mardi 30 novembre 2021

Le Dernier Duel / The Last Duel

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ridley Scott. 2021. U.S.A/Angleterre. 2h33. Avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Ben Affleck, Harriet Walter, Nathaniel Parker, Sam Hazeldine, Michael McElhatton.

Sortie salles France: 13 Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 


Immense, somptueux, magnifique... Scott se taille une seconde naissance. 
2h32 de cinéma épuré comme on en voit que trop rarement sur nos écrans numérisés ! Voilà ce que nous propose sur un plateau argenté Ridley Scott terriblement inspiré à retranscrire avec réalisme historique le dernier duel survenu en France en 1386. Car du haut de ses 83 ans, cela fait bien des décennies que je n'avais pas assisté à une oeuvre aussi gracieuse, puissante, limpide et maîtrisée venant de sa part. Tant auprès de sa mise en scène studieuse entièrement dédiée à la psychologie de ses protagonistes que de sa direction d'acteurs sobrement dépouillés jouant communément la contrariété au sein d'un triangle amoureux. Car entièrement voué à la cause des femmes en cette époque féodale où le patriarcat, la religion et l'obscurantisme ne laissaient que peu de crédit à la parole féministe, Ridley Scott nous conçoit un rape and revenge scindé en 3 temps. C'est à dire relancer l'histoire du point de vue de nos 3 personnages (les 2 rivaux: le chevalier et l'écuyer, autrefois amis, et leur victime désireuse de dévoiler l'esclandre au grand jour au péril de sa vie) à travers des flash-back subtilement reconsidérés selon l'émotivité de chacun des personnages. Tant masculin que féminin. Le 3è chapitre demeurant le plus violent et éprouvant du point de vue subjectif de la femme que Scott radiographie avec une dramaturgie bouleversante. Le champ-contrechamp ne cessant d'y modifier l'emplacement de tel personnage selon les chapitres évoqués. Passionnant et anxiogène quant aux affrontements psychologiques que s'opposent Jacques Le Gris et Jean de Carrouges ne cessant d'hurler l'arbitraire afin de retrouver sa dignité, Le Dernier Duel jongle dans la juste mesure, entre félonie amicale et violence sexuelle (si actuelle de nos jours, Me Too oblige) en dépit de son action timorée que Scott filme brièvement sans trop s'attarder sur l'impact dévastateur des corps à corps armurés (tant à cheval que lorsqu'ils combattent à pied). Je songe uniquement aux batailles rangées disséminées en intermittence lors de la première heure. 


Le cinéaste faisant plutôt preuve d'une attention infinie pour nous familiariser auprès de ces 3 personnages peu à peu divisés par un évènement dramatique aussi sournois que crapuleux. Le violeur se déculpabilisant au possible pour substituer sa victime en complice afin de la forcer à ne pas ébruiter l'affaire. Quand bien même l'époux, vaniteux, rétrograde et égoïste mais stoïque et pugnace au front (peu de le dire !), songe plus à son ego plutôt que de servir l'amour de sa femme. Et ce en dépit de ses éclairs de prise de conscience que celle-ci tente à plusieurs reprises de lui raisonner dans son sens de l'équité et de la maternité. D'une dramaturgie à la fois latente et éthérée si bien qu'on ne la voit jamais arriver, Le Dernier Duel invoque une vibrante émotion culminant lors du dénouement paroxystique où les 2 hommes se combattront avec une férocité sans égale. Véritable morceau d'anthologie à l'issue si précaire que l'on redoute, comme l'héroïne, en larmes, apeurée et oppressée, avec une appréhension somme toute viscérale. L'enjeu émanant autant du destin de l'époux d'un courage hors-pair à nous laisser pantois (qui plus est rongé par la peur de la trahison !), que de celle-ci potentiellement vouée à brûler vive si Dieu ne permettait pas la victoire à celui-ci. Probablement l'un des plus impressionnants duels vus au cinéma puisque traité avec vérisme névralgique eu égard de son intensité à la limite du soutenable que Scott transfigure sans fioritures en dépit de son immense brutalité primale dévoilée au compte goutte (les échanges des coups, toujours plus lourds, s'impactant lentement sur les corps déchiquetés, faute du poids de leurs armures et de la fatigue corporelle).  


Grand moment de cinéma militant avec tact, pudeur, rigueur et intelligence pour la parole émancipatrice de la femme discréditée par l'autorité patriarcale,
le Dernier Duel nous offre 2h30 durant un affrontement physique et cérébral d'une gravité peu à peu bouleversante à travers les conséquences désastreuses du viol éminemment impardonnable. Matt Damon (habité par ses pulsions frondeuses),  Adam Driver (quel charisme ténébreux à travers sa large carrure !), Jodie Comer (toute en élégance candide presque réservée), Ben Affleck (quasi méconnaissable en comte railleur et dédaigneux, puisqu'il m'a fallu 45 minutes pour m'en apercevoir !) s'opposant mutuellement avec une vérité humaine sobrement expressive jusqu'à la rédemption finale faisant preuve d'acuité émotive incontrôlée. Et s'il ne s'agit pas d'un chef-d'oeuvre selon le public le plus drastique, Ridley Scott l'a probablement effleuré au vu des traces qu'il nous laisse dans la rétine, le coeur et l'encéphale, alors que notre actualité contemporaine ne cesse de tenter de libérer la parole de la femme violentée et bafouée depuis des siècles de machisme comme nous le rappelle ici dignement le cinéaste à travers le motif "fait-divers".

*Eric Binford. 

samedi 27 novembre 2021

976-Evil / La Ligne du Diable

                                            
                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site primatemaster.blogspot.com

de Robert Englund. 1988. U.S.A. 1h32. Avec Stephen Geoffreys, Jim Metzler, Maria Rubell, Pat O'Bryan, Sandy Dennis

Sortie salles France: uniquement en Dvd. U.S: 24 Mars 1989

FILMOGRAPHIERobert Englund est un acteur et réalisateur américain né le 6 Juin 1947 à Glendale, Californie, USA. 2008: Killer Pad. 1989: Freddy, le cauchemar de vos nuits (TV Series) (2 episodes). 1988: 976-Evil.


Le pitch: Après avoir composé un numéro de téléphone leur promettant l'avenir, les citadins d'une bourgade sont victimes des sarcasmes du diable en personne en quête de suppôt influençable. C'est à cet instant qu'intervient Hoax, un jeune ado timoré et mal dans sa peau, délibéré à prendre sa revanche sur ses oppresseurs.

