Photo empruntée sur Google, appartenant au site ebay.com
de Jane Campion. 2003. U.S.A/Australie/Angleterre. 1h58. Avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Nick Damici, Jennifer Jason Leigh, Micheal Nuccio, Sharrieff Pugh, Heather Litteer, Patrice O'Neal, Kevin Bacon.
Sortie salles France: 5 Novembre 2003. U.S: 22 Octobre 2003.
FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise, née le 30 Avril 1954 à Wellington. 1989: Sweetie. 1990: Un Ange à ma table. 1993: La leçon de piano. 1996: Portrait de Femme. 1999: Holly Smoke. 2003: In the Cut. 2009: Bright Star.
Réalisatrice reconnue par la critique avec Un Ange à ma Table (Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise, 90) et la Leçon de Piano (Palme d'Or, Cannes 93), Jane Campion change de registre en 2003 pour emprunter le mode du thriller avec In the Cut, d'après un roman de Susanne Moore. Prenant pour interprète principale l'illustre Meg Ryan dévoilée ici sans maquillage dans un rôle à contre-emploi de son image charmeuse et romantique, Jane Campion nous brosse un portrait de femme indépendante en perdition. Celle d'une professeur de lettres égarée entre sa solitude, son passé familial galvaudé et ses rencontres sexuelles sans lendemain. Meg Ryan, quasi méconnaissable, donnant corps à son personnage apathique avec une émotion contenue, une sensibilité contrariée et un tempérament versatile. Témoin malgré elle des exactions sordides d'un serial-killer démembrant ses victimes, le détective Malloy est contraint de l'interroger, faute du premier crime perpétré sous la fenêtre de son appartement. Rapidement, Frannie se laisse courtiser par ce dernier pour entamer avec consentement une relation lubrique. Mais l'arrogance du meurtrier à l'affût de ses déplacements ainsi qu'un 3è crime crapuleux vont bouleverser sa banale quotidienneté.
Thriller singulier dans la forme puisque le film esthétiquement crépusculaire se morfond dans un climat anxiogène indicible, In the Cut est une errance au bout de l'enfer urbain qu'une femme esseulée va emprunter de manière impromptue par sa fragile influence et ses rencontres plus ou moins marginales (si on excepte sa relation intrigante avec l'inspecteur Malloy). Chargé d'un érotisme torride par le biais de séquences charnelles particulièrement sensorielles, l'intrigue oppose les étreintes sexuelles à l'horreur de situations crapoteuses parmi l'errance d'une héroïne facilement malléable. Avec le parti-pris de réfuter les conventions du genre, Jane Campion s'intéresse surtout à fignoler son cadre urbain entaché d'une aura glauque vénéneuse autour de l'évolution ambivalente de Malloy et Franny, communément épris d'idylle entre jeux sexuels et désirs éthérés. Nanti d'un langage parfois cru et même de l'utilisation audacieuse d'inserts X lors d'une séquence clef confinée dans les toilettes d'un bar, la réalisatrice sème trouble et malaise afin de désorienter le spectateur embarqué dans une investigation policière à la progression indécise. Exploitant avec subtilité suspense latent, angoisse palpable et tension sous-jacente, In the Cut hypnotise les sens du spectateur parmi l'habileté machiavélique d'une réalisation auteurisante faisant honneur à l'étude caractérielle (l'identité de l'assassin s'avérant finalement peu louable). Avec son atmosphère aussi glauque que feutrée régie au coeur d'un New-York ombrageux et parmi les motivations lubriques de personnages (seconds-rôles à l'appui !) ne prêtant pas à la quiétude, le spectateur observe cette jungle avec l'impuissance de prêter main forte à notre héroïne vulnérable.
L'amour en berne
Angoissant et oppressant, sensuel et provocant, malsain et éprouvant (l'épicentre traumatique s'avère d'une intensité dramatique aussi rigoureuse que bouleversante !), In the Cut bouscule les habitudes du spectateur impliqué dans un thriller d'un érotisme instable, de par les frustrations sexuelles et la désillusion des protagonistes en dépit amoureux. Sans doute un des thrillers les plus marquants des années 2000 malgré sa retenue publique.
Dédicace à Arnaud Kovac.
Bruno Matéï
2èx
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