vendredi 27 novembre 2020

Le Corps et le Fouet

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site lipercubo.it

"La Frusta e il corpo" de Mario Bava. 1963. Italie. 1h27. Avec Daliah Lavi, Christopher Lee, Tony Kendall, Ida Galli/evelyn Stewart, Gustavo de Nardo, Harriet White.

Sortie salles France: 26 Janvier 1966. Italie: 29 Août 1963

FILMOGRAPHIEMario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


"Le masochisme est une perversion absurde qui consiste à se faire du mal à soi-même, alors qu'il y a les autres pour cela."
Après La Fille qui en savait trop et Les Trois visages de la peurMario Bava réalise la même année le Corps et le Fouet, thriller gothique à tendance sexuelle. Car oser évoquer en 1963 les thèmes fétichistes de la perversion et du sadomasochisme étaient peu courants dans un état aussi puritain que l'Italie. Ainsi, par l'entremise d'un suspense lattent compromis à une hantise spectrale, Mario Bava renoue avec l'esthétisme baroque d'un gothisme raffiné au sein d'un château isolé du 19è siècle. La splendeur de ses décors d'architecture, le soin alloué à sa superbe photo azur ornée de teintes carmins et sépias renforçant sa facture picturale à travers son identité typiquement transalpine. Envoûtant et inquiétant, Le Corps et le Fouet renoue avec la tradition de l'esprit frappeur venu persécuter sa filiation. Si bien qu'après avoir été chassé de sa famille, faute de l'étrange suicide intenté par la fille d'une domestique, le Baron Kurt Menliff revient parmi les siens pour tenter de renouer sa relation sulfureuse avec sa belle-soeur. Ainsi, sur le schéma classique de la hantise,  Mario Bava y apporte sa touche personnelle en y incluant le thème sulfureux du masochisme par le truchement d'un couple maudit emporté par le Mal. 


Si sa structure narrative habilement construite présage un récit éculé axé sur le thème du fantôme persécuteur, le réalisateur détourne sa situation rebattue de par l'utilisation du "whodunit" et de la relation incestueuse entretenue auprès du duo d'amants interlopes. On est d'autant plus surpris de son aura transgressive que Mario Bava ne lésine pas sur la violence acerbe lorsque le baron décide de prolonger son loisir masochiste avec sa belle-soeur soumise (mais complice !) pour la fouetter immodérément ! Au fil de ces incidents meurtriers et par le principe du coupable présumé, Le Corps et le Fouet laisse planer le doute quant à l'identité du fameux criminel (ou la potentielle vengeance d'un spectre tyrannique) avant de nous divulguer son issue salvatrice. Dans le rôle du baron renfrogné,  Christopher Lee insuffle une présence glaçante de par sa sinistre silhouette et son regard impassible dénué de vergogne. De par l'arrogance de ses activités masochistes perpétrées au delà de la mort, l'acteur dégage une aura malsaine vertigineuse auprès de ses hôtes toujours plus indécis envers son hostilité surnaturelle. En maîtresse soumise et torturée, Daliah Lavi illumine l'écran de par sa beauté ténébreuse en ne cessant de provoquer une fascination trouble pour son refoulement masochiste engendrant une répulsion haineuse envers son tyran possessif. Spoiler ! Cette charge érotique audacieuse, ce romantisme déchu qui enveloppe le récit s'octroient au portrait tourmenté de cette victime névrosée que Mario Bava transcende à travers son introspection schizophrène ! Fin du spoil.


"Tout couple humain vit dans un rapport qui, d'une certaine façon, à un moment ou à un autre, est d'ordre sadomasochiste."
D'une beauté funeste aussi glaçante qu'ensorcelante où chaque plan chiadé illumine nos mirettes, le Corps et le Fouet se pare d'une ambition effrontée à oser dépeindre le thème de la paraphilie sous une forme couillue de violence lubrique et de machisme primaire. Poème macabre en berne au romantisme éperdu, le Corps et la Fouet se scande d'une partition mélancolique prédominante à travers le portrait de cette femme éplorée incapable de se défaire de l'emprise pernicieuse de son amant mécréant.  

*Bruno
27.11.20. 4èx
17.06.13. 100 v


jeudi 26 novembre 2020

Christmas Evil

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"You Better Watch Out" de Lewis Jackson. 1980. U.S.A. 1h34. Avec : Brandon Maggart, Jeffrey Demunn, Dianne Hull, Andy Fenwick, Brian Neville.

Sortie salles U.S: Novembre 1980.

FILMOGRAPHIE: Lewis Jackson est un réalisateur, scénariste et acteur américain. 1980: Christmas Evil. 1974: The Transformation: A Sandwich of Nightmares. 1970: The Deviates.


Parce que 30 ans plus tôt, au soir du réveillon, il fut traumatisé d'épier en cachette un père noel (en faite son père) pratiquer des attouchements sexuels sur sa mère, Harry l'introverti décide en cette nouvelle période de Noël de rendre ses lettres de noblesse à cette fête catholique corrompue par le consumérisme. Précurseur de la fameuse série des Silent Night, deadly night, Lewis Jackson réalise quatre ans au préalable cette curieuse série B horrifique à l'ambiance particulièrement étrange si bien que certains fans lui vouent aujourd'hui un véritable culte (John Waters le considère comme le meilleur film de Noel jamais réalisé ! Rien que ça). Ainsi donc, de par son ton caustique davantage ostensible,  Christmas Evil se décline en attrayante curiosité sans chercher à concourir au gore festif ou à la terreur (autant prévenir les amateurs). Il prime donc, surtout lors de sa seconde partie plus vigoureuse, sur des idées inventives fortuites (les villageois pourchassant en pleine rue le père-noël à l'aide de leurs torches - clin d'oeil intempestif à Frankenstein -, l'incroyable épilogue avec ce camion planant dans le ciel en lieu et place du traditionnel traineau), sur une ambiance lourde et pesante saturée d'une partition ombrageuse. Et ce afin d'y dresser de manière documentée (façon Maniac ou Henry en mode beaucoup moins glauque et sordide) le portrait pathétique d'un solitaire brimé par ses confrères mais désireux de prendre sa revanche sur la magie de Noël suite à son trauma infantile. Si bien que de son point de vue torturé, cette cantique traditionnelle célébrant la naissance de Jésus s'y retrouve désacralisée par la société de consommation dénuée de vergogne. 


