jeudi 28 janvier 2021

Police Academy 2

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jerry Paris. 1985. U.S.A. 1h27. Avec Steve Guttenberg, Bubba Smith, David Graf, Michael Winslow, Bruce Mahler, Marion Ramsey 

Sortie salles France: 29 Mars 1985 (ou 3 Avril 1985)

FILMOGRAPHIE: Jerry Paris est un acteur, réalisateur et producteur américain né le 25 juillet 1925 à San Francisco, Californie (États-Unis), décédé le 31 mars 1986 à Los Angeles (Californie). 1967 : Don't Raise the Bridge, Lower the River. 1968 : Frissons garantis. 1968 : How Sweet It Is ! 1969 : Viva Max ! 1970 : L'Amoureuse. 1971 : Star Spangled Girl. 1980 : Leo and Loree. 1985 : Police Academy 2 : Au boulot ! 1986 : Police Academy 3 : Instructeurs de choc. 

On prends les mêmes et on recommence, en saupoudrant le plat d'une pincée de sucre et de gras à travers ses gags les plus lourdingues, tant et si bien qu'une frange de spectateurs pourrait facilement décrocher à force de surenchère potache. Pour autant, de par l'expansivité des comédiens communément réunis une seconde fois avec cette similaire complicité badine, et l'accumulation des gags toujours influencés par l'esprit des ZAZ, Police Academy 2 amuse constamment le spectateur, partagé entre rires et sourires avec une bonne humeur attractive. Et si certaines situations saugrenues, pour ne pas dire sciemment débiles, demeurent aussi gratuites que poussives, son climat sémillant émanant des bévues de nos flics en roue libre transcendent tout sur leur passage à travers leurs efforts héroïque typiquement cartoonesque. Sans compter des profils secondaires franchement hilarants si je me réfère à Zed, le leader criminel à l'expressivité exagérément hystérisée (c'est peu de le dire !) et à Carl Sweetchuck, le commerçant parano adepte de l'ultrasécuritaire au sein de sa boutique blindée (le prologue annonçant immédiatement la couleur). 

Une séquelle bougrement ludique donc à travers son esprit à la fois bonnard, déjanté et décomplexé, si bien que l'on trépigne d'impatience et de curiosité à découvrir son 3è opus toujours réalisé par Jerry Paris

*Bruno

Ci-joint la chronique du 1er volet: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/police-academy.html

mercredi 27 janvier 2021

Le Jour se lève

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site lucienparis.com

de Marcel Carne. 1938. France. 1h32 (version non censurée). Avec Jean Gabin, Jules Berry, Jacqueline Laurent, Arletty, Arthur Devère, Jacques Baumer. 

Sortie salles France: 9 Juin 1939

FILMOGRAPHIE: Marcel Carné est un réalisateur et scénariste français, né le 18 août 1906 à Paris, décédé le 31 octobre 1996 à Clamart. 1929 : Nogent, Eldorado du dimanche. 1936 : Jenny. 1937 : Drôle de drame. 1938 : Le Quai des brumes. 1938 : Hôtel du Nord. 1939 : Le jour se lève. 1942 : Les Visiteurs du soir. 1945 : Les Enfants du paradis. 1946 : Les Portes de la nuit. 1947 : La Fleur de l'âge (inachevé). 1950 : La Marie du port. 1950 : Juliette ou la Clé des songes. 1953 : Thérèse Raquin. 1954 : L'Air de Paris. 1956 : Le Pays d'où je viens. 1958 : Les Tricheurs. 1960 : Terrain vague. 1962 : Du mouron pour les petits oiseaux. 1965 : Trois chambres à Manhattan. 1968 : Les Jeunes Loups. 1971 : Les Assassins de l'ordre. 1974 : La Merveilleuse Visite. 1977 : La Bible. 1991 : Mouche (inachevé). 

Jean Gabin / Jules Berry / Jacqueline Laurent / ArlettyUn quatuor d'acteurs proverbiaux touchés par une forme de grâce alchimique. De par leur talent inné d'y composer un jeu naturel plus vrai que nature, du noir et blanc à l'onirisme naturaliste, des dialogues ciselés de Prévert constamment en roue libre et de la mise en scène prodigieuse de Marcel Carné filmant scrupuleusement ses comédiens à travers des confrontations psychologiques tantôt tendues, tantôt langoureuses. Romance passionnelle entre un ouvrier charmeur et deux jeunes femmes harcelées par leur ancien amant cossu, Le Jour se lève se décline en drame criminel sous l'impulsion fielleuse d'un Jules Berry redoublant de cynisme, de feinte (son incongrue confession incestueuse auprès de François) et d'arrogance afin d'asseoir son autorité et emporter la mise.

Quand bien même Jean Gabin tente d'occulter ses provocations pernicieuses avec un flegme difficilement gérable lorsque son rival ne cesse de le brimer avec un masochisme insatiable. Secrètement amoureuse de François, Arletty endosse une sorte de matrone infortunée à l'aide d'une force de caractère si compréhensive eu égard de son indulgence à tolérer l'infidélité de celui-ci pour autant franc et direct à lui confesser avec une certaine amertume ses sentiments pour Françoise. Jacqueline Laurent incarnant de manière à la fois ténue et ingénue une jeune fleuriste au doux regard mielleux lorsqu'elle se laisse chavirer par ses sentiments pour François. Folle romance éperdue au sein d'un huis-clos anxiogène dénué de lueur d'espoir, le Jour se lève traite à nouveau du crime passionnel avec une force expressive terriblement ensorcelante. Marcel Carné composant une forme de marche funèbre monochrome autour des états-d'âme déchus de François rongé par la désillusion, l'échec, la folie et la tristesse d'avoir rompu si brutalement avec l'amour.  

Grand moment de cinéma d'une intensité émotionnelle aussi bien envoûtante que capiteuse, de par sa puissance romanesque compromise à la mélancolie sentencieuse, le Jour se lève nous remémore au sein d'un huis-clos crépusculaire la tragédie humaine d'un fervent amoureux prisonnier de ses pulsions irascibles faute de son mal-être prolétaire. Un des plus grands drames romanesques que le cinéma français nous ait conté si bien que l'on reste constamment transi d'émoi face à ces oppositions psychologiques d'un magnétisme indicible proche de l'absolu.  

*Bruno
2èx

mardi 26 janvier 2021

Le Sadique à la Tronçonneuse / Mil gritos tiene la noche

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Pieces" de Juan Piquer Simon. 1982. Espagne. 1h27. Avec Christopher George, Lynda Day George, Frank Braña, Edmund Purdom, Ian Sera. 

