vendredi 27 juin 2014

Brazil

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site sci-fimovieposters.co.uk

de Terry Gilliam. 1985. Angleterre. 2h23 (version intégrale). Avec Jonathan Price, Robert De Niro, Kim Greist, Katherine Helmond, Ian Richardson, Michael Palin, Bob Hoskins, Ian Holm.

Sortie salles France: 20 Février 1985. Angleterre: 22 Février 1985. Canada: 18 Décembre 1985

FILMOGRAPHIE: Terry Gilliam est un réalisateur, acteur, dessinateur, scénariste américain, naturalisé britannique, né le 22 Novembre 1940 à Medicine Lake dans le Minnesota. 1975: Monty Python: Sacré Graal ! (co-réalisé avec Terry Jones). 1976: Jabberwocky. 1981: Bandits, bandits. 1985: Brazil. 1988: Les Aventures du Baron de Munchausen. 1991: The Fisher King. 1995: l'Armée des 12 Singes. 1998: Las Vegas Parano. 2005: Les Frères Grimm. 2006: Tideland. 2009: L'imaginarium du docteur Parnassus. 2013: Zero Theorem.


"Tous les esprits fonctionnent entre démence et imbécilité, et chacun, dans les 24 heures, frôlent ces extrêmes".
Chef-d'oeuvre de Terry Gilliam, Brazil reste son oeuvre la plus folle, la plus fondamentale et la plus sarcastique de toute sa carrière. De par sa thématique pointant du doigt le totalitarisme et par sa frénésie visuelle faisant office de carnaval fantasque, Brazil donne autant le vertige qu'une sensation d'étouffement indécrottable. Le pitchEn essayant de résoudre un problème informatique qui valu l'arrestation d'Archibald Buttle, un bureaucrate sans histoire va rencontrer l'amour avec une frondeuse caractérielle avant de se rendre compte (mais si peu !) qu'il est tributaire d'une société aliénante.  Foisonnant, exubérant, décalé, cauchemardesque, grave, hilarant, romanesque, cruel, Brazil nous jette à la face toute une palette d'émotions contradictoires afin de mieux mettre en exergue le caractère dérisoire d'un futur aussi nocif que blafard. Oeuvre visionnaire habitée par la névrose, la paranoïa et la schizophrénie, Brazil est une peinture au vitriol de nos sociétés modernes déshumanisées, là où la bureaucratie et le capitalisme ont finit par imposer leur hégémonie. Individualistes, privés de sentiments car automatisés par leur paperasse qu'ils impriment à l'aide de machines à écran, les travailleurs de cette mégalopole rétro futuriste ont finit par perdre toute notion de sédition, de raisonnement et de réflexion.


Et ce avec une singularité sans égale du parti-pris formel de Terry Gilliam en pleine possession de son imagination lunaire. A l'exception toutefois des terroristes perpétrant leurs exactions meurtrières dans les restaurants bondés d'une clientèle décatie (mais rafistolée au scalpel chirurgical !) et de quelques insurgés tel ce plombier casse-cou venu prêter main forte à notre duo d'amants. Chargé de décors cafardeux par ses immenses entreprises bétonnées et ses foyers aménagés de conduits et tuyauteries gargantuesques tous azimuts, c'est un périple cauchemardesque que nous dépeint Terry Gilliam à travers le cheminement d'un fonctionnaire avide d'évasion et de romance. Quotidiennement réfugié dans ses rêves édéniques, c'est uniquement par le biais du fantasme qu'il parvient à s'échapper de cette dictature. Jusqu'au jour où la chimère devient réalité par l'entremise de Jill Layton, une frondeuse impétueuse préalablement habituée à vivre en autonomie. Outre son architecture visuelle héritée de l'expressionnisme et des années 30 (notamment la tenue vestimentaire des bureaucrates) et son sens caustique d'une dérision cruelle, la force du récit émane du contraste établi entre les délires fantaisistes du bureaucrate plongé dans une aventure illusoire et la gravité des situations réelles laissant transparaître une amertume profondément cruelle (l'épilogue reste à ce titre implacable à travers son refus de rédemption !).


