mardi 22 septembre 2015

French Connection. Oscar du Meilleur Film,1972.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site nearpictures.com

de William Friedkin. 1971. U.S.A. 1h43. Avec Gene Hackman, Roy Scheider, Fernando Rey, Marcel Bozzuffi, Tony Lo Bianco, Frédéric de Pasquale, Bill Hickman, Harold Gary.

Sortie salles France: 14 Janvier 1972. U.S: 9 Octobre 1971

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés aux Oscars d'Hollywood.
1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.


Traque infernale de deux flics délibérés à déjouer l'organisation mafieuse de plus grands dealers de drogue à l'orée des Seventies, French Connection nous laisse le souffle coupé de par son souci documentaire d'une mise en scène tirée au cordeau et ces acteurs habités par une gagne effrénée. Gene Hackman endossant avec une hargne viscérale un détective sur le qui-vive des faits et gestes de ces rivaux, particulièrement Alain Charnier, contrebandier français à la tête du cartel d'héroïne et aujourd'hui chargé d'importer 32 millions de dollars de drogue sur le territoire ricain. A travers son appui professionnel et amical, Roy Scheider lui prête la vedette avec une pugnacité plus avisée sachant par ailleurs que son compère décidera d'en tirer une affaire personnelle afin de se venger des brocards d'Alain Charnier (Fernando Ray s'avérant délectable de sournoiserie en baron de la drogue tranquille !).


Modèle de rigueur pour sa mise en scène virtuose, William Friedkin renouvelle en 1971 le genre policier avec le parti-pris obsessionnel d'y prôner un réalisme documentaire. C'est à dire transfigurer avec une précision chirurgicale une filature de longue haleine qu'entreprennent ardemment Popeye et Cloudy avant de se laisser entraîner vers les traques homériques instaurées en plein centre urbain. A cet égard, la séquence de poursuite automobile que Popeye doit arpenter afin d'alpaguer un dangereux criminel s'avère d'une intensité toujours inégalée pour la vigueur dont Friedkin fait preuve face à un itinéraire routier semé d'embûches. Par le biais d'un découpage à couper au rasoir et ce sentiment permanent d'improvisation régi autour d'une population figurante, le cinéaste chronomètre le caractère inédit d'une poursuite infernale sachant que dans sa détermination primitive, Popeye s'efforce de suivre en véhicule le cheminement ferroviaire d'un train pris en otage. Bien avant cette séquence anthologique filmée à l'arraché, Friedkin aura pris soin de nous captiver parmi l'autorité draconienne de deux détectives chargés de prendre en filature jours et nuits les plus grands leaders du trafic de drogue. Grâce à cette réalisation alerte aussi maîtrisée que novatrice exploitant New-York comme un dédale tentaculaire, Friedkin parvient à rendre passionnante une traque policière de grande ampleur, entre deux descentes musclées au sein de bars malfamés et de règlements de compte sanglants entre mafia et force de l'ordre. A ce titre, ses éclairs de violence souvent spectaculaires font également preuve d'un réalisme couillu pour l'époque, à l'instar d'un tragique accident de voiture pris sur le vif sur l'aile d'une autoroute ! 


Nanti d'un suspense hypnotique et d'une intensité haletante sous l'impulsion névralgique de deux acteurs au sommet de leur carrière, French Connection inscrit sur pellicule l'un des faits divers les plus notoires d'une guerre (inlassable) contre la drogue avec un réalisme toujours aussi cinglant !  

Bruno Matéï
4èx

Récompenses: Oscars du Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur Acteur, Meilleur Scénario adapté, Meilleur Montage en 1972

lundi 21 septembre 2015

Freddy sort de la Nuit / New Nightmare

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Wes Craven. 1994. U.S.A. 1h52. Avec Heather Langenkamp, Robert Englund, Miko Hughes, Wes Craven, John Saxon, Robert Shaye.

Sortie salles France: 4 Mai 1995. U.S: 14 Octobre 1994.

