mercredi 18 février 2015

TERREUR DANS LA NUIT (Night Watch)

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site ninjadixon.blogspot.com

de Brian G. Hutton. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Elisabeth Taylor, Laurence Harvey, Billie Whitelaw, Robert Lang, Tony Britton, Bill Dean, Michael Danvers-Walker, Rosario Serrano, Pauline Jameson, Linda Hayden.

Sortie salles U.S: 10 Août 1973

FILMOGRAPHIE: Brian G. Hutton est un réalisateur et acteur américain, né le 1er Janvier 1935 à New-York, décédé le 19 Août 2014 à Los Angeles.
1965: Graine sauvage. 1966: The Pad and How to use it. 1968: Les Corrupteurs. 1968: Quand les Aigles attaquent. 1970: De l'or pour les braves. 1972: Une belle tigresse. 1973: Terreur dans la Nuit. 1980: De plein Fouet. 1983: Les Aventuriers du bout du monde.


Invisible en France depuis plus de 30 ans, plus précisément depuis sa diffusion sur Antenne 2 un mardi de seconde partie de soirée (fin 70/début 80), Terreur dans la Nuit est ce que l'on peut baptiser une relique oubliée que même les fantasticophiles ont tendance à méconnaître du fait de son extrême rareté. Ayant été terrorisé du haut de mes 12 ans lorsque je le découvris pour la première fois chez ma grand-mère, quelle fut ma stupeur de pouvoir retenter l'expérience 30 ans après ma réminiscence grâce à une aubaine inespérée ! Car aussi (faussement) prévisible que la narration le laisse transparaître, Terreur dans la Nuit puise sa densité dans une intrigue délétère redoutablement sournoise, par l'interprétation désaxée de l'illustre Elisabeth Taylor et par son ambiance tantôt angoissante, tantôt oppressante d'une bâtisse gothique renfermant un horrible secret ! Ellen Wheller, veuve aujourd'hui remariée avec un financier, est en proie à la vision nocturne d'un cadavre ensanglanté situé à la fenêtre d'en face d'une maison abandonnée. Dépêché sur les lieux, la police ne constate aucune effraction ni dépouille. Quelques jours plus tard, elle aperçoit à nouveau une étrange silhouette derrière le volet de la demeure. Est-elle sujette à une grave paranoïa du fait de la disparition accidentelle de son mari infidèle ou simplement le jouet d'une odieuse machination ? Et si l'époux était encore en vie ?


Responsable de deux classiques du film de guerre, Quand les aigles attaquent et De l'or pour les BravesBrian G. Hutton s'essaie ici au genre horrifique dans le contexte du thriller à suspense. Si la trame qui se dessine laisse présager situations éculées par le biais d'une potentielle adultère et de faux coupables, la tournure des évènements adopte une ampleur autrement vénéneuse lorsque Ellen est sur le point de chavirer tout en s'efforçant de faire tomber les masques des éventuels imposteurs ! Sans déflorer plus de détails quant à l'ossature du récit, je peux me permettre de prôner l'intensité de son climat angoissant régie autour de la bâtisse délabrée. Le cinéaste cultivant un goût pour le macabre (notamment ses flashs-back décrivant la vision de cadavres blafards au sein d'une morgue !) et le mystère feutré par l'architecture gothique de couloirs, escaliers et chambres décharnées. Sur ce point, le film s'avère une franche réussite et devrait combler les amateurs d'ambiance opaque tant la scénographie des pièces obscures laisse diluer une atmosphère magnétique sous le témoignage impuissant d'une femme fébrile gagnée par la paranoïa. Quand bien même en externe de cet endroit de hantise, un volet fouetté par le vent n'aura de cesse de la brimer et compromettre la véracité de ses hallucinations. Epaulé d'une partition monocorde discrètement perçante, le film instaure l'efficacité d'un suspense latent rehaussé de la sobriété de comédiens jouant avec l'ambivalence de leur posture interlope. Quand au point d'orgue sardonique, le cinéaste transfigure la tension des rapports de force par l'explosion de violence d'un dénouement aussi terrifiant que sanglant ! Et pour l'époque, on reste encore surpris de la verdeur des crimes sauvagement perpétrés au couteau de cuisine !