Le Jour des Fous

Parfois épuisant à suivre de par sa folie progressive en crescendo, Brazil s'avère peut-être trop généreux à travers son trop plein d'imagination et son panel d'émotions éclectiques afin d'y dénoncer avec une fulgurance inégalée une propagande fasciste. Pour autant, cette sarabande inscrite dans l'exubérance en roue libre et le dépaysement claustrophobe insuffle une grande émotion auprès de son vibrant plaidoyer pour la liberté, hymne désespéré au rêve, à l'évasion (bel hommage au cinéma d'antan par ailleurs) et à l'amour. Une oeuvre unique, d'utilité publique, à revoir absolument au fil de notre évolution existentielle cyclique. 

*Bruno Matéï
13.05.22. 4èx

jeudi 26 juin 2014

Under the Skin

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jonathan Glazer. 2013. Angleterre. 1h47. Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan, Krystof Hadek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland, Scott Dymond, Jeremy McWilliams.

Sortie salles France: 25 Juin 2014. U.S: 4 Avril 2014

FILMOGRAPHIE: Jonathan Glazer est un réalisateur anglais, né en 1966.
2000: Sexy Beast. 2004: Birth. 2013: Under the Skin.


"Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien." David Lynch.

Dans le secteur privé des E.T prenant notre apparence humaine afin de se fondre dans la population pour apprivoiser notre planète, nous avions eu droit à quelques ovnis tels que Borrower, le voleur de tête ou encore The Brother from another Planet. En l'occurrence, le réalisateur du méconnu mais remarquable Birth nous invite à une expérience ineffable. Une épreuve contemplative si obsédante qu'après le générique de fin nous ressentions l'étrange sensation d'avoir vécu quelque chose d'intime avec "l'autre". Dans la mesure où notre psyché s'est littéralement laissée aller à l'abandon d'une épreuve ésotérique parmi l'errance d'une humanoïde. PitchUne jeune femme qu'on imagine débarquée d'une autre planète aguiche des citadins écossais pour s'en débarrasser l'instant d'après. Parmi elle, un geôlier en moto kidnappe également certaines victimes pour les lui offrir. Ce pitch linéaire, Jonathan Glazer l'étale sur une durée d'1h47 au fil des rencontres impromptues que la jeune femme s'accorde. Si les raisons pour lesquelles elle séduit les hommes pour s'en débarrasser ensuite nous ait jamais divulgué, l'intérêt d'Under the Skin est ailleurs.


Un peu à la manière hermétique d'Eraserhead, il ne faut pas chercher une quelconque explication à ce que nous voyons et subissions, mais plutôt se laisser happer par une expérimentation cinégénique que le réalisateur maîtrise dans l'art visuel et sensitif. Tant du point de vue formel avec ces visions opaques ou psychédéliques jamais vues autrement (en cela, Jonathan Glazer se porte en créateur d'images !) que du point de vue sensoriel avec cet environnement climatique réfrigérant où la nature suinte de ses pores. Durant le cheminement hasardeux de la visiteuse, le film ne cesse de distiller un malaise trouble lorsqu'elle s'adonne à la drague pour aborder par exemple un quidam malformé lorsqu'elle laisse à l'abandon une famille submergée par les vagues ou lorsqu'elle entraîne ces victimes au sein d'un tanière faisant office d'abîme minérale. Attisés par sa sexualité charnelle, la manière transie dont les hommes dénudés se laissent envahir par l'eau sans pouvoir contester leur insuffle une impuissance irrésistible. Exacerbés de l'incroyable score dissonant de Mica Levi et de la posture lascive de Scarlett Johansson, ces séquences onirico-cauchemardesques sont parmi les plus ensorcelantes qu'on ait vues depuis longtemps au cinéma, quand bien même le châtiment agrée à certaines victimes nous laisse pantois d'inconfort ! (sans trop en dévoiler, il y est question de liquéfaction !). Outre la maîtrise de la mise en scène oscillant la facture du reportage (toutes les séquences urbaines où la population semble filmée contre leur gré et les entretiens qui s'ensuit avec les amants d'un soir) et l'irrationnel opaque (les expérimentations visuelles, la quête indécise de l'E.T face aux rapports humains), Under the Skin tire notamment parti de son pouvoir ensorcelant en la présence de Scarlett Johanssone. Symbolisant la séduction d'une femme voluptueuse mais taciturne et sans compassion car n'éprouvant pas le sentiment au prime abord, elle traverse le film à la manière du nouveau-né découvrant peu à peu un nouveau monde où sa peur finira par éclore.


