vendredi 25 juillet 2014

HOW I LIVE NOW (Maintenant c'est ma vie)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Kevin Macdonald. 2013. Angleterre. 1h41. Avec Saoirse Ronan, Tom Holland, Anna Chancellor, George MacKay, Corey Johnson, Sophie Ellis, Harley Bird.

Sortie salles France: 12 Mars 2014. Angleterre: 4 Octobre 2013

FILMOGRAPHIE: Kevin Macdonald est un réalisateur, scénariste et producteur écossais, né le 28 Octobre 1967 à Glasgow.
2003: La Mort Suspendue. 2006: Le Dernier roi d'Ecosse. 2009: Jeux de pouvoir. 2011: L'Aigle de la 9è Légion. 2013: How I live now. 2014: Black Sea.


Découvrir une production méconnue (car sortie dans la discrétion !) par le biais d'un ami après avoir été dubitatif au vu de sa bande-annonce prouve qu'il ne faut pas s'arrêter à une compilation bâtie sur le merchandising. Daisy, adolescente américaine, passe séjourner quelques vacances chez ses cousins dans la campagne anglaise. Alors qu'elle se lie d'affection auprès du jeune Isaac, une 3è guerre mondiale éclate ! Séparés en 2 groupes par les forces armées, Daisy lui tient la promesse de venir le rejoindre au moment opportun. How I Live now fait parti de ces curiosités dont le pitch éculé pourrait de prime abord délaisser le spectateur s'il n'avait pas été retranscrit avec autant de lyrisme et de subtilité. Car il s'agit bien ici d'un film d'auteur que l'anglais Kevin Macdonald nous retransmet sans règle établie, dans le sens où, comme le cheminement incertain des deux héroïnes, nous ne sommes guidés que par leur instinct de survie où le danger aléatoire peut brusquement intervenir.


Ce sentiment d'abandon, cette fragilité adolescente sont d'autant mieux exprimés par des comédiens dépouillés où l'émotion, tantôt poignante ou cruelle, intervient là où on ne l'attends jamais. Sous couvert de 3è guerre mondiale, le réalisateur illustre avec une habile suggestion les conséquences du désastre et de la barbarie car se focalisant plutôt sur la désolation environnementale et la résultante des massacres commis par les terroristes. Dénonçant leur lâcheté, leur animosité et leur perversité en cas d'invasion guerrière, Kevin Macdonald ne cherche pas le racolage ni l'artifice pathos pour nous ébranler. Et pourtant, un malaise tantôt sous-jacent, tantôt viscéral vient nous dérouter car la guerre est en l'occurrence observée du point de vue de l'innocence. Celle de l'enfance et de l'adolescence. Retraçant le parcours de Daisy et de la petite Piper en quête éperdue d'une terre nouvelle et de retrouvaille amoureuse, le cinéaste aborde le mode du survival avec pudeur et réalisme brut. Filmant la nature comme un Eden sensoriel, nos deux héroïnes évoluent dans ce milieu écologique avec la crainte au ventre car témoins d'exactions criminelles et de viols en réunion au fil de leur itinéraire. Ce tableau saisissant imparti à la beauté de la nature et la candeur des héroïnes contrastent avec la violence putassière de la guerre et le traumatisme qui s'ensuit. Ce qui nous achemine vers un climat déconcertant car bousculant nos habitudes de spectateur pris à parti entre les composantes de virginité et de brutalité que le réalisateur dompte à sa guise.


La fille au bout du chemin
Quête initiatique à la maturité, récit d'amour désespéré, réquisitoire contre l'ignominie guerrière How I live now extériorise au final un apprentissage à la liberté. Car l'implication de cette guerre démystifie une réflexion sur l'obsession de la prévention alimentaire et celle de l'hygiène que les médias et magazines s'empressent de nous dicter sous l'enseigne de la santé publique. Hymne à l'indépendance et à l'harmonie de la nature, poème d'amour et de mort, How I live now est une oeuvre dure et brutale, mais aussi sensible que fragile, à l'instar de sa délivrance finale d'une grave intensité émotionnelle. 

Un grand merci à Pascal Frezzato et Gilles Rolland
Bruno Matéï


jeudi 24 juillet 2014

Nomads. Grand Prix du Public au rex de Paris, 1986.