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997:Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


Pratiquant la mise en abyme afin de redonner un second souffle à la franchise, Wes Craven se prend un malin plaisir à détourner son mythe fondateur à travers un récit ombrageux où réalité et fiction continuent de se juxtaposer mais de manière plus leste que les antécédents opus. Si bien qu'en l'occurrence, le célèbre croquemitaine a décidé de s'extirper de la pellicule afin de venir bouleverser la quotidienneté des véritables acteurs du premier volet ! Ou comment un monstre issu du fantasme d'un cinéaste parvient finalement à se matérialiser par sa volonté (celle du scénariste Wes Craven) pour prendre sa revanche sur ses créateurs l'ayant finalement vulgairement réduit au monstre ricaneur. D'où sa réflexion sur les ficelles du cinéma, l'addiction des fans hystérisés et la démarche mainstream des suites à succès uniquement conçues pour engranger les dollars.


Illustre héroïne du premier volet, on retrouve avec grand plaisir Heather Langenkamp interprétant dans son propre rôle avec toujours autant d'aplomb et de détermination une actrice maternelle confrontée à sa paranoïa d'une intuition improbable (la résurrection de Freddy délibéré à s'extraire de son inconscient pour s'introduire dans la réalité). Quand bien même son fils est sujet à d'horribles cauchemars l'incitant à adopter un comportement pathologique de plus en plus schizophrène. Ainsi, par le biais de ce témoin candide, Freddy en profite pour le molester avec endurance afin d'attiser la génitrice vers une ultime confrontation. C'est donc autour de ses rapports dysfonctionnels et du danger tacite que Wes Craven agence son intrigue afin de privilégier l'efficacité de l'expectative en évitant le plus longtemps l'apparition escomptée (et redoutée) de l'homme aux griffes d'acier ! Grâce à la posture affirmée d'Heather Langenkamp et à l'aimable participation des seconds rôles (Wes Craven himself, Robert Englund et John Saxon), le film parvient à soutenir l'intérêt d'une tension sous-jacente en ascension. Notamment en surfant sur les clins d'oeil et références au premier volet, telle cette confusion du rêve et de la réalité que notre héroïne et son rejeton éprouvent avant les estocades (notamment celle en interne hospitalier) d'une dernière partie plus intense, homérique, sanglante (on fera l'impasse sur quelques CGI foireux).


Peut-être moins ambitieux que ne le laissait supposer son script et moins glauque et terrifiant que son modèle (alors que le boogeyman est paradoxalement ici plus sombre et inquiétant), Freddy sort de la nuit s'avère toutefois constamment efficace, divertissant et surtout intelligent pour sa structure narrative, son savoir-faire et ses thèmes abordés (notamment l'emprise de la fiction à travers notre quotidienneté et celle des acteurs et des créateurs) afin de nous séduire sans ambages une ultime fois. Wes Craven s'interrogeant notamment avec scrupule sur sa responsabilité morale d'avoir engendré une franchise horrifique aussi lucrative qu'(hélas) éculée ! 

*Bruno
27.11.23. 4èx. Vostfr

    vendredi 18 septembre 2015

    L'AU-DELA (The Beyond)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    "E tu vivrai nel terrore - L'aldilà" de Lucio Fulci. 1981. Italie. 1h27. Avec Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Anthony Flees, Giovanni De Nava, Al Cliver.

    Sortie salles France: 14 Octobre 1981. Italie: 29 Avril 1981. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie.

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence..


    Spectacle (enchanteur) de poésie morbide autour d'une scénographie gothique aussi ensorcelante qu'anxiogène (l'hôtel bucolique de la Nouvelle-Orléans et ses chambres poussiéreuses), L'Au-delà est entré au fil des décennies au panthéon du genre alors qu'à sa sortie il fut souvent dénigré à tort comme une vulgaire série B à la violence aussi gratuite qu'obscène. Revoir pour la énième fois ce mastodonte putrescent sans jamais se lasser de son impact visuel (intensité renforcée des maquillages hallucinés de Giannetto De Rossi !), sensoriel (l'impact olfactif de nos cadavres purulents !) et auditif (Fabio Frizzi se déchaînant à composer un contrepoint musical tantôt lancinant, tantôt mélodique !), prouve à quel point Lucio Fulci était un génie passé maître dans l'art de rationaliser notre peur intrinsèque: la hantise de la mort et sa putréfaction corporelle. Cette angoisse du néant, ce rapport viscéral au trépas, cette effluve nauséabonde émanant de cadavres décrépits ou de corps fraîchement torturés, l'Au-delà l'inscrit sur pellicule rubigineuse (photo sépia de Sergio Salvati en sus !) par le biais d'une caméra chirurgicale auscultant les plaies déchiquetées de l'agonie humaine. 