Phantasm
Si vous souhaitez éprouver l'expérience sensorielle du "bad trip" originaire d'une drogue synthétique, Under the Skin est conçu pour vous provoquer cette sensation éperdue d'ailleurs et d'incompréhension. Ou plus viscéralement vous faire participer à une expérience cinématographique comparable à l'avènement existentiel d'une seconde naissance. Attention toutefois à la hantise des effets secondaires.

*Bruno

mercredi 25 juin 2014

Au-delà du Réel / Altered States

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

de Ken Russell. 1980. U.S.A. 1h45. Avec William Hurt, Blair Brown, Bob Balaban, Charles Haid, John Larroquette, George Gaynes, Olivia Michelle.

Sortie salles France: 30 Septembre 1981. U.S: 25 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Réalisé par le visionnaire (fou) Ken Russel, Au-delà du Réel n'a pas usurpé son statut de film culte à l'aube des années 80, même si aujourd'hui il fait gage de discrétion chez les amateurs. C'est donc une épreuve métaphysique que nous relate ici le réalisateur afin de démystifier les secrets de la vie du point de vue d'un anthropologue. Le pitchEntassé à l'intérieur d'un caisson, Edward Jessup fantasme à plein régime après avoir absorbé une puissante drogue hallucinogène ramenée du Mexique. Hanté par des visions mystiques de Dieu et des forces obscures (image dantesque de l'enfer à l'appui !), il se résigne à découvrir l'origine de la vie au travers de sa conscience. Mais un jour, alors qu'il perpétue une nouvelle séance, son corps se met subitement à régresser génétiquement à l'instar d'une transformation simiesque. Trip expérimental afin de méditer sur l'intérêt de notre existence (celui de l'amour nous évoquera le héros en guise d'épilogue !), Au-delà du Réel allie science-fiction, romance et fantastique à l'aide d'un pitch digne d'un épisode de la 4è Dimension


Inévitablement fascinant et passionnant de par ces thématiques abordées et sa fulgurance psychédélique, le cheminement scientifique d'Edward (William Hurt, transi d'émoi en anthropologue obstiné !) nous confine dans l'expérience ésotérique la plus insensée de l'histoire ! Ainsi, par l'ossature habile d'un récit toujours plus inquiétant, Ken Russel insuffle mystère insondable et épreuves palpitantes lorsque Edward est confronté aux diverses hallucinations jusqu'à ce que son corps en pâtisse, car génétiquement modifié ! Réduit à la taille d'un primate velu, il faut le voir déambuler dans les rues nocturnes pour tenter de débusquer une biche afin de s'y nourrir. Mais par l'entremise de cette drogue hallucinogène inconnue, notre chercheur va non seulement jouer aux apprentis sorciers afin de débusquer Dieu mais également ramener de l'au-delà un autre univers sous la pression d'une masse d'énergie ! Visions oniriques du néant et de la lumière divine, Au-delà du réel demeure un voyage au coeur de l'inconnu, celui d'un abîme hermétique, l'ultime moment de terreur qu'est le début de l'existence ! Ainsi, à travers l'obsession d'un homme destiné à aller jusqu'au bout de ses ambitions pour embrasser l'absolu, c'est également le projet d'une révolution scientifique qui pourrait à jamais réconcilier la foi de l'homme ou, au contraire, lui faire perdre la raison. Dès lors, la rédemption de l'amour et la réalité tangible du moment présent restent les valeurs bien-fondé afin de préserver notre équilibre mental.