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de John Mc Tiernan. 1986. 1h31. U.S.A. Avec Pierce Brosnan, Lesley-Anne Down, Anna Maria Monticelli, Adam Ant, Mary Woronov, Héctor Mercado, Josie Cotton, Frank Doubleday, Jeannie Elias, Nina Foch...

Sortie salles France: 21 Mai 1986. U.S: 7 Mars 1986

FILMOGRAPHIE: John McTiernan est un réalisateur et producteur américain, né le 8 janvier 1951 à Albany à New-York. 1986: Nomads. 1987: Predator. 1988: Piège de Cristal. 1990: A la Poursuite d'Octobre Rouge. 1992: Medicine Man. 1993: Last Action Hero. 1995: Une Journée en Enfer. 1999: Le 13è Guerrier. 1999: Thomas Crown. 2002: Rollerball. 2003: Basic.


Boudé à sa sortie par la critique mais ovationné par le public du Rex de Paris lui décernant le Grand Prix, Nomads fait parti de ces films maudits injustement vilipendés. C'est d'autant plus préjudiciable qu'il s'agissait d'une toute première oeuvre d'un cinéaste de 35 ans reconnu depuis comme un maître du cinéma de genre. Car un an après ce flop commercial, John Mc Tiernan se tailla déjà une réputation notable pour exploser le box-office avec un survival testostéroné, Predator ! Le PitchDans un hôpital, une praticienne tente de porter secours à un patient malmené par la police car particulièrement fébrile et déclarant des propos incohérents. Alors qu'elle tente de le calmer, l'homme fulmine à nouveau pour lui souffler à l'oreille quelques mots imbitables juste avant de mourir. Habitée par l'esprit de cet éminent anthropologue, Eileen Flax va découvrir les véritables raisons qui l'ont amené au bord de la folie. En terme d'originalité, Nomads peut dignement faire office d'oeuvre atypique pour son concept de fantastique moderne dédié à la légende. Celle de la tribu des Inuits, des esquimaux errants sur les déserts de glace (et de sable !) avant de voyager à travers le monde. Prenant forme humaine, ils s'agiraient d'esprit maléfiques résidant dans des lieux maudits, et qui apporteraient folie et malheur à ceux qui s'en approcheraient. 


Ainsi, à partir de ce pitch aussi étrange que fascinant, John Mc Tiernan nous invoque du fantastique mature dans sa noblesse de la suggestion et la caractérisation fragile des personnages. Avec l'intervention improvisée d'une doctoresse en transe, Nomads ne cesse de confondre rêve et réalité dans sa psyché torturée où se projettent sans répit les réminiscences de Jean-Charles Pommier. En quête de vérité pour savoir s'il était épris de démence et quelle relation il pouvait entretenir avec les Enuits, elle revivra ses derniers jours d'investigation lorsqu'il épiait de son appareil photo une bande de loubards particulièrement violents et autonomes. Mutiques, vêtus de noir et voyageant d'une contrée à l'autre, ces noctambules nous sont représentés comme des affranchis sans vergogne car perpétrant le mal à leur guise. De par l'interaction émotive d'Eileen et Jean-Charles, psychologiquement raccordés pour observer les conditions de vie de la tribu, Nomads insuffle un climat envoûtant sachant que ces loubards semblent avoir la faculté d'extérioriser chez l'intrus des délires hallucinatoires proches de la folie. Spoil ! Alors qu'il était persécuté et poursuivi sans relâche, Eileen Flax va à son tour subir leurs provocations hostiles lorsqu'elle décide de trouver refuge chez son épouse. Fin du Spoil


Etrange, déroutant, envoûtant, Nomads joue la carte d'un fantastique éthéré au mystère irrésolu, à l'instar de son twist cuisant inopinément caustique (tout du moins d'une certaine manière équivoque). Renforcé du jeu fébrile d'un Pierce Brosnan transi d'émoi et scandé du magnifique thème de Bill Conti, Nomads garde intact son pouvoir de fascination tout en préservant son identité mystique, entre hallucination et réalité existentielle. Une perle rare donc à réhabiliter d'urgence !

