trame canonique d'une vengeance spectrale héritée du Masque du Démon de Bava (le préambule avec l'idée du masque assorti de pointes pour l'écraser sur le visage de la victime), Le Vampire... se révèle à la fois atypique, fascinant et irrésistiblement ludique. Une variation germanique à l'identité propre car dépeignant un univers baroque complètement décalé à travers sa saturation formelle vue nulle part ailleurs. Ainsi donc, bienvenue dans ce corpus d'images gothiques déployant non sans raffinement des auberges alsaciennes à l'accueil douillet, des villageoises aux joues rubicondes et à poitrine opulente et des bourreaux trapus aux muscles d'airain affublés de cagoules noires. Pour les séquences marquantes, on parachève avec ce coché apeuré fuyant la mort à vive allure sur ses chevaux endiablés au sein d'une forêt enchantée, sans compter cette soudaine vision diaphane de pendus suspendus sur les branches  d'arbres quand bien même d'autres victimes nues y sont carrément ensevelis à travers l'écorce. Mais d'autres surprises encore plus débridées vont intervenir durant l'investigation de nos héros emprisonnés dans le château poussiéreux ! Si bien que l'on peut répertorier ce défilé de vierges ensanglantées affalées sur des instruments de torture ingénieux, ces cranes humains encastrés dans les murs d'un corridor, ces reptiles rampants, volatiles carnassiers et autres mammifères sortis de nulle part, ces cachots humides insalubres suintant la mort ou encore ces pièges machiavéliques planqués sous le sol et à l'intérieur des murs tapissés d'esquisses picturales. Un programme rétro singulier puisant sa force et son charme dans cette forme extravagante laissant libre court à une inventivité débordante parmi l'appui d'une intrigue  ludique truffée de chausses trappes ! Magnifiquement photographié à travers ses teintes polychromes alternant le rouge, le jaune, l'oranger ainsi qu'une touche de mauve criard afin d'exacerber sa frénésie fantasmagorique, le Vampire et le sang des vierges  détonne incessamment sous l'impulsion d'une partition folklorique parfois décalée de par ses sonorités modernes plutôt stylées pour ce type de production gothique !


Sans se compromettre à une vaine outrance formelle et au patchwork d'idées grotesques, Le Vampire et le sang des vierges parvient miraculeusement à s'y harmoniser en rêve éveillé (à la croisée du cauchemar et du merveilleux donc) au travers d'une scénographie picturale parfois novatrice, voire déjantée et souvent ensorcelante. Sans forcément de maîtrise sereine mais avec une générosité et une sincérité sans égales, le franc-tireur Harald Reinl sacralise sous des allures de train fantôme séculaire une quintessence gothique influencée par ses pairs anglais et italiens mais dont sa patte, à la fois autonome et effrontée, se démarque du tout venant ! On peut enfin avouer en guise de cerise que les personnages communément attachants affichent une spontanéité payante dans leur complémentarité solidaire dénuée de prétention. 
     
Anecdote: Le réalisateur se maria entre 1954 et 1968 avec l'actrice allemande Karin Dor, notamment connue pour avoir incarné un rôle dans la série des James Bond, On ne vit que deux fois (1967).

*Eric Binford
30.06.21
17/06/10. 453 v

FILMOGRAPHIE: Harald Reinl, né le 8 juillet 1908 à Bad Ischl, Autriche, décédé le 9 octobre 1986 à Puerto de la Cruz (Espagne), était un scénariste et réalisateur allemand.
1937: Wilde Wasser, 1939: Osterkitour in Tirol, 1948: Zehn Jahre spater, 1949: Bergkristall, 1951: Gesetz ohne Gnade, Nacht am Mont-Blanc, 1952: Hinter Klostermauern, 1952: Der Herrgottschnitzer von Ammergau, 1953: Der Klosterjager, 1954: Der Schweigende Engel, Rosen-Resli, 1955: Solange du lebst, 1956: Ein Herz schlagt fur Erika, La Fée du Bodensee, Johannisnacht, 1957: Die Prinzessin von St.Wolfgang, Die Zwillinge vom Zillertal, Almenrausch und Edelweib, 1958: Les Diables verts de Monte Cassino, U47 - Kapitanleutnant Prien, Romarei, das Madchen mit den grunen Augen, 1959: Paradies der Matrosen, La Grenouille attaque Scotland Yard, 1960: Scotland Yard contre le masque, Wir wollen niemals auseinandergehen, 1961: Der Falsher von London, Le Retour du Dr Mabuse, 1962: L'invisible Dr Mabuse, 1962: Der Teppich des Grauens, Le Trésor du Lac d'Argent, 1963: L'Araignée blanche défie Scotland Yard, Le Mystère du chateau de Blackmoor, La Révolte des Indiens Apaches, 1964: Attaque au fourgon postal, Le Trésor des Montagnes Bleues, 1965: Le Dernier des Mohicans, Winnetou - 3. Teil, 1965: Der Unheimliche Monch, 1966: Das Schwert des Nibelungen, Die Nibelungen, Teil 1: Siegfried, 1967: Die Nibelungen, Teil 2: Kriemhilds Rache, Le Vampire et le Sang des Vierges, 1968: Dynamit in gruner Seide, L'Homme à la jaguar rouge, Winnetou und Shatterhand im Tal Der Toten , 1969: Todesschusse am Broadway, Dr Med. Fabian - Lachen ist die beste Medizin, Pepe, der Paukerschreck, 1970: Erinnerungen an die Zukunft, Wir hau'n die pauker in die Pfanne, 1971: Wer zuletzt lacht, lacht am besten, Kommissar X jagt die roten Tiger, Verliebte Ferien in Tirol, 1972: Sie Liebten sich einen Sommer, Der Schrei der schwarzen Wolfe, Grun ist die Heide, 1973: In search of Ancient Astronauts (TV), Die Blutigen Geier von Alaska, Schlob Hubertus, 1974: Ein Toter Taucher nimmt kein Gold, Der Jager von fall, 1976: Botshchaft der Gotter, 1977: ...und die Bibel hat doch recht, 1982: La Jungle en Folie, 1987: Sri Lanka - Leuchtendes Land.

Wendy

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Benh Zeitlin. 2020. U.S.A. 1h52. Avec Devin France, Elle Fanning, Tommie Milazzo, Allison Campbell, Yashua Mack, Gage Naquin, Gavin Naquin.