L'ultime vérité, c'est qu'il n'y a pas de vérité ultime.
Au-delà de sa réflexion sur l'orgueil de la science et de son étude métaphysique laissant fusionner un florilège d'images hallucinées (FX adroits à l'appui !), Au-delà du Réel s'érige notamment en poème d'amour à travers la destinée d'Edouard et d'Emily. Débridé et ensorcelant, c'est finalement une expérience avec nous même que nous confronte Ken Russel si bien que la vérité sera imprimée dans notre "moi conscient". 

*Bruno
4èx



mardi 24 juin 2014

Sisters

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

de Douglas Buck. 2006. U.S.A. 1h32. Avec Lou Doillon, Stephen Rea, Chloe Sevigny, William B. Davis, Gabrielle Rose, Whittni Wright, Talia Williams, Rachel Williams, Erica Van Briel.

Sortie Dvd: 2 Octobre 2008

FILMOGRAPHIE: Douglas Buck est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 Septembre 1966. 2003: Prologue. 2003: Family portraits. 2006: Sisters. 2011: The Theatre Bizarre (The Accident).


En 2006 sort dans l'indifférence générale, et en catimini chez nous puisque directement passé par la case Dvd, Sisters, remake du classique éponyme de Brian De Palma. Outre le refus du copié-collé, l'intérêt de cette déclinaison "moderne" émane de son ambiance aussi terriblement malsaine qu'oppressante et de ces thématiques beaucoup mieux développées chez Douglas Buck. Réalisateur iconoclaste déjà responsable du dérangeant Family Portrait (une anthologie de 3 courts illustrant la frustration existentielle de familles ricaines) et du segment, The Accident (poème bouleversant sur l'injustice de la mort) entraperçu dans le film à sketch, The Théâtre Bizarre, Douglas Buck cherche à provoquer le spectateur avec un réalisme acéré. Dérive cauchemardesque au confins de la folie schizophrène, Sisters relate l'épreuve psychologique de deux soeurs siamoises qu'elles endurent à propos d'un traitement médicamenteux illégal prescrit par l'inquiétant docteur Lacan. Le pitchEprise d'affection pour un jeune médecin lors de sa visite en clinique, Angélique l'entraîne quelques heures plus tard dans l'intimité de sa demeure. Le lendemain, après avoir couché ensemble et commandé un gâteau d'anniversaire, l'amant se fait sauvagement assassiné par la probable soeur jumelle d'Angélique. Témoin du meurtre, une journaliste scrupuleuse entame une investigation de longue haleine avec l'entraide d'un de ses proches collègues.  Film d'horreur clinique entièrement dédié à son ambiance austère, Sisters provoque déjà une aura trouble dès le prologue illustrant un spectacle pour enfants sous une autorité adulte, et ce dans le jardin d'un établissement psychiatrique. En filmant avec attention les jeux de regards équivoques échangés entre Angélique, le jeune médecin et le docteur Lacan, Douglas Buck y distille une atmosphère anxiogène qui ne fera qu'amplifier au fil du cheminement psychologique des soeurs siamoises. 


