mercredi 15 février 2012

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (Night of the Living Dead)


de Georges A. Romero. 1968. 1h36. Avec Duane Jones, Judith O'Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, Keith Wayne, Judith Ridley, Kyra Schon, Charles Craig, S. William Hinzman, George Kosana, Frank Doak.

Sortie salles France: 21 Janvier 1970. U.S: 1 Octobre 1968

FILMOGRAPHIE: Georges Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York.
1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.


Dans le "fantastique", jamais le cinéma n'avait été aussi loin... Il ne pourra jamais faire mieux...

Inspiré d'une nouvelle de Richard Matheson (Je suis une Légende), Georges Romero, néophyte, réalise en 1968 un petit métrage tourné en noir et blanc, faute de budget restreint, avec en tête d'affiche un acteur de couleur noir (une première dans le cinéma américain !). A sa sortie, le succès est immédiat, l'horreur (sociale) se révèle si réaliste et jusqu'au-boutiste qu'il traumatise nombre de spectateurs peu habitués au caractère sanglant des scènes-chocs. D'autant plus que le mythe du zombie n'avait alors jamais été retranscrit avec autant de réalisme sous la caméra d'un nouveau pionnier de l'horreur. Privilégié par sa renommée commerciale, La nuit des Morts-vivants deviendra l'un des films les plus rentables du cinéma indépendant et reste à ce jour un chef-d'oeuvre subversif d'un pessimisme alarmant ! Dans un cimetière, Johnny et Barbara se rendent sur la tombe de leur père lorsqu'un individu à la démarche chancelante les agresse sommairement ! Durant l'agression, le frère de Barbara succombe après s'être trébuché la tête contre une stèle. Prise de panique, la jeune fille s'enfuit à travers la campagne jusqu'à l'approche d'une ferme abandonnée. Rapidement, un étranger entre par surprise dans la maison pour s'y réfugier alors que d'autres créatures hostiles vont encercler la demeure.
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Avec un préambule aussi percutant, Georges Romero cultive dès le départ une lourde atmosphère anxiogène qui ne va pas lâcher d'une seconde le spectateur ébranlé par une situation improbable. Suite aux radiations d'une météorite écrasée sur terre, les morts se relèvent de leur tombe et agressent les vivants en pratiquant des actes barbares de cannibalisme ! Avec un souci de vérité proche du reportage, exacerbé d'un noir et blanc crépusculaire et de la sobre prestance de comédiens amateurs, cette Nuit des Morts-Vivants s'avère un modèle d'efficacité. Une intrigue empruntant le mode du huis-clos si bien qu'une poignée de personnages contrariés vont se mesurer à leur dissension morale pour tenter de survivre dans leur nouveau foyer précaire. Avec des personnages aussi austères, antipathiques, névrosés et tendus, George Romero nous dépeint leur désarroi, leur incapacité à faire face à une situation qui les dépasse. En traitant notamment avec lucidité de nos rapports inhospitaliers envers l'étranger, de notre orgueil et arrogance à daigner imposer nos idées au mépris de l'autre lorsqu'une situation de crise intente à notre survie. C'est ce qui est illustré sans concession envers nos deux hommes de main de nationalité distincte (un blanc et un noir) s'efforçant communément d'imposer avec contradiction leur code de conduite. A savoir, se barricader contre les créatures en s'installant dans l'habitacle de la ferme ou partir se blottir sous la cave auquel une seule entrée pourrait y laisser pénétrer l'assaillant.


