lundi 6 mars 2017

EXTREMITIES

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com

de Robert M. Young. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Farrah Fawcett, James Russo, Alfre Woodard, Diana Scarwid, Sandy Martin

Sortie salles France: 11 Mars 1987. U.S: 22 août 1986.

FILMOGRAPHIE: Robert Milton Young, plus connu sous le nom de Robert M. Young, est un scénariste et réalisateur américain, né le 22 novembre 1924 à New York. 1956 : Secrets of the Reef.
1960 : World Wide '60. 1967 : At the Winter Sea Ice Camp: Part 4. 1969 : J.T. 1970 : The Eskimo: Fight for Life. 1973 : Children of the Fields. 1977 : Short Eyes. 1977 : Alambrista! 1978 : NBC Special Treat. 1979 : Rich Kids. 1980 : One-Trick Pony. 1982 : The Ballad of Gregorio Cortez. 1982 : American Playhouse. 1986 : Saving Grace. 1986 : Extremities. 1987 : We Are the Children. 1988 : Nicky et Gino. 1989 : Triumph of the Spirit. 1991 : Talent for the Game. 1993 : Children of Fate: Life and Death in a Sicilian Family. 1993 : Roosters. 1995 : Solomon & Sheba. 1995 : Slave of Dreams. 1996 : Caught. 1997 et 1998 : Une sacrée vie. 2001 : Expédition panda en Chine. 2004 : Below the Belt. 2004-2009 : Battlestar Galactica. 2011 : The Maze coréalisé avec David Grubin.


Modeste série B réalisée avec simplicité, Extremities tire parti de son efficacité grâce à l'interprétation viscérale de Farrah Fawcett (nominée aux Golden Globes !) délivrant ses émotions à nu sans effet de manche, et à son concept inopiné d'un jeu de soumission auquel les rôles vont subitement interférer. A la suite d'une agression avec un motard à visage couvert, Marjorie porte plainte au commissariat sans pouvoir porter l'affaire au tribunal, manque de preuve et de l'identité du présumé coupable. Quelques jours plus tard, ce même agresseur décide de rendre visite à son domicile après lui avoir dérobé ses papiers d'identité. Mais au moment de sa nouvelle tentative de viol, Marjorie finit par se défendre et séquestre son ravisseur en attendant l'arrivée de ses 2 amies colocataires. 


Alternant le drame et le suspense parmi la juste mesure d'interprètes communément convaincants (notamment James Russo jonglant non sans charisme le jeu insidieux du bourreau et de la victime avec cynisme arrogant !), Extremities maintient la tension durant son cheminement vindicatif si bien que la victime profondément traumatisée de deux agressions devra hésiter d'épargner ou d'assassiner son bourreau sous l'influence de ses acolytes. C'est donc une épreuve psychologique que Robert Young nous relate efficacement au sein d'un huis-clos aussi étouffant que malsain et parmi le témoignage démuni d'un trio féminin en questionnement moral. Nanti d'un climat anxiogène perpétuel, tant pour sa 1ère partie assez éprouvante lorsque la victime encaisse humiliations et sévices avec un réalisme dérangeant, que de la seconde quant au sort éventuellement morbide du présumé condamné, Extremities parvient à provoquer l'émotion chez nos témoins féminins en constante remise en question d'une telle extrémité. Abordant les réflexions sur le laxisme du système judiciaire (les agresseurs sexuels trop rapidement lâchés dans la nature après y avoir purgé leur peine et leur libre arbitre de continuer à menacer leurs victimes) et l'auto-justice, Robert Young nous interpelle sur notre instinct primitif et rebelle lorsque nous avions la possibilité de séquestrer notre agresseur et juger de son sort après un traumatisme moral.


Simple, efficace et intense, Extremities aborde la tentative de viol avec l'intelligence d'un contexte retors auquel victime et témoins devront mesurer leur indulgence pour tolérer ou non l'auto-justice au risque d'y perdre leur âme. Pour parachever, rien que pour la prestance éprouvante de Farrah Fawcett (franchement poignante en condition soumise dans son visage marqué de larmes), le film mérite que l'on s'y attarde. 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 3 mars 2017

L'AUBERGE ESPAGNOLE

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Cédric Klapisch. 2002. France. 2h02. Avec Romain Duris, Judith Godrèche, Audrey Tautou, Cécile de France, Kelly Reilly, Cristina Brondo, Federico D'Anna, Barnaby Metschurat, Christian Pagh.

Sortie salles France: 19 Juin 2002

FILMOGRAPHIE: Cédric Klapisch est un réalisateur, scénariste et producteur français, né le 4 Septembre 1961 à Neuilly-sur-Seine (France).
1989: Maasaïïtis. 1991: Riens du tout. 1994: Le Péril Jeune. 1996: Chacun cherche son chat. 1996: Un air de famille. 1999: Peut-être. 2001: L'Auberge Espagnole. 2002: Ni pour ni contre. 2005: Les Poupées Russes. 2008: Paris. 2011: Ma part du Gâteau. 2013: Casse-tête chinois. 2017: Ce qui nous lie.


