jeudi 4 octobre 2012

Le Masque de la Mort Rouge / The Masque of the Red Death

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinelounge.org

de Roger Corman. 1964. U.S.A/Angleterre. 1h30. Avec Vincent Price, Hazel Court, Jane Asher, David Weston, Nigel Green, Patrick Magee, Paul Whitsun-Jones, Robert Brown.

Sortie salles France: 8 Octobre 1969. U.S: 24 Juin 1964

FILMOGRAPHIERoger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: Le Masque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: Le Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


Les ténèbres, le déclin et la mort rouge étendirent leur empire illimité sur tout. 
Edgar Allan Poe

D'après une histoire d'Edgar Allan Poe, Roger Corman réalise en 1964 l'une de ses plus belles réussites sous la bannière du plus célèbre des romanciers gothiques. Le Masque de la Mort Rouge fait parti de sa septième adaptation, juste avant qu'il ne clôture son cycle Poe avec une dernière pièce maîtresse: la Tombe de Ligeia. Le PitchDans l'Italie du 12è siècle, le prince Prospero sème la terreur auprès des paysans vivants dans des conditions miséreuses. Par la désobéissance de certains d'eux, il décide d'emprisonner le père et l'amant de Francesca dans son château afin de courtiser cette dernière. Pendant ce temps, sous l'apparence d'une silhouette rouge, une étrange épidémie se répand sur la région et contamine un à un les défavorisés. Chef-d'oeuvre du fantastique dans toute sa flamboyance gothique, le Masque de la Mort Rouge est un étrange conte sur la fatalité de la mort. Baignant dans une atmosphère onirique, crépusculaire, pour ne pas dire baroque et atypique, cette cérémonie cynique est avant tout une réussite formelle vouée à l'allégeance macabre d'adorateurs de Satan. 


Ainsi, nous sommes frappés de stupeur face à la scénographie insolite des chambres secrètes du château ayant communément une nuance monochrome bien distincte. Il y a notamment l'extravagance d'un vaste réfectoire prêt à recevoir les nobles invités de Prospéro alors qu'un bal costumé est sur le point d'en célébrer l'agonie. Tandis qu'au sous-sol, des prisonniers parqués dans des cachots rubigineux attendent leur inévitable sort. D'un point de vue graphique, la violence audacieuse (pour l'époque !) de deux séquences surprend encore aujourd'hui par son réalisme cuisant (l'attaque du corbeau sur Juliana et Alfredo embrasé par les flammes). En talent de conteur attentionné et sous couvert d'un récit fantastique imprégné de mystère et de séquences imprévisibles d'une aura à la fois lunaire et sépulcrale (notamment au niveau des réactions hilares des figurants aristos imbibés d'impertinence), Roger Corman confronte la dualité du Bien et du Mal à travers la religion du christianisme et le culte du satanisme. Francesca, jeune paysanne pieuse n'aura de cesse durant son cheminement d'implorer à Prospero son éthique inscrite dans la sagesse car fondée sur les notions de tolérance et respect d'autrui. Mais le prince dénué de vergogne puisque corrompu par le vice, la cupidité et la mégalomanie n'éprouvera qu'indifférence aux regards des plus faibles. Alors que sa vénale assemblée aura droit à un traitement de faveur pour rester au sein du château et ainsi se prémunir de l'épidémie mortelle qui jalonne la campagne. 


Avec une cruelle dérision, le cinéaste met en exergue les effets pervers de l'omnipotence d'une monarchie, de cette autonomie immorale à asservir les plus démunis par cupidité. Il n'hésite pas à ridiculiser ses hôtes voués à accomplir des jeux risibles en communauté par guise d'ennui mais aussi pour divertir la galerie (se comporter tel un animal de compagnie en marchant à quatre pattes ou se déguiser en gorille et gesticuler face à un public hilare dénué de morale !). Et pour iconiser le profil mesquin d'un roi entièrement voué à servir Satan, Vincent Price donne chair à son personnage avec une spontanéité renversante. Car de façon sardonique, en se vautrant dans une triviale désinvolture, il perpétue ses sévices sadiques envers n'importe quel quidam (nobles comme prolétaires) avec une posture impassible particulièrement rogue. Quand à son partenaire Alfredo, tout aussi insidieux et déloyal, c'est Patrick MacGee qui s'y investi avec autant d'égotisme mais aussi d'opportunisme à double tranchant.


Chaque homme se créé son propre dieu, son propre paradis, son propre enfer
D'une beauté picturale rappelant l'esthétisme baroque d'Argento à ses heures de gloire de Suspiria, Le Masque de la Mort Rouge s'agence autour d'un carnaval de damnés fustigés par la maladie, là où la mort rouge reprend naturellement ses droits afin d'y dénoncer la supercherie du Mal. L'interprétation magistrale de Vincent Price d'une cruauté inégalée et la sobriété des seconds rôles renforçant sa vraisemblance occulte sous l'hégémonie d'un cinéaste littéralement au sommet de son art. Tant et si bien que par son parti-pris ambitieux Le Masque de la mort Rouge demeure d'une modernité déconcertante à chaque révision. Tant auprès de sa pléthore de séquences lunaires habilement structurées, de sa violence âpre décomplexée que de sa profondeur psychologique imparties à la théorie du Bien et du Mal. 

*Bruno
31.12.22. 5èx
04.10.12. 

La chronique de la Chute de la maison Usher: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-chute-de-la-maison-usher-house-of.html
La chronique de La Tombe de Liegia: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-tombe-de-liegia-tomb-of-ligeia.html

                                     

mercredi 3 octobre 2012

THE THEATRE BIZARRE


de Buddy Giovinazzo, Karim Hussain, David Gregory, Jeremy Kasten, Tom Savini, Douglas Buck, Richard Stanley. 2011. U.S.A. 1h54. Avec Udo Kier, Catriona McColl, Virginia Newcomb, Shane Woodward.