Sortie salles France: 7 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: Juan Piquer Simón est un réalisateur et scénariste espagnol né le 16 Février 1935 à Valence (Espagne), décédé le 8 janvier 2011. 1964 : España violenta : Scénariste et réalisateur. 1965 : Vida y paz  : Scénariste et réalisateur. 1976 : Le Continent fantastique. 1979 : Supersonic Man 1980 : Au-delà de la terreur. 1981 : Le Mystère de l'île aux monstres. 1982 : Los diablos del mar. 1982 : Le Sadique à la tronçonneuse. 1983 : L'Éclosion des monstres ou Visitor. 1984 : Guerra sucia. 1988 : Mutations. 1990 : Magie noire. 1990 : L'Abîme. 1999: la ciudad de oro.

Nanar ibérique des années 80 à mi-chemin entre le psycho-killer et le giallo (l'accoutrement, la misogynie et l'arme du tueur encapuchonné, l'érotisme des femmes dénudées), Le Sadique à la Tronçonneuse se revoit d'un oeil distrait en dépit de son affligeante bêtise narrative pour autant cocasse à force de maladresse impayable. Tant auprès du jeu cabotin des acteurs en roue libre déversant des répliques souvent hilarantes, de son score musical parfois en décalage avec les évènements dépeints (c'est d'ailleurs encore pire dans sa version hispanique), de ses rebondissements ridicules (avec un final à twists "bicéphale" à la fois terrifiant, malsain et sardonique !), que de sa réalisation semi-parodique tentant vainement d'adopter un esprit premier degré. On reste toutefois surpris par la beauté de sa photographie, par le tempérament attachant de certains comédiens de seconde zone (Christopher George, Lynda Day George en tête), et surtout par la qualité artisanale de ses FX bien gorasses, tant et si bien que l'on peut au moins relever une séquence d'anthologie (que n'aurait renié Argento) lorsqu'une femme en bikini est assassinée à coups de poignard sur un matelas pneumatique. Une séquence stylisée du plus bel effet macabre de par la sensualité de sa victime moribonde s'efforçant de résister à son agresseur avec une mine pétrifiée. Aussi mauvais que gentiment bonnard donc pour qui raffole de bisserie horrifique symptomatique de l'âge d'or des années 80. 


*Bruno
2èx

mercredi 20 janvier 2021

La Bête Humaine

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jean Renoir. 1938. France. 1h39. Avec Jean Gabin, Simone Simon, Fernand Ledoux, Julien Carette, Blanchette Brunoy, Gérard Landry, Jenny Hélia. 

Sortie salles France: 23 Décembre 1938

FILMOGRAPHIE: Jean Renoir, né à Paris le 15 septembre 1894 et mort le 12 février 1979 à Beverly Hills (Californie), est un réalisateur et scénariste français. 1924 : Catherine (uniquement projeté en privé). 1925 : La Fille de l'eau. 1926 : Nana. 1927 : Sur un air de charleston. 1927 : Une vie sans joie. 1927 : Marquitta. 1928 : La Petite Marchande d'allumettes. 1928 : Tire-au-flanc. 1928 : Le Tournoi dans la cité. 1929 : Le Bled. 1931 : On purge bébé. 1931 : La Chienne. 1932 : La Nuit du carrefour. 1932 : Boudu sauvé des eaux. 1932 : Chotard et Cie. 1933 : Madame Bovary. 1935 : Toni. 1936 : Le Crime de monsieur Lange. 1936 : Partie de campagne. 1936 : La vie est à nous. 1936 : Les Bas-fonds. 1937 : La Grande Illusion. 1938 : La Marseillaise. 1938 : La Bête humaine. 1939 : La Règle du jeu. 1941 : L'Étang tragique. 1943 : Vivre libre. 1945 : L'Homme du sud. 1946 : Le Journal d'une femme de chambre. 1946 : Salut à la France. 1947 : La Femme sur la plage. 1951 : Le Fleuve. 1953 : Le Carrosse d'or. 1955 : French Cancan. 1956 : Elena et les Hommes. 1959 : Le Testament du docteur Cordelier. 1959 : Le Déjeuner sur l'herbe. 1962 : Le Caporal épinglé. 1971 : Le Petit Théâtre de Jean Renoir. 


Sorti la même année que l'inoubliable Quai des Brumes, La Bête Humaine est une seconde claque émotionnelle beaucoup plus éprouvante car autrement perverse, malsaine et dérangeante sous l'impulsion d'un Jean Gabin habité par ses névroses meurtrières. Tant et si bien qu'il demeure terrifiant à l'écran lors de ses confidences et interrogations équivoques qu'il amorce auprès de sa bienaimée Séverine que Simone Simon endosse avec une sensualité proprement alchimique. Cette dernière irradiant l'écran à travers son personnage d'aguicheuse entêtée incapable de se contenir lorsqu'il s'agit de se laisser conquérir par un nouveau prétendant. Impuissante d'aimer ses amants comme elle l'avoue si bien à Jacques Lantier dans une poignante amertume, mais assoiffée de tendresse et d'affection après avoir été sexuellement abusée lors de son enfance (tout du moins c'est ce qu'elle sous-entend lors d'une réplique sentencieuse), Séverine s'entoure malencontreusement d'amants machistes adeptes du crime passionnel. 


Ainsi donc, cette sombre atmosphère de désir ardent et de pulsions criminelles plane de façon insidieuse sur les épaules de ses protagonistes en requête désespérée de fulgurance amoureuse. Un amour éminemment impossible lorsque jalousie, possessivité, soumission et châtiments viennent se confondre au coeur de leur quotidien conjugal bâtis sur le doute, la rancoeur et la suspicion. Eclairé d'un vénéneux noir et blanc à travers l'impulsion stridente de locomotives à vapeur, La Bête Humaine nous immerge lentement (mais surement) vers une descente aux enfers criminelle dénuée de luminosité. Tant et si bien que l'on reste à la fois perturbé et empathique face au douloureux portrait imparti à Lantier que Jean Gabin transcende avec une vérité psychologique terriblement perturbante quant à ses fantasmes morbides qu'il redoute avec une étonnante lucidité. Car victime malgré lui de ses pulsions criminelles qu'il canalise toutefois grâce aux moteurs de sa locomotive s'accrochant aux rails à vive allure, Lantier se laissera séduire par la mante religieuse Séverine après l'avoir sauvé d'une suspicion policière.   


Les amants criminels
Admirablement interprété avec un flegme dérangeant (et ce sans diction théâtrale) sous la mainmise d'un Jean Renoir terriblement inspiré à immortaliser le roman d'Emile Zola avec un réalisme limite horrifique, La Bête Humaine demeure psychologiquement épeurant à travers son tableau dérisoire sur ses petites gens tributaires de romance illusoire. Un chef-d'oeuvre mortifié, âpre et déstabilisant, que le couple bovarien Jean Gabin / Simone Simon transcende de leur empreinte pernicieuse. 

