jeudi 21 mai 2015

PHANTASM. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 80.

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Don Coscarelli. 1979. U.S.A. 1h32. Avec Michael Baldwin, Bill Thornbury, Reggie Bannister, Kathy Lester et Angus Scrimm.

Sortie salles France: 4 Juillet 1979

FILMOGRAPHIE: Don Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie).
1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm1982: Dar l'invincible
1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. 2012: John Dies at the end.


La dédramatisation du trépas du point de vue fantasmatique d'un adolescent.
Pour son troisième long-métrage, le néophyte Don Coscarelli frappe un grand coup dans le paysage fantastique avec un film à petit budget récompensé du Prix Spécial du Jury à Avoriaz puis célébré dans les vidéo-clubs au tout début des années 80. Pour classifier le contenu de Phantasm, on peut stipuler qu'il s'agit d'un croisement entre le conte horrifique, le fantastique et la science-fiction, à l'instar de son dernier acte désincarné révélant l'origine du Tall Man et de ses esclaves. Son succès commercial s'avère d'ailleurs si payant que trois suites inégales seront réalisées avec plus ou moins d'efficacité. Un adolescent et son frère aîné sont la cible d'évènements étranges dans le funérarium de leur contrée après qu'un de leur ami fut retrouvé assassiné. Un croque-mort patibulaire, une sphère volante et une communauté de nains intentent à leur tranquillité. Dès le préambule fantasmatique par l'aura trouble qui s'y dilue au sein d'une nécropole nocturne, un meurtre à l'arme blanche est perpétré auprès d'un individu par une pulpeuse aguicheuse. Nous faisons ensuite connaissance avec les amis du défunt, Jodie et Mike, deux frères déjà bien endeuillés par la disparition de leurs parents. Alors que l'aîné délaisse son frère pour tenter de conquérir la femme, Mike s'offusque à ce qu'il lui soit soutiré en s'efforçant impertinemment de le pister. C'est après l'inhumation de leur ami Tommy que Mike est témoin d'un acte improbable: l'apparence spectrale d'un croque-mort dérobant le cercueil du défunt pour le stocker dans le coffre d'un corbillard.
                                     
                          
Canaliser la peur pour vaincre la douleur.
Epaulé d'une partition onirique entêtante, Don Coscarelli s'est entrepris avec Phantasm de nous bâtir un univers macabro-surnaturel hors des sentiers battus. Par la démarche investigatrice d'un adolescent angoissé à l'idée d'être abandonné et de perdre son frère, un univers opaque se matérialise sous l'impulsion de sa jalousie et sa paranoïa. Spoiler ! Dans son esprit tourmenté, le directeur d'un funérarium enlève des cadavres pour les réduire à la taille de gnome afin de les confiner en esclavage vers sa planète lointaine. Durant le cheminement de Mike émaillé d'incidents à répétition et de rencontres macabres, et par l'influence de son imaginaire débordant, c'est une lutte contre ses propres démons qu'il est contraint de combattre afin de canaliser sa peur morbide depuis la tragique disparition de sa famille. Fin du Spoil. Les vicissitudes baroques et débridées que ce dernier doit parcourir, Don Coscarelli les matérialisent avec un sens créatif vertigineux et un climat de mystère ensorcelant par sa scénographie mortifère. Notamment par le biais d'une structure narrative elliptique brouillant parfois les repères du présent et du passé pour mieux nous égarer dans un dédale cauchemardesque. Que ce soit l'hostilité d'une sphère volante, foreuse de cerveau, la mutation d'un doigt en insecte, le camouflage de nabots erratiques et l'entrée dimensionnelle vers une planète rouge, Phantasm est une invitation au voyage, un périple initiatique vers l'acceptation du deuil qui entraînera la maturité du jeune héros. Les portes d'une nouvelle dimension nous sont donc ici ouvertes par l'entreprise d'une morgue afin de conjurer nos affres et nos névroses imparties au mystère de l'inconnu ! L'inaccessibilité de l'absolu ! En pionnier du fantastique contemporain, Don Coscarelli ne manque pas non plus d'humour noir parmi l'excentricité de ces créatures malfaisantes tout en alternant avec l'alchimie érotique du corps féminin mis en valeur pour la curiosité d'un ado en éveil sexuel. Niveau prestance iconique, personne ne peut oublier le rictus diabolique d'Angus Scrimm dans celui du Tall Man, figure singulière du Boogeyman dans son imposante fonction de croque-mort à la lourde démarche. Outre les seconds-rôles attachants qui accompagnent le jeune Mike, A. Michael Baldwin endosse avec beaucoup de naturel la fragilité innocente d'un adolescent en berne contraint de refréner son traumatisme du deuil avec une bravoure expansive.
                                       