Sortie salles France: 23 Juin 2021

FILMOGRAPHIE: Benh Zeitlin est un réalisateur, scénariste, compositeur américain, né à New-York. 2012: Les bêtes du Sud Sauvage. 2020: Wendy.


“La plupart des hommes trahissent leur jeunesse.”
Reconnu pour avoir réalisé le splendide Les Bêtes du sud sauvage en 2012, Benh Zeitlin nous revient 8 ans plus tard avec Wendy. Un second chef-d'oeuvre (le terme est lâché sans rougir !) renouant avec le conte existentiel avec un similaire sens de l'improvisation et de l'impulsion musicale enjouée (on y retrouve les mêmes tonalités exaltées). Car loin de nous livrer une variation hollywoodienne du mythe de Peter Pan, Wendy y demeure le contre-pied d'une vision édulcorée dénuée de personnalité. Une oeuvre indépendante aussi fragile que bouillonnante établie du point de vue de bambins avides de tendresse et d'évasion. Le tout traité dans le non-dit, la pudeur, le sous-entendu, l'imaginaire, la poésie des mots découlant de leurs pensées les plus profondes et intimes. Avec toujours cette cantique éperdue pour la maternité que Wendy nous murmure avec mélancolie gratifiante. Il s'agit donc d'une relecture naturaliste du célèbre personnage créé par le romancier J. M. Barrie comme nul autre cinéaste ne l'eut entrepris avec autant de force de caractère et de fulgurance formelle. Ce qui aura d'ailleurs sans doute rebuté une frange de critiques et de parents responsables boudant son climat vériste dénué de fioritures et de bons sentiments à travers ses personnages plus vrais que nature jouant parfois à des jeux dangereux ou entreprenant des décisions beaucoup trop radicales (le châtiment de la main coupée d'un des protagonistes !). 

Par conséquent, ce qui frappe irrémédiablement à la vision de cette aventure éperdument lyrique émane de la posture dépouillée des enfants d'une expression innocente à donner le vertige de par cette émotion  commune ressentie sans ambages. Benh Zeitlin parvenant à capter les silences au-delà des mots pour les remplir d'humanité avec ces regards candides inscrits dans la pureté existentielle. Ainsi, à travers leur refus impératif de grandir au sein d'une île mystérieuse peuplée de vieillards décatis ayant perdu tout espoir, Wendy et ses amis vont tenter de réanimer chez eux la fougue et la passion d'autrefois (ah cette danse improvisée nous bouleversant aux larmes jouasses !) à travers le pouvoir de suggestion et l'interaction amicale. Filmant ses décors naturels avec un souffle épique sensoriel, Wendy se feuillette en splendide livret d'images estampillées "national geographic" sans jamais se laisser déborder par une quelconque outrance opportuniste. Qui plus est on y remarque dès la prémices de l'aventure les valeurs si nobles au cinéaste que symbolisent l'écologie (le volcan en semi-activité) et la cause animale (la baleine iconisée par la "mère" rédemptrice). Ainsi, regorgeant de poésie, de métaphores spirituelles et métaphysiques, Wendy se décline en invitation au rêve à travers l'instinct de la jeunesse dévorant la vie avec une curiosité insatiable. Une tribu primitive en connexion avec cette nature environnante comme s'il s'agissait de leurs propres parents. Pour autant, à travers sa puissance émotionnelle confinant au chef-d'oeuvre, Wendy parvient avec originalité à nous broder un récit d'aventures parfois sombre et sensiblement désespéré émaillé de rebondissements un tantinet cruels mais toujours rattrapés d'une poésie démiurge en harmonie avec l'enfant, l'animal et la nature étroitement liés à la jeunesse éternelle. 


"Qui aime la jeunesse, aime la mer".
Infiniment pur, archange, aimant, absolu au point de nous chavirer de larmes de la manière la plus mesurée (le dernier quart d'heure est un moment d'onirisme proprement vertigineux de par sa grâce existentielle !), Wendy est un morceau de cinéma anthologique à travers sa réflexion universelle sur une jeunesse retrouvée. Un cri du coeur d'une fulgurance humaniste libératrice si on est avant tout prêt à se réconcilier avec (la mère,) la faune et la flore.  

*Eric Binford

Ci-joint la chronique des Bêtes du sud sauvage: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/11/les-betes-du-sud-sauvage-beasts-of.html

Remerciement à Thierry Spadino et Frederic Serbource.

lundi 28 juin 2021

Sans un bruit 2 / A Quiet Place: Part II

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Krasinski. 2020. U.S.A. 1h37 (1h28 sans le générique). Avec Emily Blunt, Millicent Simmonds, Noah Jupe, Cillian Murphy, Djimon Hounsou

Sortie salles France: 16 Juin 2021. U.S: 28 Mai 2021

FILMOGRAPHIE: John Krasinski est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 20 Octobre 1979 à Newton, Massachusetts, USA. 2020: Sans un bruit 2. 2018: Sans un bruit. 2016: La Famille Hollar. 2010-2012: The Office (TV Series: 3 episodes). 2009: Brief Interviews with Hideous Men.


Toujours réalisé par John Krasinski, Sans un bruit 2 tente de renouer avec le succès du 1er opus avec plus ou moins d'efficacité faute de son effet de surprise aujourd'hui rompu. Toujours bâti sur les enjeux de survie auprès de la famille Abbott contraint de se séparer pour explorer d'autres horizons en compagnie d'un survivant en quête de rédemption, Sans un bruit 2 mise surtout sur l'action de ses nombreuses créatures à la fois teigneuses et véloces en prime de nous dénicher d'autres survivants après deux jours de marche tendue. Comme le souligne d'ailleurs son implacable prologue rappelant un peu celui de la Guerre des Mondes de Spielberg lorsque les citadins ébaubis par une vision cauchemardesque venue du ciel s'empressent de fuir la menace meurtrière avec un affolement cuisant. Une séquence anthologique; la plus puissante de tout le métrage. L'intrigue, sans surprise mais modestement efficace se focalisant ensuite sur les vicissitudes de la famille Abbott toujours confinée dans des planques de fortune mais contrainte de s'extirper de leur tanière pour des motifs sanitaires et d'appels à l'aide via fréquence radio musicale. 