*Bruno

mardi 19 janvier 2021

Pieces of a Woman. Mostra de Venise 2020 : Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine: Vanessa Kirby.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Kornél Mundruczó. 2020. Canada. 2h08. Avec Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Iliza Shlesinger, Molly Parker, Ellen Burstyn. 

Diffusion Netflix: 7 Janvier 2021

FILMOGRAPHIEKornél Mundruczó, né le 3 avril 1975 à Gödöllő dans le comitat de Pest, est un acteur, metteur en scène de théâtre et réalisateur hongrois. 2000 : Nincsen nekem vágyam semmi. 2002 : Pleasant Days. 2005 : Johanna. 2008 : Delta. 2010 : Tender Son: The Frankenstein Project. 2014 : White God. 2017 : La Lune de Jupiter. 2020 : Pieces of a Woman. 


Drame maternel d'une intensité dramatique éprouvante au fil d'un axe narratif tributaire de l'introspection morale d'une jeune mère incapable d'accepter le poids de son fardeau, Pieces of a woman fait l'effet d'un uppercut émotionnel difficilement gérable. Dans la mesure ou le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó s'efforce de nous dépeindre le désarroi de ses protagonistes avec un vérisme organique eu égard de sa mise en scène quasi expérimentale à la synergie infaillible. Tant auprès du jeu viscéral des comédiens sidérants de fragilité démunie que de cette caméra zoomant délicatement ses visages sentencieux ou se faufilant à travers les pièces domestiques avec pudeur naturaliste. L'écueil qu'à su éviter l'auteur demeurant la complaisance à travers le thème mélodramatique de la perte de l'être cher, en l'occurrence un nourrisson potentiellement décédé de mort subite. Tout du moins c'est ce que nous suggère son final révélateur au sein du prétoire lors d'un procès fatalement médiatisé lorsque la sage-femme incriminée y redoute le verdict. Mais bien avant ce final escompté dénué de dramaturgie appuyée (tout le contraire s'y produit quant au revirement moral de la plaignante), l'auteur aura pris soin de nous familiariser auprès de ce couple éploré tentant maladroitement de survivre après le deuil. 


Ainsi, à travers la force d'expression colérique de Shia LaBeouf en amant délaissé par sa compagne, sombrant peu à peu dans une forme de déchéance acrimonieuse, et la puissance de jeu somatique de Vanessa Kirby en mère accablée par le chagrin et l'injustice au point de se replier sur l'autisme, on reste figé par leur prestance plus vraie que nature de leurs confrontations conjugales dénuées de discernement. Le spectateur assistant impuissant à leur humeur caractérielle avec un réalisme rigoureux aussi bien brutal (parfois même étonnamment charnel auprès des corps meurtris d'affection sexuelle) que dénué de concession. Et ce, avec en filigrane, la présence emblématique d'Ellen Burstyn  (l'Exorciste) en mère sclérosée à la fois égoïste, hautaine, voir même condescendante (auprès de son beau-fils) mais débordante d'amour et de raison pour sa fille afin de lui prodiguer résilience et surpassement. C'est donc une épreuve de force, un parcours du combattant, un chemin de croix capiteux que nous dévoile le réalisateur à travers ses personnalités contradictoires tentant difficilement d'accepter le deuil infantile. Et ce parmi le témoignage externe de la famille à la fois discrète mais sur le qui-vive à espérer la renaissance de Martha traumatisée par son infécondité. 


De par ses délicates réflexions sur la culpabilité et les préjugés (chacun reportant la faute sur soi même ou sur l'autre quand on ignore les raisons d'une mort inexpliquée), et la sagesse du bon sens à tolérer le deuil insurmontable et à renouer avec l'amour d'une mère, Pieces of a Woman nous bouleverse sans anesthésie (à l'instar de son plan séquence liminaire d'une durée de 30 minutes quant à l'accouchement géré avec une minutie documentée). Le tout baignant en intermittence dans un onirisme à la fois éthéré et bienveillant au lieu de nous quitter sur une note pessimiste en dépit des conséquences dramatiques du couple en perdition sentimentale. Mais au-delà de l'incroyable nuance de sa mise en scène également personnelle, on reste subjugué par le jeu écorché vif de Vanessa Kirby (récompensée à juste titre à Venise) à travers son regard impassible suggérant une douleur maternelle aigue pour autant en voie de salut. 

P.S: attention toutefois aux âmes les plus sensibles pour sa première demi-heure tranchée d'un réalisme sensitif à couper au rasoir.  

*Bruno

lundi 18 janvier 2021

Nelly et Mr Arnaud

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Claude Sautet. 1995. France/Italie/Allemagne. 1h46. Avec Michel Serrault, Emmanuelle Béart, Jean-Hugues Anglade, Claire Nadeau, Michael Lonsdale, Françoise Brion, Michèle Laroque.

Sortie salles France: 18 Octobre 1995

FILMOGRAPHIE: Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge (Seine) et mort le 22 juillet 2000 dans le 14e arrondissement de Paris, est un scénariste et réalisateur français. 1951 : Nous n'irons plus au bois (court-métrage). 1955 : Bonjour sourire (non crédité comme scénariste). 1960 : Classe tous risques. 1965 : L'Arme à gauche. 1970 : Les Choses de la vie. 1971 : Max et les Ferrailleurs. 1972 : César et Rosalie. 1974 : Vincent, François, Paul... et les autres. 1976 : Mado. 1978 : Une histoire simple. 1980 : Un mauvais fils. 1983 : Garçon ! 1988 : Quelques jours avec moi. 1991 : Un cœur en hiver. 1995 : Nelly et Monsieur Arnaud. 

                                      Une exclusivité publiée par Docteur_Jivago le 20 octobre 2015

La cruauté de la vie.
C'est en 1995, soit cinq ans avant son dernier souffle, que Claude Sautet livre son testament Nelly et Mr. Arnaud où il va s'intéresser à la rencontre entre une jeune femme ayant quelques difficultés financières et de couple et d'un riche retraité vivant dans la solitude. Si Nelly et Mr. Arnaud ne se place pas comme l'une des plus belles réussites du cinéma de Claude Sautet, notamment dû à un manque d'émotion (toute proportion gardée), il n'en reste pas moins intéressant à plus d'un titre, en particulier dans les deux portraits qu'il dresse. Se montrant toujours d'une grande justesse, et intelligence, d'écriture, il évoque les problèmes de Nelly puis ceux de Mr. Arnaud avant de les faire rencontrer, puis se rapprocher pour une relation qui mêlera amitié, travail, non-dit, solitude ou encore amour impossible.