La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille.
Par son pouvoir de fascination régi autour d'une scénographie mortuaire et le brassage hétéroclite des genres détournés, Phantasm s'édifie en chef-d'oeuvre du fantastique moderne, hymne universel au rêve, à la spiritualité et à l'approbation de la mort. L'intelligence métaphorique du scénario, l'univers onirico-macabre qui y est dépeint avec créativité endémique et son inoubliable mélodie obsédante acheminant Phantasm à la jouvence éternelle. Les amoureux transis d'émoi de bizarrerie ne se sont d'ailleurs jamais remis d'une expérience aussi irrationnelle pour consentir la fatalité de la mort, ou l'illusion de l'existence ! 

06.07.11.  5 (186 vues)
21.05.15.  6èx
Bruno Matéï.


mercredi 20 mai 2015

TRUE ROMANCE

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Tony Scott. 1993. U.S.A. 2h00. Avec Christian Slater, Patricia Arquette, Michael Rapaport, Christopher Walken, Dennis Hopper, Saul Rubinek, Bronson Pinchot, Samuel L. Jackson, Gary Oldman, Brad Pitt, Val Kilmer, James Gandolfini, Chris Penn, Tom Sizemore, Michael Beach, Frank Adonis.

Sortie salles France: 3 Novembre 1993. U.S: 10 Septembre 1993

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre,1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable..


Echec commercial lors de sa sortie, True Romance finit néanmoins par accéder au rang de film-culte chez les cinéphiles aguerris d'une ultra-violence aussi corrosive que cartoonesque. Scénarisé par Quentin Tarantino dont on reconnait bien là la verve de ses dialogues satiriques, True Romance se rapproche plus d'une déclinaison de Sailor et Lula dans le portrait marginal du couple d'amants et les conséquences de leur corruption, que du mythique Bonnie and Clyde auquel l'affiche française prêtait allusion. Tony Scott ne lésinant pas sur le caractère sanglant des règlements de compte et passage à tabac (à l'instar du mémorable corps à corps barbare entre Alabama et un tueur misogyne !) dans un esprit sardonique où l'humour noir fait des étincelles. 


Clarence, vendeur de comics, fan d'Elvis et de films de Kung-Fu, établit la rencontre d'une escort-girl, Alabama, en pleine séance de cinéma. Emportés par le coup de foudre, ils décident rapidement de se marier avant que Clarence ne se décide d'aller récupérer les affaires de son épouse chez son ancien mac, Drexl Spivey, et de le supprimer. Après la mortelle altercation, Clarence s'empare par mégarde d'une valise bourrée de Coke. Sans le sou, le couple décide par le biais d'un ami de revendre la drogue auprès d'un producteur d'Hollywood. Jouissif et trépidant dans son intrigue à revirements, quiproquos et rencontres inopportunes auquel la violence aride éclate de manière brutale, hilarant dans sa galerie fantaisiste de malfrats déjantés auquel d'illustres comédiens se prêtent au jeu avec ferveur (mention spéciale pour le numéro anthologique que Christopher Walken insuffle dans sa posture parodique de parrain sicilien !), True Romance s'instaure en plaisir de cinéma malotru. Notamment pour la caricature assignée aux financiers véreux d'Hollywood, l'hommage attendrissant invoqué à la Pop-Culture et son goût pour la farce caustique auquel la fourberie de certains antagonistes dévoile l'envers d'une industrie cinématographique rongée par le cynisme et la cupidité. Par sa facture exotique (le cadre ensoleillé des palmiers de Los Angeles) et le vent de charme et fraîcheur que le couple Christian Slater / Patricia Arquette laisse planer avec fougue passionnelle, True Romance allie tendresse et trépas dans un cocktail acidulé d'hystérie collective (fusillade paroxystique à l'appui !). 