Emaillé de séquences d'attaques assez bien torchées, voires parfois même quelque peu terrifiantes de par la fascination qu'exercent les créatures décharnées assez crédibles, Sans un bruit 2 manque toutefois d'intensité et de suspense exponentiel en dépit de la bonne volonté du réalisateur à honorer son modèle et de ces acteurs irréprochables dans leur fonction de victime mutique en progression héroïque. Notamment en mettant en valeur la bravoure de deux adolescents retors afin de venir à bout de la menace meurtrière terriblement véloce. Sympathique donc de par le soin de sa réalisation faisant notamment intervenir avec une efficacité autrement payante 2 actions distinctes en simultanée grâce à l'habileté du montage au cordeau afin d'amplifier l'angoisse des agressions redoutées, Sans un bruit 2 demeure à terme un honorable divertissement horrifique, qui plus est visuellement expressif auprès de sa nature feutrée insécurisante.

*Bruno
22.03.24. 2èx. Vostfr

La chronique de "Sans un bruit": http://brunomatei.blogspot.fr/2018/05/sans-un-bruit.html

jeudi 24 juin 2021

Soupçons

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Suspicion" d'Alfred Hitchcock. 1941. 1h39. Avec Cary Grant, Joan Fontaine, Sir Cedric Hardwicke, Nigel Bruce, Dame May Whitty, Isabel Jeans, Heather Angel.

Sortie salles France: 23 Octobre 1946. U.S: 20 Janvier 1942

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.

Si Soupçons ne fait pas parti des chefs-d'oeuvre du maître du suspense Alfred Hitchock, il n'en demeure pas moins un excellent thriller misant essentiellement sur la paranoïa aigue d'une épouse aussi vulnérable que vertueuse de s'accrocher au basque de son époux gouailleur franchement immature. Et ce au point de nous irriter sans modération face à son arrogance insolente d'y brimer (sciemment ou non ? !) la jeune Lina qu'il prénomme "Ouistiti" en proie à une psychose peu à peu capiteuse. Oscar de la Meilleure Actrice un an après la sortie du film, Joan Fontaine irradie l'écran du début à la fin de par sa présence au ténue qu'attendrissante en prime de sa beauté sensuelle résolument suprême. Oasis de tendresse, de pudeur et d'angélisme de par son doux regard inspirant naturellement la pureté. Celle-ci endossant une épouse habitée par le "coup de foudre" mais davantage contrariée et démunie à suspecter son époux (un Dom Juan gentiment manipulateur) de tendances meurtrières eu égard des rebondissements qui empiètent l'intrigue au gré d'un suspense aussi latent que captivant. Celle-ci ne cessant de lui pardonner ses erreurs, ses mensonges et ses maladresses au nom de son amour irrépressible pour lui. 

Captivant et inquiétant, Soupçons tisse sa toile à suspense sans jamais ennuyer le spectateur. Et ce en dépit d'un final un chouilla décevant selon mon jugement de valeur si bien que j'aurai opté pour un revirement autrement dramatique quant aux véritables intentions du mari qu'incarne élégamment Gary Grant en joueur invétéré rarement à court de ruse pour amasser son gain et pour duper sa partenaire face à sa situation désargentée. Au niveau d'une intensité franchement éprouvante, si bien que le spectateur reste rivé au siège face à pareille poursuite effrénée, je tiens à souligner l'incroyable maîtrise d'Hitchcock d'y parfaire une escapade en voiture sillonnant les routes sinueuses à proximité des falaises. L'épouse, persuadée de trépasser dans la seconde à venir, insufflant une appréhension terrifiée au fil de la vitesse toujours plus furtive du bolide braquant sans aucune vigilance d'étroits virages. Une séquence anthologique littéralement crispante dans son art d'y provoquer une terreur à la fois sournoise et incertaine quant aux véritables intentions du suspect potentiellement criminel. Lina, fragilement éprouvée par son enchainement de suspicions se retrouvant piégée en interne du véhicule sans pouvoir crier à l'aide. 


Paranoïa criminelle.
Magnifiquement endossé par le duo infortuné Gary Grant / Joan Fontaine, Soupçons vaut avant tout pour leur prestance infaillible à travers leur vénéneuse liaison conjugale en perdition. Et ce jusqu'à sa conclusion éprouvante peut-être pas aussi percutante qu'escomptée quant au dénouement Spoil ! salvateur fin du Spoil jetant une certaine ambiguïté sur la personnalité (interrogative) de l'époux inopinément versatile. 

*Bruno

Récompenses: Deux trophées pour Joan Fontaine (tant mérités !):
- en 1941, le New York Film Critics Circle Award
- Oscar de la meilleure actrice en 1942. 

Arts-Martiaux

5 Venins Mortels: https://brunomatei.blogspot.com/.../05/5-venins-mortels.html

Bras de la Vengeance (le): https://brunomatei.blogspot.com/.../le-bras-de-la...


Fureur de Vaincre (la): http://brunomatei.blogspot.com/…/…/la-fureur-de-vaincre.html

Griffes de Jade (les): https://brunomatei.blogspot.com/.../les-griffes-de-jade.html

Hirondelle d'Or (l'): https://brunomatei.blogspot.com/2021/05/lhirondelle-dor.html


Kill Bill 1: http://brunomatei.blogspot.com/2012/01/kill-bill-volume-1.html
Kill Bill 2: http://brunomatei.blogspot.com/2012/01/kill-bill-volume-2.html

Légende du Lac (la): https://brunomatei.blogspot.com/.../la-legende-du-lac.html


Ombre du Fouet (l'): https://brunomatei.blogspot.com/2021/05/lombre-du-fouet.html



Retour de l'Hirondelle d'Or (le): https://brunomatei.blogspot.com/.../le-retour-de...

mercredi 23 juin 2021

Duo Mortel

                                                  
                                                Photo empruntée sur Google, appartenant à Dvdfr.com

"Shuang xia" de Cheh Chang. 1971. Hong-Kong. 1h21. Avec David Chiang, Lung Ti, Feng Ku, Lei Cheng, Sing Chen

Sortie salles Hong-Kong: 22 Décembre 1971

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.