Sortie salles France uniquement en Dvd et Blu-ray: 3 Octobre 2012

Introduction: (Info Allo Ciné)
Attention, ce film peut provoquer des évanouissements… Telle pourrait être la tagline du film The Theâtre Bizarre, compilation de sept courts métrages horrifiques. Présenté dans divers festivals dont celui de Gérardmer, le film provoque de drôles de réactions puisque 4 personnes se sont évanouies et une autre a dû sortir précipitamment de la salle pour vomir. Le court métrage responsable serait Vision Stains du canadien Karim Hussain, qui suit une tueuse accro aux souvenirs visuels d’autres personnes. Pour satisfaire sa dépendance celle-ci insère l’aiguille d’une seringue (filmé en gros plan) dans l’œil de ses victimes puis dans son œil…


Précédé d'une réputation sulfureuse (voir intro ci-dessus !) et toujours inédit en salles en France, The Theâtre Bizarre reprend le concept du film à sketch pour nous illustrer 6 histoires horrifiques particulièrement dérangeantes et hard-gore. Esthétiquement soigné et pourvu d'une ambiance singulière véhiculant un malaise tangible, cette nouvelle anthologie nous propose des récits inégaux sans toutefois laisser le public indifférent grâce à son efficience régulière et l'audace subversive. En l'occurrence, on sent bien que chacun des réalisateurs à souhaité proposer à l'amateur du genre un spectacle déviant où la poésie macabre ou morbide émane de situations fantasmatiques, entre onirisme extravagant et horreur chirurgicale.

Une jeune femme est irrésistiblement attirée par un cinéma abdiqué. A l'intérieur, un automate humain lui énonce 6 histoires à venir. Pour chaque récit narré, un nouveau pantin se dévoile sur la scène de théâtre tandis que la spectatrice semble perdre pied avec la réalité. 


Le 1er récit, The Mother of Toads de Richard Stanley, débouche sur un univers païen vis à vis d'une sorcière réfugiée au fond d'une cabane afin d'appâter un jeune vacancier fasciné par le Necronomicon. Sans surprise mais pourvu d'une certaine efficacité dans la conduite narrative, ce préambule réussit tout de même à nous séduire par son ambiance diaphane et pastel. Sa poésie macabre émanant d'une nature hostile où d'inquiétants crapauds scrutent la forêt afin d'appréhender le quidam égaré. 
I love You de Buddy Giovinazzo nous conte une histoire d'adultère entre un mari jaloux et une amante dissolue. Le thème conjugal traité avec sarcasme puis sans ambages tire sa force par l'ambiguïté psychologique des deux amants antinomiques et débouche sur une conclusion licencieuse où la jalousie confine vers la schizophrénie.   
Wet Dreams de Tom Savini traite notamment d'un conflit matrimonial entre un époux infidèle et sa femme vindicative. Souffrant de terreurs nocturnes liés à la récurrence de songes cauchemardesques,  l'homme décide de consulter un psychanalyste pour tenter de comprendre ses visions horrifiantes de pénis sectionné, cuisiné ensuite par sa propre épouse ! On tient ici l'un des sketchs les plus débridés et erratiques dans cette confusion altérée du personnage asservi, entre sa part de songe et réalité !


The Accident de Douglas Buck se révèle à mes yeux LE sketch le plus stylisé et maîtrisé mais aussi le plus mature vis à vis du ton mélancolique de sa pudeur humaine. Une mère et sa petite fille sont témoins d'un accident mortel de moto. Choquée par l'apparition du cadavre sans vie, la fillette va tenter de comprendre par l'entremise de sa maman pour quelle raison la mort s'accapare sans prévenir de notre existence. Elégie de la mort dans toute sa cruauté et son iniquité, The Accident aborde le tabou avec une émotion sensitive sous le regard candide de l'enfant. Avec une ambition esthétique morbide proche de l'expérimental Aftermath de Nacho Cerda, Douglas Buck établit une réflexion existentielle sur le sens de la mort, sa cruelle lamentation et l'intérêt d'accorder une faveur à l'aubaine de la vie. Sublime et désenchanté mais d'une tendresse infinie pour l'aspiration prochaine du bonheur !
Vision Stains de Karim Hussain est sans doute l'un des segments les plus glauques et extrêmes, mais aussi le plus original pour tenter de percer les mystères de la vie au-delà de la mort. Une tueuse en série s'accapare des souvenirs des miséreux avec l'aide d'une seringue injectée dans la rétine oculaire. Déroutant, poétique et désespéré, l'intrigue dédiée à la réminiscence des souffres-douleurs se clôt sur une ambivalence occulte, aussi nihiliste que salvatrice pour le destin de sa criminelle !
Enfin, Sweets de David Gregory parachève l'anthologie sur la soumission conjugale en traitant du cannibalisme. Forme allégorique de l'amour vampirique voué à la consommation lorsqu'un couple boulimique s'entredévore par dépit amoureux. Visuellement insolite et raffiné pour mettre en exergue une débauche culinaire, Sweets est une impudente farce macabre à l'insolence sardonique. Méfiance tout de même car la nausée risque de provoquer les "haut le coeur" chez les plus sensibles !


Indubitablement inégal mais souvent intrigant et déconcertant, The Theâtre Bizarre est une oeuvre scabreuse baignant dans la corruption avec une autonomie couillue. Formellement gracile, mis en scène avec rigueur et émaillé de séquences gores d'une verdeur viscérale, ce théâtre morbide renouvelle le genre hétéroclite avec une certaine originalité. D'autant plus que l'ambiance hors norme et sa galerie de personnages marginaux risquent d'en dérouter plus d'un ! Ce qu'il convient de le réserver à un public averti pour son réalisme acéré.

03.10.12
Bruno Matéï


mardi 2 octobre 2012

EXPENDABLES 2: Unité Spéciale (The Expendables 2)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site nicetomeetu.fr

de Simon West. 2012. U.S.A. 1h42. Avec Sylvester Stallone, Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Jean-Claude Vandamme, Chuck Norris, Jason Statham, Jet Li, Dolph Lundgren, Novak Djokovic.

Sortie salles France: 22 Août 2012. U.S: 17 Août 2012

FILMOGRAPHIE: Simon West est un réalisateur, producteur et scénariste britannique, né en 1961 à Letchworth (Royaume-Uni).
1997: Les Ailes de l'Enfer
1999: Le Déshonneur d'Elisabeth Campbell
2001: Lara Croft: Tomb Raider
2006: Terreur sur la Ligne (remake)
2011: Le Flingueur
2012: Expendables 2: Unité Spéciale


Deux ans après leurs premiers exploits, les Expendables sont de retour sous la houlette d'un réalisateur lucratif plutôt conventionnel, Simon West (même si l'impayable les Ailes de l'Enfer était sacrément attractif dans son délire revendiqué). Exit donc Stallone derrière la caméra et place aussi à une nouvelle ribambelle de vétérans notoires du cinéma des années 80 ! Chuck Norris et Jean Claude Vandamme mais aussi Arnold Schwarzenegger ainsi que Bruce Willis (dans des apparitions plus éloquentes que leur caméo du 1er volet).