Avec perspicacité, Ben, l'étranger noir au tempérament spontané, va donc tenter d'inciter son entourage à préconiser le rez-de-chaussée parmi le soutien du jeune Tom. Au moment même où ce dernier était préalablement contraint de se cloisonner dans la cave avec sa concubine sous l'influence autoritaire du patriarche Harry Cooper. Mais la peur et la lâcheté émanant de la paranoïa des protagonistes vont être les éléments déclencheurs de leur défaite, faute de leur rivalité caractérielle à réfuter la cohésion pour l'enjeu de survie. Spoiler ! Le climax inopiné se révèle d'autant plus caustique tant et si bien que le réactionnaire quinquagénaire avait finalement prédit la meilleure solution pour se prémunir des offensives des zombies regroupés en masse autour de la ferme. Alors que plus tard, notre unique survivant de couleur noire ira finalement se réfugier en désespoir de cause au sein de ce petit abri pour être innocemment exécuté d'une balle dans la tête par un membre d'une milice organisée ! Fin du Spoil. Dans un climat de tension omniprésent et d'insécurité palpable, la Nuit des Morts-vivants souhaite aussi nous convaincre avec véracité (journaux télévisés en direct à l'appui !) que nos défunts damnés sont condamnés à errer sur terre et nous persécuter pour nous dévorer ! Et en terme d'imagerie gore, George Romero ose franchir les barrières de la transgression avec quelques séquences chocs restées dans les annales. A l'instar de cette orgie fétide auquel des cadavres accroupis dans l'herbe éventrent et dévorent communément les organes de deux victimes immolées. Spoiler ! Ou encore le meurtre paroxystique (bien que suggéré) d'Helen Cooper auquel une bande-son stridente va venir exacerber ces beuglements d'agonie ! Réfugiée dans l'obscurité de la cave, cette dernière éprise d'effroi sera trucider à coups de truelle par sa propre fille ! Fin du Spoil.


Terrifiant de réalisme et jusqu'au-boutiste pour la caricature imputée à notre animosité, Georges Romero nous illustre, non sans cruauté, que l'homme reste un animal pour l'homme puisqu'il est destiné à s'estropier par arrogance et instinct de supériorité. Métaphore sur l'absurdité du conflit Vietnamien, réflexion sur la hiérarchie solidaire, mais aussi réquisitoire contre les dangers du nucléaire, La Nuit des Morts-Vivants nous dresse un implacable constat d'échec quant au devenir de notre civilisation, faute de notre ingratitude et de notre lâcheté. Près de 50 ans plus tard, ce mastodonte de l'horreur n'a rien perdu de son impact social et de sa radicalité à dénoncer l'incommunicabilité entres les hommes. 

16.02.12
Bruno Matéï



mardi 14 février 2012

The Crow


d'Alex Proyas. 1994. U.S.A. 1h42. Avec Brandon Lee, Ernie Hudson, Michael Wincott, David Patrick Kelly, Angel David, Rochelle Davis, Bai Ling, Laurence Mason, Michael Massee, Bill Raymond.

Sortie salles France: 3 Août 1994. U.S: 11 Mai 1994

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost.


"Il y a longtemps, les gens croyaient que quand quelqu'un meurt un corbeau emporte son âme jusqu'au pays des morts. Mais il arrive parfois, quand des choses trop horribles se sont passées, que l'âme emporte avec elle une immense tristesse et qu'elle ne puisse pas retrouver le repos. Quelque fois, et seulement quelque fois, le corbeau peut faire revenir cette âme pour que le bien reprenne ses droits sur le mal." 

Inspiré du comic book de James O'Barr, Alex Proyas y transfigure pour son premier essai un conte gothique, vertigineux et flamboyant où la romance élégiaque s'évade d'un cadre expressionniste. Habité du magnétisme (si indicible) de Brandon Lee, ce requiem empli de sensibilité s'alloue d'une résonance particulièrement tragique lorsque le 31 Mars 1993 l'acteur tire sa révérence après avoir été mortellement blessé d'une balle durant une scène du tournage. Un accident d'autant plus regrettable et imbitable que son père, Bruce Lee, mourut préalablement dans des circonstances aussi mystérieuses (conflit avec la mafia chinoise, collusions avec le producteur Raymond Chow, rupture d'anévrisme ?). Le pitchLa veille de leur mariage et le soir de la Toussaint, le chanteur Eric Draven et sa compagne Shelly sont sauvagement assassinés par une bande de malfrats.Un an plus tard, par l'entremise d'un corbeau, Eric Draven sort de sa tombe pour venger la mort de sa défunte.


