mardi 26 juillet 2016

COLONIA. Prix du Public, Valenciennes 2016.

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Florian Gallenberger. 2015. Allemagne. 1h50. Avec Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist, Julian Ovenden.

Sortie salles France: 20 Juillet 2016. Allemagne: 18 Février 2016. 

FILMOGRAPHIEFlorian Gallenberger est un réalisateur allemand né le 23 Février 1972 à Munich. 2001: Honolulu. 2004: Schatten der Zeit. 2009: John Rabe, le juste de Nankin (John Rabe). 2015: Colonia.


Prenant pour contexte historique les conditions de vie inhumaines d'un camp de prisonnier sous le régime de Pinochet, Colonia emprunte le schéma du thriller pour mieux contourner les clichés usuels du film de prison. 1973. Lena, hôtesse de l'air, vit le grand amour avec Daniel, un activiste politique allemand engagé contre la dictature de Pinochet. Au moment d'un coup d'état perpétré par les sbires chiliens du général, Daniel est embrigadé dans la Colonia Dignidad pour cause d'espionnage. Ce camp de prisonniers tenu secret par la police locale est dirigé par Paul Schäfer, un prédicateur pervers adepte des tortures et sévices sexuels. Depuis que les comparses de Daniel refusent de lui porter assistance, et pour tenter de le sauver, Lena s'engage à infiltrer la colonie en se faisant passer pour une religieuse. 


Sous le pilier de la force des sentiments, Florian Gallenberger exploite assez efficacement une romance passionnelle afin de justifier l'épreuve de force d'une héroïne juvénile confinée dans une secte religieuse. En évitant judicieusement la violence racoleuse de scènes de torture souvent tributaires du drame carcéral, le réalisateur préconise la mise en place d'un suspense latent quant aux tentatives désespérées des amants de se reconnaître (hommes et femmes sont départagés en deux camps) avant leur espoir d'évasion. Baignant dans une ambiance malsaine méphitique sous l'autorité d'une doctrine religieuse sans vergogne, Colonia traduit un climat d'insécurité à la lisière de la folie comme le souligne le comportement laxiste des prisonniers lobotomisés par leur gourou. Par le biais du jeu machiavélique de ce dernier, l'acteur Michael Nyqvist se glisse dans la peau du tortionnaire avec sa trogne vérolée. Au jeu de regard vicié se dispute une animosité bestiale lorsqu'il exerce de lui même une violence punitive sur femmes et enfants, ou lorsqu'il ordonne à ses disciples de leur perpétrer humiliations verbales et châtiments corporels en guise d'expiation. Ce personnage vil, couard et sournois parvient à provoquer le malaise par son autorité castratrice et la mesquinerie de ses pulsions déviantes. Quant à nos amants en perdition s'efforçant de se retrouver et de dépasser leur peur par un jeu de stratège perfide, ils se partagent la vedette avec une sobriété assez poignante. Emma Watson provoquant sans complaisance émotion empathique et force morale dans sa condition soumise quand bien même Daniel brühl insuffle un autoritaire jeu de simulacre en se fondant dans la peau d'un benêt décérébré. 


Sans laisser de souvenir impérissable, Colonia structure par le principe du survival un efficace suspense qui ira crescendo jusqu'au final d'une intensité haletante. Parvenant à s'extraire de la redite du drame carcéral sous l'appui d'une mise en scène et d'une distribution solides, Florian Gallenberger exploite certaines facilités et clichés en s'appuyant sur le mode ludique du thriller et la véracité du fait-divers. Un parti-pris à résonance universelle lorsqu'il s'agit de dénoncer inlassablement barbarie et corruption politique sous l'autocratie d'un général chilien tristement célèbre. 

A la mémoire des victimes de Colonia Dignidad.