Correctement réalisé et mené avec le savoir-faire d'un cinéaste épris d'autorité Hitchcockienne, Terreur dans la Nuit privilégie la photogénie d'une ambiance nocturne tangiblement anxiogène juste avant de nous ébranler lors d'un final paroxystique ! Une petite pépite du thriller horrifique honteusement ignorée en dépit de la prestance névralgique d'Elisabeth Taylor

Toute mon affection au blog Les Pépites du cinéma Bis, B et Z
Bruno Matéï
2èx

mardi 17 février 2015

I ORIGINS

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de Mike Cahill. 2014. U.S.A. 1h51. Avec Michael Pitt, Brit Marling, Astrid Bergès-Frisbey, Steven Yeun, Archie Panjabi, Cara Seymour.

Sortie salles France: 24 Septembre 2014. U.S: 18 Juillet 2014

Récompenses: Meilleur Film au Festival du film de Catalogne, 2014.
Prix Alfred P. Sloan du Meilleur Film au Festival de Sundance, 2014.

FILMOGRAPHIE: Mike Cahill est un réalisateur, scénariste, producteur et monteur américain, né le 5 Juillet 1979 à New-Haven (Connecticut).
2011: Another Erath.
2014: I Origins


"Chaque personne sur cette planète a des yeux uniques. Chaque oeil abrite son propre univers. Je suis le Dr Ian Grey. Je suis un père, un mari, et un scientifique. Tout jeune, j'ai compris que les appareils photo fonctionnent tout comme l'être humain : ils absorbent la lumière par une lentille et créent des images avec elle. Je me suis mis à photographier le plus d'yeux possible. J'aimerai vous raconter l'histoire des yeux qui ont changé ma vie. Souvenez-vous de ces yeux, souvenez-vous de chaque détail !"

Déjà remarqué avec le récompensé Another Earth (Prix Spécial du jury à Sundance !); Mike Cahill a de nouveau fait parler de lui chez les festivaliers avec son second long, I Origins, ayant récolté deux prix à Catalogne et à Sundance. En dépit d'une sortie timorée dans nos salles, ce film indépendant d'un cinéaste féru d'astronomie et d'anticipation oppose science et religion à travers le projet improbable d'un jeune savant. Ian Grey est sur le point de parfaire une théorie qui pourrait contredire l'existence de Dieu. Au hasard d'une rencontre, il tombe littéralement amoureux d'une inconnue très portée sur la spiritualité. Par un étrange concours de circonstances, leurs destins vont basculer et remettre en doute les convictions de Ian engagé malgré lui dans un périple initiatique.


A travers le profil de ce scientifique éperdument athée et ne comptant que sur les mathématiques pour démystifier les fois religieuses, il est étonnant de constater la dérision de ses contradictions sachant qu'en exerçant des mutations sur des lombrics aveugles, il incarne la stature d'un divin délibéré à blasphémer les codes de la nature ! Drame intimiste, romance et science-fiction se télescopent avec autant d'originalité que d'onirisme prude, Mike Cahill empruntant ici l'alibi de la vision oculaire pour mettre en appui une réflexion sur la réincarnation après la résultante d'une stupéfiante découverte permettant de retracer la postérité de nos défunts ! Loin de prendre parti, le cinéaste évite le prosélytisme en privilégiant la force des sentiments d'une romance lyrique où l'identité de l'oeil (fenêtres de notre âme, c'est bien connu !) va bouleverser le scepticisme du héros. Epaulé de jeunes comédiens tout à fait convaincants dans leur fonction investigatrice et leur posture fragilisée, le film fait preuve d'un pouvoir de fascination malgré le caractère prévisible de sa seconde partie. Contemplatifs d'une enquête de longue haleine à travers le pays de l'Inde, nous suivons la quête de vérité de Ian avec l'appui de sa cause scientifique qui pourrait justement remettre en cause nos doutes et nos espoirs sur l'existence spirituelle. Sans verser dans le sentimentalisme, Mike Cahill ne manque pas de nous émouvoir lors d'un passage dramatique inopiné (éviter de regarder le Trailer avant d'avoir vu le film ! ) et lors de plages d'onirisme en accord avec la nature, juste avant de nous bouleverser dans un épilogue salvateur d'une riche acuité humaine.