Perle maudite, faute du deuil inéquitable d'un jeune acteur à l'orée de sa notoriété, The Crow semble totalement possédé par son âme. Un paradoxe faisant écho à la fiction (involontairement "méta") si bien que son personnage revenu de l'au-delà vient réclamer justice auprès des responsables de la mort de sa compagne. Ainsi, à travers une photographie monochrome à l'esthétisme crépusculaire, la quête meurtrière d'Eric Draven (fantôme au visage maculé de blanc à l'instar du polichinelle) nous est retranscrit dans un esprit gothique audacieusement destroy. De par son architecture ancestrale héritée de l'époque médiévale et de la modernité d'une musicalité rock littéralement endiablée ! Si bien que sous ses allures d'actionner moderne rythmé des exactions du justicier, Alex Proyas nous évoque avant tout la romance déchue d'un ange habité par la haine depuis le sacrifice de son couple, et donc incapable d'y trouver le repos dans l'obscurité d'un au-delà. Aujourd'hui voué à la résurrection par le pouvoir occulte d'une corneille, il se résout à accomplir sa besogne d'annihiler le Mal infiltré au sein d'une cité urbaine livrée au chaos. Lamenté par son deuil et hanté de souvenirs tantôt morbides, tantôt édéniques, Eric Draven trouve refuge auprès d'une ado esseulée par qui il tendra la main. Parmi son assistance et celle d'un flic pondéré, il perdurera sa vengeance tout en inculquant à ceux qu'il chérie ses valeurs spirituelles de tendresse et d'amour.  


Dans un rôle iconique de mort-vivant frondeur invincible, Brandon Lee endosse le rôle de sa vie avec une prestance surnaturelle résolument diaphane. L'idée dérangeante que l'acteur trépassa accidentellement durant le tournage exacerbe cette aura mystique qui imprègne la pellicule (j'insiste à le souligner). Une interprétation viscérale renforçant la fragilité du personnage meurtri car aussi investi dans sa traque impitoyable que dévoué à enseigner l'amour auprès de ses proches. Secondé par Rochelle Davis, l'actrice endosse avec pudeur celle d'une adolescente candide éprise de tendresse pour la destinée de ces amants maudits. Son souvenir prégnant d'avoir également connu Eric et Shelly comme soutien parental (sa mère étant une toxicomane incapable de faire face à ses responsabilités) laisse exprimer une fragile émotivité de par sa situation sans repère, quand bien même Eric rappellera à l'ordre le poste maternel de sa maman volage.


"Si les êtres que nous aimons nous sont arrachés, pour qu'ils vivent longtemps, il ne faut jamais cesser de les aimer. Les immeubles brûlent, les gens meurent, mais l'amour véritable est éternel..."
Soutenu d'une BO rock en frénésie métronome et transcendé d'un esthétisme macabro-gothique à couper le souffle, The Crow s'édifie en fragile requiem auprès des romantiques déchus, et ce avant d'y introniser l'acuité de l'amour. Un chef-d'oeuvre flamboyant d'une grâce mélancolique sublimé de l'icône de son acteur damné. Un conte torturé (pour ne pas dire écorché vif !) mais débordant de virginité où l'alchimie émotive dépasse notre raisonnement. Probablement l'un des poèmes crépusculaires les plus romantiques et obsédants jamais transfigurés sur pellicule.

*Bruno
14.02.12


                                       


vendredi 10 février 2012

Blade Runner. (the Final Cut)


de Ridley Scott. 1982. U.S.A. 1h57. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson, Brion James, Joe Turkel, Joanna Cassidy.

Sortie Salles France: 15 Septembre 1982. U.S: 25 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus.