*Bruno
21.01.23.
4èx

mercredi 23 juillet 2014

Rolling Thunder / Legitime Violence

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de John Flynn. 1977. U.S.A. 1h40 (version intégrale). Avec William Devane, Tommy Lee Jones, Linda Haynes, James Brest, Dabney Coleman, Lisa Blake Richards, Luke Askew.

Sortie salles France: 5 Avril 1978

FILMOGRAPHIE: John Flynn est un réalisateur et scénariste américain, né le 14 Mars 1932 à Chicago, décédé le 4 Avril 2007 en Californie. 1968: Le Sergent. 1972: The Jerusalem File. 1973: Echec à l'Organisation. 1977: Légitime Violence. 1980: Les Massacreurs de Brooklyn. 1980: Marilyn, une vie inachevée. 1983: Touched. 1987: Pacte avec un Tueur. 1989: Haute Sécurité. 1991: Justice Sauvage. 1992: Nails (télé-film). 1993: Scam (télé-film). 1994: Brainscan. 1999: Meurtres très ordonnés. 2001: Protection.


Vigilante movie bien ancré dans les années 70 de par sa violence aride façon Peckinpah et par sa représentation nihiliste d'une Amérique gangrenée par la criminalité, Rolling Thunder bénéficie aujourd'hui d'une côte d'estime bien plus considérable que lors de sa sortie. A l'aune de Quentin Tarantino lui vouant un tel culte qu'il emprunta le titre éponyme afin de nommer sa boite de distribution Dvd spécialisée dans le cinéma d'exploitation. Le pitchAprès 7 ans de captivité au Vietnam, le major Charles Rane retourne chez lui pour être accueilli comme un héros de guerre multi décoré et ovationné par la population. Traumatisé par ce qu'il a vécu, ses relations avec son fils et sa femme battent de l'aile, quand bien même cette dernière lui avoue qu'elle l'a trompé avec l'un de ses amis. Quelques jours plus tard, une bande malfrats s'introduisent dans sa demeure pour lui réclamer une mallette de dollars. Tenant tête à leur exigence, il est sévèrement battu puis torturé par un broyeur de cuisine lui arrachant la main. Entre le western et le film d'auto-défense initié par Bronson avec Un Justicier dans la VilleRolling Thunder se détache du lot traditionnel par une aura toute particulière pour le genre d'exploitation où vendetta est synonyme de violence expéditive. Celle d'un climat poisseux, désincarné au sein d'une Amérique hantée par des fantômes marginaux, même si c'est au niveau de la frontière mexicaine que notre anti-héros s'aventurera afin de retrouver les assassins de sa famille. 


Epaulé d'une blondinette de 30 ans en quête affective, Charles Rane l'utilise au départ comme appât pour mieux amadouer les criminels et avant d'aborder une relation faussement sentimentale. Déambulant dans les endroits miteux de bars et de bordel, notre exterminateur n'a comme seul dessein d'affronter l'ennemi par le sang afin de satisfaire ses pulsions meurtrières. Muni d'un crochet de boucher à la place d'une main amputée et de diverses armes à feu, c'est une guerre toute aussi bestiale qu'il déclare dans un dernier baroud d'honneur suicidaire. Avec son ambiance défaitiste où les contrées désertiques sont desséchées par le soleil, Rolling Thunder contraste avec la désillusion du vétéran traumatisé des horreurs de la guerre et devenu depuis machine à tuer. Sa tentative de réhabilitation au sein de sa patrie ne sera de courte durée puisque conscient qu'il n'est plus que l'ombre de lui même, un mort-vivant préalablement sacrifié dans une geôle de prisonniers. Diatribe contre la barbarie de la guerre, John Flynn dresse ici l'inquiétant portrait d'un martyr devenu insensible à la douleur parce que épris de masochisme pour la torture quotidienne qu'il eut autrefois expérimenté. Ainsi, à travers son errance désabusée et sa complicité fragile avec son amie de passage, le film observe leur parcours de laissés-pour-compte rêvant d'un ailleurs édénique (celui de la nature réfrigérante de l'Alaska par exemple !) afin d'omettre leur morne existence.