C'est ce point-là qui va surtout l'intéresser, à savoir une histoire impossible, avec d'abord des premiers pas chaleureux où l'amitié et les confidences seront présents, jusqu'à ce que la jalousie s'attaque à Mr. Arnaud. Toujours d'une incroyable justesse, Sautet en dresse deux portraits tendres, évitant la caricature ou les jugements mal venus mais toujours d'un réalisme fort, ce qui se ressent aussi dans les dialogues et l'évolution des rapports. Comme toujours, Sautet évoque la vie et ses dilemmes, mais aussi la cruauté comme la solitude et surtout l'amour, qu'il soit impossible, non partagé ou encore faussé. Il met aussi en avant les pulsions humaines, à l'amour que l'on ne maitrise pas forcément et qui peut laisser de bien douloureuses cicatrices. Il plane sur le long du film un soupçon de mélancolie et de temps qui passe qui se ressent pleinement grâce à la mise en scène immersive de Sautet, nous faisant partager l'intimité des protagonistes, que ce soit dans un bar ou un appartement. Il se montre à nouveau d'une grande sobriété derrière la caméra, trouvant toujours les bons plans pour mieux nous inclure au coeur du récit. Devant la caméra, Michel Serrault est remarquable, tout comme l'osmose qu'il forme avec la belle Emmanuelle Béart, tandis que les seconds rôles (Claire Nadeau, Jean-Hugues Anglade etc) sont impeccables. 

Testament réussi pour Claude Sautet qui, à défaut de mettre en scène l'une de ses oeuvres les plus mémorables, trouve toujours la justesse et l'intelligence pour nous immerger au coeur de la vie de ses personnages, où se mêleront non-dits, amour, amitié, solitude et malheur. Le cinéaste de l'humain et de la vie s'éteindra quelques années plus tard et peut reposer en paix, bénéficiant de l'une des plus remarquables filmographies qu'il m'ait été donné de voir avec de nombreux films qui m'auront très fortement marqué.

7/10. Dr Jivago (sens critique)

Récompenses
Prix Louis-Delluc 1995
Prix de la critique : prix Méliès du meilleur film français
Césars 1996
César du meilleur réalisateur : Claude Sautet
César du meilleur acteur : Michel Serrault
Prix Lumière 1996
Prix Lumière du meilleur acteur : Michel Serrault

vendredi 15 janvier 2021

Une Histoire Simple. César de la Meilleure Actrice: Romy Schneider, 1979.

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Alamyimages.fr

de Claude Sautet. 1978. France/Allemagne. 1h49. Avec Romy Schneider, Bruno Cremer, Claude Brasseur, Arlette Bonnard, Roger Pigaut, Sophie Daumier, Eva Darlan.

Sortie salles France: 22 Novembre 1978

FILMOGRAPHIE: Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge (Seine) et mort le 22 juillet 2000 dans le 14e arrondissement de Paris, est un scénariste et réalisateur français. 1951 : Nous n'irons plus au bois (court-métrage). 1955 : Bonjour sourire (non crédité comme scénariste). 1960 : Classe tous risques. 1965 : L'Arme à gauche. 1970 : Les Choses de la vie. 1971 : Max et les Ferrailleurs. 1972 : César et Rosalie. 1974 : Vincent, François, Paul... et les autres. 1976 : Mado. 1978 : Une histoire simple. 1980 : Un mauvais fils. 1983 : Garçon ! 1988 : Quelques jours avec moi. 1991 : Un cœur en hiver. 1995 : Nelly et Monsieur Arnaud. 

Joli portrait de femme tourmentée, entre ses échecs sentimentaux et sa quête maternelle contradictoire (le prologue s'ouvre par un projet d'avortement alors que sa conclusion opte pour un revirement solaire), Une histoire Simple naquit du projet de Romy Schneider à solliciter auprès de son auteur fétiche un film de femmes qu'elle endosserait en tout 1er rôle. Quand bien même Claude Sautet n'avait jusqu'à présent illustré que des histoires d'hommes virils évoluant autour de leurs discordes amicales et sentimentales. Celui-ci possédant ce don inné de filmer la banalité quotidienne à travers des tracas conjugaux et professionnels difficilement bienheureux. Et si on est loin de ses réussites les plus probantes (les Choses de la Vie, Vincent, François, Paul et les autres, César et Rosalie), Une Histoire Simple reste une jolie chronique naturaliste d'une femme en quête de bonheur et de liberté à la fin des années 70. 

Romy Schneider demeurant comme de coutume éblouissante de naturel avec toutefois ici une sobre expression d'amertume quasi permanente. L'actrice âgée de 40 ans lors du tournage dévoilant ici une apparence autrement tranquille, réservée et posée en femme prévenante nantie de tendresse pour y préserver son entourage. Tant auprès de ses relations avec ses proches amies et consoeurs que de ses rapports empathiques avec les hommes, notamment auprès de ses deux ex qu'endossent Claude Brasseur et Bruno Kremer dans des démarches machistes assez égoïstes et indépendantes. Claude Brasseur endossant l'amant envieux teinté d'irascibilité dans son refus d'accepter la triste réalité, quand bien même Bruno Kremer se taille une carrure d'ex mari un peu trop orgueilleux, notamment auprès de son éthique professionnelle dénuée de compassion (un de ses collègues suicidaires sur le point de récidiver ne lui suscite qu'un timide intérêt à son éventuel destin morbide).

De par sa scrupuleuse attention psychologique à illustrer sans fard la vie quotidienne d'une femme dubitative en quête d'équilibre moral, entre désir maternel et sentimental, Une Histoire Simple se décline en chronique sociétale des Seventies (l'émancipation de la femme, tant conjugal que professionnel; le chômage, l'IVG instauré en 75) avec un réalisme mélancolique assez magnétique. Romy Schneider, récompensée pour la seconde fois de sa carrière d'un César de la Meilleur Actrice, irradiant à nouveau l'écran en femme langoureuse en initiation optimiste. A l'instar de ce final solaire présageant une filiation autrement fructueuse. 

*Bruno

jeudi 14 janvier 2021

Les Choses de la Vie. Prix Louis-Delluc, 1969

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Claude Sautet. 1970. France. 1h25. Avec Michel Piccoli, Romy Schneider, Lea Massari, Jean Bouise, Gérard Lartigau, Boby Lapointe.

Sortie salles France: 13 Mars 1970

FILMOGRAPHIE: Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge (Seine) et mort le 22 juillet 2000 dans le 14e arrondissement de Paris, est un scénariste et réalisateur français. 1951 : Nous n'irons plus au bois (court-métrage). 1955 : Bonjour sourire (non crédité comme scénariste). 1960 : Classe tous risques. 1965 : L'Arme à gauche. 1970 : Les Choses de la vie. 1971 : Max et les Ferrailleurs. 1972 : César et Rosalie. 1974 : Vincent, François, Paul... et les autres. 1976 : Mado. 1978 : Une histoire simple. 1980 : Un mauvais fils. 1983 : Garçon ! 1988 : Quelques jours avec moi. 1991 : Un cœur en hiver. 1995 : Nelly et Monsieur Arnaud.