D'après un célèbre roman de Philip K. Dick écrit en 1966 (les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), Ridley Scott s'atèle en 1982 d'y retranscrire son univers singulier au coeur d'un Los Angeles dystopique. Quatre ans après son chef-d'oeuvre Alien, il nous transfigure à nouveau une clef de voûte de la SF cyber punk conjuguée au film noir afin d'imposer Blade Runner comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Et ce en dépit d'un sévère échec commercial et critique (l'oeuvre étant avant-gardiste, son rythme languissant et son ambiance ténébreuse terriblement plombante) ainsi qu'une multitude de versions remaniées. Le pitchNovembre 2019, Los Angeles. Quatre réplicants, androïdes confectionnés par l'homme pour devenir esclaves ouvriers s'échappent de leur planète et reviennent sur terre afin de retrouver leur créateur. Rick Deckard, blade runner renommé, est enrôlé pour retrouver ces fugitifs et les exécuter. Dès les premières images, flamboyantes et crépusculaires, le dépaysement d'un univers futuriste expressif nous est illustré avec une esthétique fulgurante de réalisme ténébreux. Car à travers la plénitude incandescente d'une cité high-tech de Los Angeles, Blade Runner  s'ouvre à nous, tel l'orifice d'un oeil azur transpercé d'un brasier industriel. Ce macrocosme démesuré, aussi opaque que polychrome dans sa palette de néons flashys et affiches publicitaires, s'avère d'autant plus hypnotique qu'il s'affilie à l'univers vétuste du polar noir des années 50. 
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De par son architecture gothique, son design technologique et le style rétro de certains vêtements fagotés par les flics, Ridley Scott combine la modernité futuriste d'un univers en marasme puis celle antique d'une époque révolue. Le design (en demi-teinte) entres les jeux de lumière high-tech et l'obscurité des foyers tamisés instaurant une ambiance à la fois cafardeuse et sépulcrale alors qu'en externe, sous une pluie battante, ou à la tiédeur d'une nuit récursive, chaque citadin déambule à l'instar de robots impassibles. L'incroyable richesse de ces décors fantasmatiques fignolant le moindre détail architectural, le sentiment tangible de se fondre dans cet univers oppressant culminent à l'oeuvre hybride d'une beauté plastique hallucinée ! Ainsi, à travers cette société aphone en surpopulation incitant les humains à s'exiler vers d'autres planètes, un flic indécis est contraint de traquer quatre réplicants toujours plus conscients de leur condition soumise et de leur trépas à venir. Quand bien même dans les résidences feutrées, certains habitants s'affublent d'un robot domestique afin de compenser leur ennui d'une existence dénuée d'émotions. Camouflés parmi la foule en ébullition, les réplicants sont des androïdes plus vrais que nature par leur physionomie humaine condamnés à vivre un court laps de temps (4 à 5 ans) en tant qu'esclave d'une société totalitaire en perte de repères. Soudainement épris de désespoir face à leur existence précaire, nos quatre fuyards se rebellent afin de retrouver leur créateur sur terre et rallonger éventuellement leur vie. 


Au climat à la fois désenchanté et suffocant, scandé du score élégiaque de Vangelis, Ridley Scott dépeint avec souci formel son univers blafard d'un futur hermétique où le sentiment prégnant de solitude se dévoile sous nos yeux auprès d'une populace atone. Et donc, à travers le profil d'un flic équivoque prêt à neutraliser ces robots nantis d'émotions, son cheminement va peu à peu l'initier à l'empathie du point de vue d'une droïde vertueuse et de celui d'un réplicant anarchiste. Au cours de cette traque meurtrière jalonnée de plages de lyrisme funeste (la mort illégitime de Zhora incarnée par l'éminente Joanna Cassidy dans une posture insidieuse ou encore celle, symbolique, de Roy campée par un Rutger Hauer magnétique en ange déchu), le réalisateur traite avec complexité de la dichotomie du Bien et du Mal et de notre nostalgie existentielle à faible lueur d'espoir. De notre amertume et de notre désagrément face à l'atavisme de la mort et de la peur paranoïaque de l'étranger nous motivant à se protéger d'une éventuelle hostilité. L'oeuvre visionnaire (en quête de rédemption) illustrant donc (sans prétention) un monde moribond où chaque être se déshumanise un peu plus au fil de leur routine, et ce au profit d'une société robotisée. Quand bien même des androïdes avides de dignité sont aptes à nous substituer par leur faculté peu à peu émotionnelle et sentimentale. Enfin, Ridley Scott nous s'interroge de manière métaphorique sur le sens de l'existence, sur notre condition humaine si fébrile et dépressive au gré des motivations interlopes d'un créateur alchimiste ou divin lui même perfectible.


Sommes nous des réplicants perfectibles conçus par un apprenti sorcier ?
Autour de la présence iconique d'Harrison Ford à la fois pugnace et réflexif, et l'élégance chétive de Sean Young transie de mélancolie existentielle, Blade runner constitue une expérience de cinéma sensitif, pictural et auteurisante à travers la scénographie urbaine d'une métropole dystopique étrangement fantasmagorique. Sa réflexion spirituelle sur la foi en un dieu apatride et la déliquescence morale de l'homme contrôlée par un système ultra technologique opposant lueur d'espoir et pessimisme bouleversant par le biais d'une traque pour la vérité humaine et existentielle. Un authentique chef-d'oeuvre visionnaire d'une grande fragilité humaine, une oeuvre picturale d'une fulgurance détaillée; un panthéon de la SF métaphysique d'une inépuisable fascination opaque. 

*Bruno
24.06.22. 5èx
10.02.12




jeudi 9 février 2012

SA MAJESTE DES MOUCHES (Lord of the Flies)


de Peter Brook. 1963. Angleterre. 1h32. Avec James Aubrey, Tom Chapin, Hugh Edwards, Roger Elwin, Tom Gaman, Roger Allan, David Brunjes, Peter Davy.

