vendredi 29 avril 2022

Lake Placid

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassion.com

de Steve Miner. 1999. U.S.A/Canada. 1h22. Avec Bill Pullman, Bridget Fonda, Oliver Platt, Brendan Gleeson, Betty White, David Lewis.

Sortie salles France: 5 Juillet 2000. U.S: 16 Juillet 1999

FILMOGRAPHIE: Steve Miner est un réalisateur américain né le 18 juin 1951 à Westport, dans le Connecticut. 1981 : Le Tueur du vendredi. 1982 : Meurtres en 3 dimensions. 1986 : House. 1986 : Soul Man. 1989 : Warlock. 1991 : À cœur vaillant rien d'impossible. 1992 : Forever Young. 1994 : Sherwood's Travels. 1994 : My Father, ce héros. 1996 : Le Souffre-douleur. 1998 : Halloween, 20 ans après. 1999 : Lake Placid. 2001 : Texas rangers, la revanche des justiciers. 2007 : Le Jour des morts. 2009 : Blonde et dangereuse. 


Une série B pleine de charme, de séduction et d'espiègle insolence; aussi fraiche, cocasse et ludique qu'à l'orée de sa conception !
De temps en temps, et afin de préserver le souvenir touchant d'un plaisir innocent, on n'ose pas revoir ce genre de modeste série B simplement conçue pour divertir le spectateur dans une facture somme toute intègre. Car plus de 20 années plus tard, force est de constater qu'à ma surprise Lake Placid fait parti de ses réussites (mineures) ayant su traverser les épreuves du temps avec une aisance inespérée. Car aussi prévisible et éculé soit son concept horrifique inspiré des Dents de la mer et autre armada de films de monstres aquatiques, Lake Placid est un formidable divertissement tirant parti de son charme pétulant par l'exubérance des personnages communément fringants et décomplexés à se chamailler pour de pittoresques vétilles, et du savoir-faire de Steve Miner dénuée de prétention à exploiter sa thématique puisque bâti sur l'efficacité de ses situations de danger à la fois fluettes et horrifiques. Le réalisateur parvenant à conjuguer 1h22 durant, et ce sans un soupçon d'ennui à l'horizon, drôlerie, (pointe de romance) et horreur avec une bonhomie naïve constamment attachante. Alors que les situations demeurent moins convenues qu'escompté pour nos plus grand plaisir fureteur grâce à leur inventivité  particulièrement saugrenue mais sciemment décomplexée ! Le récit tournant autour d'une inlassable traque lorsqu'une paléontologue, un garde forestier, un shérif et un professeur s'unissent pour chasser un crocodile géant planqué sous le lac du comté d'Aroostook.

Nanti d'une photo chaleureuse et de surprenants effets-spéciaux en animatronique conçus par le spécialiste Stan Winston (certains plans détaillés sont bluffants de réalisme alors que d'autres heureusement plus concis y sont un tantinet perfectibles), Lake Placid charme les mirettes auprès de son cadre champêtre si solaire et rassurant et des apparitions du monstre que Steve Miner exploite le plus souvent habilement afin d'y créer effets de surprise et fascination formelle de par l'aspect vériste de la bête aussi carnassière qu'insolente. Celle-ci étant capable d'avaler toute crue (ou presque) une vache, un ours ou un hélico alpagué dans sa vaste mâchoire alors que nos protagonistes s'efforcent de déjouer son appétit insatiable à l'aide d'un irrésistible sentiment de panique truffé de dérision. Tant auprès de la chieuse paléontologue en herbe que Bridget Fonda endosse avec une simplicité à la fois espiègle et attendrissante que du professeur lunaire (Oliver Platt très à l'aise dans sa photogénie innée) féru d'amour pour la cause animale à travers sa divinité reptilienne. Quand bien même le garde forestier (Bill Pullman étonnamment discret et quelque peu timoré à oser livrer ses sentiments) et le shérif Hank Keough (Brendan Gleeson dans une posture chafouine jamais antipathique) tentent de gérer la situation avec une autorité bonnard. Nos lurons parfois accompagnés d'adjoints, de secouristes et d'une voisine décatie (au bagou rustre) inspectant les lieux pour y traquer le croco en disséminant sur leur chemin solidaire une moisson de gags gentiment cocasses, badins ou carrément impayables. 

Autant préciser que l'esprit de camaraderie est également la plus-value de cette série B sémillante reposant sur l'irrésistible naïveté de leurs situations de légèreté et des attaques cinglantes du monstre qu'ils tentent de piéger avec un amateurisme pour autant payant. A revoir d'urgence donc pour tous les amateurs irréductibles et à trôner précautionneusement après de son alter ego L'Incroyable Alligator auquel il se porte digne étendard. Dommage d'ailleurs que depuis sa sortie Lake Placid se coltine de manière aussi incompréhensible une mauvaise réputation auprès de la majorité des critiques alors que 5 autres suites (toutes plus inutiles que les autres) verront le jour afin d'épuiser la recette par  opportunisme. 

*Bruno Matéï
2èx

mercredi 27 avril 2022

Animal Kingdom. Grand Prix du Jury, Sundance 2010.

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemaclock.com

de David Michôd. 2010. Australie. 1h53. Avec Guy Pearce, Ben Mendelson, Joel Edgerton, Jackie Weaver, Luke Ford, Sullivan Stapleton, James Frecheville, Tony Hayes, Justin Rosniak.

Sortie salles France: 27 Avril 2011. Australie: 3 Juin 2010

FILMOGRAPHIEDavid Michôd est un réalisateur et scénariste australien né le 30 novembre 1972 à Sydney. 2010 : Animal Kingdom. 2014 : The Rover. 2017 : War Machine. 2019 : Le Roi (The King). 

Après avoir été nominé 18 fois aux AFI Awards (l'équivalent de la cérémonie des Oscars), le premier long de l'australien David Michôd (ancien rédacteur en chef de revue de cinéma) se voit attribuer 10 récompenses dont celui du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur au sein de son pays natal. Alors qu'au festival de Sundance, il triomphe pour rajouter à son palmarès le Grand Prix du Jury. Rien que ça. Mais pas que, si bien qu'il vous suffira de jeter un oeil sur la suite de ses trophées à l'issue de ma chronique. Le succès public et critique de cette tragédie funèbre est donc amplement mérité et justifié tant l'intrigue profondément funeste magnétise l'esprit du spectateur de par sa noirceur implacable faisant office de chemin de croix fatal. Un film choc que ce chef-d'oeuvre mortifié dont on ne sort pas indemne par la géométrie de sa mise en scène à couper au rasoir. Le PitchDans la banlieue de Melbourne, après la mort par overdose de sa mère, le jeune Joshua part vivre chez sa grand-mère en compagnie de ses fils marginaux, de dangereux criminels sur le déclin. Autant dire que Josh arrive au mauvais moment, surtout après avoir été témoin indirect de la mort de deux policiers. Dès lors, le jeune garçon ne sait plus à qui s'en tenir ! Entre une police lui sollicitant de témoigner au tribunal, la menace de certains de leurs membres corrompus et sa famille sournoise dénuée de morale pour le prix de leur liberté. 