Dédicace à Frederic Serbource

B.M

LA REALITE HISTORIQUE
Spoiler ! Colonia Dignidad était un camp de torture de la police secrète chilienne. Des centaines de détenus y furent interrogés, tués et enterrés. En presque 40 ans, seulement 5 personnes de cette secte ont réussi à s'échapper. Les photos sorties clandestinement de Colonia Dignidad ont été publiées mondialement créant un énorme scandale. Cependant, rien ne changea au Chili. Paul Schäfer ne fut mis en accusation qu'à la fin du régime de Pinochet pour être finalement arrêté en Argentine en 2004. Ni le général Pinochet, ni les employés de l'ambassade d'Allemagne ne furent tenu responsables de leur collaboration avec Paul Schäfer. Paul Schäfer fut condamné à 33 ans de prison pour des milliers d'actes d'abus sexuels sur enfants ainsi que pour d'autres crimes. Il est mort en prison à Santiago en 2010. Fin du Spoiler.

lundi 25 juillet 2016

LA CHOSE

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site diaryofamoviemaniac.wordpress.com

"Something Evil", téléfilm de Steven Spielberg. 1972. U.S.A. 1h19. Avec Sandy Dennis, Darren McGavin, Ralph Bellamy, Jeff Corey, Johnny Whitaker, John Rubinstein.

Diffusion TV U.S: 21 janvier 1972. France: 1987 sur la chaîne La Cinq.

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis).
1971: Duel , 1972: La Chose (télé-film). 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, 2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln. 2015: Le Pont des Espions. 2016: Le bon gros géant.


Diffusé chez nous sur la Cinq en 1987, La Chose est le second téléfilm de Steven Spielberg alors qu'un an au préalable fut tourné son premier essai, Duel, qui allait remporter le Grand Prix à Avoriaz en 73. Prenant pour thèmes la hantise et la possession, La Chose privilégie dès le départ une certaine suggestion quant aux effets diaboliques d'une entité persécutant une mère et ses deux enfants au sein de leur foyer bucolique. Le mari souvent absent étant occupé à gérer le tournage d'un film. Chargé d'un climat d'inquiétude permanent, l'intrigue se concentre sur la caractérisation démunie de cette dernière témoin malgré elle de phénomènes paranormaux toujours plus brutaux. Pleurs d'enfant durant la nuit à proximité de la grange, morts accidentelles d'un couple d'amis, cauchemar nocturne de son rejeton sont les principaux vecteurs qui vont engendrer chez Marjorie une paranoïa en chute libre malgré l'égide d'un pentacle accroché au seuil de la maison.


Grâce à la sobriété des comédiens particulièrement cohérents dans leur posture perplexe, démuni ou erratique (les crises de violence de Marjorie), La Chose parvient à créer un climat d'insécurité feutré qui ira crescendo jusqu'à une révélation des plus dérangeantes. D'ailleurs, quelques minutes au préalable, une séquence effrayante nous eut déjà ébranlé avec une découverte singulière confinée dans la cuisine. Mis en scène avec maîtrise et sans esbroufe, Steven Spielberg renoue donc avec une horreur éthérée pour provoquer l'angoisse en insistant sur la psychologie torturée de son héroïne en perdition morale. Prônant l'existence du diable si on est un fervent catholique, Spielberg oppose sa victime vulnérable à la rationalité de son époux difficilement influençable lorsqu'il s'agit de prouver l'existence occulte. Grâce à ce personnage terre à terre néanmoins empathique auprès de sa femme, La Chose parvient d'autant mieux à crédibiliser les moments surnaturels, notamment lorsqu'il doit faire face à ses interrogations comme le souligne l'apparition de la tache lumineuse relevée sur un négatif.


Efficacement mené et servi par une distribution sans fard (mention spécial pour le charisme dépressif de Sandy Dennis !), La Chose parvient à susciter une angoisse palpable parfois dérangeante au fil d'une énigme dramatique dédiée à l'existence du diable. Un excellent téléfilm à redécouvrir avec intérêt chez les amateurs de Fantastique épuré si bien que Spielberg privilégie à tous prix l'intelligence du non-dit par le pouvoir de suggestion.

vendredi 22 juillet 2016

LA FOLIE DES GRANDEURS

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Gérard Oury. 1971. France/Italie/Allemagne de l'Ouest/Espagne. 1h49. Avec Louis de Funès, Yves Montand, Alice Sapritch, Karin Schubert, Alberto de Mendoza, Gabriele Tinti, Paul Preboist.

Sortie salle France: 8 décembre 1971.