B movie horrifique symptomatique de son époque dans laquelle il fut conçu, 976 Evil fit les beaux jours des vidéophiles des années 80, aussi mineur soit son contenu terriblement maladroit. L'acteur Robert Englund se prêtant pour la première fois au jeu de la réalisation sans prétention aucune au grand dam de son inexpérience pour autant gratifiante. Si bien que sa récréation horrifique bricolée avec futile tendresse demeure aussi charmante qu'attachante. Et rien que d'un aspect purement esthétique, 976 Evil dégage une séduisante atmosphère de "teen movie" à l'orée de la BD macabre, de par sa photo flamboyante émaillée de décors saillants (notamment un impressionnant enfer glacé lors du règlement de compte final). 


Ainsi, à travers la caractérisation approximative de ses personnages franchement caricaturaux (la mère bigote qu'endosse avec plaisante outrance Sandy Dennis à travers sa perruque à bigoudis, le détective privé déambulant durant tout le métrage sans parvenir à faire avancer l'intrigue ni évoluer son personnage, la blonde lunaire maladroitement éprise d'affection pour Hoax), 976 Evil nous illustre la quotidienneté de Spike, jeune charmeur au gros bras batifolant avec sa nouvelle compagne volage (une blondasse qu'incarne Lezlie Deane dans une posture hyper sexy d'avatar de Madonna), accompagné de son cousin Hoax (endossé par le ouistiti Stephen Geoffreys, chieur hystérique de Vampires, vous avez dits Vampires), souffre-douleur auprès d'une bande de marginaux décérébrés. Spike venant fréquemment à sa rescousse tout en encaissant les préceptes religieux de la mère d'Hoax fanatisée par les 10 commandements. Mais un beau soir, (après la prédication mystique d'une pluie de poissons !?), Spike tombe par mégarde sur un étrange lobby-card lui suggérant de composer un numéro de téléphone. La voix du combiné lui prédisant des évènements futurs qui s'avéreront payants. Quand bien même, un peu plus tard, c'est au tour de Hoax d'y composer le fameux numéro du diable afin d'y planifier une vengeance morbide en concertation avec Satan. Hoax affichant lors de l'ultime demi-heure une posture de possédé ricaneur à travers ses exactions gorasses sympathiquement ludiques, pied de nez à la déontologie catholique de sa mégère follingue. 


Méfiez vous quand l'appel est gratuit !
Par conséquent, à travers sa réalisation inexpérimentée, son pitch à la fois décousu et prémâché (en quoi les prédictions de Satan sont elles nécessaires ?, le créateur de la ligne téléphonique, citoyen lambda, est-il complice auprès des forces du Mal ?), son cast stéréotypé et la motivation simpliste mais intègre d'Englund de nous distraire avec fantaisie sardonique, 976 Evil fait son petit effet de spectacle décérébré du Samedi soir. Notamment grâce à sa facture visuelle tantôt fascinante et séduisante (même auprès de décors quelconques), tantôt inquiétante au gré d'un (original) concept débridé loin de passé inaperçu. Ses nombreuses imperfections (indiscutables) extériorisant un charme innocent assez magnétique tout en patientant la vendetta d'Hoax avec une stimulante curiosité. 

Dédicace à Seb Lake

*Eric Binford
01/11/19. 147 v
27.11.21. 3èx

Remerciement au blog "le primate indiscipliné" pour sa version HD. 

mercredi 24 novembre 2021

187: Code Meurtre

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"One Eight Seven" de Kevin Reynolds. 1997. U.S.A. 1h59. Avec Samuel L. Jackson, Clifton Collins Jr., Kelly Rowan, John Heard, Tony Plana, Karina Arroyave.

Sortie salles France: 29 Avril 1998

FILMOGRAPHIE: Kevin Reynolds est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 17 Janvier 1952 à San Antonion, Texas. 1985: Une Bringue d'enfer. Histoires Fantastiques (Epis, vous avez intérêt à me croire). 1988: La Bête de Guerre. 1991: Robin des Bois, prince des voleurs. 1993: Rapa Nui. 1995: Waterworld. 1998: 187 Code Meurtre. 2002: La Vengeance de Monte Cristo. 2006: Tristan et Yseult.

Cri d'alarme nécrosé contre la violence scolaire du point de vue d'une délinquance criminelle sans éthique, 187 Code meurtre nous laisse un goût de souffre dans la bouche au fil du générique de fin. Kevin Reynolds retraçant avec une efficacité vénéneuse le calvaire moral, ou plutôt la résilience d'un enseignant déjà victime de tentative d'homicide sur lui 1 an plus tôt. Acceptant un poste de suppléant dans un lycée aussi difficile puisque soumis à la tyrannie de gangs, Trevor Garfield tente malgré tout d'enseigner ses cours avec une amertume hélas davantage plombante. Samuel L. Jackson portant le film à bout de bras dans sa fonction victimisée recluse sur lui même en dépit de l'amitié quelque peu sentimentale qu'il entame avec sa consoeur, Ellen Henry, elle aussi victime d'intimidation et de menaces au grand dam d'un quelconque appui solidaire du côté de ses pairs. 

Ainsi, à travers une ambiance peu à peu dépressive, malsaine et suicidaire, 187 Code Meurtre demeure insidieux, nihiliste, fétide de par son terrifiant discours sur l'impuissance du corps enseignant ne bénéficiant d'aucun soutien juridique, scolaire et judiciaire à travers un dialogue de sourds où chacun se renvoit la balle sans pouvoir faire preuve d'altruisme et de discernement. Or, c'est à partir de cette impasse insupportable que 187 Code meurtre bifurque peu à peu vers une idéologie réactionnaire lorsque Trevor décide subrepticement de se faire justice à force d'essuyer les menaces et provocations quotidiennes. Le climat inhospitalier demeurant franchement inquiétant, étouffant (environnement solaire à l'appui) et épeurant, notamment auprès du sort précaire de celui-ci ayant inévitablement généré de futurs règlements de compte à la fois criminels et suicidaires. Par conséquent, à travers un drame social assez captivant, ténébreux et parfois clippesque (traversé d'une BO rap envoûtante - très atmosphérique - alors qu'à la base je n'y suis absolument pas fan !), Kevin Reynolds n'y va pas avec le dos de la cuillère pour y dénoncer avec pessimisme et amertume la lassitude de ces enseignants  incapables de diriger leur cours en bonne et due forme, qui plus est discrédités par leur hiérarchie plus préoccupée par leur réputation et leur finance.  