Dès le prologue aussi déconcertant que pathétique, Animal Kingdom adopte un sentiment inné d'amertume et de tristesse nonchalante. Un moment d'égarement figé dans le temps accentué d'une musique cafardeuse et de la gravité d'une voix-off machinalement narrée par notre anti-héros introverti, hagard, égaré dans ses pensées contrariées. Ainsi, à cet instant chargé de torpeur, on imagine que son passé ne fut guère gratifiant en terme d'éducation parentale et de sens moral à travers des enjeux existentiels à faible lueur d'espoir, d'amour et d'optimisme. David Michôd décrivant sans fard aucun (on peut même largement évoquer le souci documenté) la fragilité de son évolution morale à la fois précaire et indécise au fil d'une ossature narrative terriblement tragique, opaque, pessimiste, dépressive. Les acteurs au charisme animal, divinement remarquables d'expression viciée et renfrognée, se fondant dans la peau de crapules méprisables car n'hésitant pas à supprimer témoin gênant après s'être vengés pour tenter de sauver leur peau, leur patronyme, leur honneur. Dénué de fioriture sous l'impulsion d'un score sinistré magnifiquement envoûtant, Animal Kingdom nous laisse donc sur le carreau de par la montée implacable de son intensité dramatique magnifiquement dénuée de romance. Si bien qu'ici quasiment tous les protagonistes (anti-manichéens) sont dénués de vergogne en ne cessant de feindre, manipuler, lutiner pour parvenir à leur fin et ainsi asseoir leur suprématie. Sa violence acerbe, terriblement percutante n'en demeurant pas moins habilement suggérée pour toutes les occasions tristement lâches et perfides.  


Les liens du Mal
Descente aux enfers vertigineuse auprès de cet ado dubitatif en proie au soupçon de rédemption dans sa remise en question et éclairs de prises de conscience (aussi menues soient-elles). Entre quête d'une main secourable et rancoeur punitive qui pourrait lui couter la vie, Animal Kingdom nous glace d'effroi, d'amertume, de mélancolie à travers les motivations sordides de cette famille dysfonctionnelle dénuée de pitié, de scrupule, de chaleur humaine que leur matriarche simule avec cynisme haïssable. Jacki Weaver s'apparentant à une sorcière des temps modernes en mafieuse sclérosée chérissant ses rejetons avec amour fétide, pour ne pas dire faisandé dans leur train de vie vénal dénué du sens des valeurs et de la loyauté. Clairement l'un des plus grands drames criminels des années 2010 que le jeune James Frecheville électrise en ado impassible désespérément seul et isolé de tous puisque victime de sa condition orpheline lors de ses éveils de conscience bipolaires. 

*Bruno Matéï
14.01.11.
27.04.22. 2èx

Récompenses:

Festival du film de Sundance 2010 : Grand prix du jury

Festival international du film de Stockholm 2010 : Prix du meilleur scénario pour David Michôd

Australian Film Institute Awards 2010 :

Meilleur film

Meilleur réalisateur pour David Michôd

Meilleur acteur pour Ben Mendelsohn

Meilleure actrice pour Jacki Weaver

Meilleur acteur dans un second rôle pour Joel Edgerton

Meilleur scénario original pour David Michôd

Meilleur montage pour Luke Doolan

Meilleure musique de film pour Antony Partos et Sam Petty

AFI Members' Choice Award

Readers' Choice Award

Australian Directors Guild Awards 2010 : meilleur réalisateur pour David Michôd

Australian Writers' Guild Awards 2010 :

Awgie Award du meilleur scénariste pour David Michôd

Major Award pour David Michôd

Film Critics Circle of Australia Awards 2010 :

Meilleur film

Meilleur réalisateur pour David Michôd

Meilleur acteur pour Ben Mendelsohn

Meilleure actrice pour Jacki Weaver

Meilleur acteur dans un second rôle pour Joel Edgerton

Meilleur scénario pour David Michôd

IF Awards 2010 :

Meilleur réalisateur pour David Michôd

Meilleur acteur pour Ben Mendelsohn

National Board of Review Awards 2010 :

Top 10 des meilleurs films indépendants

Meilleure actrice dans un second rôle pour Jacki Weaver

Camerimage 2011 :

Prix spécial du nouveau réalisateur en compétition pour David Michôd

Prix spécial du nouveau directeur de la photographie en compétition pour Adam Arkapaw

Festival international du film policier de Beaune 2011 : Prix de la critique ex-æquo

Chlotrudis Awards 2011 : meilleure actrice dans un second rôle pour Jacki Weaver

Satellite Awards 2011 : meilleure actrice dans un second rôle pour Jacki Weaver

Festival international du film de Santa Barbara 2011 : Virtuoso Award pour Jacki Weaver

jeudi 21 avril 2022

Black Rain

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Ridley Scott. 1989. U.S.A. 2h05. Avec Michael Douglas, Andy Garcia, Ken Takakura, Kate Capshaw, Yusaku Matsuda, Tomisaburo Wakayama, Shigeru Kōyama, John Spencer.

Sortie salles France: 6 Décembre 1989. U.S: 22 Septembre 1989

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 

A l'instar de l'oublié Traquée, Black Rain fut également mésestimé lors de sa sortie, alors qu'aujourd'hui, et depuis sa sortie Blu-ray, il est réévalué par certaines critiques au point de le considérer parfois comme l'un des meilleurs films d'action des années 80. En tout état de cause, et bien que ce superbe polar pâti d'une intrigue aussi classique que prévisible, Black Rain affiche une seconde jeunesse à travers sa facture formelle ensorcelante (certains le comparent d'ailleurs à Blade Runner en plus rationnel) portée à bout de bras par le génial Michael Douglas. Celui-ci endossant avec un naturel et un aplomb indéfectibles un flic un tantinet véreux contraint de retrouver la trace d'un dangereux Yakuza en fuite au Japon. Quand bien même Andy Garcia joue le faire-valoir avec une force tranquille et cool attitude aussi attachante qu'empathique quand à sa destinée en porte-à-faux. L'intrigue utilisant intelligemment la thématique de la vendetta à travers le profil de Nick (Michael Douglas) en proie à l'initiation d'une rédemption par le biais des valeurs de l'honneur, de l'amitié et de l'intégrité que son comparse nippon Masahiro Matsumoto (Ken Takakura tout en retenue docile) lui inculquera à travers sa déontologie policière. 