Reflets dans un oeil d'or
Avec originalité, pudeur émotive et une volonté de nous faire voyager à travers la lentille oculaire, I Origins interpelle sur la métaphysique et les diverses croyances sans inciter le spectateur à prendre parti pour telle ou telle cause. Par le biais du progrès scientifique, il cherche également à dénoncer les méthodes sans scrupule de savants utopistes contredisant la foi en Dieu ou bafouant les mystères insondables de l'absolu. Une oeuvre indépendante pleine de sensibilité et d'optimisme car incitant à nous questionner sur le sens de notre identité à travers la théorie de la migration de l'âme ! 

P.S: Ne ratez pas une révélation à la toute fin du générique !

Remerciements à Pascal frezzato et Isabelle Rocton
Bruno Matéï


lundi 16 février 2015

A la recherche de Mr Goodbar / Looking for Mr. Goodbar

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

de Richard Brooks. 1977. U.S.A. 2h15. Avec Diane Keaton, Tuesday Weld, William Atherton, Richard Kiley, Richard Gere, Alan Feinstein, Tom Berenger.

Sortie salles France: 29 Mars 1978. U.S: 19 Octobre 1977

FILMOGRAPHIE: Richard Brooks est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier américain, né le 18 Mai 1912 à Philadelphie, décédé le 11 Mars 1992 à Beverly Hills. 1950: Cas de conscience. 1952: Miracle à Tunis. 1952: Bas les masques. 1953: Le Cirque Infernal. 1953: Sergent la Terreur. 1954: Flame and the Flesh. 1954: La Dernière fois que j'ai vu Paris. 1955: Graine de Violence. 1956: La Dernière Chasse. 1956: Le Repas de Noces. 1957: Le Carnaval des Dieux. 1958: Les Frères Karamazov. 1958: La Chatte sur un toit brûlant. 1960: Elmer Gantry le charlatan. 1962: Doux oiseau de jeunesse. 1965: Lord Jim. 1966: Les Professionnels. 1967: De sang-froid. 1969: The Happy Ending. 1971: Dollars. 1975: La Chevauchée Sauvage. 1977: A la recherche de Mr Goodbar. 1982: Meurtres en Direct. 1985: La Fièvre du Jeu.


Drame social illustrant un portrait sans concession de l'émancipation sexuelle de la femme au coeur des années 70, A la recherche de Mr Goodbar témoigne de la dérive d'une enseignante scolaire, Theresa, célibataire inflexible au goût prononcé pour les aventures nocturnes sans lendemain. Issue d'un milieu catholique enseigné par un père castrateur, elle décide aujourd'hui de s'enfuir du cocon familial pour vivre son indépendance. Au fil de ses rencontres sexuelles avec des rupins infidèles, phallocrates et marginaux, elle se laisse mener par un mode de vie toujours plus instable, à l'instar d'une clientèle toujours frustrée à l'idée de la soumettre, et de l'émergence de la cocaïne au sein des clubs branchés. Comédie douce-amère toujours plus variable au fil du cheminement existentiel de l'héroïne et des désaxés qui l'entourent, A la recherche de Mr Goodbar progresse sa trajectoire vers le sillage du drame sociétal à travers les tabous en vogue de l'avortement, de l'homosexualité, du porno sur pellicule et de la révolution sexuelle. 