Plus dure sera la chute.
A la fois dérangeant et malsain, poignant et révoltant, désenchanté et sentencieux, 187 Code Meurtre ne nous laisse pas indemne de nous avoir retracé avec force et réalisme parfois poisseux la dérive morale d'un enseignant perdant lentement pied avec sa propre éthique. Quand bien même nous apprenons au cours du générique final que le scénariste fut autrefois professeur dans le système public à Los Angeles. On ne peut plus tristement actuel, c'est donc un cri de désespoir dénué d'illusions que nous assène froidement Kevin Reynolds, notamment quant au devenir d'une jeunesse désoeuvrée abdiquée par leurs parents et la société, alors que quelques enseignants forcément soucieux de leur avenir tentaient de leur éveiller les valeurs de la pédagogie, de la dignité et du respect d'autrui.  

*Eric Binford
3èx

mardi 23 novembre 2021

Nocturnal Animals. Lion d'Or / Grand Prix du Jury, Mostra de Venise 2016

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Tom Ford. 2016. U.S.A. 1h56. Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher.

Sortie salles France: 4 Janvier 2017. U.S: 9 Décembre 2016

FILMOGRAPHIE: Thomas Carlyle Ford, dit Tom Ford, né le 27 août 1961 à Austin (Texas), est un styliste, acteur et réalisateur américain. 2009 : A Single Man. 2016 : Nocturnal Animals. 


"Les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on a pas eu le temps de vivre."
Douloureux drame conjugal transplanté dans le cadre du thriller noir, Nocturnal Animals dégage un sentiment mélancolique de plus en plus poignant (voir bouleversant à un moment propice) au fil de la dérive existentielle de son héroïne, Susan Morrow, galeriste mal dans sa peau à la suite de son échec marital et celui actuel qu'elle subit dans la félonie d'un époux volage englué dans son confort. Superbement interprété dans une expression humaniste à la fois torturée et prévenante, Amy Adams et Jake Gyllenhaal forment le duo infortuné au gré d'une intensité dramatique dépouillée. Le réalisateur dépeignant scrupuleusement les écrits de Edward Sheffield, l'ex compagnon de Susan délibéré à lui prouver ses talents d'écrivain en herbe à travers le récit d'un thriller sauvage où la vengeance finira par y souiller la victime en quête de rédemption. Sa facture visuelle, Texane, demeurant aussi vénéneuse qu'hypnotique à travers son désert crépusculaire, de jour comme de nuit. A l'instar de la composition faussement fréquentable de l'excellent Michael Shannon en flic mourant adepte d'une violence à la fois expéditive et contagieuse. 

Ainsi donc, au fil de la lecture qu'amorce Susan, entre fascination et appréhension, elle se remémore son passé en établissant un lien étroit avec les états d'âme de son ex époux, Edward Sheffield (que Jake Gyllenhaal compose dans un rôle bicéphale à travers l'exploration de sa culpabilité et de son manque de confiance qu'elle lui reprocha autrefois). Or, au fil de la prise de conscience démunie de Susan en proie au remord et au regret (notamment le fait d'avoir inconsciemment considéré la parole contradictoire de sa mère réfractaire à sa 1ère relation maritale), cette fois-ci trahie par son nouvel époux de la manière la plus sournoise, Nocturnal Animals suscite une pudeur émotive que le spectateur perçoit avec une empathie éprouvée. Tant auprès de la cruauté psychologique exercée sur sa profonde solitude et celle, torturée, d'Edward, que de la sauvagerie des actes des violeurs sans vergogne qu'Edward retranscrit avec un réalisme brute à travers son livre cathartique. 


"Il y aura toujours des histoires d'amour qui se frôleront du bout des doigts et qui prendront vie dans les pensées. Ce sont celles-ci qui durent toute une vie..."
D'une vibrante émotion jamais outrée, puisque contenue et introvertie sous l'impulsion d'une Amy Adams d'une fragilité timorée, Nocturnal Animals exploite brillamment le drame psychologique en disséquant les états d'âme bafoués du couple en quête d'absolution. Spoil ! La conclusion, froide, inquiétante et bouleversante, s'autorisant un parti-pris mélodramatique que le spectateur subira impuissant la gorge nouée au gré du score sensible, sentencieux d'Abel Korzeniowski (résonnant bien au-delà de la projection). Fin du Spoil.

*Eric Binford
2èx

Récompenses:

Mostra de Venise 2016 : Lion d'argent - Grand prix du jury

Golden Globes 2017 : Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour Aaron Taylor-Johnson

David di Donatello 2017 : Meilleur film étranger

Festival Polar de Cognac 2017 : « POLAR » 2017 du Meilleur Film Long Métrage International de Cinéma

jeudi 18 novembre 2021

Last night in Soho / Dernière nuit à Soho

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Edgar Wright. 2021. Angleterre. 1h56. Avec Thomasin McKenzie, Anya Taylor-Joy, Matt Smith, Terence Stamp, Sam Claflin, Diana Rigg, Michael Ajao

Sortie salles France: 27 Octobre 2021 (int - 12 ans). U.S: 29 Octobre 2021 (int - 17 ans).

FILMOGRAPHIE: Edgar Wright est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 18 avril 1974 à Poole, dans le Dorset (Royaume-Uni). 1994 : A Fistful of Fingers. 2004 : Shaun of the Dead. 2007 : Hot Fuzz. 2010 : Scott Pilgrim. 2013 : Le Dernier Pub avant la fin du monde. 2017 : Baby Driver. 2021 : The Sparks Brothers (documentaire). 2021 : Last Night in Soho. 


"Et le miroir se brisa."
La résurgence du Psycho-killer artisanal au sens le gracieux.
Nouveau maître du divertissement au sens le plus noble enchaînant les surprises à rythme quasi métronomique, Edgar Wright ne déroge pas à la règle qualitative avec son dernier né, Last Night in Soho. Pur thriller Hitchockien mâtiné de Giallo à la Argento taillé sur mesure à travers sa mise en scène capiteuse où rien n'est laissé au hasard, Last Night in Soho est un pur plaisir de cinéma comme on en voit que trop rarement dans le paysage ludique. La réalisateur parvenant méticuleusement à nous introduire dans le conscience paranoïde de l'héroïne sous l'impulsion d'un pitch redoutablement solide pour qui raffole de psycho-killer schizo à l'aura névralgique. Dans la mesure où l'alchimiste Edgar Wright, terriblement inspiré par son récit labyrinthique (c'est peu de le dire), parvient à nous mener par le bout du nez en télescopant admirablement les genres (Fantastique, Musical, Romance, Thriller, Drame psychologique, Horreur) avec une sagacité forçant le respect. L'émotion hybride, à la fois inquiétante et féérique nous emportant dans un vortex de séquences musicales où les tubes des années 60 se mêlent à la pop-rock contemporaine. L'intrigue se focalisant sur l'ambition d'une jeune créatrice de mode partie s'exiler à Londres pour tenter de percer dans le milieu. 