Mais outre la présence solide de ces acteurs épatants de charisme à la fois distinguéet expressif, Black Rain emporte l'adhésion grâce à son esthétisme high-tech à la limite de l'anticipation. Si bien que l'on nous transfigure un étrange Japon noyé de néons, de fumées toxiques, de décors industriels au coeur d'une métropole fantasmatique multiforme. Tant et si bien que l'on pourrait même prétendre que l'action se situerait de nos jours tant Ridley Scott parvient à créer un univers high-tech à la limite du surréalisme sous l'impulsion du score très inspiré d'Hans Zimmer (sa mélodie fragile enrobant chaque image parfois élégiaque). Ainsi, en alliant le polar, le drame, l'action et un soupçon de romance (plutôt discret il est vrai), le cinéaste possède un indéniable savoir-faire esthétisant et un brio technique pour emballer en intermittence des séquences musclées (poursuites à motos ou à pied, corps à corps martiaux, gunfights pétaradants) remarquablement percutantes encore aujourd'hui. Et ce en utilisant parfois une ultra violence gore inattendue, notamment afin de renchérir son potentiel dramatique habilement géré afin de renforcer le caractère bien trempé de notre héros insolent avide de rébellion.  

Sans omettre ses chansons symptomatiques des eighties (à l'instar d'un Rocky ou d'un Cobra) lors de l'ouverture du récit et du générique de fin, Black Rain a tout pour séduire le fan de polar violent impeccablement emballé par un réal et des acteurs mutuellement inspirés. Il est donc temps de redécouvrir cet excellent divertissement riche en émotions et en immersion à travers sa leçon de civisme inculquée par la culture nippone en proie à une rancoeur ricaine quant à la triste référence de la "pluie noire" causée à la population d'Hiroshima et de Nagasaki. 

*Bruno Matéï
2èx

mercredi 20 avril 2022

The Batman

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Matt Reeves. 2022. U.S.A. 2h57. Avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, Colin Farrell, John Turturro, Andy Serkis.

Sortie salles France: 2 Mars 2022.

FILMOGRAPHIE: Matt Reeves est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 27 Avril 1966 à Rockville Centre (Etats-Unis). 1993: Future Shock (segment "Mr. Petrified Forrest"). 1996: Le Porteur. 2008: Cloverfield. 2010: Laisse moi entrer. 2014: La Planète des Singes: l'Affrontement. 2017 : La Planète des singes : Suprématie. 2022 : The Batman. 


Vengeance. 
Lestement envoûtant de par son score idoine d'une monotonie discrètement funeste, formellement splendide auprès de ses teintes ocres d'une scéno urbaine pluvieuse quasi nocturne, richement dessiné auprès de ses personnages mutuellement torturés que Robert Pattinson (tant décrié à l'annonce du projet !) parvient magnifiquement à monopoliser en y imposant sa sombre personnalité (on peut d'ailleurs parfois songer au corneille de The Crow tant il crève l'écran à chaque seconde par la hantise de sa douleur morale), épaulé il est vrai de son regard corneille à la fois vénéneux et impassible, The Batman dégage une délectable atmosphère rubigineuse au sein d'un univers crépusculaire aux confins du chaos. Tant et si bien que 2h47 durant (en écartant les titrages), ce troublant jeu de piste (et de mots) psycho-policier en quête de justice et de vérité, à contre-emploi du film de super-héros (suffit de contempler le réalisme acéré des corps à corps et courses-poursuites alambiquées hyper chiadées) car en faveur du "vigilante movie" discursif, est un grand moment de cinéma aussi prégnant et personnel que The Dark Knight de Nolan. Matt Reeves se résignant surtout à cristalliser son univers mortifère de triste actualité (la corruption politique, policière et judiciaire que la populace répugne dans une idéologie finalement vindicative si on se réfère aux esprits les plus faibles et influençables impartis au terrorisme endogène) au fil d'un schéma investigateur aussi âpre et tortueux qu'inquiétant et désespéré. 


Car si l'ambiance constamment envoûtante nous fascine sans fard aucun (et ce sans broncher d'un cil !) et que les personnages renfrognés, d'une sobriété à couper au rasoir, demeurent étonnamment expressifs dans leur héroïsme de dernier ressort (notamment une Catwoman à l'esprit frondeur en petit bout de femme acrimonieuse habitée par la haine, la rancune, le désir de meurtre), l'intensité dramatique est instillée à juste dose avant son final catastrophiste aux airs de fin de règne et du monde. Tout le récit savamment planifié se soumettant à la densité psychologique de ces protagonistes habités par la colère, la haine, le désarroi, la soif de justice, la souffrance morale surtout, de par leur solitude irréparable où la romance demeure notamment impossible. Quant au mystérieux sociopathe masqué qui irrigue l'intrigue de main de maître (euphémisme !), à situer entre le cynisme et l'arrogance perfide de Saw et surtout de Seven, il s'avère génialement perfide, glauque, effrayant, ombrageux, matois avant tout lors de ses stratégies criminelles élaborées avec un art consommé du sadisme d'après son dessein disproportionné.  Matt Reeves conjuguant donc dans l'harmonie la plus opaque le psycho-killer, le drame psychologique, le vigilante movie au gré d'un climat aqueux irrespirable. Si bien qu'il réinvente sous nos yeux transis le mythe et ses antagonistes iconiques comme s'il s'agissait d'une première fois iconoclaste. 

D'une puissance émotionnelle, formelle et narrative posée au sein d'une dystopie hallucinée tout en empruntant moult références sans jamais les singer (The Crow, Seven, Blade Runner, Le Parrain pour les plus connus); The Batman nous plaque au siège 2h47 durant sous l'impulsion d'une foule de personnages torturés éclatant communément le cadre dépressif à travers moult rebondissements et revirements d'une intelligence jamais gratuite. Tout le récit, profondément dramatique, noir, baroque et pessimiste se déclinant en passionnante réflexion sur la vengeance, l'auto-justice (tristement actuelle) sous l'oeil avisé, sous la remise en question du vengeur masqué délibéré à changer la face du monde en faisant fi de violence animale après avoir appris à gérer la maîtrise de ses sentiments destructeurs. D'une beauté funeste imparable auprès de sa maîtrise technique au cordeau esquivant à tous prix l'ombre de la surenchère, The Batman se décline en grand spectacle dépouillé pour nous laisser sans voix auprès de notre calme contenu. Le genre de métrage exhaustif de nous sortir grandi après la projo par son essentiel refus de nous laisser guider par une révolte matérielle infructueuse.