Avec humour et gravité, Richard Brooks maîtrise le sujet sans apporter de jugement sur la moralité de l'héroïne et met en relief le malaise d'une société fluctuante où les individus les plus névrosés exploitent sans modération leur nouveau vent de liberté. Outre le dynamisme de sa mise en scène au montage inventif faisant parfois preuve de dérision débridée (mettre en image les délires inconscients de l'héroïne lors de ses fantasmes les plus exubérants) et d'une BO entraînante alternant Soul et Disco, le jeu d'acteurs accentue le rythme narratif par leur stature farouche. Ils doivent beaucoup de l'intensité qui émane de leur mainmise à vouloir régir la vie d'Helena. Je pense à la présence galvanisante de Richard Gere dans celui du marginal impudent toujours plus impérieux lors de ses éclairs de violence. Détestable d'orgueil, il invoque la figure du parfait phallocrate englué dans sa paresse et sa médiocrité. Pleine de fraîcheur et d'une élégance longiligne, Dianne Keaton lui partage la vedette en posture d'épicurienne. Une enseignante aussi attachante et studieuse pour la cause d'enfants sourds le jour, que dissolue et toujours plus effarouchée lors de ses nuits lubriques. Une attitude paradoxale d'autant plus édifiante lorsque l'on apprend de sa confidence qu'elle se refuse à enfanter depuis le traumatisme infantile d'une scoliose héréditaire.


Témoignage caustique de la liberté sexuelle des années 70 où les plus marginaux se laissent vaincre par leur insouciance alors que d'autres continuent de se morfondre dans le déni d'identité (l'homosexualité refoulée de Gary), A la recherche de Mr Goodbar intensifie l'empathie dans le portrait douloureux alloué à une enseignante sur la corde raide. Captivant, insolent et toujours plus ombrageux au fil de son cheminement erratique, l'épilogue effroyable (âme sensibles s'abstenir !) enfonce le clou dans son constat sordide d'une émancipation sacrifiée. Une oeuvre puissante inoubliable. 

Bruno
2èx


samedi 14 février 2015

Tusk

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com


de Kevin Smith. 2014. U.S.A. 1h42. Avec Justin Long, Michael Parks, Génesis Rodriguez, Haley Joel Osment, Johnny Depp, Matthew Shively.

Sortie France directement en Dvd: 11 Mars 2015. U.S: 19 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE: Kevin Smith est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain né le 2 Août 1970 à Red Bank, dans le New-Jersey (Etats-Unis). 1994: Clerks, 1995: Les Glandeurs, 1997: Méprise Multiple, 1999: Dogma, 2001: Jay et Bob contre-attaquent. 2004: Père et Fille. 2006: Clercks 2. 2008: Zack et Miri font un porno. 2010: Top Cops. 2011: Red State. 2014: Tusk.


« Je ne cherche pas à faire mon Kubrick, bordel. Je parle de faire un film avec un putain de gars dans un costume de Morse. Pour la faire courte, c’est juste dingue à quel point nous sommes malgré tout proche de faire quelque chose de vraiment bon ! »
Kevin Smith


Directement sorti en Dvd, Tusk s'inspire de l'épisode The Walrus and The Carpenter créée par Smith lors d'une série de Podcast. Car c'est suite à l'annonce improbable d'un auditeur (en guise de colocation, proposer à un étudiant d'endosser le costume d'un morse et se comporter à la manière de l'animal durant 2h journalières) que Kevin Smith décide d'emprunter ce challenge sans complexe du ridicule. Le pitch en deux mots: Un médecin misanthrope frappé du ciboulot décide de kidnapper un jeune podcasteur pour le transfigurer en véritable Morse et parfaire sa revanche sur la nature humaine (et s'y racheter une conduite !). 