    Si l'intrigue simpliste, voir incohérente diront certains, n'est qu'un prétexte à étaler à intervalle régulier des mises à mort d'anthologie jamais vues au préalable (même la séquence des araignées parfois décriée pour la facture mécanique d'une ou deux figurines parvient miraculeusement à nous transir d'émoi !), Lucio Fulci parvient à la transcender grâce à la symétrie d'une mise en scène étonnement stylisée (on peut prôner par exemple la mémorable fantasmagorie routière lorsque Emilie et son berger allemand se figent au milieu d'une chaussée sans destination !). Ou comment également réussir l'exploit de transfigurer les pires sévices crapoteux grâce à la beauté sulfureuse d'une poésie mortifère dédiée au spectacle pestilentiel (inoubliable supplice du bain d'acide consumant délicatement le visage d'une veuve avant de laisser écouler sur le sol une mousse crémeuse d'un rouge pastel !). Hymne effronté à la cruauté organique (le martyr christique de Schweick transgresse la morale d'une justice dépravée !), cantique à la mort mais aussi à la plénitude du repos éternel (voir l'épilogue fantasmatique décrivant avec une sidérante poésie picturale la vision du néant, représentation graphique du tableau de Schweick !), sarabande infernale de zombies en ascension (leur déambulation iconique au sein de l'hôpital provoque un malaise pétrifiant) auquel l'enfer entrouvre l'une de ses portes pour laisser libre court aux rituels meurtriers, l'Au-délà empoisonne ses personnages sous l'impulsion d'une entité fétide tout en les confrontant avec des phénomènes surnaturels nonsensiques ! La fresque du peintre (métaphore de l'enfer !) n'étant finalement que la prémonition de ces suppliciés que Fulci nous matérialise avec une fulgurance sépulcrale. 


    L'Etrange couleur des larmes de ton corps
    En dépit de la superficialité des dialogues et d'une direction d'acteurs perfectibles que leur charisme inquiétant parvient malgré tout à rehausser, l'Au-delà réussit l'exploit de nous parfaire le plus beau poème morbide jamais inscrit sur pellicule. Ou à l'instar de l'opéra gracile Suspiria et à travers la splendeur du néant, comment ornementer les pires sévices du châtiment humain par le biais d'une féerie macabre et d'un climat funèbre aussi évocateur que lyrique ! Envoûtant, angoissant et effrayant (Emilie entourée d'un quatuor de zombies gutturaux en interne de son salon, le plombier surgissant de la baignoire pour énucléer la domestique !), l'Au-delà est également sublimé par la présence suave de Catriona MacColl avec l'influence symbolique d'une non-voyante échappée de l'enfer. 

    Dédicace à Christina MassartMathias Chaput et Boss Ju
    Bruno Matéï. 5èx

    La critique de Mathias Chaput:
    Véritable ode à la putréfaction, « l’au-delà » est le meilleur film de Fulci à ce jour…
    Doté d’un onirisme incroyable et omniprésent (suffit de voir la fin du film pour comprendre que tout ceci n’était qu’un rêve !), le spectateur navigue entre irréel, horreur, angoisse et fascination…
    Tout est relaté merveilleusement, avec des morceaux de bravoure incroyable (notamment les scènes dans l’hôpital) , certaines séquences témoignent de l’horreur pure (les araignées), et les comédiens sont tous bien impliqués dans leurs rôles, laissant transparaitre leur angoisse et leur incompréhension face à des phénomènes qui les dépassent…
    De nos jours, certains le trouveront désuet et daté, ceci dit il ne faut pas occulter que « L’au-delà » est un pan du cinéma d’horreur d’auteur, véritable pilier, véritable renaissance d’un genre à son apogée vers le début des eighties !
    Un film de puriste en somme… pas donné à tout le monde !
    Dans ce paysage actuel de remakes à tout va, il est parfois bon de se replonger dans les œuvres des maitres, des dieux du gore !
    Et Fulci fait partie de cette catégorie …
    Certaines mauvaises langues diront que le maestro a pompé religieusement « Shining » (le coup de la chambre) ou « Suspiria » (le chien dévorant l’aveugle), en attendant il a su insufflé à son métrage un côté épique et surdimensionné dans l’horreur ultime !
    Considérons qu’il était littéralement en état de grâce et qu’il a accouché de quelque chose qui se vit, une EXPERIENCE, l’aboutissement d’une carrière donnant naissance à une perle, un morceau cristallin, reléguant tous les autres films du genre au rang inférieur et marquant la pierre tombale d’un certain cinéma populaire !
    Surprenant, exerçant une fascination empathique encore maintenant, « L’au-delà » est d’une puissance, d’une beauté et d’un impact hors du commun !!!!
    A voir religieusement…
    10/10 intemporel