Or, à partir du moment où celle-ci emménage dans le quartier, elle est victime de visions à la fois enchanteresses et cauchemardesques en s'identifiant auprès du personnage de Sandie, chanteuse de music-hall dans les années 60. Peu à peu, au fil d'hallucinations davantage prégnantes et agressives, Eloise perd pied avec la réalité au point de virer vers une dérive potentiellement psychotique. Autant dire que le spectateur, dérouté par cette énigme sinueuse, essaie de disséquer sa psychologie torturée avec une appréhension toujours plus opaque et épeurante. Habitée par son rôle bicéphale auquel nous nous identifions cérébralement à son désarroi (à croire qu'elle finit par nous posséder par la puissance sensorielle des images baroques défilant avec une musicalité Giallesque façon Goblin), Thomasin McKenzie transperce l'écran (et les miroirs !) avec une expression exorbitée à la fois poignante et malaisante. Son parcours moral en perdition s'apparentant à une course effrénée pour la quête de vérité à travers une investigation criminelle toujours plus ombrageuse quant on y cultive le faux semblant. Quand bien même l'illustre Anya Taylor-Joy se fond dans le corps langoureux d'une danseuse de music-hall avec l'élégance charnelle qu'on lui connait à travers ses yeux noirs perçants souillés par Spoil ! l'humiliation, la soumission et la prostitution. Fin du Spoil.


"Terror Eyes.
"
Hommage passionnel aux thrillers psychologiques et psycho-killers macabres que les plus grands cinéastes ont su marquer de leur empreinte infaillible (on peut également évoquer Polanski pour  Répulsion et Nicolas Roeg pour Ne vous retournez pas selon les aveux de Wright jamais à court de références subtilement éthérées), Last night in Soho relève la gageure de les honorer avec un brio formel, émotionnel et technique hypnotisant. L'expérience, à la fois déroutante, fascinante, ensorcelante et dérangeante demeurant d'une intensité dramatique dégingandée. Si bien que le spectateur absorbé par l'étrangeté de cette proposition "pailletée", orange sanguine, ne parvient pas à maitriser ce que déroule lentement le cinéaste sous nos yeux jusqu'au dénouement antithétique (et ce sans argument tarabiscoté), feu d'artifice cathartique à l'émotivité disparate. Futur classique, sans se soucier de son éventuelle dégradation temporelle.     

*Eric Binford

mercredi 17 novembre 2021

Dredd

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Pete Travis. Angleterre/Afrique du Sud. 2012. 1h35. Avec Karl Urban, Olivia Thirlby, Lena Headey, Domhnall Gleeso.

Sortie salles France: 16 Septembre 2012, uniquement en avant-première à l'Etrange Festival. U.S.A. 21 Septembre 2012. Belgique: 21 Novembre 2012

FILMOGRAPHIE: Pete Travis est un réalisateur britannique né à Manchester en Angleterre.
2008: Angles d'attaque. 2009: Endgame. 2012: Dredd. 


Si le nanar Judge Dredd campé par un Stallone cabotin, eut été un échec cuisant lors de sa sortie en 1995, sa réactualisation entreprise aujourd'hui par un réal novice va définitivement inhumer le pudding édulcoré de Danny Cannon. Le pitch: Dans une société futuriste totalitaire régie par des juges pugnaces, Dredd et sa nouvelle recrue, Anderson, doivent faire face à un cartel de la drogue manoeuvré par une psychopathe notoire. Alors qu'ils sont sur le point de mettre sous les verrous l'un de ses alliés, la matriarche "ma-ma" décide de boucler l'immeuble pour les embrigader en invoquant à la population de les assassiner. Ainsi donc, ceux qui attendaient désespérément une version cinématographique emblématique du comics créé par John Wagner risquent bien de jubiler à la vue de cet actionner bourrin dédié à la subversion ultra violente. Caractérisé par un scénario simpliste mais redoutablement haletant de par son enchaînement d'action décomplexée, Dredd nouveau cru est un plaisir innocent à la générosité difficilement perturbable.


Avec peu de décors (l'essentiel de l'action se focalisant derrière les murs anti-atomiques d'une gigantesque tour), le réalisateur Pete Travis réussit à nous immerger de plein fouet dans l'urbanisation d'une cité futuriste en décrépitude. Un monde irradié et déshumanisé où drogue et criminalité sont un fléau permanent sous l'allégeance d'une criminelle sanguinaire (elle dépèce vivant ses adversaires qui empiètent son territoire avant de les droguer et de les éjecter du haut de 200 étages !). Avec sa photo cristalline saturée de teintes fluos, cette mouture hardgore utilise harmonieusement une palette de couleurs criardes afin de mettre en exergue les nombreuses effusions sanguinolentes qui en émanent. Notamment quelques plages de poésie fantasmagorique, tels ces effets hallucinogènes de la nouvelle drogue "slo-mo" produisant chez le sujet un effet de ralentissement sur la notion temporelle ! Pour ce qui concerne les péripéties encourues chez nos deux baroudeurs pourvus d'armes high-tech (gadgets à l'appui !), Pete Travis ne cesse de leur faire subir moult épreuves de survie au sein d'un immeuble infesté de tueurs et de quidams corrompus. Ainsi, à la manière d'une compétition, nos deux héros doivent affronter subterfuges et rixes cinglantes face à des antagonistes toujours plus déterminés (telle cette embuscade furibonde à la sulfateuse, morceau d'anthologie du film !) et tenter d'obstruer la mégère dégénérée.


Dans le rôle titre, Karl urban s'en sort avec les honneurs pour incarner le nouveau justicier impassible. S'il peut paraître au départ un poil rigide dans sa posture héroïque à la mâchoire contractée, il réussit fissa à s'imposer en héros flegmatique, sensiblement épris de conscience humaniste depuis l'indulgence de sa co-équipière. La charmante Olivia Thirlby prêtant son talent pour endosser de façon circonspecte une mutante douée de pouvoirs psychiques, mais aussi de compassion chez les déshérités. Enfin, en baronne de la drogue burinée d'une cicatrice sur le visage, Lena Headey se révèle aussi délectable que méprisable lors de ses agissements sanguinaires afin de prouver son autorité inébranlable à une population disciplinée.