Soutenu par la bande-son exaltante d'un Hans Zimmer particulièrement inspiré par les sonorités tropicales, True Romance transfigure la romance criminelle par le biais du polar brutal auquel les réparties inventives et la galerie effrontée des comédiens participent autant à son attrait de séduction ! Classique moderne du genre, cette "vraie" romance (adoubée par Tarantino himself pour l'alternative du happy-end de Scott !) reste aujourd'hui toujours aussi pétillante et pétaradante ! 

Bruno Matéï
3èx

    mardi 19 mai 2015

    Class 84

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

    Class of 1984 de Mark Lester. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Perry King, Merrie Lynn Ross, Timothy Van Patten, Roddy McDowall, Stefan Arngrim, Michael J. Fox, Keith Knight, Lisa Langlois.

    Sortie salles France: 29 Septembre 1982. U.S: 20 Août 1982. Interdit au - de 18 ans lors de sa sortie.

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Mark Lester est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 26 Novembre 1946 à Cleveland, Ohio. 1971: Twilight of the Mayas. 1973: Steel Arena. 1982: Class 84. 1984: Firestarter. 1985: Commando. 1986: Armé et Dangereux. 1990: Class of 1999. 1991: Dans les Griffes du Dragon Rouge. 1996: Public Ennemies. 2000: Blowback. 2000: Sacrifice (télé-film). 2000: Guilty as Charged (télé-film). 2002: Piège sur Internet. 2003: Trahisons. 2003: Ruée vers la Blanche. 2005: Ptérodactyles.


    L'année dernière, dans les collèges américains, 280 000 incidents avec violence ont été perpétrés par des étudiants à l'encontre de professeurs ou d'élèves. 
                                                                        Malheureusement... 
                                                Ce film est basé sur des évènements réels.
                                                                        Heureusement... 
                                                Très peu d'écoles sont à l'image de "Lincoln High".
                                                                                  ... Pour l'instant.

    Voilà ce que nous pouvions lire en guise d'intro avant que le générique y imprime en gros caractères rouges le fameux logo prémonitoire: Class 1984 ! Film culte de toute une génération, comme le souligne également son gros succès en salles et en Vhs, et ce malgré son interdiction au moins de 18 ans, Class 1984 doit sa réputation à la frénésie de son ultra-violence que Mark Lester exploite dans le cadre de la série B avant de décrier en filigrane la flambée inquiétante de la délinquance scolaire. Les flics instaurés à l'entrée des établissements faisant office de geôliers afin de détecter armes blanches et armes à feu que certains lycéens oseraient planquer sous le manteau avant d'aller rejoindre les cours.


    Habité d'une ultra-violence aussi gratuite que putassière, tant pour les exactions dévergondées de nos quatre antagonistes que pour la riposte de professeurs incapables de refréner leur rancoeur, le film se permet en outre d'aborder le thème de l'auto-défense par le biais d'un final grand-guignolesque ancré dans toutes les mémoires. Ou lorsqu'un enseignant forcené aura décidé de se faire justice pour trouer la peau à quatre ado ayant violé puis kidnappé sa femme ! Sauf qu'en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une traditionnelle vengeance comme on a coutume de voir dans les Vigilante Movies, Andrew  Norris s'efforçant avant tout de retrouver sa femme en VIE avant de tenter d'assassiner avec prévention ses oppresseurs ! D'une efficacité et d'une tension exponentielles quant à la confrontation impitoyable de ce dernier incessamment harcelé par la bande de punks (les comédiens charismatiques s'en donnant à coeur joie dans leur fourberie et raillerie criminelle tout en prédisant un avenir dystopique), Class 1984 signalait avec 20 ans d'avance l'insécurité instaurée en milieu éducatif. Quand bien même Mark Lester surligne avec outrance et dérision l'impuissance de la police et des professeurs si bien que l'un d'eux finira par sombrer dans une dépression suicidaire. A cet égard, personne n'eut oublié la prise d'otages scolaire que Rody McDowall s'inflige flingue à la main durant son cours de biologie pour mieux se faire entendre auprès de ses étudiants ! Débridé, sardonique et violemment réactionnaire, Class 1984 accumule donc les confrontations musclés entre cette troupe de délinquants sans vergogne, digne héritiers d'Orange Mécanique, et nos deux professeurs impliqués malgré eux dans un concours d'intimidations toujours plus hostiles. La tension régulière qui émane de leurs affrontements moraux et physiques finissant par engendrer une violence désaxée que Mark Lester justifie explicitement lors d'un climat de folie furieuse. Complètement frappadingue j'vous dis !