"Avoir sous les yeux la triste preuve de l'extrême fragilité de l'existence rend soudain exaltant le sentiment d'être encore en vie."

La vie, l'amour, la mort. Tels sont les thèmes œcuméniques que nous évoque l'immense réalisateur Claude Sautet, un des plus grands auteurs du cinéma français dont on ne peut se lasser de revoir ses classiques de par sa faculté à nous immerger dans les tourments de ses personnages fragiles avec un réalisme qui n'appartient qu'à lui. Ainsi, la trame nous évoque l'interrogation perplexe de Pierre, architecte quadragénaire séparé de son épouse depuis sa rencontre avec Hélène. Or, il décide depuis quelques temps de s'éloigner de cette dernière pour des raisons indécises. Et ce au point de vouloir lui écrire une lettre pour mettre un terme à leur liaison déclinante qu'Hélène a bien du mal à accuser dans sa condition délaissée. Mais avant de la lui adresser, et alors qu'il empreinte une route nationale à bord de son véhicule, un camion calé à l'intersection d'une chaussée lui cause l'accident fatal. Semi-comateux sur un lit de pelouse, il se remémore son passé sentimental auprès des deux compagnes de sa vie. 

De par son climat austère et son réalisme clinique quasi documenté, Les Choses de la vie pourrait aujourd'hui paraître un peu difficile d'accès auprès d'un jeune public non préparé. Son rythme languissant (surtout avant l'accident), ses décors parfois blafards et le jeu si particulier du grand Michel Piccoli dans sa fonction assez orgueilleuse peuvent entraîner un sentiment un peu déconcertant auprès d'une frange du public. Pour autant, de par la présence divine de Romy Schneider fidèle à sa nature radieuse et sensuelle et son cheminement narratif traité de manière résolument personnelle (notamment auprès de cet anthologique crash automobile filmé de l'habitacle), les Choses de la Vie instaure un climat d'étrangeté tantôt doucereux, tantôt morbide (une aura mortuaire plane sur les épaules de Piccoli lors de ses pensées internes parfois hallucinogènes). Et ce au point de nous susciter un sentiment de fascination indicible. Sautet, réfractaire aux conventions, nous immergeant de manière subjective dans les pensées de la victime avec un réalisme aussi trouble qu'onirique. Les Choses de la vie traitant de l'importance du jour présent par le biais du spectre de la mort que Piccoli côtoie sans appréhension particulière. Tant et si bien que l'on reste figé d'émotions brutes de décoffrage lors de sa déchirante conclusion au point de ne pas en sortir indemne. Les Choses de la Vie s'offrant à nous telle une leçon existentielle à travers notre égoïsme, notre fierté et notre ego de s'opposer parfois à la réconciliation pour des raisons triviales. 

A la fois étrange, hermétique, onirique, cruel et mélancolique (appuyé de l'inoubliable mélodie lancinante de Philippe Sarde) entre quelques bribes (solaires) de tendresse et d'insouciance, les Choses de la Vie peut faire office d'ovni spirituel à travers sa réflexion sur le temps s'étiolant inexorablement au point d'en omettre notre (extrême) fragilité existentielle. Du grand cinéma d'auteur d'une dignité humaine davantage sensorielle (notamment auprès de la pudeur des regards en berne passée la tragédie) au point de quitter l'écran dans un état d'amertume aussi démuni que désenchanté. Mais en traversant le cap de cette destinée mortuaire, les Choses de la vie nous offre surtout le désir de se remettre en question à travers nos sentiments préjudiciables d'amour-propre, d'instabilité et d'insatisfaction.  

*Bruno

Récompense: Prix Louis-Delluc, 1970

mercredi 13 janvier 2021

César et Rosalie

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Claude Sautet. 1972. France. 1h51. Avec Yves Montand, Romy Schneider, Sami Frey, Umberto Orsini, Eva Maria Meineke, Bernard Le Coq, Gisela Hahn. 

Sortie salles France: 27 Octobre 1972

FILMOGRAPHIE: Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge (Seine) et mort le 22 juillet 2000 dans le 14e arrondissement de Paris, est un scénariste et réalisateur français. 1951 : Nous n'irons plus au bois (court-métrage). 1955 : Bonjour sourire (non crédité comme scénariste). 1960 : Classe tous risques. 1965 : L'Arme à gauche. 1970 : Les Choses de la vie. 1971 : Max et les Ferrailleurs. 1972 : César et Rosalie. 1974 : Vincent, François, Paul... et les autres. 1976 : Mado. 1978 : Une histoire simple. 1980 : Un mauvais fils. 1983 : Garçon ! 1988 : Quelques jours avec moi. 1991 : Un cœur en hiver. 1995 : Nelly et Monsieur Arnaud.


"Tout s'oublie, même les grands amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant à la fois dans la vie. C'est pour ça qu'il est bon quand même d'avoir eu un grand amour, une passion malheureuse dans sa vie. ça fait au moins un alibi pour les désespoirs sans raison dont nous sommes accablés."
Albert Camus.

Comédie de marivaudage d'une justesse inusitée de par le talent auteurisant de Claude Sautet à transfigurer un triangle amoureux avec une vérité humaine qui n'appartient qu'à son tempérament, César et Rosalie est un morceau de cinéma intemporel confinant au vertige émotionnel. Tant auprès du vérisme de sa mise en scène pour autant cinégénique, que du talent hors-pair de ces comédiens habités par une spontanéité si communicative. Yves Montand endossant un ferrailleur affabulateur afin de reconquérir sa muse bovarienne que Romy Schneider incarne avec son naturel éminemment bienveillant en dépit de son ambivalence si indécise à oser se prononcer pour l'éventuel prétendant. Au centre de ce duo singulier fertile en chamailleries et réconciliation, le jeune Sami Frey endosse une carrure altière dans celui, taiseux, de David aussi complexe à partager son coeur auprès de Rosalie pour une durée (in)déterminée. 


C'est donc une improbable romance bipolaire que nous fait partager Claude Sautet, émaillée de temps à autre d'éclairs de violence cinglants quant au comportement erratique de César transi d'amour pour Rosalie mais incapable de la combler depuis que cette dernière éprouve (en toute sincérité) d'autres sentiments vers David, dessinateur charmeur aussi flegme que discret. Comédie douce-amère où s'y intègre fréquemment une dramaturgie poignante quant à l'état dépressif d'un César impuissant face à son contexte conjugal en dent de scie, César et Rosalie nous retransmet également avec un ton tragi-cocasse une étrange amitié entre ces 2 cocus contraints de s'unifier afin de pallier leur chagrin. C'est donc le thème central de la romance passionnelle que nous décrit Claude Sautet avec ce que cela sous entend de crime passionnel si on observe la posture atrabilaire de César potentiellement capable de commettre l'irréparable de par sa détresse résolument démunie. Yves Montand demeurant terriblement touchant dans ses expressions sentencieuses d'amant en perdition se rattachant à la bouée de sauvetage David afin d'évacuer ses idées noires que l'on suggère à travers son tempérament tempétueux, pour ne pas dire incontrôlable. 