Réalisé par le spécialiste du genre Chang Cheh qu'on ne présente plus; Duo Mortel, (réalisé la même année que la Rage du Tigre), demeure un incontournable de la Shaw Brothers pour tous les fans d'action homérique d'une vélocité sans égale. Le pitch: Un prince de la dynastie Sing est retenu en otage auprès du clan des Yuan réputé pour leur barbarie insidieuse. Après un 1er essai infructueux de daigner le sauver, Pao Ting Tien et ses comparses vont à nouveau tenter une opération de sauvetage en compagnie d'un expert en arts-martiaux inébranlable. Intrigue simpliste mais redoutablement efficace, Duo Mortel brille de 1000 feux de par l'ampleur de sa mise en scène au plus près des combats épiques que Chang Cheh filme parfois en oscillant plusieurs combats à la fois. Et ce sans jamais perdre de vue la chorégraphie (tatillonne) des moults affrontements sanglants épaulés de l'ultra dynamisme du montage où rien n'est laissé au hasard. Des combats parfois ternaires à nous donner le tournis de par l'agilité de la caméra se réjouissant d'y parfaire les arts martiaux auprès de ces chevaliers aguerris maniant le sabre, la lance, la hache ou encore d'autres outils singuliers comme nulle autre guerrier.


Qui plus est, le métrage se permet une violence gore permanente avec parfois l'utilisation du ralenti pour y parfaire des tableaux baroques à travers ses morts exclamant un dernier cri de rage (ou de haine, c'est selon). Mais au-delà de la vigueur des nombreux combats martiaux qui émaillent sans cesse le récit, Chang Cheh s'intéresse autant à ses personnages, loyaux ou fourbes selon le clan ciblé, en mettant en appui un sens du sacrifice ébouriffant si je me réfère à la posture d'un des duos mortels au paroxysme de l'héroïsme suicidaire. On se réjouit également des stratégies offensives de certains membres de la dynastie Sing lorsqu'ils doivent par exemple traverser un pont pour accéder au manoir d'où est retenu prisonnier le prince Kang. Et ce avant qu'un premier groupe eut essuyé une sévère déroute macabre particulièrement escarpée. Des stratagèmes retors à répétition jusqu'à ce que le groupe supervisé par le duo "mortel" parvient à se faire accepter au fief des Yuan avec une audace extrêmement périlleuse.


Spectacle d'une fulgurance formelle à faire pâlir de jalousie le dernier actionner bourrin issu de l'industrie Hollywood "chewing-gum", Duo Mortel n'a pas pris une ride du haut de ses 50 ans d'âge (1971). Comme quoi les vrais classiques perdurent au-delà des frontières temporelles lorsqu'il s'agit d'y imprimer avec ferveur passionnelle une simple rivalité belliqueuse faisant honneur à la perspicacité, à l'amitié, au courage, à l'héroïsme et surtout au sens du sacrifice.

*Bruno
2èx

mardi 22 juin 2021

Blue Valentine

Photo empruntée sur Google, appartenant Facebook

de Derek Cianfrance. 2010. U.S.A. 1h54. Avec Ryan Gosling, Michelle Williams, Mike Vogel, John Doman, Jen Jones, Ben Shenkman

Sortie salles France: 15 Juin 2011

FILMOGRAPHIE Derek Cianfrance est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Janvier 1974.
1998: Brother Tied. 2010: Blue Valentine. 2012: The Place Beyond the Pines. 2016 : Une vie entre deux océans. 2020 : I Know This Much Is True (mini-série). 


"Les histoires d'amour finissent mal en général".
Sous les conseils d'une amie, il m'aura fallu plus de 10 ans d'hésitation à découvrir ce mélo pour des raisons perplexes qui m'échappent un peu aujourd'hui (en dépit de l'aspect bluette pour ados de l'affiche initiale). A l'arrivée, cet électrochoc émotionnel est probablement l'un des plus beaux et déchirants mélos qu'il m'ait été donné de voir de par son intensité dramatique scrupuleusement instillée, son réalisme documenté influencé du cinéma vérité de Cassavettes et du jeu authentique des acteurs sidérants d'expression bipolaire si je me réfère aux flash-back interférant aux phases du présent pour établir un parallèle entre leurs jours heureux et leur évolution déclinante de couple à la dérive. Ainsi, de par son pitch éculé souvent tributaire d'un cinéma mielleux tartiné de spleen, de pathos ou de sinistrose, on pouvait craindre le pire de nous ressasser une énième rupture conjugale à l'épilogue fatalement irréversible. A l'arrivée, on en ressort secoué, vidé, abattu, commotionné d'avoir assisté en direct (c'est en tous cas l'impression ressentie au moment du visionnage) à ce moment de cinéma clinique qu'immortalise Ryan Gosling (peut-être - ou sans doute - son meilleur rôle à l'écran à travers sa névralgie mise à nu et sa prise de conscience qu'il se refuse d'adouber) / Michelle Williams (littéralement bouleversante en mère démunie habitée par le malaise, le dépression, la lassitude, la déréliction et la langueur mélancolique). Et sur ce point l'actrice déploie une palette d'émotions à la fois fragiles et sensibles avec une mesure sentencieuse dénuée d'une once de complaisance. 


Quand bien même à d'autres moments plus jouasses (la séquence anthologique de la danse improvisée dans une ruelle urbaine), elle nous exprime une fougue candide doucement irrésistible en petite fille affectueuse gagnée par la séduction de son amant mélomane. Derek Cianfrance filmant ces êtes éperdus de leur routine avec une extrême pudeur forçant le respect comme en témoigne nombre de séquences d'une banalité quotidienne vécue en stricte intimité. C'est bien simple, Blue Valentine s'érige en album souvenirs sous forme documentée (souvent filmé caméra à l'épaule) afin de nous immerger dans  l'appréhension grandissante du couple en perdition que tout un chacun eut déjà connu dans sa propre vie sentimentale. Ainsi donc, inévitablement, certaines séquences clefs (souvent imprimées de gros plans sur les visages aigres) nous remémore nos propres souvenirs les plus épineux de par la vigueur de ces situations orageuses d'un couple en crise convergeant vers l'inéluctable séparation. Et quelque soit les véritables motifs de leur séparation que l'on peut théoriser à travers la naissance précipitée de l'enfant (avec désir ravisé d'avortement) et d'une tromperie en début de liaison, l'intérêt de Blue Valentine est d'y  souligner de la manière la plus fiable et scrupuleuse la douleur insurmontable qu'un couple endure pour un motif de routine après avoir connu la passion. Cette lassitude quotidienne que tout un chacun peut un jour engendrer lorsque le manque de communication s'y fait ressentir alors que le couple évolue parfois vers des directions contradictoires (comme tel est le cas dans Blue Valentine) dans leur maturité et personnalité propre. 