FILMOGRAPHIE: Gérard Oury (Max-Gérard Houry Tannenbaum) est un réalisateur, acteur et scénariste français né le 29 avril 1919 à Paris, décédé le 20 Juillet 2006 à Saint-Tropez.
1960: La Main Chaude. La Menace. 1962: Le Crime ne paie pas. 1965: Le Corniaud. 1966: La Grande Vadrouille. 1969: Le Cerveau. 1971: La Folie des Grandeurs. 1973: Les Aventures de Rabbi Jacob. 1978: La Carapate. 1980: Le Coup du Parapluie. 1982: L'As des As. 1984: La Vengeance du Serpent à Plumes. La Joncque (inachevé). 1987: Levy et Goliath. 1989: Vanille Fraise. 1993: La Soif de l'or. 1996: Fantôme avec chauffeur. 1999: Le Schpountz.


Gros succès à sa sortie en salles (il enregistre 5 563 160 entrées en France), La Folie des Grandeurs allie avec une alchimie détonante la comédie burlesque et l'aventure rocambolesque sous l'impulsion d'un duo inattendu (De Funes/Montand) depuis la disparition précipitée de Bourvil un 23 septembre 1970. Déjà responsable d'immenses succès (Le Corniaud, la Grande Vadrouille, Le cerveau), Gérard Oury continue de parfaire son savoir-faire pour la comédie populaire avec le soutien de Yves Montand étonnamment à l'aise dans un rôle à contre-emploi de valet (faussement) empoté et servile. Ce dernier se prêtant avec ironie sournoise au jeu de soumission auprès de son ministre cupide et fourbe que De Funes incarne avec sa spontanéité fulminante. Réputé comme l'un des plus grands acteurs comiques français, celui-ci nous offre traditionnellement un numéro de pantomime et de réparties avec une énergie galvanisante si bien que l'on s'étonne toujours de sa ferveur olympique à se fondre dans la peau d'un personnage (principalement un maître-chanteur) irrésistiblement outrancier. Outre le duo pétulant qu'il forme avec son faire-valoir Ives Montand, La Folie des Grandeurs bénéficie également de la présence de seconds-rôles s'en donnant à coeur joie dans l'extravagance (à l'instar d'Alice Sapritch et de son célèbre numéro de strip-tease) ou dans la séduction (Karin Schubert magnétisant l'écran de ses yeux azur dans une fonction suave de souveraine gagnée par ses sentiments !).


Truffé de gags (visuels et verbaux), de quiproquos et de rebondissements à répétition lors d'une dernière partie aussi échevelée qu'imprévisible, La Folie des grandeurs cultive sa frénésie comique grâce également aux enjeux stratégiques qu'une foule de seconds-rôles vont tenter de comploter afin d'accéder au pouvoir. Epousant la démarche d'un suspense en ascension pour la condition incertaine de nos deux héros et la romance secrète impartie entre Blaze et la reine d'Espagne, la Folie des Grandeurs gagne en densité grâce à l'efficacité d'un scénario bien huilé inspiré de la pièce de théâtre Ruy Blas de Victor Hugo. Déchu de ses fonctions par la reine, Don Salluste, ministre cupide détesté par la population, décide de se venger d'elle en élaborant secrètement une conjuration avec l'aide de son neveu César. Ce dernier refusant sa transaction, il imagine alors un plan machiavélique pour compromettre son valet Blaze dans une relation d'adultère. Ce pitch perfide faisant notamment intervenir deux motifs vindicatifs (celle de Salluste et de don César) cumule les situations burlesques et revirements avec une énergie exubérante ! Gérard Oury maîtrisant également le cadre historique de ses décors en costumes et de ses vastes déserts avec la flamboyance d'une photo sépia.


La vraie comédie commence là où commence l'éternité. 
Comédie d'aventures intrépides menée à 100 à l'heure par un duo impayable ainsi qu'une poignée de seconds-rôles diablotins, La Folie des Grandeurs perdure son attrait comique parmi l'incroyable brio de Gérard Oury se surpassant une fois de plus à parfaire un spectacle haut en couleurs au rythme entêtant du thème héroïque de Polnareff ! A l'image du film, un score proprement inoubliable !  

B.M. 4èx

jeudi 21 juillet 2016

LA FOLLE JOURNEE DE FERRIS BUELLER

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de John Hughes. 1986. U.S.A. 1h42. Avec Matthew Broderick, Alan Ruck, Mia Sara, Jeffrey Jones, Jennifer Grey.