    Ultra violent et sans concession de par ses excès de brutalité putassière (la fameuse séquence de viol et le carnage qui s'ensuit !) mais jouissif en diable car d'une efficacité optimale au gré des rapports de force que subissent délinquants psychopathes et professeurs justiciers, Class 1984 puise son intensité dans ce délire assumé et le jeu schizo des comédiens en roue libre (mention spéciale à Timothy Van Patten, délectable de perversité insidieuse). Et ce, bien avant de prophétiser l'inflation de la délinquance scolaire faute d'une démission de la ligue parentale. A savourer tout de même au second degré donc pour ce tableau halluciné de la violence convulsive ! 

    *Bruno
    22è visionnage

      jeudi 14 mai 2015

      Mad-Max: Fury Road

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site absolutebadasses.com

      de George Miller. 2014. Australie/U.S.A. 2h00. Avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne, Rosie Huntington-Whiteley, Riley Keough, Zoë Kravitz.

      Sortie salles France: 14 Mai 2015. U.S: 15 Mai 2015. Australie: 14 Mai 2015

      FILMOGRAPHIE: George Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max: Fury Road.


                                "90% de ce que vous verrez à l'écran a vraiment eu lieu". Tom Hardy.
                                "J'ai fait Mad-Max pour retrouver l'essence du cinéma". George Miller. 

      30 ans d'attente il nous eut fallu endurer !!! 30 ans à se ronger les ongles pour escompter l'éventuel résurgence du "Road Warrior" sur nos écrans insalubres, et ce bien avant de fantasmer une poignée de trailers extatiques ! Mad-Max: Road Fury a enfin débarqué sur nos écrans en ce jour de gloire du 14 Mai 2015. Oui, jour de gloire si j'ose dire, dans la mesure où cette date commémorative restera ancrée dans le coeur des cinéphiles pour tous ceux qui eurent l'aubaine de découvrir le monstre sur la grande toile. Réalisateur de génie responsable d'une (première) trilogie proverbiale, George Miller s'est à nouveau surpassé dans sa fonction d'alchimiste n'ayant rien à envier à Méliès si bien qu'il réinvente ici le langage cinématographique sous le concept de l'actionner bourrin. Oubliez donc les puddings à l'aspartam cuisinés par ex par la saga Fast and Furious et plongez vous dans la course-poursuite automobile la plus longue et affolante du 7è art ! Tourné dans le désert de Namibie en Afrique australe, Mad-Max Fury Road débute avec l'apparition de notre héros solitaire adossé en amont d'une colline désertique. Synopsis: Alors qu'il tente de reprendre la route à bord de son Interceptor, Max est rapidement pris à parti et capturé par une horde de motards. Après une tentative d'évasion, il établit la rencontre d'Immortan Joe. Un leader imposant sa tyrannie auprès d'une population affamée réduit à l'esclavage. Parmi son clan d'alliés, l'impératrice Furiosa s'efforce de faire diversion pour s'échapper parmi ces épouses, quand bien même l'une d'elles porte l'enfant du tyran. Effrayé à l'idée de perdre son rejeton, Immortan Joe s'empresse dès lors de lâcher ses chiens de guerre contre Furiosa. Sur l'un des bolides antagonistes, Max, enchaîné et muselé, assiste impuissant à cette course infernale en plein désert. Spectacle homérique ahurissant d'inventivité formelle (notamment cette alternance d'intempérie nocturne et de climat solaire ! ) et de prouesse technique (sens du découpage à couper au rasoir !) dans son lot incessant de cascades automobiles s'affrontant sur des plaines tempétueuses au rythme hard-rock d'une guitare enflammée, Mad-Max Fury Road symbolise la fulgurance de surpasser tout ce qui a été vu au préalable afin de combler un public abasourdi par la tornade de bruit et de fureur.