Cette fois-ci, sous l'injonction de Mr Chapelle, les Expendables ont pour mission de parcourir l'Albanie afin de récupérer un coffre dans la carcasse d'un avion. Mais pour ouvrir la boite codée,  Maggie Chang, une experte, participe notamment à la tâche. Sur place, après avoir retrouvé le mystérieux objet, Barney et son équipe sont sur le point de quitter le territoire. Mais un leader terroriste, Jean Vilain, accompagné d'une escouade de militaires (les "sangs"), les en empêchent afin de s'emparer du coffre. S'ensuit une altercation qui tourne mal puisque la nouvelle recrue des Expendables, Billy Timmons, est sauvagement exécuté ! Fou de colère, Barney et son équipe jurent de se venger de leur tortionnaire. En outre, après avoir découvert ce que renfermait le contenu de la boite (une topographie d'un lieu !) par l'entremise de Maggie, ils vont également tenter de retrouver 5 tonnes de plutonium planqués dans une mine albanaise où des paysans molestés sont exploités comme de véritables esclaves.


Le scénario convenu et éculé est évidemment un prétexte afin d'exploiter la bravoure de quelques scènes belliqueuses pétaradantes. Avec son préambule monstrueusement explosif et son final dantesque tout aussi anthologique, The Expendables 2 ne déroge pas à la règle et propose même de mon point de vue une version améliorée du 1er volet ! Néanmoins, nous sommes toujours bien en présence d'un simple plaisir coupable du samedi soir conçu pour ranimer la flamme des actionner d'exploitation qui ont envahi nos écrans durant les années 80. La bonhomie naïve et la complicité de nos héros (plus attachants !) renforcent le caractère sympathique de ce blockbuster jamais avare en loufoquerie. D'autant plus que la verve ironique de certains dialogues font souvent illusion pour amuser le spectateur. En prime, le dépaysement alloué à son décor soviétique d'un village abdiqué ou la scénographie occulte d'une grotte exploitée à des fins délétères ajoutent un certain charme vintage à l'ensemble. On sera aussi étonné de la petite touche gothico-hybride lors d'une altercation en interne d'une chapelle lorsque des moines encapuchonnés vont utiliser l'arme blanche et pratiquer les arts martiaux pour désarmer l'antagoniste ! Mais Simon West n'oublie pas non plus d'accorder une certaine empathie dramatique au début de l'intrigue à propos de l'exécution sommaire pratiquée à l'un des sbires des Expendables par l'ignoble Jean Vilain (Van Damme en lunettes noires jubile dans un rôle tyrannique et cabotine sans modération !). Alors que son épilogue poignant laisse évacuer une certaine mélancolie pour décrire un Stallone émotionné afin de saluer ses deux derniers briscards de la vieille époque (Willis et Schwarzenegger). De les contempler tous les trois réunis dans le même cadre pour tenir lieu d'un "au-revoir" (ou d'un adieu ?) a quelque chose d'émouvant chez le fan trentenaire issu des eighties.


Nanar ludique dédié à la personnalité virile de ces anciennes gloires du cinéma d'action vétuste, The Expendables 2 est difficile à désapprouver chez l'amateur du genre tant nos illustres comédiens (les vétérans comme les nouveaux sex-symbol, Jason Statham en tête !) sont à la fête. Cette seconde mouture aussi puérile qu'attractive sait donc utiliser avec un peu plus d'efficience que son précédent volet action et humour au gré d'une sincérité attendrissante. On est même en droit d'escompter un 3è volet encore plus prometteur...

02.10.12
Bruno Matéï
                                    


lundi 1 octobre 2012

HARD CANDY

Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineclap.free.fr

de David Slade. 2006. U.S.A. 1h43. Avec Ellen Page, Patrick Wilson, Sandra Oh, Jennifer Olmes, Gilbert John.

Sortie salles France: 27 Septembre 2006. U.S: 14 Avril 2006

FILMOGRAPHIE: David Slade est un réalisateur britannique, né le 26 Septembre 1969 au Royaume Uni.
2005: Hard Candy
2007: 30 Jours de Nuit
2010: Twilight - Chapitre 3: Hésitation
2011: R.E.M (TV)
2012: The Last Voyager of Demeter. Daredevil reboot


Pour sa première réalisation, le british David Slade nous confronte à un huis-clos suffocant et tendu pour une variation contemporaine du Petit Chaperon Rouge. Hard Candy nous illustrant de manière éprouvante la confrontation psychologique entre un potentiel pédophile et une gamine vindicative de 14 ans, délibéré à punir un meurtrier d'enfant. Au sein de sa demeure familiale, Jeff Kohlver, photographe notoire, est kidnappé par une adolescente préalablement rencontrée sur le net. Du haut de ses quatorze ans, Hayley Stark va tenter par tous les moyens de faire avouer à ce potentiel tortionnaire le meurtre de la petite Donna Mauer. S'ensuit une sempiternelle confrontation entre les deux sujets, où victime et bourreau vont fusionner pour nous interpeller sur leur véritable motivation.