*Bruno 
09.02.24. 2èx. Vostfr

lundi 18 avril 2022

Traquée / Someone to Watch Over Me

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Ridley Scott. 1987. U.S.A. 1h47. Avec Tom Berenger, Mimi Rogers, Lorraine Bracco, Jerry Orbach, John Rubinstein, Andreas Katsulas 

Sortie salles France: 13 avril 1988. U.S: 9 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 

Oublié de nos jours en prime d'avoir essuyé un échec commercial à sa sortie, Traquée est un superbe thriller romantique transcendé du duo Tom Berenger / Mimi Rigers parfaitement convaincant en amants néophytes compromis par leur adultère. Celui-ci endossant un flic en herbe contraint de protéger Claire Gregory, une bourgeoise bon chic bon genre menacée par Joey Venza (Andreas Katsulas tout à fait impressionnant par sa physionomie opaque et sa posture intouchable) après avoir été témoin d'un meurtre. Superbement filmé à travers les quartiers huppés new-yorkais que Ridley Scott magnifie dans son sens du détail architectural et la disparité de ses décors classieux, Traquée conjugue avec une efficacité indéniable romance et tension au fil d'une ossature dramatique opposant la passion des sentiments et la menace du danger létal que symbolise Joey Venza aussi insidieux que délétère pour parvenir à ses fins criminelles. 

Ainsi, de par son climat davantage vaporeux et mélancolique que le trio conjugal suscite à travers l'ombre de l'adultère, Ridley Scott parvient à faire naitre une émotion à la fois poignante et émouvante quant au sort précaire de l'époux infidèle terriblement indécis à poursuivre sa nouvelle aventure avec une femme distinguée que tout oppose. Tom Berenger et Mimi Rogers insufflant sans fard des sentiments passionnels rapidement compromis par le remord mais aussi l'espoir dans leur désir de poursuivre leur relation au sein d'un contexte inhospitalier qui pourrait intenter à leur vie. Emaillé de séquences à suspense à la violence plutôt bien orchestrée, Traquée demeure un spectacle classieux d'une noble sincérité quant à la maitrise du cinéaste sublimant autant ses personnages en perdition que sa mise en scène posée éludée de complaisance, attachant autant d'importance à son esthétisme qu'à sa technicité mobile. Quant à Lorraine Bracco, quel dommage que cette actrice ne fut pas aussi reconnue (bien qu'elle ait percé dans Les Affranchis et la série TV Les Sopranos) tant elle dégage à l'écran une fraîcheur naturelle et une spontanéité charmante n'ayant rien à envier à l'actrice Lori Petty si bien que l'on peut également leur prêter une ressemblance physique.


Un divertissement plein d'émotions (contenues et fébriles) que cette romance infortunée ballotée par la contrariété morale et les intimidations de la pègre criminelle. A revoir. 

*Bruno Matéï
2èx

vendredi 15 avril 2022

X

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Ti West. 2022. U.S.A. 1h46. Avec Mia Goth, Jenna Ortega, Martin Henderson, Scott Mescudi, Brittany Snow

Sortie salles France: ? U.S: 18 Mars 2022

FILMOGRAPHIE: Ti West (né le 5 octobre 1980 à Wilmington, Delaware) est un réalisateur, scénariste et producteur américain surtout connu pour ses films d'horreur. 2005: The Roost. 2007: Trigger Man. 2009: Cabin Fever 2. 2009: The House of the Devil. 2011: The Innkeepers. 2012: The ABCs of Death (segment M Is for Miscarriage). 2012 : V/H/S (segment Second Honeymoon). 2013: The Sacrament. 2022: X. 


The House of the Devil, The Innkeepers, The Sacrament
. Ti West enchaine les modestes réussites à rythme métronome si bien que X ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Car il s'agit à mes yeux de sa meilleure réussite, tout du moins en terme de mise en scène épurée où absolument rien n'est laissé au hasard. Le cinéaste possédant ce sens du détail prédominant pour nous magnétiser l'attention, et ce en y déclarant sa flamme au cinéma d'horreur des Seventies. Cette fameuse décennie à la fois autonome, décomplexée et novatrice où l'on pouvait tout oser et se permettre à peu de choses près, en dépit d'une censure à l'affut du dérapage intolérable. Particulièrement Massacre à la Tronçonneuse et ses moult références quasi omniprésentes à l'écran, le Crocodile de la Mort, et un tantinet Evil-Dead si je me réfère au salon de la grange soigneusement cadré et esthétisé que nos protagonistes emménagent pour leur tournage X underground. Ainsi donc, en jouant à fond la carte de l'hommage à une horreur séculaire que les nostalgiques ont tendance à se remémorer en révisant leurs classiques fétiches (plutôt que de se laisser tenter au dernier produit mainstream certainement imberbe - remember "Texas chainsaw influenceur" estampillée Netflix ! -), Ti West se pare d'une ambition infiniment intègre afin de ne pas singer ses modèles susnommés. Car ses situations éculées, le cadre rural solaire, les protagonistes juvéniles insouciants, l'architecture des 2 bâtisses et leur véhicule pour y accéder ont beau paraître hyper clichés, Ti West les subliment incessamment grâce à la dextérité de sa mise en scène constamment inventive privilégiant, comme avec Hooper à ses débuts, la suggestion d'une atmosphère hostile moite et palpable (il faut donc patienter 1 heure pile pour reluquer une effusion gore) avant d'embrayer vers une seconde partie autrement tendue et graphique. Ti West s'intéressant autant à schématiser sa scénographie charismatique qu'à caractériser ses protagonistes communément attachants à travers leur naïveté, leur candeur d'aborder le X sous une forme artistique. 