Satire vitriolée non dénuée de quelques incohérences (la tentative d'étouffement du père de famille dans son lit alors que sa femme comateuse n'éveillera pas un sourcil), Christmas Evil ne manque pas d'attiser une attention davantage magnétique au fil d'un cheminement alerte. De par ses situations saugrenues (le père-noel tentant vainement de pénétrer en interne d'une cheminée pour y déposer les cadeaux au chevet du sapin) et séquences parodiques à l'imagination tantôt cocasse (l'impensable auditoire des père-noël contraints d'exclamer de façon élogieuse un "Merry Christmas" poussif aux agents de police), Christmas Evil tire son épingle du jeu en détournant les codes du film familial. On peut d'ailleurs également relever cette séquence incongrue d'une salle de réveillon bondée d'invités lorsque notre père noël convaincu de sa devise avertira aux enfants attentifs qu'il leur fera subir des choses horribles si l'année prochaine ils ne remplissent par leur devoir docile. Quand bien même les parents médusés par sa tirade ne sauront s'il faut en rire ou s'inquiéter avant que celui-ci ne libère un rire aussi railleur que libérateur. Enfin, une autre séquence à la fois dérangeante et débridée ne manque pas non plus de piment lorsque des enfants tenteront de protéger celui-ci d'un père de famille armé d'un couteau après avoir reconnu le tueur derrière sa panoplie ! Pour endosser le profil inquiétant du tueur, l'acteur Brandon Maggart demeure plutôt persuasif à travers la neutralité de son regard à la fois évasif et songeur de par ses états d'âme torturés noyés d'hallucinations cauchemardesque. Un portrait fragile qui ne manque pas d'une certaine empathie (comme le prouve son épilogue exutoire) quant à sa morale candide si bien qu'il ne demandait qu'à chérir et à prémunir les chérubins de l'influence licencieuse de leurs parents asservis par le goût du lucre. 


En dépit d'une mise en place un brin laborieuse et d'une réalisation tantôt soignée (notamment à travers les détails pléthoriques de la célébration féérique de Noël), tantôt maladroite (son montage superficiel laisse à désirer), Christmas Evil demeure une étonnante curiosité sous le pilier d'une horreur premier degré injectée de sarcasme. A découvrir. 

*Bruno
26.11.20
29.11.10.

L'anecdote subsidiaire: le film aurait été saisi et confisqué au Royaume-Uni en vertu de l'article 3 de 
l'Obscene Publications Act 1959 lors de l'affluence de la Vhs

lundi 23 novembre 2020

La Disparue

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"The Vanishing" de George Sluizer. 1993. U.S.A. 1h49. Avec Jeff Bridges, Kiefer Sutherland, Sondra Locke, Nancy Travis, Park Overall, Maggie Linderman . 

Sortie salles France: 7 Juillet 1993 (Int - 12 ans)

FILMOGRAPHIEGeorge Sluizer, né le 25 juin 1932 à Paris, et mort le 19 septembre 2014 à Amsterdam, était un réalisateur néerlandais. 1961 : De lage landen. 1967 : National Geographic Specials. 1971 : Stamping Ground. 1972 : João et le couteau. 1979 : Un homme, deux femmes. 1982 : Tepito si. 1983 : Adios Beirut. 1985 : Red Desert Penitentiary. 1988 : L'Homme qui voulait savoir. 1992 : Utz, la passion de l'art. 1993 : La Disparue. 1996 : Crimetime. 1996 : Mortinho por Chegar a Casa. 1998 : The Commissioner. 2002 : La Balsa de piedra. 2012 : Dark Blood. 

Remake de l'Homme qui voulait savoir (que je n'ai hélas jamais vu), La Disparue est un bon thriller hollywoodien si on fait fi de son modèle plus intègre, nihiliste et authentique (après m'être un peu renseigné sur la toile). George Sluizer se permettant de remaker son propre film à l'aide d'une réalisation académique et en y modifiant aussi un final autrement conventionnel et prévisible (bien que formidablement mené à travers sa tension spectaculaire fertile en péripéties). Suspense hitchcockien mené sans temps mort, La Disparue doit beaucoup de son intensité grâce à son contexte en suspens. A savoir si l'époux parviendra à retrouver sa compagne, morte ou en vie, après 3 ans d'enquête infructueuse. Pour se faire, il comptera également sur les rapports houleux avec sa nouvelle amie en désarroi amoureux mais apte à redresser la situation lors de circonstances fructueuses quant au dénouement attendu. Mais au-delà de l'aspect ludique de son intrigue interlope, La Disparue est rehaussé des présences de Kiefer Sutherland sobrement convaincant en époux teigneux avide de vérité, Sondra Locke en victime chétive partagée entre doute et optimisme pour la situation de son couple, et la méconnue Nancy Travis en amante affirmée d'une force de caractère finalement héroïque. Mais c'est à Jeff Bridges que revient la palme de la présence la plus proéminente de par son statut délétère subtilement tranquille en kidnappeur fasciné par la dichotomie du Bien et du Mal. L'acteur déployant (à nouveau) un jeu à contre-emploi littéralement magnétique et fascinant à chacune de ses présences perfides. 

Ainsi, pour ceux ignorant l'existence de son modèle, La Disparue mérite le coup d'oeil pour qui raffole de thriller ludique si bien qu'ici l'intrigue correctement menée demeure intense et efficace sous l'impulsion d'un quatuor de comédiens communément expressifs.

*Bruno
2èx

vendredi 20 novembre 2020

Alone

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Hyams. 2020. U.S.A. 1h38. Avec Jules Willcox, Marc Menchaca, Anthony Heald.

Sortie salles U.S: 18 Septembre 2020

FILMOGRAPHIE: John Hyams est un réalisateur, producteur et scénariste américain. 1997: One dog Day. 2009: Universal Soldier: Régénération. 2012: Dragon Eyes. 2012: Universal Soldier: Régénération. 2018: All Square. 2002: Alone. Prochainement: Maniac Cop. 

           "L'espoir de la survie passait par cet homme sans élégance que le jour baignait de sang."