La première partie insufflant avec habile maîtrise un climat éthéré de tension autour de la relation amoureuse amorcée entre Angélique et le jeune médecin, ce dernier ne cessant de suspecter son comportement versatile. La caméra s'attarde ensuite sur les corps charnels avec sensualité mais aussi avec fascination viscérale mêlée de répulsion lorsque celui-ci caresse de ses doigts l'étrange cicatrice d'Angélique (on se croirait chez Cronenberg). Qui plus est, afin d'accentuer le côté voyeuriste, des caméras de video-surveillance sont installées dans chaque pièce de l'appartement afin que le docteur Lacan puisse espionner les faits et gestes d'Angélique et d'Annabelle. Pour la séquence du meurtre qui s'ensuit, Douglas Buck coordonne un suspense haletant autour du personnage de la journaliste, Grace Collier, imbriquée dans trois situations alertes. Celle de sa fouille illégale opérée chez le docteur Lacan, celle d'assister impuissante à l'agonie du médecin située à la fenêtre de l'appartement d'en face, et enfin celle de tenter de convaincre deux policiers qu'un homicide vient d'être commis. L'interrogatoire qu'elle tentera de pratiquer auprès d'Angélique pour lui soutirer une info s'avère notamment équivoque lorsque cette potentielle coupable hésite à dénoncer la vérité. La suite des évènements tire parti des profils psychologiques établis entre les soeurs siamoises, dissociées entre le Bien (Angélique) et le Mal (Annabelle), quand bien même Grace Collier entamera une investigation approfondie au sein de l'établissement psychiatrique. Ainsi, à l'aide d'un climat de malaise péniblement malsain et exponentiel, Douglas Buck nous entraîne dès lors dans un cauchemar schizophrène où illusion et réalité s'entrecroisent. Spoiler ! Celles de visions hallucinogènes manifestées par l'esprit intoxiqué de l'enquêteuse. Un sentiment prégnant de démence va alors lentement se distiller à travers son esprit afin de se confondre avec l'identité d'Annabelle et ainsi venger sa mort Fin du Spoiler. En déflorant un secret de famille, le réalisateur nous assène l'horrible vérité d'une liaison amoureuse compromettante où les thématiques du double, de la hantise, de la pédophilie, du traumatisme, de la toxicomanie et de la schizophrénie nous questionnent sur la responsabilité morale d'Angélique ainsi que son rapport intime avec la chair (Cronenberg n'est encore pas loin).


La Chair et le Sang
De par la densité d'une intrigue dérangeante entièrement dédiée aux profils torturés d'une relation siamoise, Douglas Buck entretient le mystère et laisse ensuite éclater la vérité autour d'une idylle pervertie par la chair et le sang. Superbement campé par un trio d'acteurs au charisme contrarié (Lou Doillon, Stephen Rea et Chloe Sevigny forment un trio indéfectible !), Sisters distille un malaise éprouvant proche de l'asphyxie de par leurs liaisons imposées. Ainsi donc, autour de leur dérive meurtrière et l'amertume d'une conclusion quasi surnaturelle y découlent une réflexion sur l'influence des sentiments, le pouvoir de persuasion, l'exploitation médicale et notre part indissociable du bien et du mal combiné dans un même corps. Un cauchemar baroque faisant office d'objet maudit (bien que la revue Mad Movies le défendit bec et ongle lors de son exploitation Dvd), à réserver à un public adulte, notamment auprès de son imagerie sanglante de dernier ressort franchement malaisante. 

*Bruno
23/12/23. Vostfr
24/06/14
22/12/11

 


lundi 23 juin 2014

THE RAID 2: BERANDAL

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Gareth Evans. 2014. Indonésie. 2h28. Avec Iko Uwais, Tio Pakusodewo, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra.

Sortie salles France: 23 Juillet 2014. Indonésie: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Gareth Evans est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
2006: Footsteps. 2009: Merantau. 2011: The Raid. 2013: V/H/S 2 (segment "Safe Haven"). 2014: The Raid 2. 2015: The Raid 3.