Sortie salles France: 17 Décembre 1986. U.S: 11 Juin 1986

FILMOGRAPHIE: John Hughes est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 18 Février 1950 à Lansing (Michigan, Etats-Unis), mort le 6 Août 2009 d'une crise cardiaque à New-York. 1984: Seize bougies pour Sam. 1985: The Breakfast Club. 1985: Une Créature de rêve. 1986: La Folle Journée de Ferris Bueller. 1987: Un Ticket pour deux. 1988: La Vie en plus. 1989: Uncle Buck. 1991: Le P'tite Arnaqueuse.


Comédie culte de toute une génération sortie un an après le tout aussi notoire The Breakfast Club; La folle journée de Ferris Bueller est une invitation à l'évasion et à l'épanouissement en cette période aussi fragile qu'insouciante que détermine l'adolescence. Initiateur du Teen movie, John Hughes va bien au-delà du genre pour mettre en exergue un hymne à la décompression à travers la journée de sèche d'un lycéen impudent rivalisant d'audace et de ruses pour déjouer la hiérarchie enseignante et parentale. D'une drôlerie constamment inventive multipliant à rythme métronomique les morceaux d'anthologie (la réception au restaurant, le fameux concert improvisé en centre-ville au coeur d'une foule déchaînée, la séquence du commissariat avec Jeanie éprise d'amour pour un jeune marginal !), La folle journée de Ferris Bueller puise également sa vigueur expansive en la présence du jeune Matthew Broderick endossant le rôle titre avec une spontanéité désinvolte.


En lycéen émérite, ce dernier starifie son personnage depuis sa réputation notable d'enchaîner les réussites avec un sens stratégique infaillible. Finaud, espiègle et bonimenteur, la journée rocambolesque qu'il se partage avec son acolyte Cameron et sa compagne Sloane constitue une aventure singulière dans sa manière couillue d'improviser les situations extravagantes au détour d'un périple urbain. A travers son esprit de camaraderie, John Hughes adopte également (sans prévenir) une rupture de ton pour souligner les thèmes de l'exclusion et du malaise adolescent par le biais du personnage introverti de Cameron qu'Alan Ruck incarne avec un humanisme torturé. Sa volonté désespérée de s'affirmer pour tenir tête à son père castrateur donne lieu à des moments poignants lorsqu'il extériorise sa colère (la destruction de la Ferrari dans le garage). Sémillante et pleine de charme, Mia Sara s'interpose avec une tendre complicité dans la peau de Sloane, compagne sentimentale de Ferris. Dans un second-rôle gentiment folingue, Jennifer Grey se glisse naturellement dans la peau d'une soeur cadette avec une jalousie fulminante ! Cette dernière s'efforçant de dénoncer à ses parents l'attitude flâneuse, insolente et orgueilleuse de Ferris, d'autant plus sarcastique à son égard ! Enfin, et pour parachever de la manière la plus désopilante, impossible d'occulter le personnage empoté du principal de lycée que Jeffrey Jones adopte avec une rage contenue ! Littéralement obsédé à l'idée de démasquer au grand jour les stratagèmes perfides de Bueller, ce dernier ne cesse de semer les bévues improbables durant son cheminement investigateur ! (son effraction au foyer des Bueller, le tête à tête avec le Rottweiler puis enfin son départ dans le car scolaire).


"La vie bouge bien trop vite. Si tu t'arrêtes pas de temps en temps, elle peut te filer entre les doigts !"
Authentique chef-d'oeuvre du teenage movie, comédie débridée pleine de fraîcheur et d'hilarité, cure de jouvence anti-dépressive, pied de nez au politiquement sérieux, la Folle journée de Ferris Bueller suscite une ferveur exutoire en cette période complexe de l'adolescence. Une époque instable partagée entre l'épanouissement et la curiosité de braver l'interdit, la quête de reconnaissance et d'amour (tant au niveau parental qu'amical), la rébellion et le besoin d'aplomb pour ménager la maturité.

La chronique de Breakfast Clubhttp://brunomatei.blogspot.fr/2012/09/the-breakfast-club.html

B.M 3èx

mercredi 20 juillet 2016

Le Secret de la Pyramide / Young Sherlock Holmes

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site quelfilmregarder.blogspot.com

"Young Sherlock Holmes" de Barry Levinson. 1985. U.S.A. 1h49. Avec Nicholas Rowe, Alan Cox, Sophie Ward, Anthony Higgins, Vivienne Chandler, Susan Fleetwood, Freddie Jones.

