"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
vendredi 10 février 2012
Blade Runner. (the Final Cut)
de Ridley Scott. 1982. U.S.A. 1h57. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson, Brion James, Joe Turkel, Joanna Cassidy.
Sortie Salles France: 15 Septembre 1982. U.S: 25 Juin 1982
FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus.
D'après un célèbre roman de Philip K. Dick écrit en 1966 (les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), Ridley Scott s'atèle en 1982 d'y retranscrire son univers singulier au coeur d'un Los Angeles dystopique. Quatre ans après son chef-d'oeuvre Alien, il nous transfigure à nouveau une clef de voûte de la SF cyber punk conjuguée au film noir afin d'imposer Blade Runner comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Et ce en dépit d'un sévère échec commercial et critique (l'oeuvre étant avant-gardiste, son rythme languissant et son ambiance ténébreuse terriblement plombante) ainsi qu'une multitude de versions remaniées. Le pitch: Novembre 2019, Los Angeles. Quatre réplicants, androïdes confectionnés par l'homme pour devenir esclaves ouvriers s'échappent de leur planète et reviennent sur terre afin de retrouver leur créateur. Rick Deckard, blade runner renommé, est enrôlé pour retrouver ces fugitifs et les exécuter. Dès les premières images, flamboyantes et crépusculaires, le dépaysement d'un univers futuriste expressif nous est illustré avec une esthétique fulgurante de réalisme ténébreux. Car à travers la plénitude incandescente d'une cité high-tech de Los Angeles, Blade Runner s'ouvre à nous, tel l'orifice d'un oeil azur transpercé d'un brasier industriel. Ce macrocosme démesuré, aussi opaque que polychrome dans sa palette de néons flashys et affiches publicitaires, s'avère d'autant plus hypnotique qu'il s'affilie à l'univers vétuste du polar noir des années 50.
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De par son architecture gothique, son design technologique et le style rétro de certains vêtements fagotés par les flics, Ridley Scott combine la modernité futuriste d'un univers en marasme puis celle antique d'une époque révolue. Le design (en demi-teinte) entres les jeux de lumière high-tech et l'obscurité des foyers tamisés instaurant une ambiance à la fois cafardeuse et sépulcrale alors qu'en externe, sous une pluie battante, ou à la tiédeur d'une nuit récursive, chaque citadin déambule à l'instar de robots impassibles. L'incroyable richesse de ces décors fantasmatiques fignolant le moindre détail architectural, le sentiment tangible de se fondre dans cet univers oppressant culminent à l'oeuvre hybride d'une beauté plastique hallucinée ! Ainsi, à travers cette société aphone en surpopulation incitant les humains à s'exiler vers d'autres planètes, un flic indécis est contraint de traquer quatre réplicants toujours plus conscients de leur condition soumise et de leur trépas à venir. Quand bien même dans les résidences feutrées, certains habitants s'affublent d'un robot domestique afin de compenser leur ennui d'une existence dénuée d'émotions. Camouflés parmi la foule en ébullition, les réplicants sont des androïdes plus vrais que nature par leur physionomie humaine condamnés à vivre un court laps de temps (4 à 5 ans) en tant qu'esclave d'une société totalitaire en perte de repères. Soudainement épris de désespoir face à leur existence précaire, nos quatre fuyards se rebellent afin de retrouver leur créateur sur terre et rallonger éventuellement leur vie.
Au climat à la fois désenchanté et suffocant, scandé du score élégiaque de Vangelis, Ridley Scott dépeint avec souci formel son univers blafard d'un futur hermétique où le sentiment prégnant de solitude se dévoile sous nos yeux auprès d'une populace atone. Et donc, à travers le profil d'un flic équivoque prêt à neutraliser ces robots nantis d'émotions, son cheminement va peu à peu l'initier à l'empathie du point de vue d'une droïde vertueuse et de celui d'un réplicant anarchiste. Au cours de cette traque meurtrière jalonnée de plages de lyrisme funeste (la mort illégitime de Zhora incarnée par l'éminente Joanna Cassidy dans une posture insidieuse ou encore celle, symbolique, de Roy campée par un Rutger Hauer magnétique en ange déchu), le réalisateur traite avec complexité de la dichotomie du Bien et du Mal et de notre nostalgie existentielle à faible lueur d'espoir. De notre amertume et de notre désagrément face à l'atavisme de la mort et de la peur paranoïaque de l'étranger nous motivant à se protéger d'une éventuelle hostilité. L'oeuvre visionnaire (en quête de rédemption) illustrant donc (sans prétention) un monde moribond où chaque être se déshumanise un peu plus au fil de leur routine, et ce au profit d'une société robotisée. Quand bien même des androïdes avides de dignité sont aptes à nous substituer par leur faculté peu à peu émotionnelle et sentimentale. Enfin, Ridley Scott nous s'interroge de manière métaphorique sur le sens de l'existence, sur notre condition humaine si fébrile et dépressive au gré des motivations interlopes d'un créateur alchimiste ou divin lui même perfectible.
Sommes nous des réplicants perfectibles conçus par un apprenti sorcier ?
Autour de la présence iconique d'Harrison Ford à la fois pugnace et réflexif, et l'élégance chétive de Sean Young transie de mélancolie existentielle, Blade runner constitue une expérience de cinéma sensitif, pictural et auteurisante à travers la scénographie urbaine d'une métropole dystopique étrangement fantasmagorique. Sa réflexion spirituelle sur la foi en un dieu apatride et la déliquescence morale de l'homme contrôlée par un système ultra technologique opposant lueur d'espoir et pessimisme bouleversant par le biais d'une traque pour la vérité humaine et existentielle. Un authentique chef-d'oeuvre visionnaire d'une grande fragilité humaine, une oeuvre picturale d'une fulgurance détaillée; un panthéon de la SF métaphysique d'une inépuisable fascination opaque.
*Bruno
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Belle analyse d un chef d œuvre de la SF cyber punk
RépondreSupprimerMerci à vous (également d'avoir pris la peine de me lire) ^^
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