Après la révélation The Raid, découverte en 2011, Gareth Evans remet le couvert avec une suite encore plus ambitieuse dans son lot de bastons et cascades ébouriffantes où l'intrigue gagne légèrement en profondeur et où l'esthétisme se fait plus stylisé. Après les évènements du précédent volet, le jeune flic Rama est à nouveau recruté pour une dangereuse mission, celle d'infiltrer un clan mafieux de Jakarta. Pour cela, il doit purger une peine de prison afin d'approcher Uco, le fils d'un leader indonésien. Etalé sur une durée excessive de 2h30, Gareth Evans prend son temps à bâtir une intrigue éculée en mettant en place une galerie d'antagonistes issues de la pègre locale et de la corruption policière. Celle des mafias et des yakuzas érigés sous l'allégeance de magnats du crime organisé.


Pour la conduite du récit, si elle s'avère sans surprise et se focalise sur la lutte de clans mafieux que notre héros tente de piéger, la caractérisation des personnages d'Uco et de son père est le centre d'intérêt dans leur rapport de divergence qui entraînera une déroute. S'il y avait au préalable un code de conduite à respecter au sein de leur tradition criminelle, Uco va oser transgresser cette loi avec une audace inédite dénuée de vergogne. Ce jeune tueur d'apparence distinguée est l'attraction principale du film puisqu'il s'avère inévitablement détestable dans son comportement sournois et mégalo, quand bien même ses exactions criminelles (trancher la gorge à 5 otages en toute décontraction !) nous provoquent dégoût et injustice. Si la direction d'acteur aurait mérité à être perfectible, notamment le héros trop discret dans son attitude mutique, les comédiens endossant les rôles de méchants réussissent néanmoins à imposer une stature fielleuse dans leur costard tacheté de sang ! Si le réalisateur n'improvise pas une grosse tension autour du sort réservé à Rama s'il était amené à se faire épingler par ses alliés, le coup de théâtre improvisé à mi-parcours déploie une vigueur vertigineuse lors d'une réaction en chaîne d'incidents meurtriers. Avec l'efficacité de l'action encourue et l'agilité d'une réalisation aussi virtuose qu'inventive, le réalisateur se déchaîne à étaler quotidiennement des séquences de bastons furieusement dantesques. D'une barbarie inouïe dans son ultra violence générée, les confrontations physiques perpétrées à main nue ou à l'arme blanche nous donnent le vertige par la rapidité des coups assénés, quand bien même l'audace visuelle déploie souvent un gore décomplexé. Toutes ses séquences clefs chorégraphiées avec une fluidité inédite dans des décors parfois restreints (ceux d'une allée de couloir, de l'intérieur d'une voiture, d'un compartiment ou d'une cellule de prison !) n'ont aucune peine à figurer dans les anthologies de bastonnades les plus sauvagement exécutées sur un écran !


En dépit d'une intrigue et d'une psychologie sommaires ainsi qu'une direction d'acteurs amendable, The Raid 2 est suffisamment bien troussé par sa réalisation alerte déployant avec efficacité moult séquences d'action au paroxysme de l'ultra violence. Rien que pour cette démesure d'affrontements sanglants souvent régis en masse, The Raid 2 fait office de spectacle frénétique !

Bruno Matéï


vendredi 20 juin 2014

HAPPY BIRTHDAY (Happy Birthday to me)

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Jack Lee Thompson. 1981. Canada. 1h52. Avec Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland.

Sortie France: 06 Janvier 1982, sortie U.S: 15 Mai 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: J. Lee Thompson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada).
1961 : Les Canons de Navarone, 1962 : Les Nerfs à vif , Tarass Boulba, 1972 : La Conquête de la planète des singes, 1973 : La Bataille de la planète des singes, 1974 : Huckleberry Finn, 1978 :L'Empire du Grec,1979 : Passeur d'hommes,1980 : Caboblanco , 1981 : Happy Birthday to Me, 1983 :Le Justicier de minuit , 1984 : L'Enfer de la violence, 1984 : Chantage en Israël , 1985 : Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon, 1986 : La Loi de Murphy ,1986 : Firewalker. 1987 : Le justicier braque les dealers,1988 : Le Messager de la mort , 1989 : Kinjite, sujets tabous.