Crève-coeur oecuménique.
A la fois beau et poétique (rien que le générique de fin, luminescent, est à ne pas rater !), attendrissant et mélancolique, bouleversant et déchirant avec toujours cette juste mesure d'une émotion éperdument naturelle, Blue Valentine demeure un sommet de mélo que Ryan Gosling et Michelle Williams immortalisent de leur empreinte avec une vérité humaine sans ambages. Derek Cianfrance filmant prudemment ces amants infortunés (inscrits dans l'introversion) avec un parti-pris vériste parfois presque dérangeant quant à l'acuité du climat docu vérité. Et si je peux me permettre de t'émettre un ultime conseil en m'adressant directement à toi ami lecteur (et surtout lectrice !), ne rate pas Blue Valentine, tu ne l'oublieras jamais si tu es doué d'une certaine sensibilité. 

Dédicace à Margotte Shoumi

*Bruno

lundi 21 juin 2021

Oscar

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Edouard Molinaro. 1967. France. 1h25. Avec Louis de Funes, Claude Rich, Claude Gensac, Agathe Natanson, Paul Préboist, Sylvia Saurel.

Sortie salles France: 11 Octobre 1967

FILMOGRAPHIE: Edouard Molinaro est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Mai 1928 à Bordeaux, en Gironde, décédé le 7 Décembre 2013 à Paris.1958: Le Dos au mur. 1959: Des Femmes disparaissent. 1959: Un Temoin dans la ville. 1960: Une Fille pour l'été. 1961: La Mort de Belle. 1962: Les Ennemis. 1962: Les 7 Pêchers capitaux. 1962: Arsène Lupin contre Arsène Lupin. 1964: Une Ravissante Idiote. 1964: La Chasse à l'Homme. 1965: Quand passent les faisans. 1967: Peau d'Espion. 1967: Oscar. 1969: Hibernatus. 1969: Mon Oncle Benjamin. 1970: La Liberté en Croupe. 1971: Les Aveux les plus doux. 1972: La Mandarine. 1973: Le Gang des Otages. 1973: L'Emmerdeur. 1974: L'Ironie du sort. 1975: Le Téléphone Rose. 1976: Dracula, père et fils. 1977: L'Homme pressé. 1978: La Cage aux Folles. 1979: Cause toujours... tu m'intéresses ! 1980: Les Séducteurs. 1980: La Cage aux Folles 2. 1982: Pour 100 briques t'as plus rien... 1984: Just the way you are. 1985: Palace. 1985: L'Amour en douce. 1988: A gauche en sortant de l'ascenseur. 1992: Le Souper. 1996: Beaumarchais, l'insolent. 1996: Dirty Slapping (court-métrage).

Vaudeville mené sur un train d'enfer, Oscar n'a pas volé ses 6 122 387 entrées dans l'hexagone (second au box-Office derrière Les Grandes Vacances !) après avoir triomphé au théâtre à l'orée des années 60. Si bien que la pièce de Claude Magnier est adapté au cinéma par le spécialiste Edouard Molinaro avec autant d'efficacité en roue libre. Car outre son scénario irracontable multipliant à un rythme effréné les quiproquos et rebondissements en pagaille autour de l'enjeu pécuniaire d'une valise ballotée tous azimuts, les comédiens affichent communément une spontanéité frétillante à se crêper le chignon et à se pardonner pour une cause maritale. Louis De Funès, omniprésent, monopolisant l'écran avec une énergie galvanisante infatigable. 

Maître de la répartie, celui-ci s'oppose à ses partenaires avec une expansivité exubérante au point de nous donner le vertige à force d'outrances verbales fréquemment hilarantes. Car si Oscar dégage une bonne humeur et un entrain formidablement communicatifs, les éclats de rire qui irriguent l'intrigue s'interposent violemment pour nous donner des crampes aux fossettes. C'est dire si le spectacle conçu par Molinaro demeure jubilatoire à travers ses allers et venues de convives et d'étrangers surprises se précipitant dans la demeure de Bertrand Barnier (De Funes) avec un art consommé du bagout. Claude Rich dans le rôle de Christian Martin demeurant indétrônable à tenter d'amadouer et de duper son adversaire Bertrand Barnier avec une force tranquille et de sureté enclin à l'ironie. Quand bien même les seconds-rôles impartis aux domestiques (Paul Préboist en tête) reluquent leur cacophonie conjugale dans une posture soumise amiteuse. 

Authentique classique de la comédie populaire alloué au huis-clos domestique, Oscar parvient à s'extirper du carcan théâtral grâce à la mise en scène efficace du cinéaste, au sens du détail architectural et au jeu lunaire des acteurs semant le désordre avec une expressivité sémillante. Sa drôlerie en roue libre émanant surtout de la gestuelle de De Funes mais aussi de ses comparses déversant sans aucune modération une verve impayable pour tenter de s'y réconcilier. Et signe que cette comédie pulsatile demeure bel et bien une réussite probante du genre, elle n'a aujourd'hui pas pris une ride ! 

*Bruno
2èx

Box-Office France: 6 120 862 entrées (d'autres sources évoquent 6 122 387)

samedi 19 juin 2021

La Bataille de San Sebastian

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Henry Verneuil. 1968. France/Italie/Mexique. 1h51. Avec Anthony Quinn, Anjanette Comer, Charles Bronson, Sam Jaffe, Silvia Pinal, Jorge Martínez de Hoyos.

Sortie salles France: 14 Mars 1969

FILMOGRAPHIE: Henry Verneuil (de son vrai nom Achod Malakian) est un réalisateur et scénariste  français d'origine arménienne, né le 15 Octobre 1920 à Rodosto, décédé le 11 Janvier 2002 à Bagnolet. 1951: La Table aux crevés. 1952: Le Fruit Défendu. 1952: Brelan d'As. 1953: Le Boulanger de Valorgue. 1953: Carnaval. 1953: l'Ennemi public numéro 1. 1954: Le Mouton a 5 pattes. 1955: Les Amants du Tage. 1955: Des Gens sans importance. 1956: Paris, palace Hôtel. 1957: Une Manche et la belle. 1958: Maxime. 1959: Le Grand Chef. 1959: La Vache et le Prisonnier. 1960: l'Affaire d'une Nuit. 1961: Le Président. 1961: Les Lions sont lâchés. 1962: Un Singe en Hiver. 1963: Mélodie en sous-sol. 1963: 100 000 Dollars au Soleil. 1964: Week-end à Zuydcoote. 1966: La 25è Heure. 1967: La Bataille de San Sebastian. 1969: Le Clan des Siciliens. 1971: Le Casse. 1972: Le Serpent. 1975: Peur sur la ville. 1976: Le Corps de mon ennemi. 1979: I comme Icare. 1982: Mille Milliards de Dollars. 1984: Les Morfalous. 1991: Mayrig. 1992: 588, rue du Paradis.