Un concept sardonique sans doute influencé par la farce scabreuse The Human Centipède (délire assumé d'une redoutable efficacité et d'un sens aiguisé de suggestion dans son dosage humour noir/horreur crapoteuse). Kevin Smith tentant d'émuler provocation malsaine, cruauté perverse et sadique et satire morbide pour mieux nous brimer sans faire preuve de complexe. Or, le cauchemar parfois insoutenable en vaut largement la chandelle, qui plus est saupoudré d'humour ultra noir que Johnny Depp amorce par exemple dans sa défroque pittoresque d'investigateur à l'accent québécois saturé d'un regard bigleux. Son sens de dérision macabre étant un tantinet désamorcé d'une aura malsaine trop lourde à tolérer à travers l'alternance de séquences éprouvantes vues nulle part ailleurs. Car de par la situation inhumaine d'un étudiant opportuniste réduit à une masse difforme de Pinnipède humain, de l'intolérance impartie au savant sadique et du climat poisseux régi autour d'eux car trop dérangeant pour égayer la séquestration, Tusk invoque une terreur sournoise littéralement insupportable de tension dramatique. Sur ce point, et pour l'expérience horrifique sévèrement infligée, Tusk s'avère tout simplement une référence encore plus impressionnante et surprenante qu'Human Centipede tant il exploite (plus) adroitement avec un réalisme cru des séquences chocs bâties sur l'humiliation psychologique, la torture physique, la réflexion identitaire quant aux rapports ici communs victime/bourreau jusqu'à y inverser leur rôle. Une manière goguenarde d'ausculter le comportement humain du point de vue d'un animal hybride bientôt motivé par l'instinct de survie. La considération personnelle du serial-killer, porte-parole de la cause animale, s'avère aussi intéressante dans sa réflexion établie sur la nature humaine (l'homme n'est qu'un loup tributaire de ses instincts de survie, de supériorité et de perversité). Ce qui engendre au final l'expiation du savant afin de se pardonner à lui même son manque de dignité lors d'une situation de survie de par le sort imparti à son sauveur que fut un morse. Michael Parks demeurant inoubliable car habité par son personnage sclérosé doucement retors, tétanisant de folie incongrue dans la peau du tortionnaire hanté par son ancienne condition de souffre-douleur et du remord du sacrifice.


A renfort de provocations couillues (si bien que l'on s'étrangle parfois avec nos rires nerveux), Kevin Smith ose filmer l'immontrable, l'absurdité d'une improbabilité sur le chemin d'une dérision morbide extrêmement grinçante, l'horreur poisseuse monopolisant l'absurdité du propos jusqu'au malaise viscéral pour peu que l'on soit sensible à l'agonie exponentielle d'un animal sans défense. Un délire macabre anthologique au demeurant, infiniment déconcertant, voir même bouleversant, à l'instar de son épilogue sciemment insensé lorsque Kevin Smith continue de surfer sur l'humour grinçant auprès d'une empathie poignante difficilement soutenable. L'expérience horrifique, éprouvante, incommodante, contentera donc aisément l'amateur éclairé d'ambiance licencieuse au risque de vous provoquer un malaise viscéral pour les plus sensibles à la cause animale. Tout bien considéré, l'un des métrages les plus extrêmes des années 2000, voir même de l'histoire du genre horrifique. 
A réserver évidemment à un public averti.

*Bruno
24.08.24.
2èx. Vostfr

jeudi 12 février 2015

MAXIMUM OVERDRIVE

                                                                              Photo empruntée sur Google, incombant au site papystreaming.com

de Stephen King. 1986. U.S.A. 1h38. Avec Emilio Estevez, Pat Hingle, Laura Harrington, Yeardley Smith, John Short, Ellen McElduff, J.C. Quinn.

Sortie salles France: 25 novembre 1987. U.S: 25 juillet 1986

FILMOGRAPHIE: Stephen King est un écrivain et réalisateur américain, né le 21 Septembre 1947 à Portland, dans le Maine des Etats-Unis.
1986: Maximum Overdrive


"Le 19 Juin 1987, à 9h47 du matin, la Terre a traversé la trajectoire de la comète Rhéa-M. Selon les calculs astronomiques, la planète restera dans l'influence de la queue de cette comète pendant exactement 8 Jours, 5 heures, 29 minutes et 23 secondes."