Atmosphère lourde et feutrée en interne d'un pavillon classieux auquel deux individus vont devoir s'affronter dans une lutte à mort, Hard Candy n'est pas le genre de divertissement docile conçu pour épater le spectateur afin d'alterner rebondissements et suspense oppressant. En effet, même si la notion de suspense est probante, ce thriller psychologique particulièrement malsain et dérangeant privilégie surtout l'ambiguïté, l'interrogation afin de laisser planer le doute au spectateur sur la véritable identité des protagonistes. L'idée judicieuse invoquée dans le film est d'avoir daigné inverser les rôles impartis puisque la victime traditionnelle se révèle en l'occurrence une tortionnaire à la vergogne  douteuse alors que le monstre a cette fois-ci endossé la place du souffre-douleur. La force brutale de Hard Candy, outre son caractère psychologique trouble et déstabilisant renforcé par une réalisation rigoureuse, puise dans le réalisme cru d'un calvaire interminable où la castration tient une place de choix ! Un jeu perfide et masochiste où une ado de 14 ans a décidé d'humilier et punir un éventuel assassin d'enfant. A bout de course, le point d'orgue révélateur ira jusqu'au bout de son ambition vindicative pour démasquer enfin le véritable profil imparti aux protagonistes. Un épilogue glaçant par sa moralité subversive puisque les exactions illicites allouées à une mineur intransigeante (véritable ange de la vengeance des martyrs infantiles !) provoquent le désarroi face à tant de barbarie imposée.
Dans le rôle ambivalent d'une justicière expéditive, la comédienne juvénile Ellen Page se révèle très impressionnante en tyran inflexible alors que son habileté psychologique nous désarçonne pour un si jeune âge. Son jeu outrancier et sadique face aux tortures infligées à son otage impose néanmoins auprès du spectateur une interrogation sur sa potentielle pathologie mentale. Pour la victime molestée, Patrick Wilson inspire de prime abord une impression vertueuse par sa bonhomie, sa prestance élégante et son intelligence érudite. Il insuffle ensuite une empathie inévitable face à son calvaire imposé mais ne cesse de nous questionner sur sa conviction persuasive à supplier son innocence.


Aux confins du marasme par sa claustration imposée et l'intensité qui émane des enjeux, Hard Candy est un thriller psychologique d'une verdeur et d'un réalisme jusqu'au-boutiste pour en sortir indemne. Violent et perturbant mais aucunement complaisant, sa densité psychologique rehaussée par le jeu épidermique des comédiens ne cesse de nous interpeller car la notion de Bien et de Mal est ici à reconsidérer. En résulte une oeuvre choc monolithique qui déroge les lois de la bienséance avec dextérité et refus d'esbroufe. A réserver néanmoins à un public averti et responsable pour son caractère malsain (d'où l'interdiction imposée au moins de 16 ans).

01.10.12. 2èX
Bruno Matéï


 

vendredi 28 septembre 2012

ROBOCOP

Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecri.artblog.fr

de Paul Verhoeven. 1987. U.S.A. 1h43. Avec Peter Weller, Nancy Allen, Miguel Ferrer, Ray Wise, Paul McCrane, Kurtwood Smith, Dan O'Herlihy, Michael Gregory, Ronny Cox, Lee de Broux.

Sortie salles France: 20 Janvier 1988. U.S: 17 Juillet 1987

FILMOGRAPHIEPaul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam.
1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book.


Deux ans après son chef-d'oeuvre médiéval, La Chair et le Sang, Paul Verhoeven change de registre avec Robocop pour s'ériger vers l'actionner destroy sous couvert d'anticipation alarmiste. Gros succès public et critique à sa sortie, ce monument d'ultra violence et de satire politique reste en l'occurrence incroyablement jouissif, spectaculaire et d'un cynisme ébouriffant ! A travers la vengeance d'un flic préalablement massacré par une milice extrémiste et destitué de son identité par sa propre hiérarchie pour se substituer en machine à tuer, Paul Verhoeven s'autorise tous les excès afin de décrire un monde futuriste régi par une criminalité en effervescence. Cette société déclinante est ici représentée par l'OCP, un conglomérat militaro-industriel et commercial ayant une certaine influence pour gérer la police de détroit. Dehors, c'est l'anarchie la plus complète ! La délinquance et la criminalité ont envahi les quartiers et les flics souvent pris pour cible envisagent de faire grève. C'est au cours d'une mission de routine qu'Alex Murphy et sa collègue Anne Lewis vont se retrouver pris à parti avec les terroristes du leader Clarence Boddicker dans un entrepôt industriel. Murphy est lâchement exécuté, pour ne pas dire massacré sous les balles des tireurs alors qu'Anne survit de ses blessures. Après le rapatriement du corps, un des membres de l'OCP se charge de transplanter le corps du policier en cyborg mi-homme, mi-machine. Mais de manière confuse, la mémoire de Murphy va peu à peu se réveiller pour lui rappeler l'être humain qu'il était au préalable.


Sous couvert de divertissement ultra efficient et furieusement barbare, Robocop caricature une charge contre les médias ainsi que les travers d'une multinationale corrompue par le vice et la cupidité. Alors que dehors, les criminels et prolétaires incultes (car abreuvés de séries TV, pubs débilitantes et pages d'infos éhontées) évoluent dans la déshumanisation d'un univers factice. Comme ce financier licencié qui aura décidé de braquer sa succursale en exigeant le dernier modèle d'une voiture flambant neuf. En pourfendeur sarcastique, Verhoeven décrit notamment une société de consommation démagogique, tributaire de sa technologie moderne, de son armement sophistiqué, tentant par tous les moyens de se transcender avec dommage collatéral. Dans cet avenir pessimiste où l'éthique n'a plus aucune morale, nos capitalistes tentent de s'accaparer du pouvoir par esprit de mégalomanie. C'est donc sans vergogne qu'ils décident de profaner l'identité d'un cadavre de flic pour mieux contrecarrer la criminalité. D'une façon nouvelle, Paul Verhoeven traite aussi du mythe de Frankenstein ou plus précisément de Metropolis avec sa créature asservie par son maître chanteur. De l'être humain ici réduit à l'état de machine à tuer dans une société dépravée où sexe, drogue et alcool sont devenus les seuls hobby. Avec une certaine émotion empathique, la dernière partie nous dévoile justement l'aspect humaniste de cet homme déchu en quête identitaire, à la recherche de son passé, mais finalement engagé dans la justice expéditive pour se venger de ses tortionnaires.


Novateur pour son inventivité technique et d'une ultra violence ébouriffante, Robocop est un sommet de nihilisme où l'homme objet est aujourd'hui destiné à devenir un modèle technologique belliqueux sous la mainmise de sa démocratie. Bourré d'humour sardonique et baignant dans un cynisme au vitriol, ses thèmes de l'insécurité criminelle et d'une hiérarchie policière impuissante préfigurent l'état régressif de notre société actuelle.

La critique de Robocop 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/02/robocop-2.html

28.09.12. 5èx
B-M

mercredi 26 septembre 2012

Breakfast Club

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

"The Breakfast Club" de John Hughes. 1985. U.S.A. 1h37. Avec Judd Nelson, Perry Crawford, Anthony Michael Hall, Emilio Estevez, John Kapelos, Paul Gleason, Molly Ringwald, Ally Sheedy, Ron Dean, Tim Gamble.