Sortie salles France: 26 Mars 1986. U.S: 4 Décembre 1985

FILMOGRAPHIE: Barry Levinson est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 Avril 1942 à Baltimore. 1982: Diner. 1984: Le Meilleur. 1985: Le secret de la Pyramide. 1987: Les Filous. 1987: Good morning Vietnam. 1988: Rain Man. 1990: Avalon. 1991: Bugsy. 1992: Toys. 1994: Jimmy Hollywood. 1994: Harcèlement. 1996: Sleepers. 1997: Des Hommes d'influence. 1998: Sphère. 1999: Liberty Heights. 2000: An Everlasting Piece. 2001: Bandits. 2004: Envy. 2006: Man of the Year. 2008: Panique à Hollywood. 2009: PoliWood (documentaire). 2012: The Bay. 2014 : The Humbling.
2015: Rock the Kasbah.


"Restez maître de vos émotions où elles vous mèneront à votre perte !"
En 1985, un an après l'énorme succès d'Indiana Jones et le temple maudit, Steven Spielberg et son illustre société de production Amblin Entertainment supervisent une aventure inédite de Sherlock Holmes sous la houlette du réalisateur Barry LevinsonConan Doyle n'ayant jamais adapté d'aventures sur la jeunesse du détective, Chris Columbus, scénariste de Gremlins et des Goonies, en élabore un script afin de divertir un public familial hélas timoré lors de sa sortie commerciale (en France, 791 146 spectateurs se déplacent dans les salles). En prime, même si la critique de l'époque reconnait ses qualités techniques (notamment l'innovation des images de synthèse par le biais du personnage "3D" du chevalier) et narratives (script charpenté truffé d'idées et de rebondissements), sa cotation s'élève à peine à 5,7/10 sur le site web Rotten Tomatoes. Pour autant, en France, Le Secret de la Pyramide va rapidement conquérir le coeur des vidéophiles, principalement lors de son exploitation en Vhs ! Ainsi, quelques décennies plus tard, cette aventure rocambolesque aux allures de luxueuse série B possède toujours ce charme irréfragable qui plus est inscrit dans la modestie. 


Non seulement grâce au savoir-faire et à l'intégrité de Barry Levinson s'efforçant scrupuleusement d'agrémenter un scénario captivant émaillé de bravoures (l'échappée en machine volante, le duel à l'épée, les pugilats au coeur du temple égyptien) et de fulgurances débridées (les délires hallucinogènes que les victimes éprouvent sont matérialisés par des FX à la fois soignés et inventifs !) mais aussi grâce à la cohésion de nos protagonistes juvéniles pétris d'humanisme et d'héroïsme lors de leur apprentissage policier. Qui plus est, avec le charme docile de Sophie Ward endossant un second rôle sentimental, Le Secret de la pyramide se permet en annexe de souligner sobrement une romance poignante parmi Sherlock Holmes si bien que son final Spoil ! pessimiste détonne par son inopinée noirceur fin du Spoil. C'est donc à travers l'investigation sagace d'Holmes, Watson et d'Elisabeth que ce récit d'aventures renchérit son efficacité pour y démasquer un mystérieux criminel (l'énigmatique soutane à la sarbacane !) en compromis avec une secte adoratrice du dieu Osiris ! Et ce, afin d'y venir à bout, à condition de savoir maîtriser ses émotions au profit de la discipline.   


Amblin for ever.
Retraçant avec vibrante émotion le récit initiatique du plus célèbre détective anglais tentant de maîtriser ses émotions par le truchement de l'action, la romance, l'amitié (ses rapports étroits avec Watson) et l'aventure, Le Secret de la Pyramide regorge de générosité, d'émotions candides et de sincérité pour mettre en exergue un spectacle familial au service d'un public érudit. Dans la mesure où son action bondissante JAMAIS gratuite est parfaitement équilibrée d'une structure narrative compacte sous l'impulsion chaleureuse d'ados lucides que le score de Bruce Broughton accompagne avec une sensibilité ténue pour leurs moments les plus intimes. Un bijou que le temps ne parvient pas à scléroser (bien au contraire). 

*Bruno Matéï
10.06.22. 4èx

mardi 19 juillet 2016

FRANCESCA

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site anythinghorror.com 

de Luciano Onetti. 2015. Argentine/Italie. 1h19. Avec Luis Emilio Rodriguez, Gustavo Dalessanro, Raul Gederlini, Silvina Grippaldi, Evangelina Goitia, Juan Bautista Massolo, Florencia Ollé.

