samedi 15 septembre 2018

Maniac

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h30. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac


"Maniac : solitude en caméra close".
Discrédité avant même son entreprise, déjà étiqueté remake bancable d’un chef-d’œuvre traumatisant, Maniac nouvelle mouture prenait un risque double : reprendre un monument crasseux du cinéma d’horreur, et confier le rôle-titre à un acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu, qui laissait craindre le pire, d’autant plus que son réalisateur, encore novice, venait de livrer deux productions aussi conventionnelles que tièdes. Pourtant, produit par William Lustig en personne, épaulé des Français Aja et Levasseur (également crédités au scénario), ce Maniac autrement sophistiqué fait le choix intelligent de ne pas singer son modèle cradingue. Filmé intégralement en caméra subjective, du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle plongée dans les bas-fonds d’un Los Angeles corrompu, qu’un psychopathe entreprend de « nettoyer » en ciblant une gent féminine aguicheuse.
 
Dès le prologue, l’ambiance est posée : anxiogène, crépusculaire, poisseuse. Un New York fantasmé, insalubre, nous est exposé avec un réalisme cafardeux : badauds désoeuvrés, foule cosmopolite, trottoirs noyés sous les détritus, tentes de fortune plantées çà et là… À l’image prophétique du premier crime, prémédité, concis, radical. Une séquence choc, dérangeante, qui annonce la couleur : Maniac ne sera pas une virée ludique, mais un bain de noirceur brutale.


La cruauté du meurtre, et l’impuissance absolue de la victime, incapable même d’un cri : nous voilà saisis, sidérés. Et la bonne nouvelle, c’est que l’errance nocturne du maniac restera une dérive introspective, jalonnée de fulgurances aussi terrifiantes qu’éprouvantes. Car tout au long de cette traque sanglante, le spectateur, pris en otage par l’œil du tueur, est contraint à une identification instinctive. L’effet d’immersion est immédiat, mais surtout, il dérange — il incommode, il asphyxie. On partage ses pensées malades, ses visions hallucinées de mannequins sanguinolents lovés dans une chambre tamisée, ses crimes lâches et acérés. Autant dire que cette nouvelle version génère une submersion sensorielle bien plus intense que son modèle initial. À l’inverse, on est loin de l’angoisse trouble du film de Lustig et du jeu moite de Joe Spinell. Néanmoins, certaines séquences gores, percutantes, retournent les estomacs les moins sensibles, tant leur sauvagerie frôle parfois l’insupportable (le meurtre au poignard d’une prostituée réfugiée dans un parking est une épreuve à lui seul !).

Magnifiquement photographié dans un New York stylisé et documenté (avec notamment un décor baroque dans le métro), le film impressionne par la maîtrise de sa mise en scène : jeux de miroirs pour entrevoir le visage du tueur, plans stylisés d’un esthétisme limpide, presque poétique. Khalfoun exploite habilement le potentiel de terreur sourde qui émane de son maniac profondément esseulé. Le point d’orgue, extrême, s’incarne dans la traque de la dernière victime, en instance de survie — une séquence d’anthologie. L’épilogue atteint quant à lui un sommet de gore paroxystique, aussi bestial et grand-guignolesque que celui de son aîné.

Et pour parachever le tout, les scénaristes ont eu la bonne idée d’insister sur l’idylle fragile entre Frank et une photographe de mode. Ce lien rend son personnage presque touchant : l’empathie du spectateur finit par se laisser contaminer. Khalfoun prend soin d’illustrer la psyché ravagée de son tueur, en explorant les réminiscences d’une enfance marquée par les sévices sexuels d’une mère dépravée. Par ses victimes, c’est elle qu’il assassine encore et encore, sans jamais apaiser ses pulsions de haine ni parvenir à se réconforter dans un amour humain. En résulte une ambiance de nonchalance mélancolique, qui imprègne chaque plan — portée par une bande-son fragile, cristalline, comme en apesanteur. Une atmosphère idoine pour explorer, derrière la romance avortée, les stigmates d’un passé souillé, et la solitude incurable d’un misogyne qui fut avant tout un enfant brisé.


"L’œil du monstre".

Résolument terrifiant, glaçant, glauque, malsain dans sa forme immersive (même s’il reste à cent lieues du chef-d’œuvre initial), Maniac s’impose pourtant comme une œuvre sauvage, cruelle, et déprimante — traversée par une intensité mélancolique profondément dérangeante. Et si Elijah Wood laissait sceptique au départ, il impose ici une composition tout en retenue, dans la peau d’un psychopathe timoré, chétif, broyé par l’échec d’un amour impossible. La nouvelle génération peut applaudir : un nouveau sommet de l’horreur hardcore vient d’être légué, porté par la personnalité affirmée d’un auteur, Franck Khalfoun, résolu à nous bouleverser de la manière la plus sensorielle et viscérale qui soit. Au point qu’après le générique, un malaise sourd persiste. S’incruste. Et ne vous lâche plus.

* Bruno
15.09.18
05.01.13

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