Echec public et commercial lors de sa sortie (il rapporta 7 430 000 dollars pour un budget de 9 000 000 !), Maximum Overdrive pâtit de la réputation de son auteur, Stephen King, écrivain de littérature mondialement célébré pour ses écrits fantastiques souvent inscrits dans la modernité de notre quotidien. Planqué derrière la caméra pour la première fois de sa carrière sous la houlette du producteur Dino De Laurentiis, il se réapproprie une de ses nouvelles de Danse Macabre pour mettre en scène une série B maladroite (réalisation, montage sporadiques !) dénuée de surprise malgré un postulat de départ alléchant et la trogne sympathique d'acteurs de seconde zone (Emilio Estevez monopolise la tête d'affiche en porte-drapeau altruiste). A la suite du passage d'une comète autour de la terre, toutes nos machines industrielles se transforment en arme de destruction incontrôlée avec comme unique fonction de nous annihiler. Durant plusieurs jours, une poignée de rescapés d'un relais routier va tenter de survivre contre l'autorité de poids-lourds erratiques.



Démarrant sur les chapeaux de roue avec une succession d'incidents techniques aussi inventifs que jouissifs (le distributeur de banque et de boisson, l'ouverture du point-levis, le couteau électrique), Maximum Overdrive débute en fanfare lorsque les machines déréglées s'unifient pour perpétrer des exactions improbables sous influence extra-terrestre. Alternant humour noir et action spectaculaire, le récit redouble d'audace et d'insolence (citadins écrabouillés par des véhicules à moteur, marmot écrasé par un rouleau compresseur, chien retrouvé la gueule déchiquetée par le jouet d'une voiture électrique) à mettre en valeur des situations alertes où nombre de quidams vont sévèrement trinquer ! Durant 45 minutes, Stephen King réussit avec assez d'efficacité à miser sur l'enchevêtrement de ces situations de panique à renfort de poursuites automobiles, explosions dantesques et agressions sanglantes. Là ou la machine va s'enrayer, c'est lorsque l'action se confine paresseusement en interne du relais pour adopter une démarche de routine beaucoup moins attractive. De par les échanges amoureux impartis au couple de héros, de l'impériosité mesquine du tenancier sans vergogne et des bavardages inutiles entamés entre une clientèle superficielle. Quand à la stratégie adoptée par Bill (traverser les tuyaux d'écoulement avec l'appui d'un bénévole pour secourir une éventuelle victime située à l'autre bout du relais), elle s'avère finalement peu haletante dans sa coordination et peu intense pour l'enjeu humain, même si la découverte d'un gamin débrouillard va relancer quelques péripéties héroïques. Dénué de surprises, Stephen King tente donc de pallier la maigreur de son intrigue par des séquences d'actions souvent spectaculaires (à l'instar de son final - à la limite du ridicule - lorsque nos rescapés sont contraints de faire le plein sous l'allégeance des poids-lourds) et d'autant mieux scandées par le hard-rock électrique du groupe AC/DC ! Quand à l'attitude pugnace du héros sombrant peu à peu dans une dépression passagère, Stephen King n'apporte aucune empathie ni densité pour l'évolution soudaine de son comportement hors d'haleine !


Avec un pitch aussi original que prometteur dénonçant la prolifération de nos technologies modernes (ici, une menace extra-terrestre aiguillant nos propres machines pour nous enrayer !) et l'autorité d'un illustre écrivain passé derrière la caméra, Maximum Overdrive avait de sérieux atouts pour combler l'attente du spectateur. Mal exploité, sans surprises et parfois grotesque, mais récupéré par le fun de scènes homériques ou sanglantes et la bonhomie attachante d'acteurs cabotins, il reste aujourd'hui un plaisir coupable aussi décomplexé que sympathique.