      Nanti de décors et accessoires à couper le souffle dont le souci du détail permet de crédibiliser son univers post-apo, tant auprès de l'infrastructure de la citadelle d'Immortan Joe, de la morphologie débridée des bolides, motos et camions customisés, des défroques guerrières, des armes à canon scié, arbalètes, lance-flammes, tronçonneuse, que d'autres gadgets de destruction, c'est la résurrection d'une saga barbare que nous illustre George Miller parmi l'influence de freaks estropiés (le grimage tribal se succède au look cyberpunk) surgis de Métal Hurlant ! Véritable hymne à l'action dans sa noble générosité et son acuité, à mi-chemin entre le concert hard-rock et le ballet opératique, Mad-Max Fury Road multiplie par 10 les poursuites belliqueuses préalablement transfigurées par son modèle Mad-Max 2. Ainsi, en respectant avec une efficacité imparable la continuité de la mythologie sans jamais s'incliner vers la gratuité et la routine, Miller réussit à renouveler l'action (stratégies récursives d'attaques et de contre-attaques pour l'enjeu de l'eau et de la nourriture, d'allers et retours vers l'oasis de la terre verte, entre guet-apens et retrouvailles pacifistes !) grâce à la symétrie des corps à corps et affrontements motorisés chorégraphiés avec stylisme vertigineux ! Prenant pour thèmes la survie, l'espoir, l'entraide et la rédemption, principalement du point de vue d'une communauté de guerrières farouches, l'intrigue reprend les même motifs que Mad-Max 3 nous eut surligné sous l'impulsion d'une colonie d'enfants (Max s'était alors érigé en figure christique face à leur influence pour renouer contre son gré avec sa part d'humanité). En l'occurrence, les enfants sont ici substitués par des femmes aussi fragiles dans leur soumission de procréation que martiales pour défier leur oppresseur devant le témoignage d'un Max sévèrement individualiste. Car toujours hanté par son passé meurtri mais à nouveau impliqué dans un contexte impitoyable de survie, Max devra s'initier à la confiance et à la fraternité afin de prêter à main forte à ces rebelles féministes avec l'icone de Furiosa. Charlize Theron endossant avec charisme viril une guerrière redoutablement pugnace lors de ses bravoures intensives tout en y insufflant une profonde humanité quant à la destinée de sa communauté en quête de héros. D'ailleurs, bien que convaincant mais quelque peu desservi par sa posture indécise et finalement secondaire (il ne fait qu'épauler durant tout le périple la tribu de Furiosa), Tom Hardy se prête au jeu du guerrier de la route avec moins d'aplomb que sa partenaire, notamment faute de ses états d'âme perturbés par une réminiscence filiale. 


      This is a Lovely Day ! 
      Habité par le rugissement d'une course-poursuite rarement à court de carburant alors que la folie convulsive irrigue les pores de chaque pilote, Mad-Max Fury Road réinvente le cinéma d'action avec une virtuosité et une inventivité telle qu'une première vision nous empêche d'en capter toutes ses trouvailles ! (à l'instar du cinéma précurseur de Buster Keaton et de John Woo). D'autre part, sous son aspect de roller coaster insatiable conçu pour transcender indéfiniment la prochaine action s'y dévoile aussi l'humilité de la cause féminine. Par le biais de leur courage, leur espoir et leur sens de cohésion, l'homme semble aujourd'hui destiné à réapprendre ses valeurs perdues malgré l'entêtement du guerrier solitaire. Max, héros encore déchu de son lourd passé pour autant potentiellement apte à tolérer une nouvelle existence communautaire. 