    jeudi 17 septembre 2015

    IN THE CUT

                                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site ebay.com

    de Jane Campion. 2003. U.S.A/Australie/Angleterre. 1h58. Avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Nick Damici, Jennifer Jason Leigh, Micheal Nuccio, Sharrieff Pugh, Heather Litteer, Patrice O'Neal, Kevin Bacon.

    Sortie salles France: 5 Novembre 2003. U.S: 22 Octobre 2003.

    FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise, née le 30 Avril 1954 à Wellington. 1989: Sweetie. 1990: Un Ange à ma table. 1993: La leçon de piano. 1996: Portrait de Femme. 1999: Holly Smoke. 2003: In the Cut. 2009: Bright Star.


    Réalisatrice reconnue par la critique avec Un Ange à ma Table (Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise, 90) et la Leçon de Piano (Palme d'Or, Cannes 93), Jane Campion change de registre en 2003 pour emprunter le mode du thriller avec In the Cut, d'après un roman de Susanne Moore. Prenant pour interprète principale l'illustre Meg Ryan dévoilée ici sans maquillage dans un rôle à contre-emploi de son image charmeuse et romantique, Jane Campion nous brosse un portrait de femme indépendante en perdition. Celle d'une professeur de lettres égarée entre sa solitude, son passé familial galvaudé et ses rencontres sexuelles sans lendemain. Meg Ryan, quasi méconnaissable, donnant corps à son personnage apathique avec une émotion contenue, une sensibilité contrariée et un tempérament versatile. Témoin malgré elle des exactions sordides d'un serial-killer démembrant ses victimes, le détective Malloy est contraint de l'interroger, faute du premier crime perpétré sous la fenêtre de son appartement. Rapidement, Frannie se laisse courtiser par ce dernier pour entamer avec consentement une relation lubrique. Mais l'arrogance du meurtrier à l'affût de ses déplacements ainsi qu'un 3è crime crapuleux vont bouleverser sa banale quotidienneté. 


    Thriller singulier dans la forme puisque le film esthétiquement crépusculaire se morfond dans un climat anxiogène indicible, In the Cut est une errance au bout de l'enfer urbain qu'une femme esseulée va emprunter de manière impromptue par sa fragile influence et ses rencontres plus ou moins marginales (si on excepte sa relation intrigante avec l'inspecteur Malloy). Chargé d'un érotisme torride par le biais de séquences charnelles particulièrement sensorielles, l'intrigue oppose les étreintes sexuelles à l'horreur de situations crapoteuses parmi l'errance d'une héroïne facilement malléable. Avec le parti-pris de réfuter les conventions du genre, Jane Campion s'intéresse surtout à fignoler son cadre urbain entaché d'une aura glauque vénéneuse autour de l'évolution ambivalente de Malloy et Franny, communément épris d'idylle entre jeux sexuels et désirs éthérés. Nanti d'un langage parfois cru et même de l'utilisation audacieuse d'inserts X lors d'une séquence clef confinée dans les toilettes d'un bar, la réalisatrice sème trouble et malaise afin de désorienter le spectateur embarqué dans une investigation policière à la progression indécise. Exploitant avec subtilité suspense latent, angoisse palpable et tension sous-jacente, In the Cut hypnotise les sens du spectateur parmi l'habileté machiavélique d'une réalisation auteurisante faisant honneur à l'étude caractérielle (l'identité de l'assassin s'avérant finalement peu louable). Avec son atmosphère aussi glauque que feutrée régie au coeur d'un New-York ombrageux et parmi les motivations lubriques de personnages (seconds-rôles à l'appui !) ne prêtant pas à la quiétude, le spectateur observe cette jungle avec l'impuissance de prêter main forte à notre héroïne vulnérable.