Traque impitoyable entre un tueur et sa proie, Alone est une série B du samedi soir tout à fait fréquentable. Dans la mesure où si John Hyams n'invente rien à travers son schéma narratif éculé, il parvient à s'extirper du produit standard de par l'efficacité de sa réalisation à la fois nerveuse, intense et soignée (notamment auprès de l'habile exploitation de ses décors sauvages nous remémorant inconsciemment Rambo, Délivrance et Traqué de Friedkin pour l'ultime mano a mano primitif), le réalisme de ses situations censées (en dépit de 2/3 facilités un chouilla grossières, telle la victime appelant les secours du coffre - sans plage arrière - du véhicule du tueur au volant) et du casting quasiment composé de 2 acteurs si on élude un second-rôle furtif (un peu stéréotypé dans son interrogation dubitative sur air connu). 

Le tueur adoptant une carrure de pervers roublard à travers sa force tranquille et de sureté à courser sa proie, la victime insufflant une appréhension dépouillée à travers son initiation au courage quasiment dénuée de temps morts. Le spectateur s'identifiant à cette jeune veuve sans fard avec une attention permanente quant au réalisme du contexte horrifique imposé de jour comme de nuit. On apprécie également la manière retorse dont cette dernière fait preuve pour s'extirper de sa géôle tout en multipliant les stratégies de survie à travers sa course à travers bois émaillée d'une rencontre aléatoire et de péripéties pernicieuses. La réussite prioritaire de Alone émanant donc de cette confrontation ardue entre eux si bien que la victime finit par détourner les codes dans sa capacité pugnace à se rebeller contre son tortionnaire. Preuve en est avec ce final tendu comme un arc à travers sa sauvagerie primitive correctement chorégraphiée. 


A découvrir. 
*Bruno

mercredi 18 novembre 2020

The Backwoods

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Bosque de sombras" de Koldo Serra. 2006. France/Espagne/Angleterre. 1h36. Avec Gary Oldman, Paddy Considine, Aitana Sánchez-Gijón, Virginie Ledoyen, Lluís Homar.

Sortie salles France: 18 Mai 2006 (1ère à Cannes). Espagne: 16 Février 2007

FILMOGRAPHIEKoldo Serra est un réalisateur et scénariste espagnol, né le 15 avril 1975 à Bilbao, en Espagne. Amor de madre (1999). El Tren de la bruja (2003). The Backwoods (2006). Gominolas (2007) Série télévisée (1 épisode). El Comisario (2008) Série télévisée (1 épisode). Es bello vivir (2008) TV. Muchachada nui (2009) Série télévisée (1 épisode). Gernika (2016). Banco (70 binladens) (2018). 


Honteusement écarté de nos salles en dépit de ses prometteuses têtes d'affiche (Gary Oldman, Virginie Ledoyen, Paddy Considine s'avèrent d'autant plus irréprochables à travers leur jeu dépouillé), The Backwoods fut exploité chez nous uniquement en dvd chez One plus One puis commercialisé avec le magazine Mad Movies qui en fit l'éloge dans leur rubrique Dvd mensuelle. Ouvertement influencé par les Chiens de Paille et Délivrance sans toutefois vulgairement les singer, The Backwoods demeure une remarquable surprise de par sa facture naturaliste renvoyant aux plus belles réussites du genre natives des Seventies. Tant et si bien que ce survival à la fois oppressant, cruel et lestement tendu captive et triture nos nerfs avec une diabolique habileté. Tant auprès de sa trajectoire narrative toujours imprévisible au gré de situations sensées, de sa réalisation étonnamment taillée que de la caractérisation scrupuleuse des personnages éludant admirablement le stéréotype. Et ce tout en prenant son temps à y planter son univers forestier et ses personnages en perte de repères, notamment auprès de l'évolution morale d'un des amants en frustration à la fois personnelle, sexuelle et conjugale.

L'intrigue relatant la dérive criminelle de 2 couples de vacanciers anglais contraints d'unir leur force et leur courage pour se défendre contre des rednecks consanguins après avoir sauvé de sa geôle une sauvageonne infantile réduite à l'esclavage. On peut d'ailleurs saluer la force d'expression terrorisée de cette fillette mutique jouant la victime erratique avec un réalisme subtilement poignant. Ainsi, à travers ses rebondissements sanglants jamais gratuits puisque dénonçant avec tact les conséquences immorales de la vendetta (quand bien même les épouses contrariées s'efforcent d'apaiser les tensions), The Backwoods est sublimé par ses personnages victimisés contraints de céder à la violence afin de pouvoir rester en vie. Un thème éculé ici renouvelé avec force, tact et brio si bien que l'on ne sait jamais quel sort adviendra à tel ou tel personnage empiété dans des règlements de compte davantage incontrôlables. Quand bien même on se passionne pour la déliquescence morale d'un des protagonistes partagé entre sa lâcheté, sa peur de trépasser et sa résignation personnelle de prouver sa capacité à nuire à autrui en abusant d'une violence expéditive irréversible (notamment pour y tenter de sauver son couple). Le réalisateur espagnol Koldo Serra puisant notamment dans l'hommage référentiel à ces notoires ancêtres  (Délivrance / Les Chiens de Paille) avec une dignité dénuée de prétention.


Remarquable survival ibérique à la photo scope aussi soignée que réaliste, The Backwoods demeure une perle du genre impeccablement huilée, notamment à travers la vigueur de sentiments de désespoir davantage poignants quant aux conséquences dramatiques de leur démarche héroïque. Du vrai cinéma à l'ancienne qui donne du baume au coeur, sans effets de manche. 

*Bruno
2èx

lundi 16 novembre 2020

La Mort vous va si bien

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Death Becomes Her" de Robert Zemeckis. 1992. 1h44. Avec Meryl Streep, Bruce Willis, Goldie Hawn, Isabella Rossellini, Ian Ogilvy, Adam Storke, Michelle Johnson. 

Sortie salles France: 23 Décembre 1992

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk. 2016 : Alliés. 2018 : Bienvenue à Marwen. 2020 : Sacrées Sorcières. 