Bruno Matéï  

mercredi 11 février 2015

SAMBA

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site inthemoodlemag.com

de Eric Toledano et Olivier Nakache. 2014. France. 2h00. Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izïa Higelin, Youngar Fall, Isaka Sawadogo, Hélène Vincent.

Sortie salles France: 15 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et acteur français, né à Suresnes le 14 Avril 1973. Il travaille souvent en coréalisation avec Eric Toledano. Il est le frère de l'actrice Géraldine Nakache.
Eric Tolédano est un réalisateur, scénariste, acteur et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille régulièrement avec Olivier Nakache sur l'écriture et la réalisation de longs-métrages.
2005: Je préfère qu'on reste amis... 2006: Nos jours heureux. 2009: Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014: Samba


Trois ans après le phénomène Intouchables, le duo Eric Toledano/Olivier Nakache renoue avec la comédie sociale sans se laisser influencer par la facilité de la déclinaison. Samba privilégiant les rapports amoureux entre un jeune sénégalais en situation irrégulière et une cadre dépressive en voie de convalescence. Cumulant les p'tits boulots et le travail au noir, Samba est contraint d'exercer l'illégalité, notamment en falsifiant de faux papiers, afin de tenter de se faire une place dans une France gagnée par le chômage et l'immigration de masse. Avec l'appui d'un comparse arabe également en situation illégale, il va tenter de conquérir le coeur d'Alice tout en essayant de se construire une vie sociale décente.


Si la nouvelle présence d'Omar Sy et le retour du duo gagnant Toledano/Nakache laissait craindre une resucée d'Intouchables, ces derniers sont loin de s'être laissés distraire par leur notoriété pour bâtir une nouvelle comédie dramatique axée sur la condition précaire des sans-papiers. Si l'aspect irrésistiblement comique de leur précédent succès avait su faire preuve de subtilité pour traiter également avec émotion poignante l'inattendue complicité entre un aristocrate paraplégique et un jeune délinquant, Samba change littéralement de registre pour s'orienter plutôt vers la romance et la cocasserie de situations intimistes inscrites dans le cadre d'un quotidien blafard. Bien que le rythme de la narration pâti parfois de légers signes d'essoufflement, la bonhomie attachante des personnages en quête d'insertion sociale et de fondation amoureuse, et la sincérité des cinéastes à ne pas les confiner dans le misérabilisme ou le sentimentalisme, réussissent à combiner une aventure humaine inscrite dans les instants de tendresse, d'amitié (Tahar Rahim prêtant sa confiance avec une spontanéité expansive dans celui de l'acolyte serviable !) et d'appréhension pour l'exclusion. Outre la posture naturelle d'un Omar Sy plein de doute et de précarité dans sa fonction clandestine d'immigré (un rôle à contre-emploi du boute-en-train d'Intouchables), Samba est également illuminé par la personnalité fragile de Charlotte Gainsbourg. Endossant la position timorée d'une cadre supérieure aujourd'hui reconvertie en bénévolat chez les sans-papiers, l'actrice dégage une sensualité prude dans la suavité de ses sentiments. A travers leur complicité fébrile sans cesse repoussée par l'hésitation, Samba transmet non sans fioriture leurs vicissitudes humaines parmi le réalisme de confrontations tantôt cocasses, tantôt dramatiques, à l'instar de son final poignant où perce une émotion douloureuse.


Retenue, réalisme et sincérité sont les maîtres mots du duo Toledano/Nakache d'avoir su illustrer avec légèreté la rédemption amoureuse d'un sénégalais sans papier avec une notable dépressive, tout en portant témoignage à la difficile insertion de ces immigrés souvent contraints de frauder pour se faire une maigre place dans l'hexagone. Outre la simplicité des séquences intimistes et d'autres plus enjouées (la soirée dansante improvisée sur un tube de reggae !), la participation harmonieuse des comédiens accordent sans outrance leur soutien au récit initiatique de Samba, notamment lors de petits instants de poésie !