Le Mort-Vivant
Traversé d'éclairs de violence sèche jusqu'au point d'orgue paroxystique, Rolling Thunder se décline en odyssée de l'amertume et de la solitude. Le tableau dérisoire d'une Amérique post-vietnamienne dénuée de repères au moment même où l'un de leur vétéran aura décidé une seconde fois de s'y sacrifier. C'est ce qui fait l'originalité et l'intensité de cet étrange périple hanté du charisme sévère de l'acteur William Devane en anti-héros en berne plus mort que vivant. 

*Bruno
16.01.23. 4èx
Dédicace à Christophe Colpaert

lundi 21 juillet 2014

Lifeforce

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Tobe Hooper. 1985. U.S.A. 1h52 (version intégrale). Avec Steve Railsback, Peter Firth, Frank Finlay, Mathilda May, Patrick Stewart, Michael Gothard, Nicholas Ball, Aubrey Morris, Nancy Paul, John Hallam, John Keegan.

Sortie Salles France: 18 Septembre 1985. U.S: 21 Juin 1985

FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantome, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.


Série B à gros budget mésestimée à sa sortie, d'autant plus desservie par son échec commercial, Lifeforce s'est depuis taillé une réputation de petit classique de la science-fiction horrifique pour son judicieux alliage des genres, la qualité de ses fx et de son score orchestral ainsi que sa grande efficacité narrative. Le pitchLors d'une mission spatiale, le colonel Tom Carlsen et son équipage explorent un vaisseau spatial réfugié dans la comète de Halley. A l'intérieur, ils y découvrent trois êtres d'apparence humaine confinés dans des caissons de verre. Ces sujets dénudés s'avèrent de redoutables vampires de l'espace déterminés à conquérir notre monde en se nourrissant de notre force vitale. Nanar pour les uns, divertissement de haute tenue pour les autres, Lifeforce ne manque ni de moyens techniques ni d'idées retorses pour captiver le spectateur embarqué dans une trépidante course contre la montre où s'y télescopent vampires extra-terrestres et zombies en rut. D'après le roman de Colin Wilson, le film bénéficie d'une trame originale afin d'explorer le mythe du vampire dans un contexte futuriste. Son aspect insolite émanant de l'origine stellaire à laquelle ces vampires appartiennent. 


Il tire parti d'une indéniable efficacité à multiplier leurs exactions meurtrières afin de converger à une réaction en chaîne produisant ainsi une pandémie dans un Londres en flammes ! Soutirés de leur substance vitale par le simple acte d'un baiser, les citadins possédés se contraignent à leur tour d'embrasser d'autres proies afin de survivre et de sauvegarder la race extra-terrestre. Parmi la présence angélique de la française Mathilda May, Lifeforce est notamment guidé par son aura ensorcelante, son appétit insatiable à dérober nos forces vitales afin de nous anéantir et conquérir notre planète. Sa présence tangible ou éthérée planant durant tout le récit. Filmée dans son plus simple appareil, l'actrice dévoile un charme de sensualité à damner un saint. Sa présence charnelle mais délétère s'érigeant en icone du Mal pour nous convaincre de sa puissance vampirique à connotation sexuelle. Car au-delà de ses ambitions belliqueuses, la vamp recherche également un mâle afin de satisfaire ses désirs, pallier sa solitude et anticiper sa postérité ! Ainsi, à travers l'impuissance des hommes incapables de refréner leur émotion pour résister à son baiser, on peut y voir une métaphore sur la nature vampirique de la femme et leur instinct éminemment séducteur tout un suggérant un discours réflexif sur la vie après la mort. Si on peut émettre quelques réserves sur le jeu cabotin (mais oh combien attachant !) de 1 ou 2 de seconds-rôles (quoique en VO, sa distribution demeure encore plus convaincante), Mathilda May se tire honorablement de son rôle laconique en misant sur l'attrait d'un corps immaculé doublé d'un regard pénétrant. 


Récit audacieux brassant les genres de la science-fiction, de l'érotisme et de l'horreur, Lifeforce réussit à divertir grâce à l'élaboration d'un scénario aussi original que captivant car fertile en péripéties. 
Le soin alloué aux effets-spéciaux (même si aujourd'hui leur aspect mécanique peut parfois paraître obsolète) et aux décors futuristes (le magnifique préambule confiné au sein du vaisseau spatial insuffle une poésie trouble !), et l'implication sympathique des comédiens parachèvent le spectacle d'une grosse série B bourrée de peps et de charme à la sincérité indéfectible. 