Sortie salles France: 11 Septembre 1985. U.S: 15 Février 1985

FILMOGRAPHIE: John Hughes est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 18 Février 1950 à Lansing (Michigan, Etats-Unis), mort le 6 Août 2009 d'une crise cardiaque à New-York. 1984: Seize bougies pour Sam. 1985: The Breakfast Club. 1985: Une Créature de rêve. 1986: La Folle Journée de Ferris Bueller. 1987: Un Ticket pour deux. 1988: La Vie en plus. 1989: Uncle Buck. 1991: Le P'tite Arnaqueuse.

"...Ces enfants sur lesquels tu craches alors qu'ils essaient de refaire le monde n'ont que faire de tes conseils. Ils savent très bien ce qu'ils font..." David Bowie


Don't you
Film culte de toute une génération, chef-d'oeuvre du Teen movie à son avènement, Breakfast Club traverse sans réserve les décennies de par son thème existentiel sur le malaise d'une jeunesse en quête de repères. Car à travers la journée de retenue de cinq adolescents rebelles mais au caractère bien distinct, John Hughes nous décrit de prime abord leur relation conflictuelle pour culminer vers une thérapie de groupe. Ainsi, sous la surveillance d'un prof castrateur; trois lycéens: un intello, un sportif et un délinquant se partagent une journée de "colle" parmi la présence d'une introvertie excentrique et d'une allumeuse notoire. Au fil de leur raillerie, brimades et provocations, les 5 étudiants vont peu à peu apprendre à se connaître, extérioriser leurs blessures les plus préjudiciables et ainsi changer à jamais leur destin.


Quand tu deviens adulte, ton coeur meurt
De par l'attachante complicité de cinq comédiens juvéniles se livrant à nu face caméra, la dimension humaine qui émane de chacun d'eux émeut, bouleverse, ébranle le spectateur. L'identification émanant naturellement de notre propre vécu. Jalonné de dialogues ciselés et de blagues potaches impayables, le cheminement narratif de Freakfast Club illustre surtout le malaise universel de cette époque pubère sur le fil du rasoir. Les relations parentales conflictuelles, l'influence insolente des camarades de classe et le comportement orgueilleux des adultes plongeant nos adolescents dans l'interpellation. Et pour occulter ce mal-être intrinsèque flirtant avec le désarroi, quoi de plus profitable que de feindre sa véritable identité pour se forger une carapace afin de mieux se mesurer à la suprématie des autres (les parents inculquant à leurs enfants la doctrine élitiste du dépassement de soi !). Mais  lorsque cinq adolescents épris de liberté se retrouvent cloîtrés dans une salle de lycée afin de rédiger une dissertation sur leur identité; les prises de becs dérisoires, les préjugés et leurs prises de conscience solidaires auront décidé de lever le voile sur leur véritable profil. A la question inhérente soulevée dans le film : Qui pensez vous être ? Je vous laisse la réponse de l'"intello" du club ! Cher Mr Vernon, nous avons entièrement mérités d'être collés tout un samedi. Mais à quoi bon écrire une dissert sur la façon dont nous nous voyons ? Vous nous avez déjà catalogués selon les termes et les définitions qui vous arrangent le plus. Le fait est que nous avons tous en nous un intello, un athlète, une folle, une princesse et un criminel. Cela répond-il à votre question ? Bien à vous, le club des lève-tôt.


Une seule rencontre suffit pour changer la vie
Scandé d'une sensibilité prude émouvante, Breakfast Club transcende le portrait fragile de cinq adolescents inhibés d'une société arriviste. L'incommunicabilité, la démission parentale et cette morale élitiste repliant un peu plus ceux-ci dans le confinement. Car ce qui nous bouleverse ici émane du sentiment inéquitable d'une jeunesse déboussolée livrée à sa propre conscience lors d'une période immature de puberté. Avec modestie, John Hughes livre donc l'un des plus lucides constats sur la névrose adolescente. Transcender la peur de l'autre par l'amitié et la cohésion fraternelle afin de pouvoir s'émanciper. Car sous pivot psychanalytique de cinq gamins avides d'amour et de considération émane un portrait intimiste d'une bouleversante tendresse à travers leur initiation à la sagesse, à la connaissance et à l'estime de soi dans leur complexité identitaire. 
26.09.124èx
B.M


mardi 25 septembre 2012

Le Ciel peut attendre (Heaven Can Wait). Golden Globe du Meilleur Film, 1978.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site hollywood70.com

de Warren Beatty. 1978. U.S.A. 1h41. Avec Warren Beatty, James Mason, Julie Christie, Jack Warden, Charles Grodin, Dyan Cannon, Buck Henry, Vincent Gardenia, Joseph Maher, Hamilton Camp.

Sortie salles France: 13 Décembre 1978. U.S.A: 28 Juin 1978

FILMOGRAPHIE: Warren Beatty (Henry Warren Beatty) est un acteur, scénariste, producteur et réalisateur américain, né le 30 Mars 1937 à Richmond, Virginie. 1978: Le Ciel peut attendre. 1981: Reds. 1990: Dick Tracy. 1998: Bullworth. 


Remake du Défunt Récalcitrant réalisé en 1941 et adapté d'une pièce de Harry Segall, le Ciel peut attendre est la première réalisation de l'acteur bellâtre Warren Beatty. Une comédie surprenante de par son ton sarcastique et l'aisance à laquelle l'acteur/réalisateur s'y emploie pour nous esbaudir à l'aide d'un pitch désopilant. Ainsi, en dépit d'un montage un peu désordonné, l'histoire ludique du Ciel peut attendre traite de la vie après la mort lorsque Joe Pendleton, joueur de football américain, est contraint de rejoindre par erreur le paradis à la suite d'un accident de circulation. Avec l'approbation d'un guide spirituel, Joe peut rester sur terre quelques temps pour prendre l'apparence d'un milliardaire fraîchement décédé mais pas encore découvert, Mr Farnsworth. Incompétent dans la nouvelle peau d'un nanti pour diriger ses finances, Joe/Mr Farnsworth commence à troubler son entourage auprès de son comportement erratique. Mais sa passion immodérée pour le football et l'arrivée de la charmante Betty Logan vont notamment chambouler les anciennes habitudes du milliardaire. Ce canevas particulièrement cocasse est un prétexte à déployer une multitude de quiproquos et situations improbables souvent irrésistibles. En guise d'exemple farfelu, Mme Farnsworth, épouse orgueilleuse et infidèle, entreprend depuis longtemps une liaison avec Tony Abbott. Ensemble, ils complotent une série de tentatives de meurtres maquillés en accident pour se débarrasser du mari gênant. Mais par malchance, leurs exactions meurtrières se soldent lamentablement par une déroute !