Sortie salles Espagne: 9 Octobre 2015

FILMOGRAPHIE:  Luciano Onetti est un réalisateur, scénariste et acteur argentin.
2013: Sonno Profondo. 2015: Francesca


15 ans après la disparition de Francesca, un tueur sévit en agressant sauvagement ses victimes. Deux détectives tentent de résoudre l'énigme. 

Fortement influencé par le genre en vogue à l'aube des seventies, Francesca est à mon sens un mauvais giallo auquel sa durée minimaliste ne plaide pas non plus en sa faveur (comptez 1h09 sans le générique de fin !). Car malgré la bonne volonté et la sincérité du réalisateur de nous offrir un spectacle divertissant dans la noble tradition du genre, Francesca sombre rapidement dans la médiocrité. Faute à un scénario mal ficelé que l'on connait par coeur auquel l'investigation dénuée de suspense et de ressort dramatique fait chavirer le navire vers la trivialité. A l'instar du jeu inexpressif des acteurs au grand dam d'une gestuelle atone, du manque de réalisme des séquences de meurtres, d'une partition pop trop envahissante, voire parfois même irritante (notamment ses mélodies agressives au clavecin), et d'une photo surexposée bien trop contrastée pour se laisser séduire par ses fulgurances picturales. Si toutefois de bonnes idées formelles et narratives font parfois illusion (comme le souligne son splendide générique d'intro saturé d'un score entraînant !), l'aspect franchement scolaire (pour ne pas dire amateur) de la mise en scène dénature toute ambition artistique.


"La peinture, ce n'est pas copier la nature, c'est travailler avec elle !"
Vraiment dommage donc d'avoir tenter aussi maladroitement d'honorer ses ascendants sans brio (ou si peu si je me réfère encore à son prologue), sans originalité et sans audace si bien que le metteur en scène n'avait d'yeux que pour l'ultra référence. Jusque dans la touche rétro de sa rutilante affiche d'exploitation "dessinée à l'ancienne"que les cinéphiles se consoleront finalement à fantasmer !

B.M

STRANGER THINGS

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

Créé par Matt Duffer et Ross Duffer. 2016. 8 épisodes de 48 minutes. Avec Winona Ryder, David Harbour, Matthew Modine, Cara Buono, Finn Wolfhard, Millie Brown.

FILMOGRAPHIE: Les frères Duffer sont des réalisateurs, producteurs et scénaristes américains. 2015: Hidden. 2016: Stranger Things.

                                  Une chronique exclusive de Gilles Rolland.

Note: ★★★★★

Le Pitch :
En 1983, dans une petite bourgade de l’Indiana aux États-Unis, l’inexplicable disparition de Will, un enfant, provoque l’émoi de toute la communauté. Alors que la mère du garçon affirme percevoir des étranges signaux lui indiquant que ce dernier cherche à communiquer, les amis de Will se lancent à sa recherche, tout comme les services de police, dirigés par Hopper, un homme brisé par une tragédie qui ne cesse de l’affecter. Rapidement, les indices convergent vers un mystérieux laboratoire perdu dans les bois. L’arrivée d’Eleven, une jeune fille pas comme les autres sortie de nulle part, ayant peut-être un lien avec toute cette histoire…


La Critique :
Impossible de nier la monumentale influence du cinéma de genre des années 80 sur la production actuelle. Plus particulièrement des films portés par Amblin, la firme créée en 1981, par Steven Spielberg, Frank Marshall et Kathleen Kennedy, qui n’a eu de cesse de redéfinir les contours d’une industrie jusqu’à imposer un nouveau modèle. Que l’on parle de E.T., de Gremlins, des Goonies ou de Retour vers le Futur, Amblin a révolutionné le septième-art populaire en profondeur.
Forcément, les choses ont bien changé sous le soleil d’Hollywood depuis la fin de ce que beaucoup considèrent à juste titre comme un authentique âge d’or, avec l’arrivée de nouveaux moules, amenés à produire des œuvres plus cyniques, parfois sous couvert de démarches opportunistes faussement sincères. Alors que les pères fondateurs, Spielberg et Joe Dante en tête continuent leur route, avec une flamboyance sans cesse renouvelée pour le premier et un peu au petit bonheur la chance pour le second, d’autres tentent de renouer avec cette verve, sans toujours y parvenir. Si on a largement parlé de J.J. Abrams, le réalisateur de Star Wars – Le Réveil de la Force et de Super 8, comme du principal héritier de ce mouvement, plus parce que ce dernier a vraiment cherché cette étiquette que pour de solides raisons, personne n’a vu venir les frères Duffer. Deux frangins remarqués par les initiés avec notamment leur film Hidden, qui ont déboulé sans crier gare avec Stranger Things, une série parfaitement connectée avec l’esprit Amblin et plus largement avec tout un pan de la contre-culture pop. De celle dont on se souvient avec une mélancolie sincère…