*Bruno
30.01.23. 
5èx. vost

vendredi 18 juillet 2014

Parents. Prix de la Critique, Avoriaz 1989

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedemedianoche.cl

de Bob Balaban. 1989. U.S.A./Canada. 1h22. Avec Randy Quaid, Mary Beth Hurt, Sandy Dennis, Bryan Madorsky, Juno Mills-Cockell.

Sortie salles France: 22 Janvier 1989 (Festival d'Avoriaz). U.S: 27 Janvier 1989

FILMOGRAPHIE: Bob Balaban est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur américain, né le 16 Août 1945 à Chicago. 1983: The Brass Ring (télé-film). 1989: Parents. 1992: Amazing Stories: Book Five (épisode TV). 1993: My Boyfriend's Back. 1994: The Last good Time. 1995: Legend (série TV). 1997: Subway Stories: tales from the Underground (télé-film). 1999: Strangers with Candy (série TV). 1999: Un Agent très secret (série TV). 2000: Deadline (série TV). 2001: Temps mort (série TV). 2004: No Joking (télé-film). 2005: Hopeless Pictures (série TV). 2005: The Exonerated (télé-film). 2007: Bernard et Doris (télé-film). 2008: Swington (série TV). 2009: Georgia O'Keefe (télé-film).


Traitant du thème de la fragilité de l'enfance, à l'instar de son compère Paperhouse, communément récompensés à Avoriaz, Parents n'a pas usurpé sa réputation de perle culte vantée à l'époque dans les pages de Mad Movies et autres mags spécialisés. Le redécouvrir aujourd'hui prouve à quel point le film de Bob Balaban (réalisateur méconnu issu de la télévision) était pourvu d'une audace rafraîchissante au sein du paysage horrifique. Le pitchMichael est un petit garçon fragile observant la vie avec autant de curiosité que de perplexité. Car le comportement suspect de ses parents l'amène à penser qu'ils pourraient être adeptes du cannibalisme. Sous couvert de pitch original baignant dans l'humour noir et la satire sociale, Parents est avant tout l'étude psychanalytique d'un enfant en perte de repère car découvrant le monde inquiétant des adultes sous un jour nouveau. Du point de vue de sa conscience candide, Michael observe l'existence de ses parents sous un aspect autrement vénal après les avoir surpris dans leur lit entrain de forniquer. Et ce n'est pas l'influence perverse de sa copine d'école, une mythomane intarissable, qui le réconfortera dans sa paranoïa grandissante. 


Au fil de ses observations quotidiennes, son investigation le mènera finalement à la plus horrible des vérités au point de devenir adepte du végétarisme. Ainsi, à travers les éléments horrifiques du cannibalisme et de la perversité, Bob Balaban satirise en diable afin de nous dévoiler l'envers du décor. Celui de la face cachée d'une Amérique d'apparence puritaine mais corrompue par le mensonge et le vice. Avec son ambiance d'étrangeté aussi décalée que dérangeante, le réalisateur nous assène une caricature de la cellule familiale habitée par le cynisme et la passion culinaire, en l'occurrence celle de la chair humaine ! Autour de l'introspection fragile de Michael, un climat lourd et oppressant s'y distille, contrebalancé de l'attitude ironique des parents faussement rassurants. Non dupe de leur hypocrisie, Michael bascule dès lors dans un cauchemar domestique où le danger toujours plus palpable l'incite à se rebeller contre l'autorité rendue hostile à ses yeux. Outre sa réalisation soignée et inventive parfois expérimentale, Parents est largement privilégié de la conviction des interprètes (en parents autoritaires, Randy Quaid et Mary Beth Hurt forment un duo indissociable !). Mais c'est surtout la présence introvertie de Bryan Madorsky qui renforce l'intensité des situations car endossant avec un naturel trouble un enfant gagné par la contrariété et la quête de découverte (ici effroyable).


American Beauty
Malsain et oppressant, dérangeant et cruel (l'épilogue n'y va pas de main morte pour martyriser une fois de plus le bambin !), mais redoublant de dérision et de cocasserie, Parents n'a rien perdu de son insolence et de sa force métaphorique à démasquer l'aspect véreux de la maturité. L'adulte insidieux ayant comme priorité de se nourrir de son prochain afin d'y survivre.