Alors que Mme farsworth est au bord de la crise de nerf, son amant essaie de relativiser la défaite pour pouvoir élaborer une prochaine manigance. Autre exemple échevelé, Joe Pendleton (Mr Farnsworth donc !) dirige en l'occurrence sa hiérarchie d'une manière si puérile et antinomique que son discours est énoncé à l'instar d'une véritable partie de football face à son assemblée décontenancée ! Même topo pour les majordomes de sa nouvelle demeure familiale, écoutant par le trou de la serrure les bavardages récurrents de Joe adressés à une personne invisible (le guide spirituel est uniquement perceptible aux yeux du réincarné !). Ces situations rocambolesques donnent souvent lieux à des fou-rires incontrôlés, d'autant plus que la complicité fringante des comédiens s'en donnent à coeur joie ! Tant auprès de Dyan Cannon absolument irrésistible dans la peau d'une épouse irascible que de l'impayable Charles Grodin en amant flegme aussi sournois dans ses démarches machiavéliques. En prime d'autres seconds rôles aussi attractifs et attachants, Warren Beatty détonne à endosser le rôle désinhibé d'un défunt récalcitrant dont la verve et l'abattage font toujours illusion. Enfin, la charmante Julie Christie s'alloue d'un rôle romantique pour s'acheminer vers l'idylle après avoir découvert le nouveau visage du milliardaire subitement altruiste ! Pour ce faire, l'épilogue attendrissant ne manque pas de poésie en nous affectant sans mièvrerie pour ces nouvelles retrouvailles escomptées.


Hormis sa facture obsolète et sa mise en scène parfois elliptique, le Ciel peut attendre demeure une vraie comédie débridée plutôt espiègle si bien que la plupart des gags restent en l'occurrence bougrement hilarants. Sa ferveur décapante émanant des comédiens décomplexés renforçant la fantaisie expansive de cette comédie fantastique occasionnant notamment un regard fructueux sur le thème de la réincarnation, une réflexion existentielle sur notre identité (intimement liée à notre enveloppe corporelle) et notre instinct à sillonner la voie du bien ou du mal.  

Récompenses: Golden Globe du Meilleur Film, 1978
Oscar de la Meilleure Direction Artistique, 1978
Saturn Award du Meilleur Film Fantastique, 1979

Remerciement à l'Univers Fantastique de la Science-Fiction
25.09.12
Bruno Matéï


lundi 24 septembre 2012

Le Cimetière des Morts-Vivants (5 tombe per un medium)

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Horreur.net

de Massimo Pupillo. 1965. 1h26. Italie. Avec Walter Brandi, Mirella Maravidi, Barbara Steele, Alfredo Rizzo, Riccardo Garrone, Luciano Pigozzi, Tilde Till, Ennio Balbo, Steve Robinson, René Wolf.

FILMOGRAPHIEMassimo Pupillo est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 7 Janvier 1929 à San Severo. 1961: Teddy, l'orsacchiotto vagabondo (doc). 1965: 5 Tombes pour un médium (le cimetière des morts-vivants). 1965: Vierges pour le bourreau. 1965: La Vendetta di Lady Morgan. 1968: Django le taciturne. 1970: Giovane Italia, Giovane Europa - Marternick (télé-film). 1970: L'Amore, questo Sconosciuto. 1980: Sajana, l'audace impresa


1965 est l'année où Massimo Pupillo a enchaîné successivement Vierges pour le Bourreau et l'oeuvre vintage qui nous intéresse aujourd'hui, le Cimetière des Morts-vivants. Relativement peu connu du public et occulté depuis pas mal de décennies, cette série B transalpine fleure bon le gothisme vétuste de par son décor de château hanté et son atmosphère mystérieuse entretenue en mode lattente. Ainsi, parmi son esthétisme du noir et blanc prononcé et l'icone magnétique Barbara Steele, le Cimetière des morts-vivants ressemble à s'y méprendre à un vieil ouvrage que l'on aime feuilleter auprès d'un récit interlope. Le pitchAprès avoir reçu une lettre de Jeronimus Hauff, Albert Kovac, adjoint d'un notaire, se rend dans son château pour une affaire de succession. Sur place, il rencontre la fille et la femme de ce riche propriétaire adepte d'expériences occultes. Or, Jeronimus Hauff est décédé de manière accidentelle il y a un an déjà ! L'atmosphère particulièrement tendue dans la demeure inquiète Albert Kovac, notamment lorsqu'il apprend que le lieu familial fut autrefois un lazaret afin d'accueillir les lépreux lors de la peste de 1400.


Mystère diffus et suspense sous-jacent demeurent les ingrédients majeurs de cette modeste production afin de mettre en valeur une horreur sobre (renforcée par sa photo monochrome). Et ce en dépit du point d'orgue haletant illustrant de manière explicite les états pestiférés des victimes de la peste (focale variable sur les plaies vitriolées !) par l'entremise de maquillages futiles mais crédibles. Par conséquent, cette intrigue criminelle conjuguée efficacement au fantastique occulte s'avère suffisamment adroite et structurée pour laisser planer doute et manigances auprès des principaux témoins. De par le caractère sournois des protagonistes suspicieux, la quête de vérité d'Albert Kovac se décline en une énigme délétère émaillée de morts terrifiantes et d'indices intrigants (l'eau s'atrophiant sans raison !), et ce sous l'emprise diabolique d'esprits frappeurs ! A titre d'originalité bienvenue, un élément naturel purificateur y jouera un rôle primordial afin de contrecarrer les forces du mal ! Parmi la présence mystique de l'obscur Jeronimo, certains spectateurs pourront peut-être établir la comparaison avec le personnage de Robert Miles (Patrick MaGee) vu dans le sympathique Chat Noir de Lucio Fulci pour ses pratiques occultes perpétrées dans un cimetière diaphane. On peut aussi évoquer le personnage de Ashley (Bruce Campbell) rendu célèbre dans Evil-Dead lorsque Albert découvre les travaux ésotériques de Jeronimo par le truchement d'un phonographe. On retrouve d'ailleurs un peu ce même sentiment d'insécurité et d'atmosphère macabre savamment distillée au sein d'un manoir où certaines armoires regorgent de cranes humains ainsi qu'une rangée de mains sectionnées. 