Folle histoire d'amour entre un trio insoluble condamné à s'isoler, César et Rosalie fait parti des plus belles romances que le cinéma nous ait conté à travers sa véracité à nous faire partager une intimité amoureuse en compagnie de l'une des plus talentueuses actrices planétaire (qui plus est une des plus belles femmes du monde). Romy Schneider transperçant l'écran à chacune de ses apparitions de par sa trouble beauté du regard scintillant au point de croire en la foi d'Yves Montand de la sacraliser à travers ses sentiments ingouvernables. Du cinéma épuré aujourd'hui révolu à revoir d'urgence auprès des amoureux d'un 7è art dénué de fioriture.

*Bruno

mardi 12 janvier 2021

Vincent, François, Paul et les Autres. Prix Jean Cocteau, 1974.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Claude Sautet. 1974. France. 1h54. Avec Yves Montand, Michel Piccoli, Serge Reggiani, Gérard Depardieu, Stéphane Audran, Marie Dubois, Umberto Orsini.

Sortie salles France: 20 Octobre 1974

FILMOGRAPHIEClaude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge (Seine) et mort le 22 juillet 2000 dans le 14e arrondissement de Paris, est un scénariste et réalisateur français. 1951 : Nous n'irons plus au bois (court-métrage). 1955 : Bonjour sourire (non crédité comme scénariste). 1960 : Classe tous risques. 1965 : L'Arme à gauche. 1970 : Les Choses de la vie. 1971 : Max et les Ferrailleurs. 1972 : César et Rosalie. 1974 : Vincent, François, Paul... et les autres. 1976 : Mado. 1978 : Une histoire simple. 1980 : Un mauvais fils. 1983 : Garçon ! 1988 : Quelques jours avec moi. 1991 : Un cœur en hiver. 1995 : Nelly et Monsieur Arnaud.

Découvrir pour la première fois ce morceau de cinéma des Seventies demeure tout bonnement divin en prime de nous émouvoir sans ambages eu égard de la capacité du metteur en scène à radiographier les états contrariés de ses acolytes partagés entre bonheur et désillusion. Et ce même si l'espoir finit heureusement par gagner du terrain lors de sa conclusion à la fois mélancolique et luminescente militant pour l'optimisme (je songe évidemment au nouveau destin de Vincent en proie à une soudaine renaissance). Tant et si bien que rien n'est jamais véritablement perdu lorsque l'on parvient à dépister la chance qui s'offre à nous afin de reconsidérer notre existence d'un point de vue autrement positif. Il s'agit donc d'une ode à la vie, à l'amour, à la camaraderie et à l'optimisme que Claude Sautet nous immortalise sous l'impulsion d'un quatuor d'acteurs admirables de sobriété. Tant auprès du jeune Gérard Depardieu en boxer plus ambitieux qu'il n'y parait, de Michel Piccoli en chirurgien embourgeoisé ou encore de Serge Reggiani en écrivain raté au grand coeur. Car Vincent, François, Paul... et les autres est un film d'acteurs au sens le plus digne et épuré qui soit tant ses comédiens expriment leur fêlure morale dans une posture vériste somme toute modérée. 

Claude Sautet, littéralement amoureux d'eux, les dirigeant à la perfection de par son attention avisée (jamais voyeuriste) de les authentifier dans le cadre d'une fragilité humaine inscrite dans la réserve. Qui plus est sans une once d'élocution théâtrale comme on a hélas trop coutume d'en voir dans le cinéma français contemporain (mais aussi séculaire chez certains classiques renommés). Et pour conclure sur une ultime dithyrambe, je tiens à vénérer l'interprétation tant nuancée du monstre sacré Yves Montand en entrepreneur en perdition partagé entre le dépit de sa profession et celui de son échec conjugal. Si bien qu'il ne parvient pas à omettre ses sentiments pour son ex épouse Catherine que Stéphane Audran endosse avec une maturité pleine de sagesse et d'humilité. Rien que leur aparté dépeinte au sein d'un café fait office de morceau d'anthologie lorsque Sautet scrute avec une grande délicatesse ces regards tour à tour intimidés, déçus, mélancoliques, tristes, angoissés. Des amants de l'infortune incapables de renouer avec leur bonheur d'autrefois à travers des postures si posées et déférentes. Montand jouant une sorte de machiste ambitieux avec une naïveté bouleversante. Tant et si bien que derrière ce regard strié par l'âge s'y tapi un enfant chétif égaré dans la crainte de la déroute.

"La fragilité de la douleur morale à l'aune de la maturité." 
Immense film d'amour déchu à travers le ressort plus solide de l'amitié (en ce en dépit de chamailleries parfois trop houleuses), Vincent, François, Paul et les autres... est également une leçon de mise en scène du point de vue auteurisant de Claude Sautet dirigeant ses comédiens avec une affectivité bouleversante. Du grand cinéma noble et affranchi (les comédiens ne cessent de boire et de fumer face écran si bien que l'on finit par y ressentir les vapeurs !) qu'il est impossible de retrouver sur nos écrans formatés actuels. 

*Bruno

Récompenses: Prix Jean-Cocteau 1974. 

Festival du film de Téhéran 1974 : Prix du meilleur film

lundi 11 janvier 2021

Willow Creek

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Bobcat Goldthwait. 2013. U.S.A. 1h20. Avec Alexie Gilmore, Bryce Johnson, Peter Jason 

Sortie salles U.S: 6 Juin 2014

FILMOGRAPHIE: Robert Francis Goldthwait, dit Bobcat Goldthwait, également connu sous le nom de Bob Goldthwait, est un acteur, humoriste réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 26 mai 1962 à Syracuse, New York (États-Unis). 1992 : Shakes the Clown. 1999 : The Man Show (série télévisée). 2000 : Strip Mall (série télévisée). 2002 : Crank Yankers (série télévisée). 2003 : Windy City Heat. (téléfilm). 2003 : "Chappelle's Show" (2003) TV Series. 2007 : Juste une fois ! 2009 : World's Greatest Dad. 2011 : God Bless America.

Inédit en salles chez nous, Willow Creek est un "Found Footage" particulièrement influencé par le maître étalon du genre, le Projet Blair Witch. Tant au niveau de son schéma narratif (visite touristique de nos héros, interview de leurs témoins locaux, camping sauvage au sein d'une nature feutrée, final horrifique en crescendo), de sa scénographie forestière, de ses effets de peur bâtis sur la tension, l'angoisse puis la frayeur (avec 2/3 jump-scare étourdissant d'efficacité !) que de l'exploitation du hors-champs sonore fonctionnant ici (à nouveau) à merveille. Ainsi, 1h20 durant, nous suivons les pérégrinations d'un jeune couple de campeurs s'enfonçant dans les bois afin de retrouver les traces du célèbre Bigfoot. Louablement, le réalisateur parvient à les rendre attachants de par leur spontanéité insouciante, leur humour gentiment potache et leur communs sentiments du bonheur matrimonial (comme en atteste cette touchante demande de mariage improvisée dans la tente). Le réalisateur parvenant à l'aide de sa caméra à l'épaule à les rendre authentiques à travers leurs expressions naturelles jamais outrées. 