RécompensePrix de la critique à Avoriaz, 1989

*Bruno
21.07.22. 4èx
18.07.14. 

jeudi 17 juillet 2014

DARK WATERS

                                                                 Photo appartenant à Bruno Matéï

de Mariano Baino. 1993. 1h32. Russie / Italie / Angleterre. Avec Valeri Bassel, Mariya Kapnist, Louise Salter, Venera Simmons, Pavel Sokolov.

Sortie salles: 16 Avril 1997

Récompenses: Prix du Public à Montréal, 1997. Vincent Price Award à Rome, 1994.

FILMOGRAPHIE: Mariano Baino est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 17 Mars 1967 à Naples, Italie.
1991: Caruncula (court métrage). 1993: Dark Waters. 2004: Never Ever After (court-métrage). 2010: Based on a true life (court-métrage).


Inédit en salles en France et préalablement sorti en Dvd dans une édition somme toute banale, Dark Waters est le genre de film indépendant desservi par l'ignorance mais dont le bouche à oreille l'aura finalement acheminé vers la perle rare. Aujourd'hui, l'étendard Ecstasy of Films nous fait l'honneur de l'exhumer de sa torpeur dans une copie resplendissante afin de respecter le travail formel accompli par son auteur. Qui plus est, le film nous est aujourd'hui présenté dans une version Director's cut inédite en France et accompagnée de bonus. Je vous recommande d'ailleurs le documentaire "Deep into Dark Waters" revenant sur les conditions de tournage parmi l'équipe technique. Après la mort de son père, Elisabeth se rend sur une île afin d'en connaître un peu plus sur le couvent qu'il finançait depuis son enfance. Sur place, elle y fait la rencontre d'une étrange communauté de nonnes au comportement indéchiffrable. 



Pour son premier et unique essai, l'italien Mariano Baino nous invite à un cauchemar éveillé, un poème sensoriel, une fantaisie morbide d'"Alice au pays des merveilles" égarée dans l'obscurité de chants mortuaires ! Ceux de pleurs de bambins mêlés au braillement d'une créature Lovecraftienne résonnant du fond des catacombes. Envoûtant et déroutant d'un bout à l'autre, Dark Waters est une épreuve fantasmatique hantée par l'aura funeste où chaque image onirique s'imprègne de notre âme pour tenter de nous séduire. Dans la lignée du cinéma d'Argento pour la stylisation d'une imagerie picturale au service d'un onirisme ésotérique, ou celui de Jodorowski pour son côté mystique, dérangeant et provocateur, le film n'est qu'une succession de péripéties diaphanes au fil du cheminement indécis d'Elisabeth. Hantée par d'étranges rêves depuis son enfance et cherchant l'origine de son passé à l'intérieur de ce couvent, c'est un secret de famille auquel elle va devoir se confronter parmi l'entremise des ténèbres. A travers ce huis-clos occulte régi par une assemblée majoritairement féminine et dans la caractérisation fragile de l'héroïne, on peut songer à l'opéra lyrique Suspiria. Notamment à travers sa progression initiatique lorsqu'elle tente de percer le mystère qui entoure ce couvent ! C'est également un soir de pluie qu'Elisabeth arrive dans cet endroit aussi inquiétant qu'attirant et c'est avec le soutien d'une camarade qu'elle va essayer de clarifier sa situation. Sensoriel, insolite, baroque et expérimental, Dark Waters privilégie lui aussi l'extravagance d'une bande-son à contrepoint, le délire visuel et les personnages interlopes plutôt que la futilité d'une intrigue finalement prévisible.


Elisabeth aux Enfers
En créateur d'images oniriques et morbides, Mariano Baino a accompli avec Dark Water un chef-d'oeuvre pictural où l'art gothique et l'expressionnisme ont fusionné afin de parfaire le poème incandescent. A l'instar des bougies qui illuminent chaque catacombes, Dark Water est une invitation au voyage, une odyssée naturaliste avec les ténèbres, une quête initiatique d'une fille confrontée à sa propre morale. Celui de son cheminement spirituel, son combat intrinsèque à favoriser sa nature du bien ou du mal.