De par sa réalisation soignée, ses acteurs convaincants et un scénario plutôt captivant, le Cimetière des Morts-vivants demeure une bonne surprise suffisamment efficace pour entretenir l'attention d'un suspense lattent. Son atmosphère palpable, la présence secondaire de la scream queen Barbara Steele ainsi que sa comptine mélancolique (innocemment fredonnée) renforçant l'aspect fascinant de son gothisme épuré. Pour info subsidiaire, on préférera son titre initial, 5 tombes pour un médium, beaucoup plus pertinent que son homologue lucratif adoubé chez nous. 

Un grand merci à Artus Films ^^
*Bruno
24.09.12



vendredi 21 septembre 2012

TYRANNOSAUR. Prix Spécial du Jury, Sundance 2011

Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Paddy Considine. 2011. Angleterre. 1h32. Avec Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan, Paul Popplewell, Ned Dennehy, Samuel Bottomley, Sally Carman.

Sortie salles France: 25 Avril 2012

Récompenses: Dinard 2011: Grand Prix du Jury, Meilleur Scénario
BIFA 2011: Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleure Actrice
Sundance 2011: Prix Spécial du Jury, Meilleur Réalisateur, Meilleur Acteur, Meilleure Actrice

FILMOGRAPHIE: Paddy Considine est un acteur et réalisateur anglais né le 5 Septembre 1974.
2011: Tyrannosaur


Pour une première réalisation, le britannique Paddy Considine s'emploie au drame social pour nous relater la chronique aigrie d'un quinquagénaire irascible issue d'une banlieue défavorisée. Après la mort de sa femme diabétique, Joseph noie sa solitude dans l'alcool et les rixes de voisinage. Mais un jour, alors qu'il se balade dans une rue commerciale, il fait la rencontre d'une vendeuse de vêtement, Hannah. Catholique pratiquante vouée à l'espoir et l'amour de Dieu, cette épouse molestée est tributaire d'un mari tyrannique et pervers. Ensemble, ils vont apprendre à se connaitre, s'apprivoiser, s'entraider malgré la dureté d'une existence intransigeante. Climat blafard d'une banlieue défavorisée livrée au chômage, l'alcoolisme et la violence, alors que les voisins lambdas tentent d'imposer leur loi, Tyrannosaur  illustre de manière abrupte le portrait d'un couple en perdition. Sans pathos et avec un réalisme sordide parfois difficile, c'est de prime abord la trajectoire esseulée d'un quidam à bout de souffle qui nous ait conté, un individu rongé par la haine de l'injustice dans son environnement défavorisé. Tandis qu'au fil d'une rencontre entretenue avec une femme battue, Joseph va peu à peu renouer avec un regain d'humanité dans son cheminement hasardeux émaillé d'incidents compromettants.


A travers cette romance ardue auquel nos protagonistes sont constamment brimés par un climat insécuritaire et où les provocations ne cessent de les ébranler, Paddy Considine distille néanmoins l'espoir, le dévouement, le désir, l'attachement que chaque individu recèle au plus profond de son âme. Quelque soit notre condition d'être déchu ou sur le fil du rasoir, une parcelle d'optimisme, un regain d'empathie envers une personne intègre, cette envie soudaine de s'affirmer et d'avancer vers une horizon incandescente peuvent expier tous les pêchers du monde. Avec intensité austère, le réalisateur exprime donc le combat perpétuel qu'un quidam déboussolé puisse rencontrer à un moment fatal de son existence. C'est à dire daigner s'accepter et tenter contre vents et marée de se dépêtrer de l'infortune par ce besoin éprouvé de tendresse. Le visage buriné et d'une animosité innée, Peter Mullan impressionne de sa présence robuste, de son regard en demi-teinte à deux doigts de commettre un drame irréparable. A la manière d'un tyrannosaure (alors que le terme est ironiquement impartie à sa défunte !), ce laissé-pour-compte chargé de haine alterne poussés de violence incontrôlée et remise en question existentielle pour son affliction inconsidéré aux yeux de la société. En femme humiliée pourvue d'une indulgence désespérée, Olivia Colman magnétise chaque séquence de sa présence candide et se révèle bouleversante de fragilité pour tenter d'apprivoiser mais aussi accepter un erratique au bord du gouffre.


D'une violence parfois difficile mais jamais ostentatoire, Tyrannosaur est une oeuvre puissante, un drame social éprouvant car inscrit dans le désarroi pour ausculter le portrait à fleur de peau de deux écorchés vifs. Deux quidams à deux doigts de faire naufrage dans leur monde intolérant mais finalement gagnés par la rage de survivre par leur malheur imposé. Et pour authentifier cette romance épineuse, Peter Mullan et Olivia Colman (LA révélation !) livrent communément une interprétation d'une rare verdeur émotionnelle ! Sans toutefois négliger la présence cinglante de seconds rôles criant de vérité par leur trogne fracassée.

21.09.12
BM

jeudi 20 septembre 2012

POSSEDEE (THE POSSESSION)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site sadgeezer.com

de Ole Bornedal. U.S.A/Canada. 1h32. Avec Jeffrey Dean Morgan, Kyra Sedgwick, Natasha Calis, Grant Show, Madison Davenport, Rob LaBelle, Jay Brazeau, Quinn Lord, John Cassini.

Sortie salles France: 26 décembre 2012. U.S: 31 Août 2012

FILMOGRAPHIE: Ole Bornedal est un réalisateur danois né le 26 Mai 1959.
1994: Le Veilleur de Nuit. 1997: Le Veilleur de Nuit. 2003: Dina. 2007: The Substitute. 2010: Just another love story. 2012: Possédée.


Y'a t-il un exorciste chez Rabbi Jacob ? (ou comment préfigurer au plus vite son Flop 1, 2012 !)

Clyde et Stephanie Brenek ne voient pas de raison de s’inquiéter lorsque leur fille cadette Em devient étrangement obsédée par un petit coffre en bois acheté lors d’un vide grenier. Mais rapidement, son comportement devient de plus en plus agressif et le couple suspecte la présence d’une force malveillante autour d’eux. Ils découvrent alors que la boîte fut créée afin de contenir un Dibbuk, un esprit qui habite et dévore finalement son hôte humain.