      Yannick Dahan et Fury Road: http://www.cineplus.fr/pid5876-cine-frisson.html?vid=1280416

      mercredi 13 mai 2015

      CALVAIRE. Prix de la Critique, Prix du Jury, Prix Première, Gérardmer 2005.

                                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

      de Fabrice Du Welz. 2004. France/Belgique/Luxembourg. 1h33. Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Jean-Luc Couchard, Brigitte Lahaie, Gigi Coursigny.

      Sortie salles France: 16 Mars 2005. Belgique: 9 Mars 2005

      FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
      2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


      Récompensé au Festival de Gérardmer, de Cannes et d'Amsterdam, Calvaire surpris les cinéphiles pour ce premier essai réalisé par un cinéaste belge, Fabrice Du Welz. Véritable coup de maître dans la maîtrise de sa mise en scène autonome cédant parfois à l'expérimentation et dans sa faculté de distiller un malaise aussi prégnant que répulsif, Calvaire emprunte le genre horrifique sous couvert de survival hérité de ses ancêtres Délivrance et Massacre à la Tronçonneuse (dont un fameux "clin d'oeil" pour la scène du souper !). Après son dernier concert, un chanteur de maison de retraite tombe en panne de voiture sur le chemin forestier du retour. Par le biais d'un étrange inconnu, Marc est ensuite aimablement dirigé vers l'hospitalité de Bartel, un veuf vivant reclus dans sa ferme. Au fil de leur relation amicale, Marc éprouve un malaise face à la désinvolture de ce dernier hanté par sa solitude depuis le décès de sa femme. Alors qu'il s'était disposé à réparer son véhicule, Bartel s'en débarrasse finalement afin de séquestrer son hôte. Le calvaire peut commencer... 


      Plongée horrifique dans le tréfonds de l'aliénation mentale, Calvaire aborde la thématique du refoulement sexuel du point de vue de paysans vivant en autarcie dans leur nature sauvage. Privés de toute présence féminine, ils s'adonnent en guise de sexualité et d'ennui à la zoophilie sur leur propre bétail. Ce qui nous vaut déjà une étreinte sulfureuse proprement dérangeante dans sa manière de diluer une perversité immorale par la suggestion de l'acte innommable. Farce macabre sur le besoin irrépressible d'être aimé et le poids de la déréliction entraînant chez ces métayers rétrogrades une schizophrénie influente, Calvaire multiplie les séquences inconfortables sous la main-mise du ravisseur Bartel. L'incroyable Jackie Berroyer endossant son rôle avec une ironie sournoise dans ses expressions d'impudence et de pulsions désaxées. Toutes les séquences d'humiliations et de tortures infligées sur Marc s'avérant aussi cruelles que sardoniques dans sa condition de victime estropiée. Réduit à l'état de travelo tuméfié d'ecchymoses, ce dernier est contraint de se fondre dans la peau de l'épouse soumise sous l'impériosité possessive de Bartel. Quand aux seconds-rôles tout aussi demeurés qui empiètent le récit, Fabrice Du Welz persévère dans le malsain et le crapoteux lorsque les voisins de Bartel décident de s'accaparer de son fameux trophée en guise d'esclavage sexuel. Influencé notamment par la Traque de Serge Leroy, il nous transcende une dernière partie aussi anxiogène que chimérique lorsque Marc est contraint de s'incliner dans les brumes d'une forêt spectrale où plane un silence de mort (des plages oniriques d'un esthétisme ténébreux à couper le souffle !). 


      A travers les thèmes de l'obsession sexuelle et amoureuse, du refoulement, de la psychose et de l'isolement, Fabrice Du Welz transfigure avec Calvaire un sommet d'horreur psychologique où l'humour noir et le scabreux se télescopent avec un réalisme déroutant (à l'instar de la "danse obsédante des fous" composée au piano dans une auberge chargée d'atmosphère sulfurique !). Fascinant et perturbant à la fois, l'expérience de Calvaire, survival référentiel, possède finalement une identité quant à la personnalité hétérodoxe de son auteur provocateur.  