Stranger Things s’est annoncé à grand renfort d’affirmations hyper prometteuses du genre « Winona Ryder dans une série hommage au cinéma de Spielberg ». Le style qu’on voit tous les quatre matins mais qui débouche souvent sur d’amères déceptions. Pour autant, là, on avait envie d’y croire. Et en effet, nous avons eu raison, car Stranger Things est une pépite. De celles que l’on ne trouve que très rarement et qui, sans forcer, remettent les pendules à l’heure.


Dans la forme, cette anthologie, avec un début, un milieu et une fin (ouverte sur une potentielle saison 2), adopte beaucoup des codes mis en place dans les années 80. La photographie est superbe, vintage à souhait, mais ne se contente pas pour autant de tabler sur des automatismes. L’immersion est totale. On s’y croirait vraiment. Les ambiances sont prégnantes et certaines séquences brillent par leur beauté crépusculaire. Les Duffer ont soigné leur production design et leur mise en scène. Épaulés par Shawn Levy, qui ne nous avait pas vraiment habitué à tant de pertinence, ils construisent un univers plus vaste qu’il n’y paraît mais parviennent avant tout à donner du corps à cette communauté, comme au bon vieux temps où E.T. visitait notre planète. Les clins d’œil « visuels » sont nombreux. Certaines scènes font directement référence à des classiques, on voit des posters ici ou là (The Thing, Evil Dead, Les Dents de la Mer…), et il est très agréable de se laisser aspirer par un monde qui ressemble à ce que le notre fut jadis. Tout du moins celui qui nous faisait rêver quand, enfant, nous regardions ces films qui ont construit une large partie de notre imaginaire. La cave où les enfants jouent à Donjons et Dragons, la cabane dans les bois, l’école, un laboratoire secret… à eux seuls, les lieux clés de l’intrigue appellent des sensations et des sentiments multiples et identifiables pour quiconque ayant connu cette époque. Pour les autres, les plus jeunes, finalement, c’est un peu la même chose tant Stranger Things évoque une certaine universalité avec laquelle il semble difficile de ne pas avoir d’affinités. À la manière de Spielberg, mais aussi de Stephen King, largement cité lui aussi, le show prend pied dans une réalité reconnaissable, avant d’en modifier les contours pour la distordre selon sa volonté, au grès d’une histoire de monstres, de copains, de parents et de méchants agents mandatés par un gouvernement en pleine Guerre Froide.
Alors oui, il convient vraiment d’évoquer Stephen King, tant Stranger Thing lorgne du côté de son œuvre, là encore, sans s’y reposer totalement. En fait, le scénario rappelle principalement Charlie et Carrie, mais dans le bon sens. On pense aussi à Ça et bien sûr à Stand By Me. Que du bon. Les Duffer utilise leur goût et l’influence qu’ont eu Spielberg, King, ou bien John Carpenter, comme tremplin et non comme prétexte. Il serait dommage de limiter Stranger Things à ses références car la série vaut bien plus que cela.