Escape from Mega City One
Ultra violent, bourrin, gore, immersif et assez jouissif, Dredd se coltine en prime d'une bande son électro émoustillante afin de scander les péripéties explosives qui empiètent le récit. Honteusement ignoré en salles dans l'hexagone, ce film d'action furibond, symptomatique de la série B décomplexée, insuffle une vigueur et un charisme animal face à la déliquescence urbaine d'une société en perdition. Juste avant de lever un voile d'espoir en la présence clairvoyante de la mutante clémente. 

Eric Binford
03.01.13
17.11.21. 

mardi 16 novembre 2021

Rocky IV: Rocky vs Drago - The Ultimate Director's Cut

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sylvester Stallone. 1985/2021. U.S.A. 1h34. Avec Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young, Carl Weathers, Dolph Lundgren, Brigitte Nielsen, Tony Burton 

Sortie salles France (Rocky 4); 22 Janvier 1986. U.S (director's cut): 11 Novembre 2021.

FILMOGRAPHIE: Sylvester Stallone est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 6 Juillet 1946 à New-York. 1978: La Taverne de l'Enfer. 1979: Rocky 2, la Revanche. 1982: Rocky 3, l'Oeil du Tigre. 1983: Staying Alive. 1985: Rocky 4. 2006: Rocky Balboa. 2008: John Rambo. 2010: Expendables: Unité Spéciale.


La technologie au service de l'effort physique.
En précisant qu'à mes yeux Rocky 4 est le volet le plus faible de la saga en dépit de son immense succès public assouvi par l'aspect jouissif des combats, une version Director's Cut remaniée par son auteur attisa inévitablement ma curiosité, même si sa durée quasi similaire (3' supplémentaires au compteur) pouvait laisser craindre une affaire purement lucrative. Et si évidemment Rocky 4 reste un divertissement (trop) simpliste et cliché, notamment auprès de ses séquences clippesques que Stallone a quelque peu remanié (les flash-back sont ici en noir et blanc), cette nouvelle mouture demeure louablement plus sombre, plus adulte, plus posée que son prédécesseur. Si bien que globalement parlant elle demeure donc moins clinquante et tape à l'oeil à travers une multitude de modifications plus censées, plus réfléchies, notamment en y établissant une relation plus prononcée avec Rocky 3, l'Oeil du Tigre (le prologue plus long accorde plus d'importance aux rapports professionnels entre Creed et Rocky, et la fin s'avère moins vulgaire et politisée, avec un générique de fin impulsé par le thème cher de Survivor). 


Exit donc la séquence la plus risible où intervenait le robot à l'anniversaire de Paulie et à d'autres moments intimes (en compagnie du fils de Rocky), Stallone privilégiant l'humanité en berne de ses personnages, à l'instar des funérailles plus longues de Creed auquel il verse cette fois-ci des larmes faciles. La musique de Bill Conti étant notamment plus présente lors des moments les plus intimes et poignants, quand bien même le final évacue un peu le discours (et ses symboles) politique(s) tant raillé(s) à l'époque au profit de l'humanisme torturé de Drago avouant devant son supérieur qu'il se bat pour lui même, non pas pour sa patrie. Et pour ceux qui ont revu coup sur coup Rocky 4, version ciné afin d'établir un comparatif beaucoup plus détaillé (car personnellement, il y a plus de 15 ans que je ne l'ai pas revu), de nombreux dialogues auraient été également supprimés et dispatchés durant tout le récit afin de mettre l'accent sur une dramaturgie dépouillée. Pour autant, quelques pointes d'humour sont heureusement restée présentes et ne demeurent pas hors propos ou outrancières lorsque Paulie tente de détendre l'atmosphère tendue avec la maladresse impayable qu'on lui connait. Des séquences vraiment drôles aux répliques inventives qui font mouche, notamment grâce au naturel décomplexé de Burt Young toujours envieux de son maître à penser. Enfin, le métrage est recadré en 2.35 en lieu et place du 1.85 initial, probablement afin de lui offrir un cachet formel plus stylé, plus cinégénique. 


Une ode à l'effort primal. 
En tout état de cause, à la sortie de la projo, Rocky vs Drago m'a paru globalement plus sobre, plus présentable, plus équilibré et plus humain que sa version ciné (marque de fabrique de tous les opus émotifs de Rocky), alors que le combat final reste un morceau d'anthologie assez percutant (même si personnellement je vibre beaucoup plus pour celui de l'Oeil du Tigre) parmi la posture monolithique de l'impressionnant Dolph Lundgren en machine à tuer lobotomisée. Quoiqu'il advienne, ce Director's cut risque de diviser son public, surtout auprès des puristes indéfectibles de la version ciné si chère à leurs yeux, assumant sans réserve sa naïveté et ses facilités triviales. 

*Eric Binford
4èx

Ci-joint chroniques des antécédents opus: 

Récompenses (Rocky 4):
Napierville Cinema Festival 1985 : trophée Marshall du meilleur acteur pour Dolph Lundgren
Goldene Leinwand 1986 : meilleur film

lundi 15 novembre 2021

Les Aventuriers du bout du Monde

                                        
                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"High Road to China" de Brian G. Hutton. 1983. U.S.A/Hong-Kong/Yougoslavie. 1h45. Avec Tom Selleck, Bess Armstrong, Jack Weston, Wilford Brimley, Robert Morley, Michael Sheard, Brian Blessed. 

Sortie salles France: 11 Mai 1983

FILMOGRAPHIEBrian Geoffrey Hutton est un réalisateur et acteur américain, né le 1er janvier 1935 à New York, État de New York (États-Unis) et mort le 19 août 2014 à Los Angeles (Californie). 1965 : Graine sauvage. 1966 : The Pad and How to Use It. 1968 : Les Corrupteurs. 1968 : Quand les aigles attaquent. 1970 : De l'or pour les braves. 1972 : Une belle tigresse. 1973 : Terreur dans la nuit. 1980 : De plein fouet. 1983 : Les Aventuriers du bout du monde. 