      Bruno Matéï

      Récompenses: Grand Prix du meilleur film fantastique européen, lors du Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2005
      Prix de la critique internationale, Prix du jury et Prix Première, au festival de Gérardmer, 2005
      Nomination au prix de la meilleure photographie, lors des Joseph Plateau Awards en 2006
      Prix Très Spécial, Cannes 2004

      mardi 12 mai 2015

      MAGGIE

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site journaldugeek.com

      de Henry Hobson. 2015. U.S.A. 1h35. Avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Aiden Flowers, Carsen Flowers, J.D. Evermore.

      Sortie salles France: 27 Mai 2015. U.S: 8 Mai 2015

      FILMOGRAPHIE: Henry Hobson est un réalisateur américain.
      2015: Maggie.


      A cause d'une pandémie en roue libre et avec le soutien du médecin, un père envisage de se reclure dans sa demeure familiale afin d'éviter le placement en quarantaine de sa fille infectée. Progressivement, la transformation morale et physique de cette dernière gagne du terrain... Prenant pour thème l'infection du point de vue du zombie, Maggie tente de dépoussiérer le genre horrifique dans une forme intimiste afin de se démarquer de la surenchère que nombre de réalisateurs ont le plus souvent trivialisé dans les séries B d'exploitation.



      Baignant dans une mélancolie existentielle où la nature désaturée se défraîchie devant le témoignage sentencieux de métayers, la première oeuvre de Henry Hobson fait inévitablement preuve d'intentions louables par sa sincérité à privilégier l'étude de caractère et le climat dépressif en décrépitude. Confinant l'essentiel de son action sur les rapports familiaux en huis-clos d'un père et de sa fille prochainement destinés à se séparer face à la maladie, le film est contrebalancé d'un score élégiaque aussi sensible qu'infructueux. Métaphore sur le cancer et le crédit du temps présent, Maggie tente de provoquer une émotion candide quant à la situation désespérée de cette adolescente en phase terminale, quand bien même le père ("joué" par un Schwarzzie aussi apathique que stérile, alors que tout le monde s'attendait enfin à LA révélation de sa carrière !) observe sa dégénérescence avec une empathie bouleversée. Chargé de sinistrose pour la condition démunie de cette victime en quête d'amour de dernier ressort et de rédemption, Henry Hobson n'insuffle jamais une quelconque émotion, faute d'une direction d'acteurs jamais investis dans leur fonction altruiste et surtout d'une réalisation austère survolant un cheminement narratif en perte de vitesse. Il en émane un sentiment de frustration permanent quant aux intentions sincères de mettre en valeur les ressorts dramatiques de l'amour filial et la crainte de la mort auquel le script, futile, ne réserve jamais d'éventuels surprises pour la fatalité de Maggie.


      Poussif, jamais empathique ou poignant (ou alors avec parcimonie en de brèves occasions) et ennuyeux à force de ressasser la relation précaire d'un père et de sa progéniture en mutation, Maggie rate le coche de ses intentions intègres, faute d'un scénario défaillant, d'une interprétation anémique et d'une réalisation inexpressive. Reste quelques belles images de poésie bucolique et un soupçon d'esthétisme envoûtant au sein de sa nature décharnée. 

      Bruno Matéï

      lundi 11 mai 2015

      ALLELUILA

                                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

      de Fabrice Du Welz. 2014. Belgique/France. 1h35. Avec Stéphane Bissot, Lola Duenas, Edith Le Merdy, Anne-Marie Loop, Laurent Lucas, David Murgia, Helena Noguerra.

      Sortie salles France: 26 Novembre 2014

      FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
      2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


      Raymond Fernandez et sa compagne Martha Beck devinrent célèbres sous le nom des « Lonely Hearts Killers » (les « Tueurs aux petites annonces ») à la suite de leur procès pour une série de meurtres commis en 1949. On estime qu’ils ont tué jusqu’à 20 femmes entre 1947 et 1949.