    L'amour en berne
    Angoissant et oppressant, sensuel et provocant, malsain et éprouvant (l'épicentre traumatique s'avère d'une intensité dramatique aussi rigoureuse que bouleversante !), In the Cut bouscule les habitudes du spectateur impliqué dans un thriller d'un érotisme instable, de par les frustrations sexuelles et la désillusion des protagonistes en dépit amoureux. Sans doute un des thrillers les plus marquants des années 2000 malgré sa retenue publique. 

    Dédicace à Arnaud Kovac
    Bruno Matéï
    2èx

    mardi 15 septembre 2015

    TUEURS NES. Grand Prix Spécial du Jury, Mostra de Venise, 1994.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com 

    "Natural Born Killers" d'Oliver Stone. 1994. U.S.A. 2h02 (Director's Cut). Avec Woody Harrelson, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Tommy Lee Jones, Rodney Dangerfield, Everett Quinton, Jared Harris, Pruitt Taylor Vince, Edie McClurg, Russell Means, Lanny Flaherty, Robert Downey Jr.

    Sortie salles France: 21 Septembre 1994. U.S: 26 Août 1994

    FILMOGRAPHIE: Oliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
    1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2012. Savages.


    Film culte à la polémique tempétueuse dès sa sortie en raison de sa violence triviale ultra sarcastique, Tueurs Nés traite de ce thème du point de vue psychotique d'un couple de serial-killers engagés à éradiquer la vie d'autrui avant de succomber à leur romance. Trip expérimental d'une fulgurance visuelle exubérante (foisonnance de plans rapides et concis modifiant sans prévenir texture et colorimétrie de l'image !), cocktail au vitriol d'humour noir, d'action cartoonesque et d'ultra violence décomplexée, Oliver Stone allie l'hyperbole et la surenchère afin de porter en dérision la schizophrénie de l'homme hanté par son instinct meurtrier. Ou comment renouer ici avec une liberté épanouie du point de vue immoral de tueurs galvaudés par leur enfance martyr ! A travers ces écorchés de la vie incapables de refréner leur haine, Oliver Stone en profite pour dénoncer la responsabilité morale de nos sociétés modernes se vautrant dans la vulgarité avec une complaisance irresponsable via le tube cathodique !  


    Sur ce point, on peut d'ailleurs prôner la manière satirique à laquelle le réalisateur se raille des sitcoms familiales (rajout de rires outrés en fond sonore afin de mieux manipuler le public et l'inciter à ricaner !) pour vulgariser la jeunesse de Mickey et Mallory ! Retraçant de manière débridée et dans un maelstrom d'images ultra agressives leur équipée sauvage avant leur arrestation médiatique puis leur évasion, Tueurs Nés se porte en réquisitoire sur la complicité des médias à engendrer des criminels de masse au travers de leurs émissions sensationnalistes en quête d'audimat. En l'occurrence, ces reportages racoleurs combinant images d'archives et reconstitution factice afin de glorifier le parcours morbide des tueurs en série les plus scandaleux. La quête du scoop le plus crapuleux commenté par des journalistes véreux ayant perdu toute notion de lucidité et de moralité au sein d'une société de décadence ! Baignant dans un climat perpétuel de folie furieuse, en martelant notamment le spectateur de métaphores cauchemardesques émanant des esprits torturés du couple criminel, Tueurs Nés puise son intensité et sa fascination par le portrait imparti à sa jungle de désaxés. C'est à dire l'être humain conditionné à refouler sa violence dans une société civique mais ici contraints de laisser extérioriser sa déchéance animale sous l'influence libertaire d'un couple de tueurs ! Parmi cette posture cabotine et outrancière, les acteurs habités par leur rôle s'en donnent à coeur joie dans les exubérances en roue libre ! Que ce soit Roberft Downey Jr en journaliste cupide subitement réveillé par l'autonomie de son instinct meurtrier, Tom Sizemore en flic sournois tributaire de sa déviance sexuelle, Tommy Lee Jones en directeur pénitentiaire habité par une démence castratrice, Woody Harelson en sommité criminelle et enfin Juliette Lewis donnant corps à son personnage impavide avec constance inquiétante et une sensualité naturelle trouble ! 