Mal accueilli à sa sortie, tant Outre-atlantique que chez nous, La Mort vous va si bien ne méritait pas tant de discrédit. Car si l'intrigue un peu trop simpliste nous donne plutôt un sentiment final d'inachevé (d'autant plus que son rythme est fringant) et que les surprises s'y font assez rares, cette comédie endiablée est littéralement sauvée par son cast 3 étoiles s'en donnant à coeur joie dans les règlements de compte conjugaux. Tant auprès de Bruce Willis étonnamment à l'aise dans celui du chirurgien influent balloté par 2 mégères aussi rancunières qu'envieuses, de Meryl Streep en actrice sclérosée avide de gloire et de jeunesse éternelle et de Goldie Hawn en némésis forcenée sombrant dans une vendetta criminelle pour récupérer sa dignité. De par leur tempérament à la fois hystérique et survolté on se régale de leurs affrontements à répétition pour un enjeu de sur-ego que Bruce Willis tente de contenir avec une maladresse fréquemment impayable. A eux 3 ils monopolisent sans cesse l'écran avec une spontanéité frétillante. 

Quand bien même à mon sens, Willis n'aura jamais été aussi drôle que dans cette comédie fantastique efficacement dirigée avec un sens de dérision ostensiblement macabre. On peut également saluer la prestance d'Isabella Rosselini en déesse (à demi-nu) propriétaire d'un mystérieux élixir offrant la jeunesse éternelle à ceux et celles incapables d'y tolérer leur fatale destinée. C'est donc une satire corrosive sur le paraître que nous illustre Robert Zemeckis à renfort de cocasserie en roue libre et de gags survoltés eu égard de l'originalité des effets numériques utilisés pour susciter rire et effets de surprise. Des effets un peu cheaps certes, mais qui fonctionnent encore assez bien de par leur réalisme gentiment convaincant. Et bien que leur effet escompté s'avère parfois maladroitement exploité, on pardonne vite ses effets de facilité tant on s'amuse constamment à observer les crépages de chignon de ces 3 adversaires réunis pour un jeu de massacre en pagaille. 

Parfois franchement drôle (Goldie Hawn rembobinant la même séquence pour contempler son ennemie jurée se faire étrangler dans une scène de film !) et constamment ludique en dépit d'une baisse de régime vers son final un chouilla bâclé, La Mort vous va si bien demeure un excellent divertissement se raillant d'une middle class d'Hollywwod adepte de chirurgie esthétique. 

*Bruno
2èx

Récompenses
Cérémonie des Oscars 1993 : Meilleurs effets visuels
British Academy Film Awards 1993 : Meilleurs effets visuels
Saturn Awards 1993 :
Meilleurs effets spéciaux
Meilleure actrice dans un second rôle pour Isabella Rossellini

vendredi 13 novembre 2020

Le Retour de l'Abominable Dr Phibes. Prix du meilleur réalisateur, Festival international du film de Catalogne en 1974.

                                                

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site vostfr.club

"Dr. Phibes Rises Again" de Robert Fuest. 1972. Angleterre/U.S.A. 1h29. Avec Vincent Price, Robert Quarry, Peter Jeffrey, Fiona Lewis, Hugh Griffith, John Cater.

Sortie salles France: 29 Mai 1974. U.S: Juillet 1972.

FILMOGRAPHIERobert Fuest est un réalisateur et scénariste anglais, né le 30 Septembre 1927 à Londres, décédé le 21 Mars 2012. 1967: Just like a Woman. 1970: And soon the Darkness. 1970: Les Hauts de Hurlevent. 1971: L'Abominable Dr Phibes. 1972: Le Retour du Dr Phibes. 1973: Les Décimales du Futur. 1975: La Pluie du Diable. 1977: Three Dangerous Ladies. 1980: Revenge of the Stepford Wives (télé-film). 1981: The Big Stuffed Dog (télé-film). 1982: Aphrodite.


Une séquelle fort sympathique toujours illuminée de la présence persiffleuse de Price. 

Le pitch10 ans se sont écoulés depuis les sinistres exploits du Dr Phibes de s'être vengé des responsables de la mort de son épouse. Cette fois, il est déterminé à la ramener à la vie éternelle grâce à la rivière de la vie située dans le désert Egyptien. Et ce selon un précepte spirituel écolo. Mais Darius Biederbeck, rufian opportuniste épaulé de ses sbires, est également de la partie à daigner accéder à l'immortalité. 

Quelle judicieuse idée d'avoir délocalisé l'action en Egypte (bien que les extérieurs naturels soient natifs d'Espagne) afin d'y exploiter un cadre autrement exotique où plane la menace de serpents, scorpions et pièges incongrus afin de nuire aux rivaux de Phibes aussi délétère à y parfaire les pires inventions morbides. Sur ce point, il est impossible d'y être déçu même si certaines mises à mort ne dépendent pas toujours du cheminement narratif imparti à une course au trésor. Toujours réalisé par Robert Fuest auquel on sent bien son attachement pour le mythe et tout le folklore spirituel et baroque engendré, le Retour de l'abominable Dr Phibes ne déçoit pas en dépit de sa futile impression de déjà vu. 


Futile car Fuest possède suffisamment de bonne volonté, d'idées retorses et de savoir-faire (notamment pour l'exploitation de décors naturels ou ornementaux et de quelques détails amusants - à l'instar du ventilateur géant -), pour ranimer l'étincelle du 1er opus à travers un rythme furtif fertile en persos extravagants, réparties cocasses et scènes chocs cinglantes. Et si l'intrigue et les meurtres qui se succèdent en mode métronome demeurent un peu moins efficaces qu'au préalable, on prend tout de même réel plaisir à poursuivre les aventures de Phibes confronté en l'occurrence à un ennemi aussi avide que lui pour s'approprier papyrus et sarcophage. Au-delà des plaisantes retrouvailles de certains seconds-rôles (le duo de flics) et de figurants (les pantins mélomanes et leur orchestre, la suppléante mutique de Phibes); quel bonheur expansif de retrouver Vincent Price dans celui du monstre grandiloquent de par sa stature singulière (notamment sa façon de s'exprimer avec un appareil auditif) à perdurer ses exploits criminels dans une posture sardonique. On peut également souligner les présences trop éphémères du monstre sacré Peter Cushing en capitaine de navire (comptez quelques secondes à l'écran) et de l'icone Caroline Munro dans le rôle de Victoria, épouse de Phibes.