Sortie salles U.S: 13 Aout 1963
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FILMOGRAPHIE: Peter Brook est un réalisateur, acteur et scénariste britannique, né le 21 mars 1925 à Londres.
1944: Une journée sentimentale. 1953: L'Opéra des Gueux. 1959: Moderato cantabile. 1963: Sa Majesté des Mouches. 1967: Marat-Sade. Tell me Lies. 1969: Le Roi Lear. 1976: Rencontres avec des hommes remarquables. 1983: La Tragédie de Carmen. 1989: The Mahabharata. 1996: Times Files. 2003: La Tragédie d'Hamlet.

Va falloir attendre une petite année pour le revoir et faire une critique humble, je n'étais pas en bonne condition ce soir...







 roman de l'auteur anglais William Golding écrit en 1954
: A la suite d'un accident d'avion, des enfants se retrouvent sur une île déserte. Après avoir épuisé tous les jeux que leur confère une totale liberté ils créent une ébauche d'organisation à la fois pour survivre et pour éloigner la peur de l'inconnu qui les hante.

lundi 6 février 2012

DOMINO


de Tony Scott. 2005. U.S.A. 2h07. Avec Keira Knightley, Mickey Rourke, Edgar Ramirez, Riz Abbasi, Delroy Lindo, Mo'Nique, Ian Ziering, Brian Austin Green, Joe Nunez, Macy Gray, Dabney Coleman.

Sortie en salles en France le 23 Novembre 2005. U.S: 14 Octobre 2005
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FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre,1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable..

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Un an après son méditatif polar "hardboiled", Man On Fire, Tony Scott s'inspire de l'histoire vraie d'une anglaise de renom, Domino Harvey. Cette illustre mannequin de l'agence Ford (info toujours invérifiable !), fille de l'acteur Laurence Harvey, s'était reconvertie au début des années 90 dans l'entreprise des chasseurs de prime à Los Angeles. Son prénom insolite est par ailleurs inspiré par le personnage d'une James Bond Girl illustrée dans le film Opération Tonnerre de Terence Young. Fondé sur sa vie particulièrement débridée, Tony Scott la remanie et édulcore aussi sa triste destinée puisque dans la réalité, Domino Harvey tire sa révérence le 27 Juin 2005, faute d'une overdose de Fentanyl. Avec sa participation au projet cinématographique qui s'étala sur plus de 12 ans, le réalisateur eut la probité de lui rendre hommage en lui dédiant son métrage. Domino est une jeune fille rebelle motivée par une vie échevelée du goût de l'aventure . Issue d'une famille bourgeoise et mannequin réputée, elle décide du jour au lendemain de fuir les paillettes de son univers hautain en postant sa candidature pour devenir chasseur de prime. Formé par Ed Mosbey et Latino Choco, elle devient une farouche rebelle au tempérament viril. Mais leur dernière mission à haut risque risque de changer la donne puisque deux clans rivaux mafieux ainsi que le FBI sont lancés à leur trousse pour une affaire tordue de cambriolage. Sur place, une équipe de reporters TV est dépêchée pour filmer leurs affrontements belliqueux afin de promotionner un show de Real-Tv. 