Unique incursion dans le western chez le cinéaste français Henry Verneuil alors qu'il s'agit d'une co-production entre l'hexagone, l'Italie et le Mexique, La Bataille de San Sebastian renoue avec le souffle épique des grosses productions hollywoodiennes ayant bercé notre enfance ainsi que celle de nos parents. Inexplicablement flingué par la critique lors de sa sortie confidentielle, peut-être à cause du portrait peu recommandable de l'anti-héros athée qu'endosse l'immense Anthony Quinn, ce western parfois influencé par le cinéma italien (principalement sa première demi-heure lorsque Leon Alastray - Anthony Quinn - se voit torturé par Teclo - Charles Bronson - avec sadisme non simulé) demeure un divertissement de haut calibre. Notamment auprès de ses moyens techniques mis en oeuvre, ses décors naturels éclectiques littéralement flamboyants et ses moults figurants se prêtant au jeu de la guérilla avec une frénésie inépuisable. Et pour en revenir au western spaghetti doucement évoqué plus haut, la musique est composée par le maestro Ennio Morricone faisant ouvertement écho aux chefs-d'oeuvre de Sergio Leone. La fameuse bataille demeurant un morceau de bravoure terriblement impressionnant de par l'impact de sa violence effrénée épaulée il est vrai d'un montage ultra dynamique à faire pâlir de jalousie nos classiques précurseurs ! L'intrigue tout à fait efficace nous illustrant l'initiation héroïque d'un bandit substitué en prêtre (alors qu'il ne cessera durant l'aventure d'y nier sa fonction biaisée d'émissaire religieux) au sein du village démuni de San Sebastian. 

Si bien que les habitants davantage désargentés redoutent la prochaine attaque des Yaquis supervisés par le traître Teclo. Remake de La main gauche du Seigneur d'Edward Dmytryk, sorti en 1955 dont j'ignorai l'existence; La Bataille de San Sebastian est largement rehaussé du talent viril d'Anthony Quinn incarnant avec une aisance incorruptible un magnifique portrait d'anti-héros aussi entêté que dur et intransigeant. Or, au fil de se relation houleuse avec les habitants et par le biais d'une main secourable éprise d'amour pour lui, Leon Alastray s'allouera d'une mission héroïque afin de réveiller de leur torpeur ses métayers serviles préférant fuir leurs cocons plutôt que de combattre fusil à la main l'ennemi que représentent les indiens eux mêmes influencés par un influenceur perfide. Plutôt hétérodoxe à renier la cause divine alors que tout un peuple s'adonne à lui dans leur idéologie chrétienne, La Bataille de San Sebastian met en exergue le profil athée de ce bandit solitaire peu enclin à éprouver une quelconque empathie pour autrui (notamment celle auprès du prêtre moribond lors du prologue) alors qu'au fil de son parcours moral il se laissera guider par un instinct de loyauté dans son éthique contestataire. C'est ce qui fait la force dramatique de l'intrigue sublimant ce portrait marginal qui plus est affublé d'une toge religieuse pour contenter ce peuple soumis à la morale conservatrice. On apprécie également l'impossible romance entre Alastray et la douce Kinita ne cessant de lui implorer son affection pour lui alors qu'il reste un fugitif en fuite recherché également par les autorités. Sa condition d'homme traqué tous azimuts le contraignant à s'isoler vers l'exil plutôt que d'amorcer une vie harmonieuse et équilibrée somme toute sereine. 

Gros spectacle issu de l'ancienne école (et d'une "Dernière Séance" !), La Bataille de San Sebastian n'a rien perdu de sa patine (en scope technicolor svp !) et de son entrain homérique au fil d'un récit aussi belliciste qu'humaniste militant pour les valeurs de dignité, de loyauté, de courage et d'héroïsme à condition de savoir pardonner au moment opportun, voir même d'y négocier une trêve pour éviter une guerre d'ampleur disproportionnée. A feu et à sang. 

*Bruno

mercredi 16 juin 2021

L'Emmerdeur

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

d'Edouard Molinaro. 1973. France. 1h24. Avec Jacques Brel, Lino Ventura, Caroline Cellier, Jean-Pierre Darras, Nino Castelnuovo, Angela Cardile.

Sortie salles France: 20 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Edouard Molinaro est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Mai 1928 à Bordeaux, en Gironde, décédé le 7 Décembre 2013 à Paris.1958: Le Dos au mur. 1959: Des Femmes disparaissent. 1959: Un Temoin dans la ville. 1960: Une Fille pour l'été. 1961: La Mort de Belle. 1962: Les Ennemis. 1962: Les 7 Pêchers capitaux. 1962: Arsène Lupin contre Arsène Lupin. 1964: Une Ravissante Idiote. 1964: La Chasse à l'Homme. 1965: Quand passent les faisans. 1967: Peau d'Espion. 1967: Oscar. 1969: Hibernatus. 1969: Mon Oncle Benjamin. 1970: La Liberté en Croupe. 1971: Les Aveux les plus doux. 1972: La Mandarine. 1973: Le Gang des Otages. 1973: L'Emmerdeur. 1974: L'Ironie du sort. 1975: Le Téléphone Rose. 1976: Dracula, père et fils. 1977: L'Homme pressé. 1978: La Cage aux Folles. 1979: Cause toujours... tu m'intéresses ! 1980: Les Séducteurs. 1980: La Cage aux Folles 2. 1982: Pour 100 briques t'as plus rien... 1984: Just the way you are. 1985: Palace. 1985: L'Amour en douce. 1988: A gauche en sortant de l'ascenseur. 1992: Le Souper. 1996: Beaumarchais, l'insolent. 1996: Dirty Slapping (court-métrage).