On prend les mêmes et on recommence dans un cadre solaire écrasant afin d'y affilier le genre aventureux au sein d'une course au sarcophage semée d'embuches, chausse-trappes, découvertes macabres et surprises saugrenues. Visuellement fun de par sa scénographie à la fois baroque et touristique et sa mélodie évanescente, le Retour de l'abominable Dr Phibes est une fois de plus illuminé du magnétisme spectral de Vincent Price toujours aussi avisé à imposer ses ambitions spirituelles sous couvert de tortures d'une cruauté raffinée. Jigsaw n'a qu'à bien s'tenir !


*Bruno 
13.11.20. 3èx
13/03/17. 528 v

jeudi 12 novembre 2020

I start counting !

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Listal.com

de David Greene. 1969. Angleterre. 1h45. Avec Jenny Agutter, Bryan Marshall, Clare Sutcliffe

Sortie salles Angleterre: 1er Janvier 1969

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: L. David Syms-Greene (né Lucius David Syms Brian Lederman ; 22 février 1921 - 7 avril 2003) était un réalisateur de télévision et de cinéma britannique. 1997 Meurtrière par amour (TV Movie). 1997 Les charmes de la vengeance (TV Movie). 1997 Le justicier braque la mafia (TV Movie). 1996 Princess in Love (TV Movie). 1994 Une famille à l'épreuve (TV Movie). 1994 Le prix de la tyrannie (TV Movie). 1992 Extrême jalousie (TV Movie). 1992 Honor Thy Mother (TV Movie). 1991 Au coeur du rapt (TV Movie). 1991 Le missionnaire du mal (TV Movie). 1991 Qu'est-il arrivé aux soeurs Hudson? (TV Movie). 1990 In the Best Interest of the Child (TV Movie). 1989 On a tué mes enfants (TV Mini-Series). 1989 Chute libre (TV Movie). 1989 Frères de sang (TV Movie). 1988 Liberace: Behind the Music (TV Movie). 1988 Tu récolteras la tempête (TV Movie). 1987 Rendez-moi mes enfants (TV Movie). 1987 Betty Ford, femme de président (TV Movie). 1986 Un long chemin (TV Movie). 1986 Circle of Violence: A Family Drama (TV Movie). 1986 Ma femme a disparu (TV Movie). 1986Triplecross (TV Movie). 1985 Murder Among Friends (TV Movie). 1985 Cet enfant est le mien (TV Movie). 1985 Cas de conscience (TV Movie). 1984 Sweet Revenge (TV Movie). 1984 Le dernier rempart (TV Movie). 1983 Prototype humain (TV Movie). 1983 Ghost Dancing (TV Movie).  1982 Tentez votre chance (TV Movie). 1982Répétition pour un meurtre (TV Movie). 1982 La troisième guerre mondiale (Télé-film). 1981 Hard Country. 1981 The Choice (TV Movie). 1979 A Vacation in Hell (TV Movie). 1979 Mort au combat. 1978: Sauvez le Neptune. 1970: The People Next Door. 1969: I Star Counting. 


Le sexe mène à la violence ou à la mélancolie.
Entre drame psychologique et thriller (bien que le drame l'emporte), I Start counting est une intéressante rareté issue d'Angleterre si bien qu'il aurait une réputation culte chez eux. Ainsi donc, en abordant les thèmes de la puberté et de l'émancipation sexuelle au terme des années 60, David Greene (prioritairement spécialiste de séries et de télé-films d'une riche filmo) distille un malaise sous-jacent lorsqu'une ado éprouve une attirance incestueuse pour son frère au moment où un tueur en série s'en prend à de jeunes filles impures. Porté à bout de bras par le talent naturel de la jeune Jenny Agutter (l'inoubliable infirmière sexy du Loup-Garou de Londres !), I start counting demeure parfois intense et étrange au fil de ces errances urbaines et champêtre (la fameuse maison abandonnée auquel elle s'y confine de façon ambivalente). Quand bien même cette dernière laisse libre court à ces fantasmes au contact de son frère aîné, et ce en dépit de sa suspicion contradictoire qu'il en soit présumé coupable. 

Qui plus est plutôt soigné à travers sa réalisation inspirée jalonnée de moments de poésie en accord avec sa douce nature que les filles en jupe courte arpentent en toute insouciance, I Start Counting ne manque pas non plus de susciter un suspense oppressant quant au dénouement redouté du tueur sexuellement refoulé. On peut d'ailleurs par instants songer au classique transalpin Mais qu'avez-vous fait à Solange ? à travers sa peinture réaliste, richement détaillée et pleine de vie d'une jeunesse friponne aussi fureteuse qu'aguichée par une sexualité permissive. A découvrir donc, même si on aurait préféré un rythme plus captivant si bien que l'aspect thriller s'éclipse souvent au profit du drame intimiste (l'introspection morale de Wynne en remise en question identitaire) que Jenny Agutter endosse avec une fraîcheur innocente teintée de fragilité. 

Remerciement à Warning Zone.

*Bruno

mercredi 11 novembre 2020

Bacurau

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. 2019. Brésil/France. 2h12. Avec Barbara Colen, Sônia Braga, Udo Kier, Thomas Aquino, Silvero Pereira 

Sortie salles France: 25 Septembre 2019

FILMOGRAPHIEKleber Mendonça Filho est un réalisateur, scénariste et ingénieur du son brésilien, né le 3 novembre 1968 à Recife. 2012 : Les Bruits de Recife. 2016 : Aquarius. 2019 : Bacurau (coréalisé avec Juliano Dornelles).  Juliano Dornelles est un réalisateur et producteur brésilien. 2019: Bacurau. 2016: O Ateliê da Rua do Brum. 


"La guerre, c'est comme la chasse, sauf qu'à la guerre les lapins tirent."
Ovni franc-tireur produit entre la France et le Brésil, Bacurau ne peut laisser indifférent le spectateur fureteur d'expérience atypique si bien que le divertissement bigarré proposé ici surfe avec le film d'auteur à travers un contexte politique aussi arbitraire que dictatorial. L'intrigue se focalisant sur les us et coutumes d'un peuple brésilien au sein de leur microcosme rural dénué de hiérarchie policière et politique. Car vivant en autarcie en dépit des sollicitations d'un élu perfide en lice pour la présidentielle, les villageois solidaires vont finalement avoir affaire à une menace nonsensique fondée sur une chasse à l'homme somme toute triviale. Version tropicale des Chasses du Comte Zaroff donc, tout du moins lors de sa seconde partie autrement gorasse et sauvage (tête explosée et corps démembrés à coups de machette à l'appui !), Bacuro cultive les ruptures de ton au risque de dérouter une partie du public impliqué dans un bad trip capiteux où les laissés pour compte nous suscitent une empathie non programmée. Car si la 1ère partie documentée parvint avec succès à nous familiariser auprès de ses contestataires tentant de survivre avec un sens inné de la débrouillardise, le second acte déploie la carte du divertissement pugnace lorsque ces derniers se réapproprieront les armes de leurs ancêtres belliqueux pour se défendre contre l'oppresseur assoiffé de sang. 