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Tony Scott se réapproprie d'une réalisation épileptique avec ses expérimentations visuelles foisonnantes scandées par une bande son rap vrombissante. Arrêt brutal sur image, slow motion chorégraphié, plans saccadés sur un montage rigoureux au service d'un film d'action déjanté proprement jubilatoire. Un parti-pris esthétique clippesque qui pourrait irriter de prime abord le public lambda mais la précision de la réalisation épouse une réelle fluidité pour agencer ce florilège d'images survoltées (sans ambivalence d'une esbroufe grandiloquente façon Michael Bay !).
Avec une galerie de personnages marginaux forgés dans l'insolence belliqueuse, voir même la mouvance suicidaire (comme cet acolyte afghan perpétuant un ultime baroud d'honneur à la fin de leur mission), cette équipée drastique de mercenaires décrétés par un ancien briscard nous entraîne finalement au beau milieu d'un traquenard érigé sous un cambriolage audacieux. Des prémices de sa jeunesse effrontée à sa dernière mission compromettante, Domino nous fait suivre sa destinée (tendance spirituelle par la pièce de monnaie écumée par Domino dans une église) à travers son fidèle trio engagé dans la bravoure et l'honneur de la justice. Alors qu'un hold-up cynique va impliquer la mafia de bandes rivales mais aussi la complicité du FBI. Mené à un rythme alerte ne cédant aucune place à la morosité, l'actionner contemporain de Scott affole les rétines et excite l'ouïe face à une mise en scène expansive multipliant ses idées à la seconde ! Dans un pur esprit ludique, le réalisateur compense la légèreté de son script par le profil incorrect de personnages indociles ou perfides et d'une bande de marginaux perpétrant des risques insensés pour le compte de notre société. Le tout mis en image avec une efficience imparable afin de rendre leurs mésaventures plus fougueuses, décalées et endiablées.
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Au passage, pour renforcer son côté caustique se vautrant continuellement dans l'exubérance et le délire corrosif, un portrait pittoresque est asséné à deux de nos illustres acteurs de la fameuse série TV, Beverly Hills. J'ai nommé le duo docile, Brian Austin GreenIan Ziering se prenant un plaisir mutuel à parodier leur personnage de lycéens issus de famille nantie, réduits ici à être embrigadés comme otage par notre trio de chasseurs de prime ! Il y a également l'affrontement incisif émis entre deux femmes au tempérament d'acier. Domino face à l'interrogatoire forcée d'une Taryn Miles (Lucy Liu, dans le rôle d'une psychologue exerçant pour le compte du FBI), s'évertuant à connaître le fin mot de l'histoire d'un cambriolage alambiqué. Sexy et destroy en diable, Keira Knightley s'accapare instinctivement d'un rôle opiniâtre pour incarner le profil anti-potiche d'une guerrière des temps modernes, vouée à la pugnacité et au danger du risque. Son interprétation allouée à contre-emploi crève l'écran et doit beaucoup au caractère attractif du projet singulier. Son manager endossé par le robuste Mickey Rourke en leader autoritaire est parfait de charisme par sa physionomie burinée, abîmée par le poids des années de labeur. Edgar Ramirez adopte une présence plus discrète mais se révèle tout aussi louable dans sa prestance taciturne mais hargneuse d'un romeo envieux, secrètement épris d'amour pour Domino.
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Impeccablement mis en scène dans une réalisation criarde multipliant toutes les techniques modernes de l'ère MTV, Domino est un spectacle débridé sans prise de tête, lestement conçu pour nous faire partager un moment décomplexé inscrit dans l'insolence et le délire frénétique. Le brio de nos comédiens entièrement investis dans la peau d'activistes équitables, engagés dans des péripéties saugrenues anti-rébarbatives concourant à nous galvaniser. Une jolie réussite donc de la part d'un réalisateur prolifique préalablement compromis par l'univers sirupeux de Hollywood (Top Gun, Jours de Tonnerre, Le Flic de Beverlly Hills !)
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Dédicace à Jérome Roulon.
07.02.12
Bruno Matéï
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http://arkepix.com/kinok/DVD/SCOTT_Tony/dvd_domino.html

vendredi 3 février 2012

WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN. Prix du Meilleur film au Festival de Londres.


de Lynne Ramsay. 2011. UK/U.S.A. 1h52. Avec John C. Reilly, Tilda Swinton, Ezra Miller, Siobhan Fallon, Joseph Melendez, Ashley Gerasimovich, Suzette Gunn, Leslie Lyles, Lauren Fox, Ursula Parker.

Sortie Salles France: 28 Septembre 2011. U.S: 2 Décembre 2011
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FILMOGRAPHIE: Lynne Ramsay est une réalisatrice et scénariste britannique, né le 5 Décembre 1969 à Glasgow (Royaume-Uni). 1999: Ratcatcher. 2002: Morvern Callar. 2011: We need too Talk About Kevin