En plein essor du slasher inauguré par Halloween et Vendredi 13, Happy Birthday exploite le filon avec l'efficacité d'une intrigue un peu plus substantielle que la traditionnelle. Imperméable au genre, on est surpris de retrouver derrière la caméra l'aimable vétéran Jack Lee Thompson, maître d'oeuvre des Canons de Navarone et d'une flopée de films d'auto-défense incarnés par son acteur fétiche, Charles Bronson. Mais ce n'est pas tout, aussi improbable que cela puisse paraître, les comédiens Glenn Ford et Melissa Sue Anderson sont également de la partie pour s'afficher ici dans le genre horrifique avec décontraction. D'ailleurs, le charme suave de l'interprète de la Petite Maison dans la Prairie doit beaucoup au facteur psychologique du film en dépit de clichés et certaines maladresses narratives. Alors qu'un mystérieux tueur frappe un à un les amis de Virginia, celle-ci consulte son médecin du fait de sa fragilité psychologique. En effet, depuis un terrible évènement antérieur, elle souffre d'un traumatisme lui empêchant de retrouver la mémoire. Qui plus est, sujette à des visions et cauchemars morbides, elle finit par se persuader qu'elle pourrait être l'assassin. 


Avec son pitch classique utilisant situations éculées et personnages stéréotypés, Happy Birthday n'échappe pas à la redite lors de sa première partie puisque le réalisateur ne cesse de miser sur la suspicion des faux suspects sans aucune notion de suspense. Le spectateur ayant une longueur d'avance pour deviner que le potentiel coupable ne peut pas être l'inévitable auteur des homicides. Néanmoins, sans jamais céder à l'ennui, et grâce à la fragilité névrosée de l'héroïne, on suit l'intrigue avec intérêt pour tenter de comprendre les aboutissants de son ancien traumatisme et les implications éventuelles de ses proches amis. Si la psychologie sommaire des personnages secondaires n'échappe pas à la caricature, ils s'avèrent tout de même sympathiques dans leur naïveté à se chamailler et s'éclater dans la bonne humeur en se jouant communément de farces macabres. Passé les premiers meurtres en série plutôt inventifs (prioritairement le coup des altères sur l'haltérophile et celui, anthologique, de la brochette plantée dans la gorge !), l'action se concentre davantage sur le profil torturé de Virginia avec l'entremise du fidèle médecin. L'empathie qu'on lui éprouve est alors inévitable puisque la jeune fille se retrouve piégée dans la tourmente de sa paranoïa avec toujours plus d'instabilité malgré son soutien médical et paternel. Le film adopte alors un rythme et un suspense plus intenses qui ira crescendo jusqu'à la fameuse révélation de son passé traumatique ainsi que l'identité du vrai coupable. Avec l'ironie macabre d'une fête d'anniversaire, Jack Lee Thompson honore le tableau grand guignolesque d'une réunion mortuaire et parachève son épilogue en usant d'un ultime coup de théâtre. Si cette digression n'avait pas vraiment besoin d'en rajouter dans l'inattendu, elle s'avère tout de même plausible SPOIL !!! si on accepte que la vraie coupable réussissait à duper son entourage à l'aide d'un ingénieux masque de latex. Fin du spoil.


En dépit des clichés traditionnels au genre, d'une première partie sans surprises et d'un twist en demi-teinte, Happy Birthday trouve son rythme et son intérêt dans une bonne intrigue où la fragilité psychologique de l'héroïne prime plus que l'effet choc. Avec une certaine indulgence et un peu de nostalgie, il demeure même l'un des meilleurs représentants du psycho-killer des années 80. 