D'autre part, en rendant hommage aux classiques X des Seventies immortalisés par un certain John Holmes ou une certaine Ginger Lynn, Ti West transfigure ses séquences de fesse avec une classe imprévisible. Tant et si bien que les étreintes lubriques, magnifiquement éclairées de nuances jaunes orangers (en image granuleuse 4/3), demeurent même excitantes sans un soupçon de vulgarisation en dépit des positions hard inévitablement exigées. Ainsi, comme je le soulignais plus haut, Ti West adore filmer ce qu'il nous raconte en accordant un soin fétichiste pour tout ce qui se présente au sein du cadre, et ce sans céder à l'ombre d'une prétention puisque nous assistions à une authentique série B à  l'ancienne conçue avec autant d'amour et passion, que d'intelligence et de souci formel pour son atmosphère diffuse (à l'instar de cet incroyable angle en plongée observant du haut d'un lac 3 éléments patents pour mieux témoigner du précaire enjeu de survie qui s'esquisse face à la baigneuse !). Par conséquent, par l'entremise de son sujet majeur imparti à la liberté sexuelle, Ti West aborde en filigrane (et de manière totalement inattendue et burnée !) le fanatisme puritain du point de vue du cap douloureux de la vieillesse incapable de se défaire de leur frustration sexuelle. Ainsi, par cet aspect franchement repoussant y émane des séquences couillues à la fois malsaines, dérangeantes et nauséeuses que le spectateur assiste avec une impuissance voyeuriste aussi fascinante que répugnante. Et je ne parle pas des scènes gores très réussies (qui plus est entièrement artisanales), mais de la décomposition des corps véhéments en quête désespérée d'appétence sexuelle. Tendu, oppressant, angoissant puis terrifiant lorsque l'écran se pare soudainement d'une texture sanguine sous un ciel lunaire étrangement crépusculaire, X devient dès lors une effrayante descente aux enfers pour la survie en détournant intelligemment les poncifs (non, ce n'est nullement les femmes qui trinquent en premier !). Ti West précipitant l'action dans des directions génialement impromptues en jouant avec divers objets insérés dans un coin du cadre de l'écran (notamment cette TV noir et blanc diffusant inlassablement une homélie rigoriste) pour mieux nous surprendre et ainsi enjoliver son ambiance macabro-polissonne. 


Hardcore.
Se permettant en prime à certains passages d'adoucir son climat inquiétant par des accalmies musicales aussi tendres que rassurantes (sans déborder de l'intrigue), sans omettre son humour noir sous-jacent, X festoie autour du psycho-killer vintage avec une énergie retrouvée. Ti West accomplissant avec amour et passion un splendide hommage à ses aînés des Seventies dans une forme de sollicitude forçant le respect. Autant prétendre qu'il nous offre aujourd'hui le cadeau le plus abouti de sa carrière dans son dosage idoine de suggestion, de formalité et d'horreur crapoteuse sous l'impulsion de comédiens méconnus (ou néophytes) insufflant un réel atout au réalisme de l'intrigue. Un récit à la fois galopin et anxiogène beaucoup plus retors qu'il n'y parait (sa réflexion sur l'impuissance sexuelle face à un âge avancé). Avec en guise de cerise sur le gâteau faisandé un ultime rebondissement que personne n'aura vu v'nir ! Quant aux dernières news, Tim West préparerait un préquelle et une séquelle en bonne et due forme ! On s'impatiente déjà, l'écume aux lèvres.

*Bruno Matéï

Ci-joint chroniques des essentiels de Ti West

jeudi 14 avril 2022

Susie et les Baker Boys / The Fabulous Baker Boys

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Steve Kloves. 1989. U.S.A. 1h54. Avec Michelle Pfeiffer, Jeff Bridges, Beau Bridges, Ellie Raab, Xander Berkeley, Dakin Matthews 

Sortie salles France: 7 Mars 1990. U.S: 13 Octobre 1989

FILMOGRAPHIE: Steve Kloves (parfois crédité sous le nom de Steven Kloves) est un réalisateur et scénariste américain, né le 18 mars 1960 à Austin (États-Unis). 1989 : Susie et les Baker Boys (The Fabulous Baker Boys). 1993 : Flesh and Bone.

Synopsis (wikipedia): C'est l'histoire de deux frères, Jack et Frank Baker qui font des spectacles en duo dans les petits clubs de Seattle. Un jour, ils engagent Susie Diamond, une chanteuse, pour actualiser leur numéro, mais la jeune femme cause bientôt des tensions entre les deux frères.

Hélas oublié aujourd'hui, Susie et les Baker Boys est une jolie balade romantique illuminée de l'attachant trio Michelle Pfeiffer, Jeff Bridges, Beau Bridges en triangle mélomane peu à peu compromis par un conflit sentimental au fil de leurs pérégrinations professionnelles. Steve Kloves (réal du splendide western crépusculaire, Flesh and Bone) demeurant suffisamment intègre et intelligent pour ne jamais faire chavirer le contexte sentimental dans les conventions sirupeuses. En dépit d'un rythme languissant qui ne plaira probablement pas à tous; la sobriété de son cast plein de charme (à ne pas rater le déhanchement hyper sensuel de Michele Pfeiffer sur un piano, toute vêtue de rouge), la qualité des dialogues étonnamment incisifs, son érotisme lestement lascif (l'étreinte de Jack et Susie la nuit du nouvel an), ses chansons confortantes, son climat mélancolique plutôt naturaliste au sein du cadre urbain de Seattle joliment filmé parviennent à instaurer une personnalité à la fois tendre et posée sous l'impulsion d'un couple indécis aux traits de caractère contradictoires. Du ciné 80 sensiblement chimérique au souffle nostalgique révolu n'omettant pas de rester (discrètement) optimiste afin  de s'écarter dans les sentiers balisés du mélo. A revoir, dans un esprit tranquille (et peut-être aussi préparé pour le grand public). 

*Bruno Matéï

mercredi 13 avril 2022

Dans le silence de l'Ouest / The Keeping Room

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineday.orange.fr

de Daniel Barber. 2014. U.S.A. 1h33. Avec Brit Marling, Hailee Steinfeld, Muna Otaru, Sam Worthington, Amy Nuttall, Ned Dennehy

Sortie en Dvd en France le 8 mars 2021. Sortie salles U.S: 25 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: Daniel Barber est un réalisateur britannique né en 1965 à Londres. 2007: The Tonto Woman (court-métrage). 2009: Harry Brown. 2014: The Keeping Room. 