Et si la première partie aux air de déjà vu (le couple interrogeant face caméra commerçants et quidams régionaux) fait craindre une resucée poussive, la suite embraye le trouillomètre dès que nos campeurs se retrouvent confinés dans leur tente la peur au ventre. Ainsi, durant 20 minutes d'appréhension tendue mêlée de frayeur cinglante, Willow Creek renoue avec le réalisme blafard du Projet Blair Witch à travers sa capacité à foutre les pétoches par le biais des regards épeurés et d'une bande-son tantôt ombrageuse, tantôt stridente se jouant habilement de la suggestion. Et pour ceux qui avaient été effrayés par la randonnée pédestre du Projet Blair Witch fondée sur le mythe des sorcières, ils ne seront pas déçus de retrouver ce similaire sentiment d'insécurité palpable à travers une menace invisible terriblement fascinante. Tant et si bien qu'en adoptant une démarche rigoureuse lors de son climax épeurant, Willow Creek enfonce le clou du malaise cauchemardesque lors de sa dernière séquence génialement improbable et irrésolue. Notamment auprès de cette vision d'effroi inexpliquée entraperçue en focus ! 

Excellente surprise issue d'Outre-Atlantique nantie d'un pouvoir de fascination davantage trippant, Willow Creek mériterait une meilleure reconnaissance à travers son concept de Found Footage transmettant une peur malaisante comme si vous étiez à la place des personnages en état de catatonie. C'est dire si la flippe parvient ici à se renouveler de manière quasi aussi prégnante que son modèle susnommé. Tant et si bien que l'on regrette réellement que sa durée soit aussi écourtée (1h18) et qu'il aurait peut-être fallu abréger une première partie un peu trop conventionnelle, bien que ce climat de légèreté demeure fallacieux (et fructueux) pour mieux nous préparer à la tournure dramatique de ces évènements. 

*Bruno

vendredi 8 janvier 2021

Incubus

                                           
                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site grindhousedatabase.com

"The Incubus" de John Hough. 1981. Canada. 1h34. Avec John Cassavetes, John Ireland, Kerrie Keane, Erin Flannery, Duncan McIntosh, Wendy Hughes.

Sortie salles France: 24 Février 1982

FILMOGRAPHIEJohn Hough est un réalisateur anglais, né le 21 Novembre 1941 à Londres.
1969: Wolfshead : The Legend of Robin Hood. 1970: Eyewitness. 1971: Les Sévices de Dracula. 1972: l'île au Trésor. 1973: La Maison des Damnés. 1974: Larry le dingue, Mary la garce. 1975: La Montagne Ensorcelée. 1978: Les Visiteurs d'un Autre Monde. 1978: La Cible Etoilée. 1980: Les Yeux de la Forêt. 1981: Incubus. 1982: Le Triomphe d'un Homme nommé Cheval. 1986: Biggles. 1988: Hurlements 4. 1988: American Gothic. 1989: Le Cavalier Masqué (télé-film). 1990: A Ghost in Monte Carlo (Télé-film). 1992: Duel of Hearts (télé-film). 1998: Something to Believe In. 2002: Bad Karma.


Incube: Démon censé abuser des femmes durant leur sommeil
Succube: Démon qui revêt une apparence femelle, généralement humaine, afin d'entretenir des rapports sexuels avec un homme.

Aimable artisan de série B à qui l'on doit l'un des classiques de hantise, La Maison des DamnésJohn Hough n'aura jamais été aussi persuasif qu'au sein du registre horrifique. Pour preuve encore avec cet Incubus sorti à l'orée des années 80 auquel l'affiche explicite fit fantasmer une génération de spectateurs et de vidéophiles (il fut édité avec succès sous la bannière de Sunset Video). On est d'autant plus surpris de retrouver ici l'illustre John Cassavetes se prêtant à la série B horrifique avec déférence dans celui d'un médecin investigateur tentant de démystifier une sombre histoire d'incube. Le pitchAux abords d'un lac, un couple en étreinte se fait agresser par un inconnu. Si l'amant trépasse de plein fouet, la jeune fille violentée réussit à y survivre. Transportée d'urgence à l'hôpital et en état de catatonie, le docteur Sam Cordell tente de la faire parler sans succès. Rapidement, un nouveau viol d'une sauvagerie inouïe est perpétré dans leur paisible bourgade. Série B sans prétention plutôt captivante de par la structure efficiente d'un récit interlope jonglant entre fausses pistes, meurtres violents et suspicion des protagonistes, Incubus confronte l'horreur archaïque au sein de notre époque contemporaine. 


Celle d'un démon incube censé violer d'innocentes jeunes femmes, quand bien même un jeune garçon doué de prescience est perturbé par ses cauchemars. L'accroche du film résidant alors dans l'étrange clairvoyance du jeune Tim Gallen (Duncan McIntosh, épatant de sobriété torturée !) subissant d'effrayantes visions morbides, et surtout quel étroit rapport il puisse entamer auprès de la matérialisation des meurtres ! Ainsi, de manière (agréablement) ombrageuse, le récit nous familiarise également avec une galerie de personnages contrariés. Car dans une volonté de semer trouble, interrogation et confusion, John Hough dresse le portrait d'une relation équivoque entre le médecin Cordell et une journaliste anonyme, mais aussi le rapport empathique que préserve sa fille, Jenny Cordell, avec Tim Gallen, alors que ce dernier est choyé par une grand-mère indiscernable ! Emaillé de morts violentes perpétrés au sein de leur entourage, le réalisateur coordonne des séquences cauchemardesques quasi malsaines de par un montage elliptique habilement cadré. Par conséquent, en alternant ses péripéties meurtrières avec l'investigation du médecin perplexe peu à peu gagné par l'irrationnel, Incubus nous confronte à une énigme linéaire davantage captivante. Si bien que son intensité narrative demeure en ascension lorsque nos protagonistes décident de se réunir autour d'une table afin de découvrir l'horrible vérité. Epaulé d'une sombre scénographie gothique, John Hough distille dès lors une angoisse toujours plus étouffante qui ira crescendo lors d'un épilogue à twist des plus perturbants !