Dédicace à Gérald Giacomini
Bruno Matéï
4èx

jeudi 19 juin 2014

Phase IV. Prix spécial du jury à Avoriaz, 1974.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site the-drone.com

de Saul Bass. 1974. U.S.A. 1h24. Avec Michael Murphy, Nigel Davenport, Lynne Frederick, Alan Gifford, Robert Henderson.

Sortie salles France: 1 Septembre 1975. Box Office France: 745 779 entrées

Récompense: Prix Spécial du Jury au Festival d'Avoriaz, 1974.

FILMOGRAPHIE: Saul Bass est un graphiste et réalisateur américain, né le 8 Mai 1920 à New-York, décédé le 25 Avril 1996 à Los Angeles.
1974: Phase 4.


Grand classique de la science-fiction des années 70, Phase IV reste l'unique réalisation de Saul Bass, graphiste attitré d'Otto Preminger et d'Hitchcock (c'est à lui que l'on doit le générique de Psychose ainsi que la conception de la fameuse séquence de la douche). Dans la mouvance des invasions d'insectes mutants parfois atteints de gigantisme (les Insectes de feu, Ants, The Savages Beesl'Empire des fourmis géantes), Phase IV joue la carte de sobriété à valeur pédagogique avec refus d'esbroufe grand-guignolesque. Car ici prime l'aspect scientifique d'un duo de savants observant à l'aide d'ordinateurs les différentes colonies de fourmis prochainement aptes à envahir notre civilisation. Réfugiés dans leur laboratoire au milieu d'un désert, ils tentent d'entrer en contact avec elles afin d'établir en amont une communication pacifiste. Mais par le biais d'une entité extra-terrestre, les fourmis éprises d'égotisme n'ont comme seul dessein de vouloir nous dominer afin de régir un nouveau monde. C'est donc une lutte sans merci que doivent se livrer l'homme et l'insecte avant que la catastrophe annoncée n'entre en phase IV ! 


Dépourvu du moindre effet-spécial afin de caractériser la morphologie des fourmis (elles se révèlent authentiques dans leur apparence minuscule mais amplifiées par une vision microscopique afin de mieux cerner leur évolution et diverses stratégies), Saul Bass nous décrit avec souci documentaire un scénario catastrophe aussi fascinant qu'inquiétant. Durant 1h20, nous sommes reclus en interne d'un labo scientifique où deux savants paranos ainsi qu'une jeune rescapée vont pratiquer toutes sortes d'expériences afin d'étudier la nouvelle déontologie des fourmis et avant d'essayer de les anéantir. Toujours plus nombreuses, coriaces et combatives, car dirigées par une reine redoutablement perfide, ces insectes n'auront de cesse de surmonter les obstacles et défier la volonté de l'homme grâce à leur redoutable intelligence. Avec peu de moyens mais des idées retorses et formelles ainsi que l'atout de rendre réaliste un scénario catastrophe à la limite du plausible, Phase IV déroute notre inconscient et trouble notre imaginaire à observer cette guerre d'un nouveau genre où l'insecte semble beaucoup plus érudit que l'homme afin de le remplacer. SPOIL!!! Ou tout du moins fonder la nouvelle race d'une symbiose homme/insecte (sans en connaître le véritable but !) comme le laisse sous-entendre son étonnante chute finale ! Fin du SPOIL.


Fascinant et passionnant par son caractère scientifique où l'aspect documentaire prend le pas sur la fiction, baroque et insolite dans ses plages de poésie métaphysique, Phase IV préconise le pouvoir de suggestion avec l'entremise d'un microcosme où l'infiniment petit est apte à nous conquérir. Avec son atmosphère solaire presque surnaturelle d'où plane la sensation d'une fin d'un monde, Saul Bass nous interpelle sur la hiérarchie des fourmis, leur nombre surélevé (il y aurait plus de 12000 espèces dans le monde), leur sens de communication et leur capacité à déchiffrer les énigmes.   

Bruno Matéï
3èx