mardi 16 octobre 2018

Long Week-end

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Long Weekend" de Colin Egleston. 1978. Australie. 1h32. Avec John Hargreaves, Briony Behets, Mike McEwen, Roy Day, Michael Aitkens.

Sortie salles France: 30 Juillet 1980. U.S/Australie: 29 Mars 1979

FILMOGRAPHIEColin Eggleston est un réalisateur australien, né le 23 Septembre 1941 à Melbourne, décédé le 10 Août 2002 à Genève. 1977: Fantasm Comes Again (pseudo Eric Ram). 1978: Long Week-end. 1982: The Little Feller. 1984: Innocent Prey. 1986: Cassandra. 1986: Dakota Harris. 1986: Body Business (télé-film). 1987: Outback Vampires.


En 1978 surgit sur les écrans un modeste film australien au budget dérisoire, signé d’un metteur en scène néophyte dirigeant brillamment deux comédiens encore méconnus. À la surprise générale, les récompenses pleuvent — à rebours de l’accueil glacial réservé par son propre pays ! Antenne d’Or à Avoriaz, Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique au Rex de Paris, Meilleur Film, Meilleur Acteur pour John Hargreaves, Prix du Jury à Sitges… Rien que ça.
Quelques décennies plus tard, remake amorcé, ce chef-d’œuvre écolo (terriblement actuel !) conserve intact son pouvoir de fascination, irradie d’un environnement naturel follement anxiogène, presque vénéneux.

Un couple au bord de la rupture tente de se réconcilier le temps d’un long week-end dans une nature sauvage, à proximité d’une plage. Après avoir planté leur tente sur un bout de terrain vierge, des phénomènes naturels inexplicables surviennent — comme si le monde végétal voulait leur peau.


Avec une économie de moyens et sans la moindre outrance spectaculaire, Long Weekend distille une peur rampante, par le biais d’une intrigue d’une rare originalité. Un couple en dérive conjugale tente une seconde chance, s’échappe vers une nature bucolique pour quelques jours.
Dès l’introduction, Eggleston pose un univers écolo inquiétant, puis s’attarde avec précision sur ce couple antipathique, dénué de toute considération pour la faune et la flore. Le mari, borné, amateur de chasse et de camping, passe son temps à inspecter la végétation avant de décharger, sans remords, ses cartouches sur tout ce qui bouge — volatiles, mammifères, peu importe.
Elle, frustrée sexuellement, irascible à cause d’un avortement et d’un adultère, s’ennuie en silence, se dore la pilule en lisant des magazines érotiques. Impassible à la beauté sauvage, encore plus irrévérencieuse et haïssable que son mari. Quand un rapace attaque ce dernier, elle écrase un œuf contre un tronc d’arbre — geste de rancune froide, presque sadique.

Peu à peu, leur relation délétère se déchire un peu plus, attisée par des événements troublants : des cris d’animaux affolés, éplorés, des bruits étranges, organiques, venant des fourrés.
Mais après avoir sacrifié des mammifères, piétiné une forêt vierge, la nature elle-même semble réclamer vengeance. Eggleston orchestre alors une montée en tension redoutable, issue de ces comportements primaires, égoïstes, d’un couple immature déversant sa rage, son déni, sur le monde autour d’eux.

L’ambiance devient suffocante. L’animosité entre les personnages, les événements inexpliqués, l’insécurité croissante, tout cela génère une atmosphère dépressive, un climat visuel oppressant, presque claustrophobe.
La dernière partie, une course de survie désespérée, rend palpable cette menace invisible, mais sourde, persistante, quasi mystique. Le spectateur, pris au piège, assiste impuissant à leur lassitude morale, leur chute intérieure, sous l’effet d’une dramaturgie escarpée et d’un humour noir abrasif.

Trois séquences, génialement ubuesques, forment un triptyque d’anthologie : ironiques, cruelles, mais teintées de compassion face à ce duo pathétique, englouti par ses propres travers.
Et sans jamais sombrer dans l’esbroufe, Colin Eggleston façonne, avec une subtilité rare, un cauchemar écolo hypnotique, aux cimes du fantastique. Le malaise, profond et rampant, s’empare de notre psyché aussi violemment que de celle des protagonistes.

Un crime contre nature 
Scandé par une partition ombrageuse de Michael Carlos, soutenant l’angoisse en crescendo, Long Weekend repose sur deux acteurs d’une justesse troublante, incarnant avec naturel ce couple de trouble-fêtes modernes.

L’effet de suggestion — vénéneux, feutré — installe une terreur implacable au cœur d’un écrin naturel devenu hostile.

Chef-d’œuvre atypique, formellement vertigineux, Long Weekend nous laisse en état de transe dès le générique final. Il nous interroge, en filigrane, sur la cause animale, sur la vengeance d’une nature bafouée, face à la plus grande menace que la planète ait jamais connue :
l’homme.

* Bruno
16.10.18. 4èx
10.01.12 (789 vues)

RécompensesPrix Spécial du JuryPrix de la critique au festival du Rex à Paris en 1979.
Antenne d'Or au Festival d'Avoriaz en 1979.
Meilleur Film, Meilleur Acteur (John Hargreaves), Prix du Jury de la critique internationale de Sitges en 1978.

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