D'après le roman de Lionel Shriver paru en 2003, la réalisatrice Lynne Ramsay nous illustre ici l'introspection d'une cellule familiale lorsqu'un enfant dénué de moralité est mis au monde au sein d'une éducation orthodoxe. Ce rapport de force équivoque entre un adolescent inflexible et sa mère démunie qui nous ait démontrée ici de manière abrupte sans toutefois stigmatiser la cause parentale. Eva met au monde un jeune garçon qu'elle prénomme Kevin. Dès la naissance, leur rapport conflictuel est à rude épreuve. La mère supportant mal pleurs et hurlements du bambin irascible, leur relation s'achemine dans une impasse. Attentive, déférente et aimante, Eva a beau faire preuve de patience et persévérance, Kevin a délibérément décidé d'accomplir sa future besogne mortuaire. 
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Dans une mise en scène inventive et auteurisante, multipliant les incessants allers-retours entre passé et présent, We need to talk about Kevin provoque d'emblée notre curiosité face à une succession d'évènements insolites imbriqués de façon anarchique. La réalisation très travaillée accumulant les effets de style alambiqués autour d'une partition braque et l'épure une photographie picturale au design géométrique (le foyer domestique sécurisant). Cette oeuvre glaçante et acérée, baignant dans un climat ombrageux sous-jacent réussit facilement à nous pénétrer en interne d'une descente aux enfers décrétée par un ado interlope. De la naissance à sa majorité, nous suivons l'évolution d'un garçon délibéré à haïr sa propre mère pour une raison intrinsèque qui n'appartient qu'à lui. Mère prévenante même si contrariée, voire irritée de prime abord par les caprices du nouveau né, Eva va tout entreprendre pour tenter d'améliorer ses relations rigides avec son bambin versatile. Néanmoins, Kevin accorde une amabilité (sournoise) avec son paternel flegmatique (John C. Reilly, épatant de bonhomie ingénue). Un père passif incapable de déceler les motivations perfides de l'adolescent en phase d'indiscipline, faute de son instinct paternel engagé dans l'amour. C'est à la suite de la naissance de leur deuxième enfant, une petite fille amiteuse et épanouie que Kevin va entreprendre sa croisade funèbre consolidée dans la rancoeur.


Si le film se révèle si captivant et machiavélique, c'est en priorité grâce à la ferme ténacité du personnage de la mère, entièrement dévouée à daigner combler son fils grâce à son inlassable indulgence. Un ado exécrable incapable de lui éprouver la moindre empathie, multipliant provocations et rancunes tenaces dans l'unique but de l'asservir. Avec subtilité et sans aucune outrance, la narration pernicieuse nous dirige lentement vers un point d'orgue que l'on présage fatalement tragique puisque son préambule nous avait préalablement évoqué un semblant de fait divers sordide. Avec son physique exsangue et famélique, Tilda Swinton magnétise son rôle de mère dépréciée, constamment fustigée par un fils aussi vil qu'arrogant. Avec une aversion en crescendo, nous ne sommes pas prêt d'oublier l'interprétation monolithique du jeune Ezra Miller (comédien novice mais aussi chanteur et batteur du groupe Sons of an Illustrious Father), terrifiant d'austérité dans son regard stérile et d'une froideur implacable par son caractère insidieux. Spoiler !!! Sa lente dérive vindicative dans la folie meurtrière nous saisissant d'effroi quand à la révélation de ses véritables exactions. Fin du SpoilCe rapport trouble mère/fils donne donc lieu à un affrontement psychologique d'une acuité subtilement oppressante confinant au malaise latent.


L'Enfant du diable
Mis en scène sans fioriture et baignant dans un climat baroque davantage étouffant, We need to talk about Kevin est un thriller psychologique transcendé par les dissensions sinueuses entre une mère et son fils. Le réalisateur prenant soin d'illustrer le saisissant portrait d'un sociopathe juvénile dénué de mobile alors que sa génitrice meurtrie, conspuée par une population réactionnaire, aura toujours la patience de l'amour maternel pour tenter de comprendre les tenants fielleux du fils infortuné. En ce sens, sommes nous responsables de la déchéance morale d'un enfant lorsqu'il semble inné à nuire à autrui ? 

03.02.12
Bruno Matéï

Récompenses: Prix du Meilleur film au festival du film de Londres en 2011.
Prix de la Meilleure Actrice Européenne pour Tilda Swinton


jeudi 2 février 2012

THE WHISTLEBLOWER (seule contre tous)


de Larysa Kondracki. 2010. 1h52. U.S.A. Avec Rachel Weisz, Vanessa Redgrave, Monica Bellucci, David Strathairn, Nikolaj Lie Kaas, Roxana Condurache, Paula Schramm, Alexandru Potocean, William Hope.

Sortie Salles U.S: 5 Août 2011.

Récompense: Meilleure réalisation Golden Space Needle Award au Festival International du film de Seattle.