Merci à Ecstasy of Films et à Mariano Baino
Bruno Matéï

mercredi 16 juillet 2014

INCENDIES

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site atlasmedias.com

de Dennis Villeneuve. 2010. Quebec. 2h10. Avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Rémy Girard, Abdelghafour Elaaziz, Allen Altman.

Sortie salles France: 12 Janvier 2011. U.S: 22 Avril 2011

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières.
1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoner


Réalisateur prodige reconnu du public par le thriller haletant, Prisoners, Denis Villeneuve avait pourtant déjà prouvé son talent de technicien avisé avec Enemy, thriller personnel autrement hermétique sur le thème du double, et le film qui nous intéresse aujourd'hui, Incendies.


Drame psychologique dénonçant les horreurs de la guerre, l'obscurantisme, l'instinct de vengeance et le fanatisme religieux, Incendies relate la quête de vérité de deux jumeaux fouinant le passé de leur défunte mère afin de rencontrer un père et un frère qu'ils n'ont jamais connu. Contraints de leur remettre deux enveloppes, Jeanne décide de regagner son pays d'origine, la Palestine, avant que son frère Simon ne la rejoigne. Alternant évènements du présent et du passé à travers de nombreux flash-back, Dennis Villeneuve met en parallèle leur périple et leur investigation de longue haleine dans un pays marqué par la violence de tensions religieuses, tout en retraçant le douloureux parcours de cette mère catholique, abdiquée par sa propre famille après avoir eu l'audace de fréquenter un jeune musulman. A travers ces secrets de famille bafoués par l'intolérance et la barbarie de conflits entre chrétiens et musulmans, le cinéaste dépeint le chemin de croix d'une femme violentée et humiliée, réduite à la déchéance, mais d'une dignité insolente dans sa stoïcité à ne pas se laisser vaincre par la défaite. Quand au cheminement imprécis de Jeanne et Simon, de fil en aiguille, et avec le soutien d'aimables enquêteurs, ils vont réussir à percer la vérité sur leur mère au moment même d'être bouleversés par leur véritable identité. Autour de ce trio galvaudé par la vendetta et le terrorisme, le frère méconnu pâtira notamment de sa révolte belliqueuse avant de se confronter à une révélation des plus licencieuses.


Outre le magnifique portrait maternel asséné à cette femme inflexible, Incendies nous illustre avec autant de retenue que de réalisme éprouvant sa descente aux enfers et celle de ses enfants de la honte. Autour des sentiments d'injustice, de haine et de révolte engendrés par les divergences de religion, Dennis Villeneuve décortique les conséquences dramatiques de la rancoeur et de la vengeance avant de nous réconcilier avec les notions d'amour, de paix et de pardon. Un témoignage éminemment bouleversant pour cette oeuvre fragile dont le climat austère et étouffant nous reste à la gorge bien au-delà du générique de fin. 

Bruno Matéï

Récompenses:
35e Festival international du film de Toronto (Toronto), meilleur film canadien
30e Festival international du film de l'Atlantique (Halifax), meilleur film canadien
25e Festival international du film francophone de Namur (Belgique), prix du public
55e Semaine du cinéma international de Valladolid (Espagne), prix du public, prix du meilleur scénario et prix du jury des jeunes
26e Festival du film de Varsovie (Pologne), Grand prix du jury
40e Festival international du film de Rotterdam (Pays-Bas), prix du public
Prix du Centre national des Arts du Canada
31e Prix Genie, huit statuettes :
Meilleur film
Meilleure réalisation
Meilleur actrice (Lubna Azabal)
Meilleure adaptation
Meilleure direction-photo
Meilleur son d'ensemble
Meilleur montage sonore
Meilleur montage
13e cérémonie des Jutra, neuf prix :
Meilleur film
Meilleure réalisation : Denis Villeneuve
Meilleure actrice : Lubna Azabal
Meilleur scénario : Denis Villeneuve, avec la collaboration de Valérie Beaugrand-Champagne
Meilleure direction de la photographie : André Turpin
Meilleure direction artistique : André-Line Beauparlant
Meilleur son : Sylvain Bellemare, Jean Unamsky et Jean-Pierre Laforce
Meilleur montage : Monique Dartonne
Meilleurs costumes : Sophie Lefèbvre
Prix Lumières 2012 : Meilleur film francophone
Meilleure actrice au Magritte du cinéma