Une énième déclinaison de l'Exorciste pour une prod de luxe estampillée Raimi. Les clichés se ramassent à la pelle, les situations prévisibles sont tellement redondantes qu'elles provoquent inévitablement un ennui dépressif et l'ambiance horrifique tente d'intensifier l'intrigue par un score élégiaque
tout en sobriété. Le réal s'évertue comme il peut à privilégier la dimension humaine des parents divorcés de la petite Emi, en vain. Et cela en dépit de la bonne volonté des comédiens pour sauver les meubles. En prime, à titre d'originalité, introduire une légende juive par l'entremise d'une boite de pandore pour relancer la franchise sataniste sombre ici dans le ridicule. Un ou deux effets chocs sont peut-être à épargner de ce naufrage mercantile, parodie involontaire et véritable insulte au cinéma d'horreur transgressif. Mieux vaut se replonger pour la 10è fois dans les climats funestes ou malsains de l'Antéchrist d'Alberto De Martino ou encore du méconnu et mélancolique Emilie, l'enfant des Ténèbres de Massimo dallamano.

20.09.12
Bruno Matéï

http://brunomatei.blogspot.fr/2011/03/lantechrist-antichrist.html

http://brunomatei.blogspot.fr/2011/05/emilie-lenfant-des-tenebres-il.html


mercredi 19 septembre 2012

La Chair et le Sang (Flesh and Blood)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com 

de Paul Verhoeven. 1985. U.S.A/ Espagne/Hollande. 2h06. Avec Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Jack Thompson, Brion James, Ronald Lacey, Simon Andreu, Jake Wood, Bruno Kirby, Tom Burlinson.

Sortie salles France: 2 Octobre 1985. U.S: 30 Août 1985

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam. 1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book.


Première production hollywoodienne pour Paul verhoeven, en affiliation avec l'Espagne et son pays natal, La chair et le Sang se solde d'un échec public dès sa sortie en 1985. Pour élucider cette défaite, son concentré de violence tranchante et de verdeur érotique eurent sans doute gêné un public trop frileux habitué à l'édulcoration de récits moyenâgeux en bonne et due forme. Epaulé de son acteur fétiche Rutger Hauer et recrutant la jeune comédienne Jennifer Jason Leigh pour son premier grand rôle à l'écran, cette épopée médiévale transpire la chair (la peste) et le sang comme aucune autre production n'eut osé la retranscrire. Ainsi, à travers l'idylle amoureuse d'un mercenaire immoral et d'une jeune femme manipulatrice, Paul Verhoeven nous confronte à une lutte de classes au coeur de l'Europe du 16è siècle si bien que Steven, jeune seigneur pugnace tentera de récupérer sa belle, prisonnière du clan rival des frondeurs incultes. Transposé à l'époque du moyen-âge à l'orée de la renaissance, La Chair et le Sang nous confronte à partager l'intimité de cette troupe de voleurs mesquins réfugiés au sein d'un château après l'avoir assailli. Au préalable, ces derniers furent trahis par leur propre seigneur durant une rude bataille. Mais une embuscade savamment planifiée par ces activistes leur auront permis de récupérer l'argent dérobé. C'est par cette occasion fructueuse que le leader Martin s'entreprend d'enlever la princesse Agnes pour la violer parmi le témoignage de ses comparses. Mais la jeune vierge finaude et séductrice parvient in extremis à charmer son tortionnaire au point de le rendre éperdument amoureux. 


Par conséquent, cette romance vénéneuse traversée de batailles homériques conjugue de façon frénétique érotisme sordide (le viol d'Agnes distille un climat pervers particulièrement voyeuriste) et charnel (sa coucherie nocturne avec Martin lors d'un bain vaporeux éclairé de candélabres). L'ambition provocatrice de Verhoeven insufflant parfois même une poésie morbide singulière lorsque Agnes et Steven, réunis au coeur d'une prairie, roucoulent en dessous de deux pendus putréfiés ! Superbement photographié dans des décors naturels tantôt crépusculaires et magnifié par la vigueur d'une mise en scène virtuose, la Chair et le Sang est une perpétuelle bravade à transgresser la vérité historique d'une époque médiévale dénuée de moralité. Son pouvoir de fascination prégnant émanant principalement de la caractérisation de ces protagonistes subversifs, tour à tour délétères, sournois, équivoques, qui plus est, gagnés par la peur expansive de la peste bubonique. Pour ce faire, la dernière partie illustrant la panique des mercenaires empoisonnés par l'eau provoque malaise, ad nauseum chez le spectateur. De par son réalisme malsain, le réalisateur distille une ambiance de claustration, nous enivre les sens face à l'odeur putrescente de quartiers de viandes avariés, vulgairement découpés sur un chien mort car envoyés par l'antagoniste sur la tête des occupants ! Le fanatisme religieux et son emprise sur les utopistes est également traité à travers le personnage du cardinal guidant ses amis vers un destin (ironiquement) moribond (la propagation de la peste). Et ce par le truchement spirituel de sa statue St-Martin. Ainsi, à travers le destin misérable de cette poignée de brigands sans vergogne, la Chair et le Sang décrit avec force et souci d'authenticité l'instinct de survie chez l'être humain voué à corrompre, trahir et assassiner au prix de la liberté, l'amour ou la cupidité. Mais l'ascension de la renaissance, l'évolution de l'obscurantisme et les nouvelles techniques de la médecine laissent néanmoins augurer un regain d'humanité, un cheminement progressif à travers l'inconscience de ses preux antagonistes. 


Sublimé de la présence diaphane de Rutger Hauer et de la délicieuse Jennifer Jason Leigh (plus équivoque, lascive et impudente que jamais !), La Chair et le Sang constitue LE chef-d'oeuvre médiéval de premier choix en dérogeant la norme traditionnelle du divertissement imberbe. En résulte une oeuvre provocatrice à l'odeur de souffre parfois nauséeuse (la religieuse mortellement blessée au crane par l'entaille d'une épée, l'accouchement du bébé mort-né, la fillette moribonde atteinte de la peste) mais pourvu d'une ambition intègre à reconstituer une épopée flamboyante, aussi bien foisonnante que débauchée. 

19.09.12. 4
Bruno Matéï

 

Apport technique du blu-ray: 9/10