      S'inspirant de l'affaire des "Tueurs aux petites annonces" que Leonard Kastle avait magnifiquement porté à l'écran dans Les Tueurs de la Lune de Miel, Fabrice Du Welz la réadapte à sa sauce singulière, Alleluila surfant entre le cinéma de genre et celui d'auteur. Employée dans une morgue et divorcée, Gloria fait la rencontre de Michel par le biais d'une annonce. Follement amoureuse de lui, elle s'aperçoit rapidement que derrière l'apparence de son gentleman se cache un prédateur escroquant les femmes célibataires. Après lui avoir pardonné sa première infidélité, elle s'engage de s'associer avec lui afin d'être à ses côtés et de pouvoir préserver son amour. Mais la jalousie ardente de Gloria finit par la mener vers la folie meurtrière. 


      Révélé par le cauchemardesque Calvaire, Fabrice Du Welz renoue avec l'ambiance éthérée d'une étrangeté indicible où la mise en scène, inventive et ciselée, est conçue pour bousculer les sens du spectateur en perte de repères. Prenant pour thèmes l'amour fou et le crime passionnel, Alleluia nous relate entre réalisme cru et poésie baroque le parcours en chute libre d'un couple d'amoureux compromis par l'adultère. De par le point de vue influençable d'un gigolo redoutablement pervers dans ces intentions perfides à manipuler la gente féminine tout en profitant sexuellement de leurs corps. Par son comportement aussi cruel que cynique, comment peut-il alors éprouver de véritables sentiments pour sa muse au moment où cette dernière observe par le trou de la serrure ses ébats avec une impuissance toujours plus inconsolable ? Baignant dans une atmosphère aussi diaphane qu'irrésistiblement vénéneuse, Alleluia parvient à créer un malaise diffus au fil de son cheminement dramatique quant à la posture toujours plus irascible de Gloria. Illuminée par la présence de Lola Duenas, l'actrice ibérique parvient à dégager une intense émotion par son charme pétillant d'embrasser l'amour à bras ouvert avant d'engendrer une jalousie maladive face au témoignage dégradant de Michel. Cette rage d'aimer, ce désir possessif de s'accaparer de lui étant retranscrit avec une vérité fulgurante et un jeu viscéral habité par la psychose. Déjà remarqué dans Calvaire, Stéphane Bissot lui partage dignement la vedette dans une présence longiligne d'escroc à la petite semaine englué dans sa médiocrité du chantage, du subterfuge et d'une déviance sexuelle insatiable. Dans un rôle secondaire de dernier ressort, Helena Noguerra (soeur de la chanteuse Lio) s'en sort honorablement pour incarner la beauté d'une jeune mère célibataire, plus lucide et affirmée que les autres victimes, mais néanmoins dépourvue de perspicacité à déflorer la véritable identité de Michel. Dernier point que j'aimerai relever pour témoigner de la qualité essentielle de la distribution, la présence infantile de la petite Pili Groyne ! Cette dernière parvenant à afficher avec un incroyable tempérament naturel une fillette dégourdie nantie de réparties cuisantes (voir l'incroyable séquence de la discorde maternelle !), juste avant de rehausser l'intensité d'un enjeu de survie pour sa condition de victime tantôt choyée, tantôt molestée !


      Malsain, dérangeant et plutôt cru dans sa violence gore ou son érotisme ostensible, insolite, étrange et pastel à la fois, Alleluia fait office de conte de fée frelaté dans son constat imparti à l'amour fou et à sa trahison. Par le biais de sa mise en scène alambiquée (notamment ce parti-pris de filmer au plus près les corps et les regards pour en capter l'essence des sentiments) et le jeu machiavélique des acteurs, l'oeuvre choc renouvelle son fait divers avec un pouvoir de séduction nécrosé. 

      Bruno Matéï

      La Chronique des Tueurs de la Lune de Miel : http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/les-tueurs-de-la-lune-de-miel-honeymoon.htm
      La Chronique de Calvairehttp://brunomatei.blogspot.fr/…/calvaire-prix-de-la-critiqu…

      Les autres adaptations: Un homme fatal (Lonely Hearts de Andrew Lane, 1991), Carmin profond (1996), Cœurs perdus (2006) ainsi qu’un épisode de la télé-série Cold Case : Affaires classées.