"J'espère un jour ne plus être à la mode pour devenir un classique." Pedro Almodovar. 
On a beau connaître les classiques par coeur, on ne parvient pas à s'en lasser. Ce qui est bel et bien le cas avec l'Emmerdeur auréolé d'un gros succès public (5è au Box-Office avec 3 354 756 entrées) et d'une reconnaissance critique. Bien que personnellement je ne l'ai vu que 2 fois, j'ai été franchement surpris à la revoyure par son envergure qualitative de par son rythme en crescendo toujours plus folingue alors que sa première demi-heure, grave et laconique, ne nous prépare nullement aux futurs rebondissements hilarants. Et ce pour 2 raisons majeures spécialement infaillibles; son casting irréprochable (jusqu'aux seconds-rôles particulièrement irrésistibles que forment Jean Pierre Darras en psychiatre snobinard et Nino Castelnuovo en maître d'hôtel aussi vigilant que prévenant) et son scénario superbement écrit par le spécialiste Francis Veber qui finira d'ailleurs par mettre en scène à 3 autres reprises le personnage de François Pignon dans Le Jouet, La Chèvre et le Diner de Con

Tant et si bien que l'on reste stupéfiais par la crédibilité des quiproquos et situations rocambolesques lorsqu'un tueur à gage est contraint de se coltiner un boulet (François Pignon donc) au sein de sa chambre d'hôtel. Un pauvre type dépressif délibéré à se suicider après s'être séparé de sa femme partie batifoler avec son psychiatre. Retors, badin et masochiste, Edouard Molinaro parvient fréquemment à faire déplacer ses personnages d'une chambre à l'autre (filmé caméra à l'épaule pour exacerber les précipitations de mésententes irascibles) pour ensuite les extraire de l'hôtel pour un mobile sentimental mais aussi curatif quant au sort de Milan (le tueur à gage) substitué en François Pignon par la cause de ce dernier. Mais le génie narratif est également d'y reconfiner à moult reprises notre duo impromptu après que ceux-ci eurent arpentés les villes et nationales en voiture lors de poursuites endiablées. Ainsi, à travers sa frénésie rocambolesque davantage hilarante (les éclats de rire sont habilement dosés lors d'effets de surprise aléatoires), l'Emmerdeur gagne en efficacité en roue libre jusqu'à sa conclusion caustique. 

De par les remarquables performances de Jacques Brel (incroyablement juste et sobre en boulet au grand coeur pétri d'insolence malgré lui) et du massif Lino Ventura (tout en flegme de colère contenue avant d'y extérioriser une rogne expansive), l'Emmerdeur affiche de sacrés tempéraments contradictoires à travers ses profils psychologiques contraints malgré eux de s'unir pour le pire des imbroglios catastrophes. Et ce grâce au génie du scénariste Francis Veber jamais à court de carburant pour relancer la machine à rire lors d'un festival d'entraide, de bévues et d'infortune mutuelles. Jusqu'au paroxysme du règlement de compte homérique étonnamment percutant dans les échanges de tirs chorégraphiés...

*Bruno
2èx

mardi 15 juin 2021

Soif de Sang

                                          
                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site toutlecine.challenges.fr

"Thirst" de Rod Hardy. 1979. Australie. 1h35. Avec Chantal Contouri, Shirley Cameron, Max Phipps, Henry Silva, Rod Mullinar, David Hemmings.

Sortie salles Australie: 28 Septembre 1979

FILMOGRAPHIERod Hardy est un réalisateur australien né en 1949 à Melbourne.
1979 : Soif de sang. 1997 : Robinson Crusoé. 2007 : December Boys.


Une perle culte vrillée native de l'âge d'or du Fantastique Australien.
Inédit en salles en France si je ne m'abuse, Soif de Sang fit les beaux jours des video-clubs lors de son exploitation Vhs au sein des années 80. Relativement méconnue, cette bisserie horrifique issue de l'âge d'or du Fantastique australien tire-parti de sa fascination prégnante de par son concept saugrenu à mi-chemin entre rêve et réalité. Le pitch: Embrigadée de force au sein d'une mystérieuse ferme, véritable entreprise de donneurs de sang, Kate Davis est l'objet de toutes les convoitises depuis qu'une confrérie diabolique s'efforce de la conditionner à se nourrir de sang humain afin de succéder à son héritière, la Comtesse Bathory. Molestée et droguée, elle tente de résister à sa condition servile quand bien même tous les patients apathiques sont exploités à outrance lors de prélèvements sanguins afin de nourrir la secte en quête d'éternelle jeunesse et de pouvoir. Traitant du thème du vampirisme avec une originalité sans égale si bien que cette série B fait office d'ovni incongru, Soif de Sang ne cesse d'intriguer et de fasciner par le biais d'une intrigue prémâchée entrebâillée d'incohérences et anicroches (l'intrusion peu convaincante de l'époux de Kate au sein de la ferme et de quelques protagonistes au comportement interlope). Pour autant, afin de mieux semer trouble et désordre au sein de cette mystérieuse confrérie avide de sang, ses menus défauts sont peut-être sciemment pensés, notamment en ne cessant de jouer avec les hallucinations de l'héroïne en proie à un conditionnement interminable. 


Outre ses aimables seconds-couteaux parmi lesquels se succèdent Henry SilvaDavid Hemmings et  Shirley CameronChantal Contouri monopolise l'écran de son regard névrosé (pour ne pas dire borderline) tantôt outré, tantôt anémique au gré de séquences hallucinogènes où fiction et réalité ne cessent de se contredire dans sa psyché en perte de repère. On peut également vanter sa troublante beauté brunâtre notamment auprès de son regard noir aussi sensuel que compromis d'une paranoïa grandissante de par sa condition soumise de victime expérimentale. En dépit également d'un mise en place un tantinet déconcertante car enchaînant trop précipitamment les évènements pour son hospitalité forcée, Soif de Sang insuffle un climat trouble d'envoûtement en son témoignage chétif si bien qu'elle perdure une multitude d'expériences irrationnelles afin de s'accoutumer au sang humain. Quand bien même son entourage lobotomisé déambule dans le jardin à l'instar de zombies dénué de conscience. Multipliant avec un soupçon de redondance les tentatives d'évasion et d'endoctrinement de l'héroïne à bout de souffle réfutant au possible sa nouvelle condition vampire, Rod Hardy parvient miraculeusement à aviver notre attention par le biais d'évènements sataniques (les rituels de la communauté) et d'incidents horrifiques où les idées débridées fusent tous azimuts. Soif de Sang nous entraînant par la main dans un cauchemar schizo au fil d'une énigme aussi sinueuse qu'étrange, à l'instar de sa conclusion fortuite d'une audace pessimiste.