FILMOGRAPHIE: Larysa Kondracki est une réalisatrice, productrice et scénariste canadienne née à Toronto.
2010: The Whistleblower


Basé sur une histoire vraie, le 1er film de Larysa Kondracki souhaite dénoncer la traite sexuelle à travers le monde dont le chiffre s'estimerait à 2,5 millions de personnes forcées à l'esclavage, au prix de la torture et parfois même la mort. En l'occurrence, cette histoire s'est déroulée en 1999, dans une Bosnie d'après guerre alors qu'une femme flic va devoir user de bravoure au péril de sa vie pour démanteler un important réseau sexuel impliquant des hauts dirigeants.

Kathryn Bolkovac vient de divorcer et accepte un emploi juteux en Bosnie en tant qu'observatrice du maintien de la paix pour le compte des nations unies. Sur place, à Budapest, elle découvre un marché sexuel auquel de jeunes filles sont violées et torturées par des clients policiers protégés par les nations unies et certains dirigeants internationaux. Elle décide de tout mettre en oeuvre pour faire éclater cette sordide affaire devant les médias. 
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Dans la lignée des pamphlets politiques virulents auquel une personne de probité se retourne contre les autorités policières et/ou pouvoirs politiques (Serpico, Erin Brokovitch, Normae Rae, l'Affaire Josey Aimes), The Whistleblower est une oeuvre choc au sujet d'actualité alarmant. A travers le parcours d'une femme flic, seule contre tous, délibérée à poursuivre en justice les responsables d'un odieux trafic d'humains, Larysa Kondracki nous illustre son parcours du combattant sans complaisance ni voyeurisme tapageur. Néanmoins, son climat sordide résultant d'un scandale authentifié en 1999 s'octroie des séquences difficiles (bien que parfois suggérées) quand de jeunes filles bosniaques sont destinées à être utilisées et vendues comme simple instrument sexuel ou de torture. Parfois même, pour éviter que l'une d'entre elle n'envisage de s'échapper ou dénoncer son tortionnaire, une quidam innocente est simplement exécutée de sang froid pour servir d'exemple à ces comparses à toute tentative d'évasion ou de dénonciation.
Ce fait divers crapuleux ne peut laisser indifférent face à cette industrie véreuse dont la police locale (mais aussi étrangère) ainsi que de hauts dirigeants politiques sont impliquées en toute impunité. L'affrontement à haut risque dont témoigne cette policière solitaire pour tenter d'envoyer en prison ces tortionnaires sadiques dénués de moralité nous achemine dans une descente aux enfers âpre et tendue. Où l'émotion gagne en acuité au fil de son cheminement impitoyablement rigoureux.


Vaillante et pugnace, la prestance de Rachel Weisz au teint naturel sobre s'alloue d'une épaisseur psychologique dans sa requête indéterminée d'extirper de l'enfer une poignée de prostituées terrifiées à l'idée de comparaître en justice pour fustiger leurs oppresseurs. Sa détermination inflexible de se résoudre à renverser certaines hiérarchies immunitaires exacerbe un peu plus ses confrontations déloyales tandis qu'un point d'orgue révélateur nous sera établi de façon inopiné. Féministe engagée dans la dignité humaine, elle affiche également ses craintes indécises de ne pouvoir convaincre certaines filles de s'affranchir à l'asservissement. Ce qui donne lieu à quelques moments poignants comme cette jeune bosniaque réfutant l'assistance de Kathryn, par peur de représailles qui lui pourraient être fatales.


Incarné par des valeurs sûres du cinéma traditionnel (Vanessa Redgrave, Monica Bellucci,William Hope) et dominé par une Rachel Weisz étonnante de frugalité naturelle, The Whistleblower est un réquisitoire éloquent contre l'autorité gouvernementale corrompue à divers échelons. Son sujet sordide traité avec une poignante dimension humaine et mis en scène avec efficience provoque souvent l'indignation face à la réalité des faits constatés dans des exactions immorales. En frondeuse engagée (depuis la sortie du film, le dossier est remis au goût du jour avec sa participation), Larysa Kondracki semble nous avertir que certains de nos membres politiques plus ou moins impliqués à divers réseaux se refusent à dévoiler ouvertement toute forme de tyrannie. Un témoignage édifiant et intolérable qui en dit long sur l'hypocrisie et la bassesse humaine.
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02.02.12.
Bruno Matéï