Nos prédateurs émissaires ayant comme unique motivation de massacrer la populace à balle réelle, et ce en essayant d'épargner femmes et enfants. Inutile de préciser que les dommages collatéraux épiceront leur cheminement criminel appuyé d'un sadisme (orgasmique) parfois dérangeant (le couple en coït dans les champs afin de fêter leur victoire sanglante). Dès lors, le carnage peut commencer, avec en intermittence, des situations insolites impromptues que l'on ne voit pas arriver. Les réalisateurs adoptant une étonnante maîtrise à travers un esprit de dérision sardonique, et ce même si l'ultra réalisme du contexte drama ne prête pas à la rigolage en dépit d'un grand-guignol graphique sporadique. Parfaitement mis en scène sous l'impulsion d'un suspense lestement oppressant; notamment en y oscillant les partitions musicales au synthé, Bacurau s'engage vers un cheminement tortueux de règlements de compte épiques en y conjuguant les composants du western, du thriller, de l'horreur, de la guerre et d'un soupçon de science-fiction avec ce drone discoïde surplombant le village afin d'espionner la populace retranchée dans des planques sous-terraines. Tout un programme vitriolé donc fréquemment détonnant et fulgurant en faisant la nique aux codes usuels. 


Illuminé de la présence du monstre sclérosé Udo Kier en leader militariste à demi-demeuré (même s'il faut patienter 1 heure pour le diaboliser) et d'une poignée de seconds-rôles méconnus résolument expressifs à travers leur humanisme à la fois meurtri et frondeur, Bacuro laisse une drôle d'impression d'expérience incongrue sous couvert d'une réflexion politico-sociale (inévitablement fascisante) dénuée de scrupule quant au sort des minorités ethniques livrées à l'isolement et à l'abandon, jusqu'à épuration. 
Pour public averti

*Bruno  

mardi 10 novembre 2020

Je suis un monstre

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"I, monster" de Stephen Weeks. 1971. Angleterre. 1h20 (extented version). Avec Christopher Lee, Peter Cushing, 

Sortie salles France: 11 Décembre 1974

FILMOGRAPHIE: Stephen Weeks est un réalisateur anglais né en 1948. 1984: The Bengal Lancers!  1984: L'épée du vaillant. 1976: Scars (TV Movie documentary). 1974: Histoire de fantômes. 1973: Gawain et le chevalier vert. 1971: Je suis un Monstre. 


Une fort sympathique curiosité injustement méconnue et oubliée. 
Complètement oublié de nos jours par la communauté fantasticophile alors que j'en garde personnellement un bon souvenir lors de sa diffusion sur la chaine TV6 un Dimanche soir de début de soirée, Je suis un Monstre mérite à être redécouvert. Si bien que j'ai éprouvé ce soir autant de plaisir que ma toute première fois même si j'y retournais (avec la nostalgie) d'un oeil aussi rassurant que confiant. Car cet énième remake aux airs fatalistes de déjà vu a beau se contenter de réitérer le même procédé narratif, il n'en demeure pas moins une attachante curiosité efficacement troussée. Tant auprès du soin imparti aux décors victoriens agrémentés de couleurs saturées (on se croirait presque parfois dans une Prod Hammer pour son architecture gothique), de son ambiance d'étrangeté crépusculaire (brume à l'appui en bonne et due forme) que de l'interprétation dépouillée du proverbial Christopher Lee se délectant à endosser la carrure du monstre sans effets de manche. 

Dans la mesure où le réalisateur méconnu Stephen Weeks ne recourt pas à des effets spéciaux grandiloquents pour enlaidir l'acteur à travers la sobriété de maquillages expressifs si bien que Lee demeure souvent impressionnant lors de ses déambulations criminelles, épaulé il faut bien avouer par un rictus diabolique et son regard demeuré. Et ce sans jamais se laisser distraire par une once de cabotinage ou de surenchère expressive. On en dira pas tant de l'immense Peter Cushing plutôt en retrait dans celui de l'avocat toujours plus suspicieux envers son acolyte même s'il s'avère comme de coutume aussi à l'aise dans sa défroque redresseuse de tort, et ce en dépit de sa présence timorée à l'écran. Ainsi, si l'intrigue prévisible n'apporte aucune surprise, on s'étonne de s'immerger à nouveau dans cet univers de corruption macabre où le Bien et le Mal sont sévèrement mis à l'épreuve, faute des expérimentations immorales d'un savant délibéré à désinhiber nos pulsions les plus éhontées de par l'effet d'une drogue. On peut enfin relever à titre subsidiaire la brutalité d'une séquence de meurtre intentée sur une prostituée lorsque celle-ci est grièvement lynchée à coups de canne. Une scène choc cruelle épargnée de complaisance de par l'habileté consciencieuse du montage.

A (re)découvrir donc, ne serait-ce que pour la saisissante interprétation de Christopher Lee (l'un de ses meilleurs rôles ? La question reste posée tant il s'avère parfois horrifiant dans sa physionomie difforme) résolument impliqué en monstre infortuné car portant le film à bout de bras avec une force d'expression pleinement convaincante. Or c'est bien connu: "plus le méchant est réussi, meilleur le film sera". 

Remerciement à Lupanars Visions.