Etonnamment trouble et délirant auprès d'une réalisation parfois soignée et maîtrisée, Soif de Sang ne peut laisser indifférent par ses audaces visuelles assez habiles et son concept sardonique aussi improbable que décapant ! Il y émane une série B hybride assez couillue oscillant le chaud et le froid avec une surprenante alchimie ! Comme en témoignent notamment la mélodie de sa partition entêtante signée Brian May svp !, la splendeur de sa photo sépia ainsi que la beauté vénéneuse de l'impénétrable Chantal Contouri (son unique rôle à l'écran !). A (re)découvrir car il s'agit bel et bien d'une oeuvre culte au sens le plus authentique.  

*Bruno. 
07.09.16. 185 v
15.06.21. 3èx

lundi 14 juin 2021

La Cuisine au Beurre

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Gilles Grangier. 1963. France/Italie. 1h22. Avec Fernandel, Bourvil, Claire Maurier, Andrex Mag-Avril, Edmond Ardisson, Henri Arius

Sortie salles France: 20 Décembre 1963

FILMOGRAPHIE: Gilles Grangier, né le 5 mai 1911 à Paris et mort le 27 avril 1996 à Suresnes, est un réalisateur français. 1943 : Adémaï bandit d'honneur. 1945 : Le Cavalier noir. 1946 : Trente et quarante. 1946 : Leçon de conduite. 1946 : L'Aventure de Cabassou. 1947 : Rendez-vous à Paris. 1947 : Histoire de chanter. 1947 : Danger de mort. 1948 : Par la fenêtre. 1948 : Femme sans passé. 1949 : Au p'tit zouave. 1949 : Jo la Romance. 1950 : Amédée. 1950 : Amour et compagnie. 1950 : Les femmes sont folles. 1950 : L'Homme de joie. 1951 : L'Amant de paille. 1951 : Les petites Cardinal. 1951 : Le Plus Joli Péché du monde. 1952 : L'Amour, Madame. 1952 : Douze heures de bonheur. 1953 : Faites-moi confiance. 1953 : Jeunes Mariés. 1953 : La Vierge du Rhin. 1954 : Poisson d'avril. 1955 : Le Printemps, l'automne et l'amour. 1955 : Gas-oil. 1956 : Le sang à la tête. 1957 : Reproduction interdite ou Meurtre à Montmartre. 1957 : Le rouge est mis. 1958 : Trois jours à vivre. 1958 : Échec au porteur . 1958 : Le Désordre et la Nuit. 1959 : Archimède le clochard. 1959 : 125, rue Montmartre. 1959 : Les Affreux. 1960 : Les Vieux de la vieille. 1961 : Le Cave se rebiffe. 1962 : Le Gentleman d'Epsom. 1963 : Le Voyage à Biarritz. 1963 : Maigret voit rouge. 1963 : La Cuisine au beurre. 1964 : L'Âge ingrat. 1965 : Les Bons Vivants ou Un Grand seigneur. 1965 : Train d'enfer. 1968 : L'Homme à la Buick. 1969 : Sous le signe du taureau. 1972 : Un cave. 1974 : Gross Paris. 1975 : Piratii din Pacific film roumain codirigé avec Sergiu Nicolaescu. 1975 : Insula comorilor. 


Pas un chef-d'oeuvre certes, mais un moment de détente si bienveillant prônant la joie de vivre, d'aimer et de plaisanter en cette époque révolue. 
Pas très bien accueilli par la critique si je ne m'abuse en dépit de son immense succès public (il se hisse 2è au Box-Office avec 6 396 439 entrées), la Cuisine au Beurre est l'occasion pour Fernandel et Bourvil de se réunir pour la 1ère fois à l'écran. Et bien que ce dernier vouait une admiration sans borne pour l'illustre Fernandel depuis sa tendre enfance, leur relation de prime abord amiteuse s'est hélas rapidement étiolée au fil du tournage houleux si bien que la Cuisine au Beurre restera leur unique contribution. Alors sans révolutionner le genre et encore moins d'y parfaire le chef-d'oeuvre attendu, cette comédie bonnard demeure toute à fait plaisante sous l'impulsion du duo d'acteurs portant le film sur leurs épaules avec une spontanéité payante. Car s'il faut bien avouer que l'intrigue s'avère aussi simpliste que futile (le couple Colombey voit son quotidien bouleversé le jour ou Fernand, ancien époux de Christiane Colombey refait surface 10 ans plus tard dans leur restaurant !), la complémentarité enjouée des acteurs emporte tout sur leur passage. 

Mais au-delà de la fantaisie fougueuse de Fernandel et Bourvil jouant les rivaux au grand coeur avec une complicité badine, on peut également compter sur le tempérament frétillant de la belle Claire Maurier remarquablement crédible en épouse autoritaire contrainte de gérer sa situation extra-conjugale avec une force de caractère somme toute sensuelle. L'actrice dégageant un charme assez suave à travers ses rapports aussi tendres que compromettants auprès de ses deux amants communément amoureux d'elle au point d'y engager une procédure de divorce pour leur enjeu à la fois pécuniaire (Qui possédera enfin la propriété du restaurant ?) et sentimental. Et si on rit rarement aux éclats à travers ses gentils gags bon enfant, la Cuisine au Beurre nous imprime un sourire permanant grâce à ses acteurs communément sémillants. Mais aussi de par son climat solaire estival prônant l'insouciance, les plaisirs culinaires, l'influence de la camaraderie, le désir d'indépendance au sein du couple (l'émancipation du duo contre l'autorité féminine) et enfin l'amitié au fil de l'évolution morale du duo marital sur le point de se tolérer. 

Très agréable à suivre en dépit d'un manque évident d'ambition narrative et de drôlerie déjantée, La Cuisine au Beurre parvient tout de même louablement à se démarquer du produit vite consommé grâce à la fringance des comédiens nous transmettant leurs sentiments de tendresse et de bonne humeur avec avec une harmonie résolument conviviale. Tant et si bien que quelques décennies plus tard, la Cuisine au Beurre n'a point usurpé sa réputation de (modeste) classique du genre en préservant en mémoire la séquence irrésistible où Fernandel et Bourvil éclatent de rire face écran en se murmurant des grivoiseries à l'oreille. Une séquence cocasse d'une extrême simplicité mais redoutablement efficace  dans la communion expansive des fous-rires incontrôlés. 

*Bruno
3èx