"La guerre est cruauté. Et vous ne pouvez la raffiner. Plus la guerre est cruelle, plus vite elle sera terminée". 
Sorti en salles en 2014 Outre-Atlantique alors que chez nous il fallut patienter jusqu'au 8 mars 2021 pour le découvrir uniquement en Dvd, Dans le silence de l'Ouest est une belle surprise de la part du réalisateur British Daniel Barber à qui l'on doit déjà l'uppercut Harry Brown avec Michael Caine. Le récit, intimiste, langoureux et linéaire, retraçant l'épreuve de survie de 3 femmes (2 soeurs et leur domestique afro) contre l'envahisseur yankee, 2 soldats délibérés à les violer et les assassiner par pur sadisme. Ainsi donc, en se focalisant sur le point de vue féministe de ses 3 femmes fragiles contraintes de se défendre contre l'assaillant l'arme à la main, Daniel Barber livre de jolis portraits de femmes stoïques confrontées à l'ultra violence de l'homme dénué de vergogne. Et si l'intrigue déjà vue demeure assez prévisible, le réalisateur parvient sans cesse à maintenir l'intérêt de par l'évolution de ses 3 femmes moralement torturées (notamment par le biais de la traite des noirs en proie ici à la révolte) s'efforçant de se prouver qu'elles sont l'égale de l'homme en brandissant l'arme en guise d'auto-défense. 

On peut d'ailleurs parler de rape and revenge westernien filmé dans une facture télévisuelle qui sied plutôt bien à son réalisme aride dépeint sans ambages (exit donc le format traditionnel en scope) que Daniel Barber filme avec une personnalité baroque eu égard de l'étrangeté de certaines situations (toute la séquence hostile dans le bar demeure aussi trouble que déconcertante, notamment par la posture indécise des personnages équivoques). Qui plus est, les séquences d'agression ne sont jamais rébarbatives de par l'efficacité des jeunes femmes usant se subterfuge pour venir à bout de leurs oppresseurs avinés (à 1 effet téléphoné près lorsque l'une d'elles laisse maladroitement en vie l'un des 2 tueurs afin de relancer une action archi éculée). Pour autant, on est également réjoui par sa conclusion aussi lucide qu'intelligente lorsque nos vengeresses, confrontées cette fois-ci à une armée de yankees s'approchant de leur bâtisse rurale feront à nouveau preuve de sagacité pour s'extirper d'une mort certaine. Alors que l'instant d'avant, elles tireront la leçon des conséquences de leur vendetta expéditive Spoil ! lors d'un dommage collatéral Fin du Spoil

Baignant dans une inquiétante atmosphère diffuse sous l'impulsion d'un cast féminin sobrement attachant, Dans le silence de l'Ouest exploite intelligemment le rape and revenge dans le cadre du western âpre parfois tendu du point de vue de rebelles féministes à la psychologie aussi fouillée que névrosée. A découvrir donc, d'autant plus que sa nature verdoyante demeure immersive au sein de cette scénographie mortifiée où plane un silence feutré. 

Remerciement à Roman Soni

*Bruno Matéï

mardi 12 avril 2022

Le Bras de la Vengeance / Du bei dao wang

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Chang Cheh. 1969. Hong-Kong. 1h46. Avec Jimmy Wang Yu, Chiao Chiao, Essie Lin Chia, Tien Feng

Sortie salles France: 12 Mars 1975. Hong-Kong: 28 Février 1969.

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.

Critique publiée par Gand-Alf le 10 août 2016

Suite au succès de Un seul bras les tua tous, la Shaw Brothers décide de mettre rapidement sur pied un second volet, toujours sous la direction de Chang Cheh et avec Jimmy Wang Yu dans le rôle devenu populaire du sabreur manchot.

Se déroulant quelques temps après les événements du premier opus, Le bras de la vengeance s'articule autour d'une trame un brin classique, tentant de justifier comme elle peut la mise en chantier de ces nouvelles aventures. Le film met ainsi un bon bout de temps à démarrer, à entrer pleinement dans le vif du sujet, s'attardant plus que de raisons sur les incessantes hésitations de son héros.

S'il reste dans un univers proche de celui de son prédécesseur, où l'honneur et le sens du devoir tiennent une place importante, Le bras de la vengeance pourra étonner par son incroyable violence graphique, la naïveté du wu xia pian se voyant sans cesse éclaboussée par des hectolitres du sang le plus rouge. A ce titre, le climax risque de rester gravé dans la mémoire des amoureux du genre, gigantesque massacre aussi interminable que jouissif.

Peut-être un peu moins marquant que son aîné (et surtout que le reboot que livrera Chang Cheh deux ans plus tard avec La rage du tigre), la faute principalement à un rythme casse-gueule et à un scénario prétexte, Le bras de la vengeance compense ses quelques défauts par une violence exacerbée assez incroyable, par la présence de Jimmy Wang Yu et par une poignée de combats parfois un peu brouillons mais grisants.

7 Gand-Alf 

 Critique publiée par Docteur_Jivago le 27 avril 2017

Suite au succès d'Un seul bras les tua tous, Chang Cheh poursuit sa trilogie autour du sabreur manchot avec Le Bras de la vengeance, misant ici plus sur l'action au détriment de la psychologie des personnages.

C'est d'ailleurs assez dommage ce changement de ton, tant il s'était montré convaincant dans le premier opus en s'intéressant plus aux protagonistes. L'équilibre n'est d'ailleurs pas toujours très bon, Chang Cheh se montrant par moment un peu excessif, notamment dans la violence ou au contraire dans la niaiserie. De plus, on sent aussi que cette suite n'était pas forcément prévu et la première partie de l'oeuvre en souffre malheureusement, à l'image de l'histoire mise en scène un peu trop classiquement.

Si tout cela est effectivement préjudiciable, ça n'empêche pas non plus d'apprécier le film, bien qu'il se révèle plus faible que le premier opus. Si maintenant la violence est très présente, jusqu'à l'excès donc, elle n'en reste pas moins assez bien mise en scène, avec quelques combats plutôt mémorables. C'est dans ses moments là que l'oeuvre va prendre tout son sens, ainsi que le côté aventure et l'enchaînement des affrontements que notre héro doit subir.

On trouve autour de lui des personnages mal écrits ou inutiles, mais c'est bien ce sabreur manchot qui attire la lumière et porte le film sur ses épaules, bien aidé par l'interprétation de haute volée de Jimmy Wang Yu. On a envie de le suivre, de le voir se battre et que sa quête soit une réussite. Derrière la caméra, Chang Cheh se montre plutôt efficace et n'hésite pas à faire ressortir l'aspect macabre et sanglant de son oeuvre.

Concentré d'action et de violence pas toujours bien subtil mais tout de même assez fun, Le Bras de la Vengeance permet à Chang Cheh de poursuivre l'histoire du manchot vengeur, n'hésitant pas ici à proposer un déluge ensanglanté.