*Bruno
3èx

lundi 9 novembre 2020

Don Camillo en Russie

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

"Il compagno Don Camillo" de Luigi Comencini. 1965. /Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h50. Avec Fernandel, Gino Cervi, Leda Gloria, Gianni Garko, Saro Urzì, Graziella Granata

Sortie salles France: 17 Septembre 1965

FILMOGRAPHIE: Luigi Comencini est un réalisateur italien, né le 8 juin 1916 à Salò, province de Brescia en Lombardie (Italie), mort le 6 avril 2007 à Rome. 1948 : De nouveaux hommes sont nés. 1949 : L'Empereur de Capri. 1951 : Les Volets clos. 1952 : La Traite des blanches. 1952 : Heidi. 1953 : La valigia dei sogni. 1953 : Pain, Amour et Fantaisie. 1954 : Pain, Amour et Jalousie. 1955 : La Belle de Rome. 1956 : Tu es mon fils. 1957 : Mariti in città. 1958 : Mogli pericolose. 1959 : Und das am Montagmorgen. 1959 : Le sorprese dell'amore. 1960 : La Grande Pagaille. 1961 : À cheval sur le tigre. 1962 : Le Commissaire. 1963 : La Ragazza. 1964 : Tre notti d'amore. 1964 : La mia signora. 1965 : Les Poupées (Le bambole), segment Il trattato di eugenetica. 1965 : Le Partage de Catherine. 1965 : Don Camillo en Russie. 1967 : L'Incompris. 1968 : Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! 1969 : Casanova, un adolescent à Venise. 1969 : Senza sapere niente di lei. 1972 : L'Argent de la vieille. 1974 : Un vrai crime d'amour. 1974 : Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? 1975 : Les Aventures de Pinocchio. 1975 : La Femme du dimanche. 1976 : Mesdames et messieurs bonsoir. 1976 : Basta che non si sappia in giro!…1976 : La Fiancée de l'évêque. 1977 : Qui a tué le chat ? 1979 : Le Grand Embouteillage. 1980 : Eugenio. 1982 : L'Imposteur. 1984 : Cuore. 1987 : La storia. 1987 : Un enfant de Calabre. 1988 : La Bohème, adaptation de l'opéra de Puccini. 1989 : Joyeux Noël, bonne annnée. 1991 : Marcellino.

Le pitch: Peppone propose de jumeler Brescello avec une ville russe située sur le Don, mais la proposition ne plaît pas à Don Camillo qui y voit une volonté de propagande électorale dangereuse pour ses idées. Don Camillo réussit à trouver une solution à ce problème en obligeant (par chantage) Peppone à l'emmener avec lui déguisé en camarade communiste Camillo. Pendant le voyage, entre les concours de vodka et les difficultés de communication, Peppone découvrira que la Russie soviétique n'est pas tout à fait le monde parfait qu'il avait imaginé. Quant à Don Camillo, il verra que « l'empire rouge » n'est pas si infernal qu'il le croyait et que l'on peut y trouver des gens courageux et bons.

2 424 200 entrées pour cet ultime volet (2 fois moins que son précédent opus), Don Camillo en Russie demeure le moins réussi de la série sous la houlette de Luigi Comencini s'efforçant de rivaliser avec ces prédécesseurs Carmine Gallone / Julien Duvivier avec une certaine bonne volonté. Et bien que l'on ne retrouve guère les ingrédients usuels (l'action provinciale est délocalisée en urbanisation russe, les discordes entre Don Camillo et Peponne ne sont plus ce qu'elles étaient si bien que les acteurs semblent moins inspirés), Don Camillo en Russie demeure un sympathique divertissement aussi plaisant qu'exaltant. 

*Bruno

Ci-joint les chroniques des précédents volets: 

vendredi 6 novembre 2020

Le Spectre du Chat

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Shadow of the Cat" de John Gilling. 1961. Angleterre. 1h19. Avec André Morell, Barbara Shelley, William Lucas, Freda Jackson, Conrad Phillips. 

Sortie salles France: 27 Septembre 1961

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: John Gilling est un réalisateur et scénariste anglais, né le 29 Mai 2012 à Londres, décédé le 22 Novembre 1984 à Madrid (Espagne). 1957: Pilotes de haut-vol. 1958: Signes particuliers: néant. 1959: L'Impasse aux Violences. 1961: Les Pirates de la Nuit. 1962: L'Attaque de San Cristobal. 1966: L'Invasion des Morts-Vivants. 1966: La Femme Reptile. 1967: Dans les Griffes de la Momie. 1975: La Cruz del diablo.

On ne présente plus la Hammer. Studio culte, ayant fait émerger d’immenses réalisateurs (Terence Fisher, notamment), initiateur du cinéma fantastique d’après-guerre, ce mastodonte fondé (avec une ambition toute relative) par William Hinds et Enrique Carreras ne finira jamais d’être redécouvert. Son esthétique néo-gothique traverse toutes les époques et permettent, in fine, de mieux comprendre comment les univers de Roger Corman, de Mario Bava, de Jesus Franco, de George A. Romero ou de Tobe Hooper ont pu s’imposer sur les écrans.

En 1961, un double-programme est proposé aux salles obscures : La Nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf) et Le Spectre du chat (The Shadow of the Cat). Si le premier est toujours aussi populaire (un Terence Fisher pur jus, sans Peter Cushing et Christopher Lee, mais avec Oliver Reed et Yvonne Romain), le second est plutôt tombé dans l’oubli. S’il n’est pas formellement estampillé Hammer (la faute à une bisbille avec Universal Pictures), il reste un de ses bébés. John Gilling, qui s’est fait un nom à la fin des années 1950 avec des films aussi divers que The Gamma People (1956), Interpol (1957), The Man Inside (1958) ou L’Impasse aux violences (1960), revient dans la maison-mère (il s’en était séparé pour raisons artistiques) pour ce projet. Scénario étonnant, censé faire d’un chat un monstre, et qui s’inspire totalement d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe (The Black Cat, sorti dans la presse en 1843). Plusieurs fois adaptée - Edgar G. Ulmer (The Black Cat, 1934), Roger Corman (Tales of Terror, 1962), Lucio Fulci (Il gatto nero, 1981) ou Dario Argento (Due occhi diabolici, 1990) -, c’est un classique de l’épouvante... pourtant étranger à la Hammer ! Il faut dire que l’esthétique d’Edgar Allan Poe, pré-psychanalytique, fantasmatique, est particulière. Et quand on confie le scénario, à John Gilling, le chat, par exemple, ne doit jamais être montré à l’écran : c’est une ombre, une présence, un spectre. D’où le titre. Le réalisateur ne s’en satisfera pas... et imposera qu’on voit la "bête" à l’écran.