Bruno Matéï 



mardi 10 février 2015

HOUSEBOUND. Grand Prix, NIFF 2014, Prix du Public, FEFFS 2014.

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site addictedtohorrormovies.com

de Gerard Johnstone. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h49. Avec Morgana O'Reilly, Rima Te Wiata, Glen-Paul Waru, Cameron Rhodes, Ross Harper, Ryan Lampp.

Sortie salles Nouvelle-Zélande: 4 Septembre 2014. U.S: 17 Octobre 2014

Récompenses: Grand Prix au NIFFF 2014 et du Prix du Public au FEFFS 2014,

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnstone est un réalisateur et scénariste néo-zélandais,
2008/09: The jaquie brown diaries (Serie TV). 2014: Housebound 


Inédit en salles en France malgré son Grand Prix décerné au Niff et son Prix du Public attribué au Feffs, Housebound est une production néo-zélandaise détonante dans son télescopage de comédie pittoresque, thriller criminel et horreur gothique. Inscrit dans la débrouillardise cérébrale grâce à l'ossature d'une intrigue riche en rebondissements impromptus (si on fait fi de petites incohérences), Housebound fait office d'attraction foraine, notamment par l'énergie communicative que les protagonistes insufflent avec une dérision percutante. Après le braquage raté d'un distributeur de banque, la jeune délinquante Kylie est contrainte d'accepter la sentence du bracelet électronique pour retourner chez sa mère durant 8 mois de détention. Alors qu'elle surprends cette dernière déclarer à la radio que sa maison est hantée, Kylie va personnellement se rendre à l'évidence que d'étranges phénomènes inexpliqués intentent à la tranquillité familiale. 


Modeste entreprise érigée sous le moule de la série B, Housebound renoue avec l'éclat des premières oeuvres bricolées, de par sa sincérité indéniable pour le(s) genre(s) et ses trouvailles retorses privilégiant revirements en estocade plutôt que l'esbroufe racoleuse. Grâce à l'habileté de son scénario échevelé (même si sa première demi-heure marque certains signes d'essoufflement !) et la fougue héroïque de personnages aussi décalés que maladroits, le cheminement narratif ne cesse de nous surprendre par l'entremise du simulacre, du subterfuge, du retournement de situation et du faux coupable. Utilisant les codes éculés de la demeure hantée et ceux du thriller criminel (à savoir les exactions d'un éventuel serial-killer !), Housebound réussit à dépoussiérer les genres dans un esprit aussi pittoresque que dramatique (son final réussit même à provoquer une véritable émotion lorsque l'héroïne se retrouve confrontée à sa caricature par l'entremise de dessins !). Sans déflorer d'indices sur l'investigation surnaturelle impartie entre celle-ci et son agent de probation, le film exploite judicieusement le faux-semblant pour mieux nous surprendre dans une mosaïque de situations toujours plus cartoonesques (la dernière partie s'avérant effrénée par son lot de courses-poursuites meurtrières et chausse-trappes !). Soulignant en sous-texte social le rôle pédagogique des parents lorsqu'un mineur est confronté à la révolte de sa solitude, Gerard Johnstone utilise l'alibi du divertissement afin de mettre en exergue l'initiation à la tolérance et l'estime de soi lorsqu'une marginale en quête de vérité s'accorde sagacité et bravoure (parmi l'appui de sa mère !) afin d'éclaircir l'incompréhension.


Conjuguant avec brio, et dans une facture gothique, les éléments de comédie, d'horreur et de thriller, Housebound sait également maîtriser un suspense exponentiel par l'appui d'un montage vigoureux et la structure débridée d'une intrigue soumise à l'audace des protagonistes. Il en émane un divertissement décoiffant, véritable pochette-surprise d'une satire imposée à la discorde familiale et l'apprentissage de la confiance. 

Bruno Matéï