6 Docteur_Jivago · 

lundi 11 avril 2022

Les Malheurs d'Alfred

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site boxofficestory.com

de Pierre Richard. 1972. France. 1h33. Avec Pierre Richard, Anny Duperey, Jean Carmet, Paul Préboist, Paul Le Person, Mario David 

Sortie salles France: 1er Mars 1972

FILMOGRAPHIE: Pierre-Richard Defays, dit Pierre Richard, est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur français, né le 16 août 1934 à Valenciennes. 1970 : Le Distrait.1972 : Les Malheurs d'Alfred. 1973 : Je sais rien, mais je dirai tout. 1978 : Je suis timide mais je me soigne. 1979 : C'est pas moi, c'est lui. 1991 : On peut toujours rêver. 1997 : Droit dans le mur.

Seconde réalisation de Pierre Richard, Les Malheurs d'Alfred fut à un gros succès commercial à sa sortie en salles avec plus de 1 304 579 entrées. Comédie bonnard sous couvert d'une satire contre les médias, précisément le mercantilisme des jeux télévisés, Les Malheurs d'Alfred est un sympathique divertissement en dépit de son rythme très inégal cumulant (hélas) plus de gags lourdingues que de bons. La faute incombant aussi à une intrigue plutôt faiblarde alternant scène de tendresse, romance et drôlerie sous l'impulsion d'un Pierre Richard rigoureusement à l'aise en gaffeur outrancier en proie à une soudaine célébrité (celui d'un candidat gagnant d'un jeu télévisé), et de la sémillante Annie Duperey absolument exquise de charme, de fraicheur et de spontanéité en speakerine suicidaire en mal d'amour. Ses yeux résolument azurs inondant l'écran à chacune de ses apparitions candides. A eux deux ils forment un tandem heureusement attachant dans leur quête du bonheur conjugal bien que le cheminement narratif (redondant à partir des épreuves sportives) demeure plutôt maladroit à enchainer parfois/souvent des séquences pittoresques tantôt ubuesques, tantôt nonsensiques (notamment auprès de la posture de seconds-rôles notoires). On apprécie enfin l'excellent score métronomique de Vladimir Cosma renforçant le peps et la gaieté de son climat décomplexé parfois émaillé de surprenantes plages de poésie. A réserver toutefois à la génération 80 qui saura mieux apprécier la tendre sincérité de Pierre Richard dénué de prétention. 


*Bruno Matéï
3èx

vendredi 8 avril 2022

L'Inspecteur Harry / Dirty Harry. Prix Edgar-Allan-Poe 1972 : meilleur film.

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site plansamericains.com

de Don Siegel. 1971. U.S.A. 1h42. Clint Eastwood, Andrew Robinson, Harry Guardino, Reni Santoni, John Vernon, John Larch, John Mitchum.

Sortie salles France: 16 Février 1972 (Int - 13 ans). U.S: 23 Décembre 1971.

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie. 1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.

La marque des chefs-d'oeuvre c'est que même quand on connaît la fin on a toujours le même plaisir à les revoir, que ce soit la 5è ou 10è fois, tant on se sent bien avec ceux ayant bercé notre jeunesse cinéphile. L'inspecteur Harry ne déroge nullement à la règle tant Don Siegel, habité par ses convictions novatrices, se surpasse d'y imprimer un jeu du chat et de la souris entre un flic réac et un psychopathe jamais avare de perversité. Psycho-killer transplanté dans la cadre du polar urbain et du thriller à lisière du film d'horreur (la traque nocturne sur le stade est filmée tel un cauchemar vertigineux parmi l'emploi du zoom plongeant en mode inversé), l'Inspecteur Harry ne nous laisse nul répit dès que le tueur Scorpio s'efforce sournoisement de se railler de son rival avec un sarcasme méprisant resté dans toutes les mémoires.  Andrew Robinson immortalisant son rôle vicié avec une expressivité haineuse détestable eu égard de l'aversion ressentie par le spectateur avide d'assister à sa mort en live par notre redresseur de tort à la réputation peu flatteuse. C'est dire si Don Siegel, alchimiste machiavélique, s'y entend pour réveiller nos bas instincts criminels sous l'impulsion d'une vengeance expéditive qu'Eastwood n'hésite pas à recourir en dépit de son insigne policier dénué de déontologie. Celui-ci endossant une sorte de justicier burné à la fois obtus et provocateur afin de se gausser d'une justice arbitraire beaucoup trop laxiste auprès des droits des criminels. 

D'une brutalité et d'une violence inouïe afin de survitaminer l'action sanglante à l'aide de gunfights anthologiques, de passages à tabac barbares et de maltraitance infantile (!!!), l'Inspecteur Harry impose une démarche escarpée pour y dresser le portrait inédit d'un psychopathe s'en prenant uniquement à des enfants et des ados (si on élude la première victime adulte étalée dans sa piscine) par sadisme, cupidité et lâcheté. Ainsi, de par l'intimidation de ses exactions à faible lueur d'espoir, l'intrigue vénéneuse, jusqu'au-boutiste, âpre et malsaine, demeure tendue comme un arc lorsque Harry s'efforce à moult reprises de l'appréhender avec une détermination aussi stoïque que professionnelle. Or, le génie de la mise en scène de Siegel émane de cet affrontement au sommet entre eux n'épargnant aucune pitié ni coup bas pour emporter la mise. Par conséquent, au gré de cette interminable épreuve de force étalée sur 1h42 (notamment auprès de cette hallucinante poursuite à pied qu'Harry est contraint d'exécuter pour répondre à divers téléphones sur un itinéraire précis), l'Inspecteur Harry impose un style documenté à travers son réalisme limite cauchemardesque (notamment auprès de ces nuits urbaines malfamées que n'auraient renié Ferrara ou Friedkin). Clint Eastwood magnétisant qui plus est l'écran autant que son antagoniste déloyal avec un charisme naturellement orgueilleux et distingué (notamment pour sa démarche de cool attitude lors de la 1ère fusillade d'un hold-up manqué). Et ce même s'il adoptera un ton plus sobre, plus obscur et impassible lors de sa rencontre démoniale avec ce pire ennemi usant de roublardise pour le déprécier. 