Démarquage parmi tant d'autres de la saga Indiana Jones à l'orée des années 80, Les Aventuriers du bout du monde s'avère fort sympathique à travers l'exploitation de son action épique s'apparentant d'ailleurs au film de guerre (son final belliqueux ne lésinant pas sur les moult explosions sous l'impulsion d'une foule de figurants armés jusqu'aux dents), le sens payant de sa cocasserie omniprésente et la complémentarité fougueuse du couple glamour Tom Selleck / Bess Armstrong jouant la discorde avec suffisamment d'humour, de traits de caractère mesurés et de sincérité pour se démarquer du stéréotype qui aurait pu rapidement nous lasser. Ainsi, partant d'un pitch comme de coutume simpliste (une femme cossue sollicite un aviateur pour retrouver la trace de son père afin de récupérer l'héritage de son entreprise malmenée par un ancien associé), prétexte à un florilège de scènes d'action dépaysantes aux quatre coins du monde, les Aventuriers du bout du monde fleure bon l'aventure du samedi soir. Un spectacle plein de peps, de romance, de drôlerie et de fraîcheur à la fois badin et exaltant eu égard de la capacité naturelle des protagonistes à tenter de nous amuser, entre crêpages de chignon à répétition et héroïsme en herbe au sein de paysages d'une beauté sauvage. 

Pour se faire, Brian G. Hutton a donc eu la judicieuse idée de recruter Tom Selleck (alors qu'initialement c'est lui qui devait endosser la panoplie d'Indy chez Spielberg) pour offrir une certaine ampleur à l'entreprise. De par son charisme viril taillé dans une posture bougonne, Tom Selleck est à l'aise en aventurier autoritaire aux penchants alcoolos toutefois récupéré d'une loyauté et d'une tendresse solidaire au fil de son évolution morale à reconsidérer sa partenaire déterminée à retrouver son père. On peut en dire autant de la présence pleine d'aplomb de Bess Armstrong jouant la commanditaire nantie avec un franc-parler (gentiment) contestataire. Terriblement charmante et sexy, caractérielle et davantage audacieuse (sa stratégie finale d'impressionner son entourage en s'emparant d'un avion pour mitrailler la camp ennemi) mais ne manquant pas de fragilité et de sensibilité lorsqu'elle se laisse influencer par le bagout affirmé de son partenaire, Bess Armstrong crève l'écran par son élégance charnelle dénuée de prétention. Si bien qu'elle parvient à nous envoûter à chaque fois qu'elle se présente à l'écran avec un naturel serein dénué de fard. Qui plus est, on peut également compter sur le score de John Barry afin de renforcer le souffle romanesque de l'aventure davantage éprise d'émotion et de considération quant aux valeurs humaines des personnages finalement compréhensifs et tolérants. 

Complètement oublié depuis des décennies et mésestimé par la critique, Les Aventuriers du bout du monde ne méritait pas tant de déshonneur car il demeure à mon sens un formidable divertissement à l'ancienne impeccablement mené et interprété au sein de cadres naturels hybrides aussi exaltants que grandioses (bien que le tournage n'ait eu lieu qu'en Yougoslavie, et non pas en Afghanistan, au Népal, en Chine, en Turquie ou en Inde. 

*Eric Binford.
24.09.20
15.11.21. 3èx. vf

Note (source Wikipedia): Le film nous fait visiter l'Afghanistan, le Népal, la Chine, la Turquie et l'Inde. Mais en réalité, le tournage n'a eu lieu qu'en Yougoslavie.

vendredi 12 novembre 2021

Jennifer 8

                                            
                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Bruce Robinson. 1992. U.S.A. 2h05. Avec Andy García, Lance Henriksen, Uma Thurman, Graham Beckel, Kathy Baker, Kevin Conway, John Malkovich.

Sortie salles France: 14 Avril 1993. U.S: 6 Novembre 1992

FILMOGRAPHIEBruce Robinson est un acteur, scénariste et réalisateur britannique, né le 2 mai 1946 à Broadstairs (Royaume-Uni). 1987 : Withnail et moi. 1989 : How to Get Ahead in Advertising. 1992 : Jennifer 8. 2011 : Rhum express.


Thriller à suspense de haute volée impeccablement mené par le méconnu Bruce Robinson, Jennifer 8 fait clairement parti du haut du panier du genre au sein de la décennie 90. Tant et si bien que 2h05 durant, celui-ci parvient à maintenir l'attention de par son récit ciselé conjuguant romance et thriller noir avec une efficacité dénuée de fioriture. L'excellent Andy Garcia (disparu des écrans depuis trop longtemps) endossant sans luxe le rôle d'un flic tourmenté au moment de tenter d'élucider une affaire crapuleuse après la découverte macabre d'une main sectionnée appartenant probablement à une aveugle. Sa piste l'entraînant à fréquenter Helena Robertson, également aveugle qui lui avoue que la main découverte dans une décharge appartiendrait sans doute à sa co-locataire Amber disparue il y a peu au gré de multiples indices. Avec l'aide de son acolyte Freddy Ross (Lance Henriksen inscrit dans une attention amiteuse aimablement friponne), John devient obsédé à l'idée d'alpaguer le tueur en série s'en prenant uniquement aux jeunes femmes aveugles. De par son intrigue particulièrement bien écrite prenant son temps à poser les bases d'une romance aussi prude que prochainement houleuse, Jennifer 8 nous attache à ses personnages où amour et amitié finiront par leur porter un lourd tribus. 


Car sans déflorer la vénéneuse intrigue redoutablement insidieuse, Jennifer 8 tisse lentement une toile d'araignée autour de l'unité de ses protagonistes aux valeurs humaines indéfectibles. Et si dans un 1er temps on se laisse facilement charmer par cette romance candide au sein du couple qu'Umma Thurman exprime naturellement en jeune aveugle ténue et quelque peu timorée, sa seconde partie autrement intense, hypnotique et passionnante s'affiche plus dense et subtile lorsque John finit par tomber dans les mailles d'un filet machiavélique lorsque le tueur parvient à le faire suspecter de meurtre auprès de ses collègues jouant la sourde oreille pour l'épauler. Fort d'un climat fétide davantage étouffant lors de l'interrogatoire cérébral entre John et l'agent St. Anne (endossé par un implacable John Malkovich en imprécateur trop affirmé) persuadé qu'il est coupable, Jennifer 8 se décline en affrontement tendu lorsque les deux individus ne cesseront de se contredire pour cet enjeu criminel où le tueur en liberté reste constamment invisible. Par conséquent, c'est d'ailleurs à ce moment propice que l'on saisit pourquoi le réalisateur eut tant attaché d'importance à la romance entre John et Helena afin que le tueur puisse exercer son pouvoir et son autorité sur eux avec une facilité infiniment sournoise. Quand bien même  au moment où l'étau se resserre auprès du sort de John, le dénouement s'ouvre à nous sans nous prévenir à l'aide d'un rebondissement redoutablement retors. 


