de Lucio Fulci. 1972. Italie. 1h48. Avec Barbara Bouchet, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Marc Porel, Ugo D'Alessio, Georges Wilson, Irene Papa.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988: Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.
Dans un village sicilien écrasé de soleil, une série d’infanticides sans mobile apparent secoue la population. La police, dubitative, enquête en vain avant de désigner un simple d’esprit comme bouc émissaire. Très vite, l’agitation populaire enfle : la "sorcière" du village devient la nouvelle cible.
Avertissement aux âmes prudes : La Longue Nuit de l’Exorcisme ose aborder l’infanticide dans un climat à la fois licencieux et redoutablement pervers. Et ce, sans jamais sombrer dans la complaisance — si l’on met de côté quelques séquences jugées discutables, tel le lynchage d’une puissance tragique ou la chute d’une victime dévalant une falaise.
Le ton est donné d’emblée, avec la découverte incongrue d’une sauvageonne déterrant un petit squelette. On enchaîne avec une scène de sexe entre adultes consentants dans une grange, épiés par l’idiot du village à travers les volets. Puis survient l’inconfort : une séquence à la limite de la décence, où une femme nue aguiche un enfant d’à peine douze ans. Le malaise est là, profond, dérangeant, mais sans jamais céder au voyeurisme : tout repose sur le pouvoir de suggestion, les regards ambigus, les contradictions. Une scène qui, aujourd’hui, aurait sans doute été balayée par la censure. À l’époque, elle provoqua un tollé : l’actrice fut accusée de détournement de mineur, jusqu’à devoir prouver qu’un nain la doublait dans la scène de dos.
C’est donc à travers les paysages ruraux d’une Italie profonde que Fulci tisse son intrigue, d’une rare densité. Chacun devient un suspect potentiel. En pourfendeur, le cinéaste bouscule les tabous pour dresser le portrait noir d’une communauté intolérante, rétrograde, pétrie de superstition et de xénophobie. Il fustige une religion fanatique, abrutissante, prête à justifier le meurtre d’enfants au nom d’un ordre moral figé. La scène de lapidation — à coups de triques et de chaînes — d’une brutalité insoutenable, anticipe celle du peintre crucifié dans L’Au-delà. Fulci y mêle une mélodie élégiaque qui, loin d’atténuer l’horreur, en accentue la portée tragique. La victime agonise jusqu’à l’autoroute, sans qu’aucun automobiliste ne s’arrête. Abrupt. Nihiliste. Jusqu’au bout des ongles. Et pendant ce temps, le vrai coupable court toujours…
C’est alors qu’un journaliste, épaulé de la sulfureuse donzelle "pédophile", reprend l’enquête. Le dénouement, haletant, tendu, aussi trouble que musclé dans ses confrontations, ne déçoit en rien. L’identité du tueur, son mobile — aussi insensé que cérébralement dérangé — laissent une empreinte durable. Côté casting, Barbara Bouchet casse son image glamour pour incarner une allumeuse cynique, prisonnière de ses fantasmes et de son addiction à la drogue. Le spectateur, pris au piège, oscille entre fascination pour sa sensualité et dégoût pour son immoralité. Tomas Milian, l’homme aux mille visages, prend le relais dans la seconde moitié du film : charismatique, déterminé, il incarne un journaliste décidé à démêler ce nœud d’horreurs. Et que dire de Florinda Bolkan, figure à la beauté contrariée, dans le rôle bouleversant de la sorcière superstitieuse, ravagée par le deuil — puis lynchée dans une explosion de sauvagerie putassière ? Une scène extrême, d’une intensité dramatique inégalée, réservée aux amateurs d’horreur crapoteuse prêts à encaisser une bestialité sans filet.
Dans son atmosphère méphitique, sa galerie de personnages ignares sombrant dans la corruption et le meurtre, La Longue Nuit de l’Exorcisme transcende le thriller rural. Fulci signe une œuvre pestilentielle, mais poignante — une diatribe viscérale contre l’obscurantisme, le fanatisme et la lâcheté des croyances aveugles. On sent que le sujet le touche profondément. Porté par le rythme mélancolique de l’inoubliable chanson d’Ornella Vanoni, ce chef-d'œuvre marginal, douloureux et lacrymal, pleure l’innocence salie par l’idéologie rétrograde. Fulci, en chantre maudit de la décadence, nous tend le miroir. Et ce que l’on y voit glace.
Note (wikipedia): À cause de son pitch critiquant l'Église catholique, le film fut inscrit sur liste noire et ne connu qu'une faible exploitation à travers l'Europe. Avant l'arrivée d'un DVD en 2000, il n'était jamais sorti aux États-Unis.
* Bruno
30/08/18. 4èx
18.01.11. 475 vues
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