La Rançon de la Peur.
Authentique chef-d'oeuvre révolutionnaire qui influencera une pléthore de Vigilante Movies après avoir cédé aux séquelles plutôt réussies (en dépit du 5è volet), L'Inspecteur Harry reste quelques décennies plus tard toujours aussi jubilatoire, oppressant et éprouvant de par sa tension exponentielle mettant nos nerfs à rude épreuve. On peut d'ailleurs parler de modèle de mise en scène (assortie de la contribution musicale idoine de Lalo Schifrin) tant Siegel ne nous impose aucune lassitude à travers moult séquences iconiques que l'on connait par coeur. 

P.S: A privilégier la VO par sa tonalité auditive plus âpre, plus grave et plus aigue. 

*Bruno Matéï.
4èx. Vostfr;

Box Office France: 755 540 entrées (mais gros succès Outre-Atlantique avec 35 976 000 $ de recettes vs 6 millions).

Bienvenue à Gattaca

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Andrew Niccol. 1996. U.S.A. 1h46. Avec Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, Loren Dean, Alan Arkin, Gore Vidal.

Sortie salles France: 29 Avril 1998 

FILMOGRAPHIEAndrew Niccol est un scénariste, producteur et réalisateur néo-zélandais, né le 10 juin 1964 à Paraparaumu. 1997 : Bienvenue à Gattaca (Gattaca). 2002 : S1m0ne. 2005 : Lord of War. 2011 : Time Out (In Time). 2013 : Les Âmes vagabondes (The Host). 2014 : Good Kill. 2018 : Anon. 


"Le bonheur n'est pas dans la recherche de la perfection, mais dans la tolérance de l'imperfection."
Film intimiste un tantinet difficile d'accès, de par son rythme monocorde (qui ne plaira pas à tous), son climat hermétique spécialement désenchanté, son parti-pris contemplatif et sa complexité narrative nous alertant des dérives de la génétique au profit de l'élitisme, Bienvenue à Gattaca fait toutefois parti à mon sens des plus belles oeuvres de science-fiction imparties à la dystopie. En tous cas, l'un des plus dignes fleurons des années 90 d'une ambition salutaire à travers sa prophétie futuriste nous alertant des dérives sanitaires. Visuellement splendide de par sa photo léchée et la discrétion de ses décors insolites magnifiquement éclairés (nuances jaunes ou verdâtres épurées), Andrew Niccol, dont il s'agit de son 1er essai, nous immerge sans fard dans son monde insidieusement totalitaire privilégiant le statut social d'êtres humains clonés au grand dam des invalides (les êtres conçus naturellement) discriminés par la science. Ainsi, 1h46 durant, et sans action ostentatoire (vous êtes prévenus), nous suivons le cheminement illégal de Vincent conçu naturellement par ses parents (et donc invalide aux yeux de cette société idéaliste adepte de la perfection physique, cérébrale et morale), qui, pour accomplir son rêve (voyager dans l'espace afin de fuir sa réalité aseptique) va usurper son identité avec la complicité de Jérôme, être génétiquement modifié mais devenu tétraplégique à la suite d'une tentative de suicide. Je n'en dirai pas plus pour l'intrigue ramifiée à suivre scrupuleusement (notamment au niveau de la grande importance des répliques), tant elle s'avère délicate à détailler. Mais sachez que Bienvenue à Gattaca dégage un climat mélancolique perpétuel dans sa faculté d'y cristalliser son univers futuriste par le biais de détails visuels aussi discrets que fascinants. 


A l'instar des voitures rétros échappées des années 40 et roulant sans ronronnement de moteur, de l'antre épuré de Gattaca dénué d'insalubrité ou encore du repère domestique de Jérôme tristement sans chaleur. Et ce en sublimant cet univers clinquant, froid, déshumanisé, tristement impassible par le biais d'un scénario tout à la fois charpenté et passionnant (à 2/3 sautes de rythme peu répréhensibles). Quant à son cast 3 étoiles (Hawk / Thurman / Law), il demeure terriblement attachant dans leur fonction de cobayes en perdition soumis à une société arbitraire mais doués d'une remise en question morale par leur évolution personnelle, notamment en tentant de sa raccrocher aux valeurs de la cohésion, du (soupçon de) bonheur et de l'amour. C'est ce qu'ils parviendront timidement à renouer durant leur coopération (tortueuse) en tablant notamment sur une rédemption spirituelle si je m'attarde aux états d'âme chimériques de Jérôme et de Vincent unifiés par une fidèle amitié non dénuée de conséquences à la fois inéquitables et infortunées au sein de leur société altière trop attachée à la police d'une idéologie grégaire. Outre la fragilité caractérielle de Jude Law en tétraplégique aviné et la trouble beauté d'Umma Thurman en clone perfectible réapprenant les valeurs du pardon et de l'indulgence, Ethan Hawke porte le poids de l'intrigue épineuse sur ses épaules avec une amertume élégiaque subtilement pesante et éthérée. Ce qui donne lieu à des séquences émotionnelles d'une infinie tristesse jamais démonstrative, si bien que Andrew Niccol demeure sobrement sincère à donner chair à ses personnages et à son univers défaitiste avec une grâce délicate. 


Un poème humaniste désabusé se raccrochant à la mansuétude.  
Cri de désespoir contre l'élitisme au sein d'une société sans vergogne aussi endimanchée que conventionnelle, puisque persuadée d'y formater sa population par une manipulation génétique infructueuse, Bienvenue à Gattaca dégage une frêle dramaturgie mélancolique sous l'impulsion de protagonistes utopistes avides d'horizon stellaire et d'au-delà afin d'approcher une parcelle de plénitude qu'ils n'auront jamais vécu sur leur terre stérile. Onirique et tristement nihiliste.

*Bruno Matéï
4èx

Ci-joint le synopsis de Wikipedia: 

Dans un monde futuriste, on peut choisir le génotype des enfants. Dans cette société hautement technologique qui pratique l'eugénisme à grande échelle, les gamètes des parents sont triés et sélectionnés afin de concevoir in vitro des enfants ayant le moins de défauts et le plus d'avantages possibles pour leur société.

Bien que cela soit officiellement interdit, entreprises et employeurs recourent à des tests d'ADN discrets afin de sélectionner leurs employés ; les personnes conçues de manière naturelle se retrouvent, de facto, reléguées à des tâches subalternes.

Gattaca est un centre d'études et de recherches spatiales pour des gens au patrimoine génétique impeccable. Jérôme, candidat génétiquement idéal, voit sa vie détruite par un accident tandis que Vincent, enfant conçu naturellement, donc au capital génétique « imparfait », rêve de partir pour l'espace. Chacun des deux va permettre à l'autre d'obtenir ce qu'il souhaite en déjouant les lois de Gattaca.