La façon dont elle s’amuse avec ses modèles va d’ailleurs ce sens. Les Duffer sont même allés jusqu’à chercher une icône de l’époque, en la personne de Winona Ryder, pour lui confier un rôle difficile, emblématique, mais par forcément central, même si elle véhicule une émotion puissante. Matthew Modine, une autre star des 80’s, est aussi dans la place, aux côtés d’une jeune génération d’acteurs parfaitement raccords avec les intentions globales. Winona Ryder et Matthew Modine sont en quelque sorte des cautions. Les représentants d’un passé qui refait surface sous l’impulsion de la nouvelle garde. Les Duffer et leurs jeunes acteurs se réappropriant ces références dans ce qui s’apparente à la fois à un vibrant hommage, mais aussi à un désir de continuer ce que d’autres ont commencé. L’histoire se prolonge et nous d’en prendre plein les yeux.
Même la musique a été pensée pour nous emporter loin, dans cette petite bourgade en proie à des phénomènes surnaturels. Une excellente partition signée par le duo Kyle Dixon, Michael Stein, très électro, dans le bon sens, alignée sur les scores de John Carpenter, et agrémentée de tubes rock issus de cette glorieuse décennie prise en étau entre le souffle punk et l’envol de la FM et des nappes de synthé. Pertinente, enveloppante, la musique est partout, omniprésente, et accompagne les personnages dans leurs aventures, de la plus belle des manières. Tout spécialement quand elle se fait le vecteur d’une poésie sombre qui se manifeste elle aussi au grès d’accents plus ou moins affirmés, mais jamais vains.


Il y a bien un monstre dans Stranger Things. Un créature effrayante sortie d’un enfer qui en dit long sur notre époque (on n’en dira pas plus), qui est pourtant loin de compter autant que les personnages. Car si la série est aussi réussie, c’est justement car elle ne perd jamais de vu ses personnages. Ils ne souffrent pas du contexte surnaturel ou d’une surabondance d’effets-spéciaux. Les frères Duffer ont esquivé tous les pièges que beaucoup se sont pris en pleine poire. Stranger Things est un drame avant d’être un trip horrifique ou purement fantastique. Là encore, à l’instar des plus grands, les réalisateurs/scénaristes ont imaginé une histoire solide où les thématiques trouvent un écho dans le fantastique. Ils nous livrent l’un des plus beaux récits d’amitié vus depuis des lustres. Les Duffer ont parfaitement saisi tout ce qui caractérise les relations que peuvent avoir des amis avant l’adolescence. Sans en faire des caisses, dans une démarche sincère et habitée, proche du modèle du genre, à savoir Stand By Me. Pareil quand ils parlent de la maternité ou du deuil. Stranger Things est une grande série sur l’espoir que peuvent porter les enfants, devant des parents soit dépassés soit plus démissionnaires. En prenant pied au début des années 80, le show en profite pour parler de la société américaine, mais aussi du monde dans son ensemble. Il nous cause de la peur de l’autre, qui parfois est différent, et de cette innocence que le cynisme et le monde des adultes cherche à tout prix à détruire.


On a souvent reproché à J.J. Abrams d’avoir fait de Super 8, son hommage à Spielberg et à Amblin, une sorte de gros truc opportuniste. On est d’accord ou pas mais il n’y a aucune chance que l’on affirme la même chose à propos des frères Duffer. Ces derniers ont tout compris, jusque dans les moindres détails et si chaque épisode de leur série regorge en effet de références appuyées, elles sont finalement surtout là pour permettre au spectateur de s’identifier à l’univers mis en place ainsi qu’aux personnages, mais jamais une fin en soi. Pour les fans, elles sont de bons gros bonus bien savoureux mais pour les néophytes, elles ne seront jamais une entrave à la bonne compréhension ou à l’appréhension de l’ensemble.
Stranger Things fait passer par une multitude d’émotions différentes. Très vite, dès les premières minutes, on se prend à vibrer avec Mike et ses amis. On a parfois peur, on rit souvent et les larmes ne sont jamais bien loin. La chair de poule elle, est omniprésente. Au fil des épisodes, tandis que le dénouement approche, Stranger Things dévoile ses cartes. Son écriture, pleine de sensibilité et d’empathie, démontre d’une compréhension rare des codes et d’un respect indéniable. De Winona Ryder aux gamins, en passant par l’intense David Harbour (vu dans The Newsroom) et la jeune Millie Bobby Brown, la distribution est de plus assez incroyable. Les acteurs ont tous été castés avec une attention manifeste et ça se voit. À fond, ils livrent des interprétations sans faille et contribuent à nous coller des étoiles dans les yeux, grâce à leur talent et à leur dévouement permanent (mention aux 3 gamins).
Sublime, passionnante, surprenante, ce show unique a tout pour plaire au plus grand nombre, mais ne sacrifie jamais son intégrité. Dans le jargon, on appelle ça un miracle de cinéma. Comment ça c’est une série TV ?

@ Gilles Rolland