De par son intrigue interlope (irrésistiblement attrayante), Incubus aurait pu lâcher prise s'il n'eut ce talent inné à distiller cette ambiance maléfique symptomatique des années 80. Car outre le talent dépouillé de son cast franchement attachant (jusqu'aux moindres seconds-rôles et figurants), sa réussite majeure réside dans ce climat d'inquiétude diffuse imprégnant tout l'écran jusqu'au générique pessimiste. Une perle du genre délicieusement occulte et étonnamment convaincante à travers sa fascinante capacité à nous persuader de l'existence chimérique des incubes, et ce sans céder à la facilité d'un gore outrancier. 

*Bruno 
5èx                   
08.01.20. 4èx
06.08.10 . 142 v

mercredi 6 janvier 2021

Le Sauvage

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jean-Paul Rappeneau. 1975. France. 1h46. Avec Catherine Deneuve, Yves Montand, Luigi Vannucchi, Tony Roberts, Bobo Lewis, Dana Wynter. 

Sortie salles France: 26 Novembre 1975

FILMOGRAPHIE: Jean-Paul Rappeneau est un réalisateur et scénariste français né le 8 avril 1932 à Auxerre (France). 1958 : Chronique provinciale (court-métrage). 1966 : La Vie de château. 1971 : Les Mariés de l'an II. 1975 : Le Sauvage. 1982 : Tout feu, tout flamme. 1990 : Cyrano de Bergerac. 1995 : Le Hussard sur le toit. 2003 : Bon voyage. 2015 : Belles Familles. 

Sympathique comédie d'aventures des Seventies, Le Sauvage est à découvrir pour le duo fulminant Catherine Deneuve / Yves Montand. Ces derniers jouant les "Robinson Crusoe" avec une spontanéité assez frétillante à travers leur inlassable dispute conjugale. Et bien que son cheminement narratif s'avère aussi léger qu'une plume (en tentant de fuir son époux italien erratique, Nelly s'improvise aventurière de fortune auprès d'un nomade confiné sur son archipel), la mise en scène solide de Jean-Paul Rappeneau (Les Mariés de l'An 2, Cyrano de Bergerac, le Hussard sur le Toit) parvient à maintenir l'intérêt grâce à son émotive tendresse pour ces personnages en cavale. Chieuse et envahissante, Catherine Deneuve imposant un charme sensuel d'autant plus innocent, quand bien même Yves Montand endosse l'aventurier bougond avec une résilience pittoresque. Et ce avant de se laisser séduire par cette étrangère frondeuse dénuée de complexe à daigner le conquérir afin de fuir sa solitude. Alors certes, Le Sauvage est loin d'être un grand film si bien qu'il ne laissera pas un souvenir impérissable (surtout auprès de la nouvelle génération) mais on ne peut en tous cas nier sa sincérité à renouer avec la simplicité d'une comédie d'aventures bien emballée, qui plus est scandé du score aimant de Michel Legrand (qui reste en mémoire bien au-delà de la projo).

*Bruno

lundi 4 janvier 2021

Shadow in the Cloud

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Facebook

de Roseanne Liang. 2020. U.S.A. 1h23. Avec Chloë Grace Moretz, Taylor John Smith, Beulah Koale, Nick Robinson, Callan Mulvey.

Sortie salles U.S: 1er Janvier 2020

FILMOGRAPHIE: Roseanne Liang est une réalisatrice, productrice et scénariste américaine. 2011: My Wedding and Other Secrets. 2020: Shadow in the Cloud. 

Excellente surprise que cette petite série B que l'on aime privilégier un samedi soir entre amis; Shadow in the Cloud demeure le digne héritier des années 80. Dans la mesure où la cinéaste, férue d'amour pour le genre, nous concocte une oeuvre modeste mais sincère et au charisme cinégénique. A l'instar de sa percutante partition électro que l'on croirait extraite d'une oeuvre de Carpenter (la musique colle donc aux images dans la mouvance du video-clip) et de sa direction d'acteurs sobrement impliqués dans leur commune aventure périlleuse. Stylisé de par sa réalisation soignée saturée d'une photo davantage flamboyante (le crépuscule de sa 1ère partie cède ensuite à une horizon solaire orangée), Roseanne Liang parvient surtout à donner chair à son univers belliciste à travers sa sagacité de croire à ce qu'elle raconte. Car véritable hommage à un épisode anthologique de la 4è Dimension, Shadow in the cloud transpire l'amour du travail bien fait lorsqu'il s'agit par exemple d'exploiter ses FX en CGI souvent réussis afin de donner vie à des gremlins résolument fascinants (quel charisme délétère !). Car il s'agit bien là de l'attraction majeure du film que la cinéaste exploite discrètement en oscillant expectative et confrontations dantesques dans les airs (et ce avec parfois 1 ou 2 idées démentielles). 

Un peu dommage d'ailleurs que le mano a mano final fasse preuve de réalisme perfectible car la séquence délirante, étonnamment fortuite, demeure aussi jouissive que spectaculaire. Ainsi, adoptant en 1er acte le principe du huis-clos exigu lorsque Chloë Grace Moretz embarquée à bord d'un avion se retrouve confinée dans une tourelle, Shadow in the Cloud fait preuve de suspense latent en y plantant son décorum restreint et ses personnages machistes se brimant sans modération de leur invitée surprise. Quand bien même cette passagère clandestine venait d'embarquer avec un mystérieux sac que ceux-ci retiennent avec une curiosité suspicieuse. Ainsi, par petites touches d'appréhension que Chloë Grace Moretz exprime sobrement lorsqu'elle pense voir l'improbable, Shadow in tyhe Cloud conjugue les genres du fantastique et de la guerre à travers des séquences d'actions toujours plus intenses et décoiffantes. Et bien qu'une partie de spectateurs agités risquent d'être déçus par son absence d'esbroufe, tant et si bien que l'action reste au service narratif (rare pour ne pas le souligner !), on ne peut nier les intentions louables de la réalisatrice à renouer avec un cinéma de divertissement fleurant bon l'amour du Fantastique au sens noble. Pour autant, on aurait tout de même préférer que l'aventure incongrue émaillée de séquences vertigineuses (attention à ceux souffrant du vertigo" !) se prolonge d'une bonne vingtaine de minutes tant et si bien que sa durée écourtée laisse tout de même un léger sentiment de frustration (1h15 de bobine sans compter le générique de fin).  

A tous les amoureux des années 80 ayant été bercés par de modestes séries B résolument touchantes, intègres, charmantes et réalistes, Shadow in the Cloud est conçu pour vous offrir un moment bonnard en compagnie d'une Chloë Grace Moretz offrant toute la mesure de son talent en baroudeuse intrépide, entre fragilité maternelle et héroïsme (inopinément) stoïque ! On peut même d'ailleurs évoquer un superbe portrait de femme féministe chargée d'humilité, de loyauté et de surpassement de soi. Super sympatoche donc malgré son goût de trop peu pour autant pardonné quand on s'adonne au sacerdoce. 

*Bruno