    Film malade habité par la frénésie d'une violence compulsive, farce au vitriol dénonçant avec dérision insolente l'ascension de la Real TV (le débriefing carcéral et la tuerie qui s'ensuit en direct live !) et la responsabilité des médias et des journalistes en quête du scoop le plus éhonté, fable cinglante sur le pouvoir de l'image, l'influence de la violence cinématographique et la fascination morbide éprouvée pour les serial-killers, Tueurs Nés est une expérience sensorielle sous impulsion reptilienne. Une catharsis en somme au tueur qui sommeille en chacun de nous !

    Bruno Matéï
    3èx

    Récompenses: Mostra de Venise 1994, Grand prix spécial du jury et Prix Pasinetti de la meilleure actrice pour Juliette Lewis


    lundi 14 septembre 2015

    FIRESTORM

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site chinesemov.com

    "Fung Bu" de Alan Yuen. 2013. Hong-Kong/Chine. 1h49. Avec Andy Lau, Gordon Lam, Ka-Tung, Yao Chen, Jacqueline Chan.

    Sortie salles Hong-Kong: 19 Décembre 2013

    FILMOGRAPHIE: Alan Yuen est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur chinois
    1994: Ai qing jia you shan. 2002: Seung Fei. 2013: Firestorm.


    Polar d'action co-produit entre la Chine et Hong-Kong, Firestorm reprend le concept de base d'un modèle du genre, Heat de Michael Mann pour les récurrents agissements de braqueurs professionnels s'en prenant à des camions de transport de fond parmi des moyens disproportionnés (outre leur artillerie militaire, la séquence d'ouverture utilise de manière inédite une grue afin de désosser un fourgon blindé !).


    Il s'agit donc d'une incessante rivalité entre ces derniers et les forces de l'ordre que nous relate fébrilement Alan Yuen, quand bien même sous argument corrupteur, le héros principal (l'inspecteur Yan Bin qu'endosse avec aigreur charismatique Andy Lau) est entaché d'une justice aussi sournoise qu'expéditive pour maîtriser ses assassins. Si le scénario n'apporte rien de neuf pour son incessant jeu de chat et de la souris entre flics et truands sans pitié Spoil ! (un gosse y trinque sous les yeux impuissants du paternel !) fin du Spoil, l'énergie de la mise en scène, l'habile dosage des séquences d'actions aussi spectaculaires qu'inventives et l'ambiguïté du héros prêt à braver sa profession pour éradiquer le Mal insuffle une redoutable efficacité au cheminement narratif. En parallèle, Alan Yuen s'intéresse également à mettre en appui la tentative de rédemption d'un second-rôle en sursis, un jeune ex-taulard partagé entre le désir de renouer avec sa marginalité et celui de se racheter une conduite afin de récupérer l'amour de sa compagne. Mené sans répit car surtout dédié à l'impact homérique des fusillades sanglantes, règlements de compte, poursuites effrénées en véhicule et confrontation finale au paroxysme de l'apocalypse (stratégie d'attaque catastrophiste à l'appui !), Firestorm n'oublie pas de provoquer l'émotion parmi la caractérisation humaine d'un flic en voie de perdition morale depuis la mort d'un acolyte. Parmi la dramaturgie d'un évènement aussi brutal, Firestorm gagne donc en intensité tout en portant un regard subversif à l'identité de son personnage obnubilé à l'idée d'éradiquer ses assassins quelqu'en soit les moyens requis, quand bien même l'empathie éprouvée pour son indic progressera lorsque ce dernier tentera une bravoure de dernier ressort.


    Se clôturant par le chaos d'une confrontation furieusement belliqueuse en plein centre urbain (comptez 20 bonnes minutes de pyrotechnie à feu et à sang !), Firestorm exploite habilement l'esbroufe à l'aide d'une virtuosité géométrique et l'intensité narrative d'une guerre de clans parmi l'autorité véreuse d'un anti-héros obsédé par sa justice criminelle. 