Redoutablement charmant et envoûtant auprès de ses interprètes charismatiques à la complémentarité solidaire ou amoureuse jamais programmée, Jennifer 8 sait parfaitement doser ses ingrédients contradictoires sous l'impulsion d'un suspense anxiogène dominant la situation macabre avec une maîtrise technique et formelle constamment attrayante. Jennifer 8 possédant une force attractive incorrigible pour entraîner le spectateur dans une investigation morbide teintée de séquences oppressantes subtilement vertigineuses. Un grand thriller en somme déjà fort côté lors de sa sortie mais aujourd'hui toujours aussi enviable dans son adroite symbiose des genres.  
  

*Eric Binford
26.07.19
12.11.21. 3èx VO

jeudi 11 novembre 2021

Dark August

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Martin Goldman. 1976. U.S.A. 1h27. Avec  Kim Hunter, J.J. Barry, Carolyne Barry, Kate McKeown,  Frank Bongiorno, William Robertson.

Sortie salle France: probablement inédit. U.S: 10 Septembre 1976

FILMOGRAPHIE: Martin Goldman est un réalisateur, producteur et scénariste américain. 2016: The Reading (completed). 1997 Legend of the Spirit Dog. 1976 Dark August. 1972 The Legend of Nigger Charley. 


Exclusivement réservé aux amateurs de bizarrerie introuvable, Dark August est une étrange curiosité relativement soignée au niveau de sa mise en scène et du jeu des acteurs méconnus. A condition d'y privilégier la VO tant la version doublée s'apparente à une irregardable série Z, les acteurs ayant subitement égarés toute forme de crédibilité. Quant au récit linéaire, il relate le calvaire moral d'un peintre de 38 ans harcelé par le grand-père de la petite fille qu'il eut percuté en voiture quelques années plus tôt. Spécialiste d'occulte, le vieillard fait donc appel aux forces du Mal pour tenter de détruire ce responsable de la mort de la fillette. Ainsi, en dépit de cette intrigue ultra simpliste et redondante, parfois traversée de moments saugrenus (l'incendie du studio interrompu par les pompiers), le réalisateur parvient néanmoins à maintenir un (timide) intérêt de par sa sobriété d'y conter scrupuleusement son histoire de sorcellerie au gré d'une ambiance champêtre parfois hostile renforcée d'un réalisme ombrageux. 


Celui-ci soignant le cadre de la nature environnante avec, en intermittence, l'intrusion d'un étrange individu encapuchonné semblant épier le peintre et son épouse à proximité de leur résidence. Qui plus est, l'apparence patibulaire du vieillard suscite parfois un certain malaise lors de ses brèves apparitions dénuées d'émotions. En revanche, son dernier quart d'heure s'attardant sur un rituel afin de désenvouter le peintre demeure poussif auprès de ses incantations récursives que le spectateur observe de façon nonchalante. Qui plus est, son dénouement à double twist joue un peu trop sur l'ambiguïté Spoil ! quant à la véritable identité de l'homme encapuchonné virant sa cuti pour se retourner contre celui qui l'eut invoqué. Sans compter sa séquence finale à la fois dérangeante, cruelle et incompréhensible lorsque le peintre est subitement sujet à une agression injustifiée. Fin du Spoil


Un ovni franc-tireur donc passablement attachant, modeste héritier de l'ambiance ésotérique des Seventies. 

*Eric Binford.

mercredi 10 novembre 2021

It Follows. Grand Prix, Prix de la Critique, Gérardmer 2015.

                                            
                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de David Robert Mitchell. 2014. U.S.A. 1h40. Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Jake Weary, Olivia Luccardi, Daniel Zovatto.

Sortie salles France: 4 Février 2015. U.S: 27 Mars 2015

FILMOGRAPHIEDavid Robert Mitchell est un réalisateur et scénariste américain.
2010: The Myth of the American Sleepover. 2014: It Follows.


"Révision d'un authentique coup de ❤ du psycho-killer ésotérique, pur film d'ambiance traversé de moments de flippe vertigineux. Désormais un classique (en glacis), l'un des meilleurs représentants depuis ces 30 dernières années."

Grand vainqueur de Gérardmer en 2015 (Grand Prix et Prix de la Critique !), It Follows est la seconde oeuvre (picturale) d'un réalisateur novice éperdument amoureux du genre. De par son goût pour l'esthétisme onirico-macabre qu'un format scope transfigure avec un sens stylisé du cadrage, pour sa musique métronomique tantôt lancinante, tantôt stridente, directement inspirée de CarpenterTim Krog, Fred Myrow et Malcolm Seagrave (Phantasm), et surtout pour son ambiance anxiogène palpable rappelant instinctivement les fleurons horrifiques des années 80. Car prenant à contre-pied les poncifs du psycho-killer lambda à travers la caricature des jeunes ados ici intelligents, censés, humains, fragiles, tendres et solidaires à contrario des gamins turbulents fumeurs de joints, et ses thèmes de la mort et de la sexualité, David Robert Mitchel parvient à renouveler le genre par le biais d'une entité maléfique que n'aurait pas renié Ulli Lommel ! Puisque remake à peine déguisé du très sympa Spectre / The BoogeymanIt Follows renvoie au même facteur surnaturel (l'entité démoniaque quasi invisible pourchassant sans relâche ses victimes !), à la même ambiance ésotérique et à la même musicalité que Tim Krog avait su souligner à l'aide d'une mélodie doucereuse. En l'occurrence, le réalisateur aborde donc les thématiques de la peur du Mal et de celle de la sexualité sous un angle ironique si bien que les ados sont contraints de copuler pour éviter de trépasser, l'entité pourchassant incessamment la dernière victime ayant oser commettre l'acte sexuel ! Métaphore sur les maladies vénériennes mais aussi l'émancipation sexuelle afin d'exorciser nos névroses (la peur de la maturité également !), parcours initiatique à l'équilibre amoureux, l'intrigue met en appui l'épreuve de force que relèveront communément un groupe d'acolytes de classe afin de repousser la menace sournoise. 