Pour rendre cette figure angoissante, il fera preuve d’une réelle originalité : la caméra filme assez souvent au ras du sol, une lentille déformante permettra à la caméra de proposer le point de vue subjectif du félin. La musique, sautillante, suggérera les déplacements furtifs de l’animal. Mais tout cela reste très artificiel et peu convaincant. Heureusement, John Gilling a su s’entourer d’un casting extraordinaire : André Morell, inoubliable Dr. Watson dans Le Chien des Baskerville (Terence Fisher, 1959), Freda Jackson, spécialiste des rôles de servante hystérique ou de veuve vengeresse, mais qu’on a connue plus inspirée, Richard Warner, second couteau de talent, et Barbara Shelley. Parlons de cette dernière : c’est un de ses premiers rôles pour la Hammer, mais elle est déjà connue dans le milieu du fantastique britannique. Révélée via son interprétation féline dans Cat Girl (Alfred Shaughnessy, 1957 : un remake du classique de Jacques Tourneur), elle est la vedette de deux films à succès : Le Sang du vampire (Henry Cass, 1958) et Le Village des damnés (Wolf Rilla, 1960). C’est donc en terrain conquis qu’elle arrive sur les plateaux des studios Bray, partenaires de la Hammer. Sa performance lui vaudra de mémorables premiers rôles : La Gorgone (Terence Fisher, 1964), c’est elle ! Helen Kent, l’érotique vampire du Dracula, prince des ténèbres (Terence Fisher, 1966) c’est elle ! Ses rôles dans Raspoutine, le moine fou (Don Sharp, 1966) et dans Les Monstres de l’espace (Roy Ward Baker, 1967) sont mémorables. Une carrière fulgurante, intelligente, qui sauve Le Spectre du chat, lui donnant cette touche d’ambivalence et de sensualité qui aurait pu manquer.

Car il faut bien l’avouer : les raisons de classer Le Spectre du chat dans la catégorie des bons films d’épouvante sont assez minces. Décevant, le film de John Gilling l’est à maints égards : ni véritable enquête policière, ni véritable spectacle horrifique, il oscille en permanence entre conflit moral et conte cruel. Techniquement, et dramatiquement, le travail est bien fait : plans serrés ou figuratifs, photographie impeccable, interprétation solide... C’est plutôt au niveau des intentions et du message que l’ensemble peine à se positionner : superficiellement gothique, médiocrement psychologique, hésitant sans cesse entre le fantasmatique et le réalisme, Le Spectre du chat ne nous convainc jamais tout à fait. Lorsqu’on compare avec ce que John Gilling a sorti dans la foulée - à savoir L’Invasion des morts-vivants (The Plague of the Zombies, 1966), La Femme reptile (The Reptile, 1966) et Dans les griffes de la Momie  (The Mummy’s Shroud, 1967) -, on ne peut qu’être déçus. Reste la satisfaction d’avoir assisté à une gentille farce, faussement macabre.

5/10.

Par Florian Bezaud - le 7 mars 2018

Critique reprise sur le site DVDCLASSIK (que je rejoins avec autant d'amertume).
*Bruno

jeudi 5 novembre 2020

Le Miel du Diable

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

"Il miele del diavolo" de Lucio Fulci. 1988. Italie. 1h23. Avec Brett Halsey, Corinne Cléry, Blanca Marsillach, Stefano Madia, Paula Molina. 

Sortie salles France: 20 Juillet 1988 (Int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence..

"Quand elle paraîtra, ton univers s'écroulera. Quand tu la verras, ton souffles s'engloutiras. Quand tu mourras de désir de la posséder, elle rira. Quand elle foulera ton âme, ton sang bouillira. Mais tu succomberas de bonheur parce qu'elle est le miel du diable. Et elle te tuera avec l'infinie douceur du feu." 

Fraîche découverte que ma première séance après l'avoir reporté à maintes reprises, notamment faute de sa réputation timorée, Le Miel du Diable fait probablement parti de l'ultime oeuvre fréquentable du maestro Lucio Fulci, aussi dispensable soit-elle. Sorte de version putassière de 9 semaines et demi mâtinée de Lune de Fiel, le Miel du Diable exploite un érotisme bisseux (et donc complaisamment assumé) auprès d'un couple en rut multipliant les batifolages lubriques sur fond de masochisme et d'ardeur sentimentale. Jessica (incarnée par la douce Blanca Marsillach toute en beauté laiteuse et naturelle) étant le fruit de soumission de son amant impérieux s'adonnant à ses penchants pervers en roue libre. Mais follement amoureuse de lui, elle cède toujours à ses caprices en dépit de sa contradiction réticente. Or, tout bascule le jour où son amant Johnny meurt sur la table d'opération faute de l'inadvertance du chirurgien obnubilé par sa séparation conjugale. 


Un époux infidèle multipliant les conquêtes d'un soir avec un goût similaire pour la domination phallocrate. Bref, un type paumé et frustré perdu dans ses délires sexuels afin de pallier son manque affectif. Jeu pervers de manipulation, de domination et de soumission entre une victime et son bourreau, Le Miel du Diable inverse ensuite les rôles lors du second acte quant au règlement de compte sadomaso de Jessica, némésis en quête de rédemption à travers sa remise en question morale d'y punir le(s) présumé(s) coupable(s). Tant son amant d'autrefois que le chirurgien que Jessica revit à travers lui. Le récit s'articulant autour des relations davantage équivoques de ce duo de fortune en proie à un désir viscéral de passion et de plénitude au sein d'un huis-clos insalubre. Sexe, humiliations et châtiments se conjuguant ostensiblement sous la mainmise de Jessica sérieusement perturbée par ses préalables expériences érotiques perpétrées par son amant perfide. Ainsi, cette mauvaise fréquentation aujourd'hui dissoute lui permettra néanmoins de refaire surface grâce à sa précaire posture de justicière fébrile éprise d'indulgence grâce à ses réminiscences traumatiques. 


Série B typiquement transalpine de par son acrimonie existentielle à la fois malsaine et putassière, le Miel du Diable demeure une sympathique curiosité polissonne en dépit de son manque d'intensité, notamment faute d'une intrigue éculée pas si captivante que prévue. On reste toutefois sensible à la caractérisation aigrie de ses personnages en perdition en désillusion amoureuse. A découvrir. 

*Bruno