    Dédicace à Jean Michel Micciche.
    Bruno Matéï

    vendredi 11 septembre 2015

    MONSTER BOY: HWAYI

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Jang Joon-Hwan. 2013. Corée du Sud. 2h06. Avec Yeo Jin-goo, Kim Yoon-seok, Cho Jin-Woong, Jang Hyun-sung, Kim Sung-Kyun, Park Hae-Joon.

    Sortie salles Corée du Sud: 9 Octobre 2013. Sortie Dvd France: 29 Octobre 2014

    FILMOGRAPHIE: Jan Joon-Hwan est un réalisateur et scénariste coréen.
    2003: Jigureul jikyeora ! 2010: Kamelia (segment "Love for Sale"). 2013: Monster Boy


    Concentré d'action et d'ultra violence aussi sardonique que cruelle, Monster Boy fait office de descente aux enfers du point de vue d'un adolescent embrigadé dès son enfance par des braqueurs pour tenir lieu de rançon. Après avoir été confiné au fond d'une cave durant son enfance puis ayant parvenu à canaliser ses visions hallucinatoires d'un monstre tapi dans l'ombre, Hwayi est aujourd'hui enrôlé pour devenir un tueur méthodique sous son apprentissage parental. Mais au moment de sa première effraction chez un particulier, une révélation inopinée va totalement bouleverser la donne et le substituer en ange exterminateur. Polar aussi tranchant qu'une lame de rasoir pour son parti-pris insolent d'illustrer les exactions meurtrières d'une famille dysfonctionnelle au passé galvaudé, Monster Boy aborde les thématique de la démission parentale, l'enfance maltraitée, la perte de l'innocence et la vengeance par le conditionnement d'un adolescent en voie de mutation. Ou comment parvenir à se fondre dans la peau d'un tueur sans vergogne après avoir réussi à dompter le monstre qui sommeille en nous ! L'éveil et l'équilibre de la maturité étant ici compromis par une éthique nihiliste de perpétrer le Mal sans justification. 


    Emaillé de séquences surréalistes pour la caractérisation graphique d'une créature haineuse, Monster Boy bouscule nos habitudes par le biais d'une ambiance aussi survoltée que réaliste, notamment avec l'appui d'une violence sournoise et la personnalité décalée d'antagonistes victimes Spoil ! de leur condition orpheline fin du Spoil. Poignant à plus d'un titre, notamment pour l'intensité dramatique de sa dernière partie, l'intrigue oscille efficacement les règlements de compte sanglants, courses-poursuites et bastonnades autour des agissements punitifs d'un adolescent en crise identitaire. La vigueur brutale qui émane de sa rancune et la vélocité de la caméra nous entraînant dans une vertigineuse spirale de violence toujours plus pernicieuse pour ceux qui s'y morfondent ! Outre sa facture homérique d'exploiter des scènes d'actions à la chorégraphie virtuose, Monster Boy privilégie autant la réflexion sur l'engrenage et l'endoctrinement de la violence (vaincre la peur pour prendre ici la place du monstre que l'on combattait !) tout en fustigeant la responsabilité parentale destituée de pédagogie et de nobles valeurs. La caractérisation psychologique de Hwayi en requête identitaire s'avérant toujours plus bouleversante sous l'impulsion névralgique de l'étonnant Yeo Jin-Goo. On peut également saluer la prestance habitée de Kim Yoon-seok (déjà fulgurant en meurtrier crapuleux dans Sea Fog !) endossant avec flegme viscéral et ambiguïté morale une figure paternelle aussi traumatisée d'un passé martyr. 


    Emotionnellement foudroyant pour ses éclairs d'ultra-violence décomplexée, son action épique et sa dramaturgie en chute libre, Monster Boy dresse, non sans une certaine dérision vitriolée, le portrait aliénant d'une famille dysfonctionnelle noyée par leur déchéance immorale depuis leur condition de déréliction. Cri d'alarme contre les conséquences de la démission parentale engendrant la haine de leur progéniture, Monster Boy dégage un humanisme désespéré sous l'appui symbolique de l'Ange du Mal. 

    Dédicace à Jean Marc Micciche
    Bruno Matéï