Fort de cette présence irréelle redoutablement hostile car multipliant les nouvelles apparences corporelles, et la manière subjective dont David Robert Mitchel filme la tranquillité de sa bourgade ricaine démissionnée de ligue parentale, on songe inévitablement à Halloween auquel l'ombre de Michael Myers semble scruter les faits et gestes de chaque lycéenne. Nanti de gageure, le cinéaste essaie dès lors de jongler avec les sentiments d'angoisse et de terreur parmi l'efficacité des situations aléatoires de danger et un souci formel onirique (la beauté fantasmatique de la nature, sa faune et sa flore multipliant les paraboles sur la virginité et à la défloration). Et si les séquences de flippe s'avèrent  discrètes, certaines d'entre elles parviennent véritablement à nous épeurer lorsque l'entité s'incarne sous une indicible apparence humaine afin d'harceler sa victime au moment inopportun ! Qui plus est, afin de rehausser l'horreur de la situation inédite, seule cette dernière (pénétrée par l'acte sexuel !) est apte à entrevoir la forme maléfique quand bien même ses camarades tentent vainement de la discerner pour essayer de l'alpaguer ! Angoissant de manière graduelle et constamment envoûtant à l'instar d'un good trip, It Follows privilégie aussi l'anxiété des ressorts dramatiques, de par l'attitude fragilisée de l'héroïne en quête de rédemption et de bravoure afin de trouver une issue de secours (et donc cibler un nouveau partenaire sexuel pour lui refourguer son fardeau), et la manière leste dont le cinéaste exploite la menace par le biais d'une mise en scène géométrique (chaque plan s'avérant extrêmement travaillé à travers sa facture stylisée). Sur ce dernier point, It Follows s'avère également une franche réussite technique de par sa capacité à transfigurer le genre afin de façonner l'ossature d'une ambiance interlope infiniment ensorcelante. Un authentique miracle j'vous dit, digne des plus beaux représentants des années 80, sorte de Stand By Me baignant dans un crépuscule macabro-érotisant. 


The Boogeyman
A la fois angoissant, perturbant, terrifiant et tendre, fragile et romantique, It Follows renouvelle les codes parmi la sincérité d'un auteur éperdument amoureux des ambiances diffuses. Dominé par la présence juvénile de comédiens sobrement attachants dans leur fonction équilibrée d'ados en rébellion , et impulsé d'une BO capiteuse transcendant la forme d'une ambiance crépusculaire où l'insécurité prend du galon, ce psycho-killer déguisé parvient à exploiter la peur par le biais d'un pitch surnaturel, dérivatif pour la sexualité adolescente. Du cinéma d'horreur adulte donc comme on n'en voit plus depuis les années 80, authentique morceau d'ambiance funeste destiné lui aussi à trôner auprès des classiques du genre. Total respect Monsieur Mitchell.  

*Eric Binford
18.05.15. 251 v
10.11.21. 2èx. VO

La Chronique de Spectrehttp://brunomatei.blogspot.fr/2014/11/spectre-boogeyman.html

Récompenses:
Prix de la Critique Internationale au Festival du cinéma Américain de Deauville, 2014
Grand Prix et Prix de la critique au Festival du film Fantastique de Gérardmer, 2015.

mardi 9 novembre 2021

Benedetta

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paul Verhoeven. 2021. France/Hollande/Belgique. 2h11. Avec Virginie Efira, Elena Plonka, Charlotte Rampling, Daphné Patakia, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Louise Chevillotte

Sortie salles France: 9 Juillet 2021 (Int - 12 ans)

FILMOGRAPHIE
: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam.
1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle. 2021: Benedetta. 


"C'est fort, puissant, on en sort hanté, chamboulé, entre malaise et réconfort."
Attendu comme le messie après 5 ans d'absence derrière la caméra, Paul Verhoeven s'inspire cette fois-ci de l'histoire vraie de la nonne italienne Benedetta Carlini que Virginie Elfira endosse avec une troublante pudeur "nécrosée". Tant auprès des scènes de nudité effrontées que des étreintes saphiques à l'érotisme à la fois viscéral et dérangeant eu égard de l'environnement religieux auquel le couple vit reclus à travers leurs échanges saphiques. Jouant sans cesse sur l'ambivalence de ses états d'âme contradictoires (notamment pour ses pulsions éventuellement masochistes lorsque Dieu lui ordonne de souffrir pour lui), Virginie Elfira est proprement habitée par son personnage blasphématoire en lesbienne novice férue de passion lubrique, de dolorisme et de floraison sentimentale. Comme de coutume provocateur et sulfureux au gré d'une imagerie lascive parfois (voir même fréquemment) teintée de sang, Paul Verhoeven dresse donc le profil très ambigu de soeur Benedetta découvrant la tendresse et les plaisirs sexuels auprès de Bartolomea, jeune fille abusée par son père mais recueillie au couvent après lui avoir supplié de l'extirper de son bourreau pervers. 


Ainsi, 2h11 durant; on nous dévoile la quotidienneté troublée de soeur Benedetta habitée de visions christiques particulièrement sanglantes, voire littéralement possédée par le démon, probablement afin de s'expier de ses pêchés charnels qu'elle se découvre avec une fougue addictive. Le récit subtilement traité cultivant une atmosphère à la fois malsaine et inquiétante, notamment lorsque s'y interpose l'évêque le nonce (formidable Lambert Wilson à travers sa suffisance et son égoïsme détestables !) afin de juger l'éventuelle culpabilité de Benedetta. Et ce en y perpétrant les actes de torture que l'on exécute sous son impériosité sur la jeune maîtresse influençable Bartolomea (en appréciant également beaucoup le jeu naturel de Daphné Patakia lors de ses expressions rebelles ou démunies, les yeux doucement écarquillés). Fustigeant le fanatisme, l'hypocrisie, la félonie, les superstitions et les méthodes inquisitrices d'une doctrine catholique réactionnaire au sein de leur époque féodale, Benedetta est porté par la maîtrise indiscutable de sa mise en scène baroque privilégiant un réalisme tantôt froid, tantôt flamboyant; parfois même rugueux en dépit de la diction théâtrale des comédiens français impulsant une intensité dramatique au fil d'un dénouement assez imprévisible. 


Si on a peut-être connu Paul Verhoeven plus inspiré et percutant lors de ses glorieuses années d'insolence en franc-tireur, Benedetta ne manque surement pas de charme "terriblement" vénéneux, de beauté candide (les scènes érotiques jamais complaisantes sont magnifiquement expressives dans les rapports étroits de jouissance même si parfois la gêne s'y fait ressentir) et de densité psychologique (bien que parfois/souvent déroutant) afin d'y tolérer une histoire saphique au sein d'une caste religieuse tributaire de son ultra conservatisme. A découvrir absolument si bien qu'au second visionnage l'expérience sulfureuse demeure encore plus rigoureuse, caustique, vitriolée, dérangeante, mais aussi épurée, pudique et salvatrice auprès du duo saphique à la fois incompris, infortuné, irrécusable. Tout bien considéré, une oeuvre hybride unique qui en sortira grandie avec le temps, même si le public non averti est contraint de s'y préparer.  

*Bruno
09.11.21
10.01.24. 2èx