Révélé en 1994 avec le cultissime Le Péril JeuneCédric Klapisch n'en finit pas de dépeindre les tranches de vie d'une jeunesse insouciante au sein de L'Auberge Espagnole. Vaudeville truffé de tendresse, de fraîcheur, de drôlerie et de romance, Cédric Klaplisch nous déclare sa flamme à la vie, à l'amour, au jeunisme, aux voyages, à l'amitié, à la différence, à l'indépendance et à l'émancipation (n'écouter que soi pour accomplir son destin !), au désordre et à la fête à travers le regard apprenti de Xavier. Un jeune étudiant de 25 ans délibéré à s'installer un an en Espagne afin de décrocher plus tard une embauche chez le ministère des Finances, et ce en dépit de la réticence de sa petite amie. Sur place, il établit la rencontre de jeunes étudiants d'origine étrangère se partageant le loyer d'un appartement. Après une transaction, il accepte de vivre en colocation.


Dans une mise en scène aussi inventive qu'inspirée (voire parfois même expérimentale), Cédric Klaplisch s'y connait pour nous familiariser avec une troupe d'étudiants avides de nouvelles rencontres et de désir d'épanouissement à un âge aussi instable qu'inexpérimenté si bien que les infidélités sont facilement influentes lorsque vous vous retrouvez en terre inconnue à l'abri des témoins familiers. D'un réalisme plus vrai que nature, tant auprès de la visite touristique de Barcelone que d'une galerie de personnages au caractère bien trempé, l'Auberge Espagnole insuffle une palette d'émotions exaltantes oscillant le comique de situation et la douce tendresse sous le pilier de l'amitié et de la tolérance (en particulier l'homosexualité). Illuminé par la présence de comédiens épatants de peps mais aussi confondants de naturel (Romain Duris, Judith Godrèche, Audrey Tautou, Cécile de France, Kelly Reilly magnétisent l'écran sans jamais se complaire dans le stéréotype !), les seconds-rôles méconnus (Cristina Brondo, Federico D'Anna, Barnaby Metschurat et Christian Pagh) ne sont pas en reste pour nous séduire et nous dépayser. Avec la subtilité d'un humour verbal, d'une expression faciale et d'instants de cocasserie émanant d'une quotidienneté gaillarde (beuverie du samedi soir, infidélité avec une femme mariée, maîtresse planquée sous le lit, scènes de jalousie, conflits de culture), Klaplisch nous narre leurs vicissitudes au coeur d'une capitale chaleureuse réputée pour son sens de la fête.


Mené sur un rythme soutenu au fil d'une intrigue rocambolesque impromptue, l'Auberge Espagnole se déguste comme une coupe de champagne en la charmante compagnie d'une génération d'acteurs époustouflants de spontanéité dans leur humanisme à la fois fragile et badin (l'américain et son bagout vexant). Constamment drôle, tendre, pétillant, émouvant, et parfois même sensuel et érotique (la sublime Judith Godrèche irradie l'écran en introvertie coquine, sans compter les yeux clairs de la suave Kelly Reilly !), cette bouffée d'air frais se permet en sous-texte de scander un manifeste pour une Europe cosmopolite quand bien même les nostalgiques des vacances estivales se remémoreront leurs plus beaux souvenirs juvéniles. Bref, un moment de bonheur en apesanteur, un anti-dépresseur à consommer sans modération !

Eric Binford
3èx 

Box-Office: 2 966 271 entrées en salles en France et 4 852 366 en Europe.

mercredi 1 mars 2017

TROLL

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site charlesband-empire.blogspot.fr

de John Carl Buechler. 1986. U.S.A. 1h22. Avec Noah Hathaway, Michael Moriarty, Shelley Hack, Jenny Beck , Sonny Bono

Sortie salles U.S: 17 Janvier 1986

FILMOGRAPHIE: John Carl Buechler (né à Belleville, Illinois) est un réalisateur, maquilleur et technicien d'effets spéciaux américain. 1984 : Ragewar. 1986 : Troll. 1988 : Cellar Dweller. 1988 : Vendredi 13, 7. 1991 : Ghoulies III. 1998 : Les Proies : La Résurrection. 2002 : Curse of the Forty-Niner. 2003 : Deep Freeze. 2003 : A Light in the Forest. 2004 : Grandpa's Place. 2006 : The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde. 2011 : Dark Star Hollow


Production au rabais commanditée par nos illustres Albert et Charles Band, Troll porte la signature de John Carl Buechler, spécialiste de séries Z souvent exploitées en DTV. Conjuguant la Fantasy avec un soupçon d'horreur (comme le souligne la délirante séquence qui voit un homme transformé en monstre pendant que son visage se tuméfie tel une baudruche !), le cinéaste nous concocte une série B aussi maladroite qu'attachante dans sa succession d'incidents domestiques instaurés chez les locataires d'un immeuble. Pour cause, après des siècles d'emprisonnement, un troll et ses sbires ont décidé de prendre leur revanche sur l'homme pour tenter de reconquérir notre monde. Mais au sein de l'immeuble, une fée déguisée en sexagénaire va tenter de s'interposer afin de protéger les résidents. Particulièrement la famille Potter dont leur fille cadette est soumise à l'emprise de Torok, leader des trolls prenant malin plaisir à prendre possession de son corps (la jeune actrice Jenny Beck gesticulant et grimaçant auprès de ses parents avec une outrance à la limite du supportable !). Par l'entremise d'un pitch aussi grotesque qu'original, John Carl Buechler nous concocte un ovni improbable comparable à peu de chose près à une production Amblin au vitriol.


Si le récit linéaire s'avère sans surprise et plutôt redondant (jeu de cache-cache et de brimades entre Trolls et humains au sein d'une ambiance à la fois bigarrée et festive), le caractère aussi attachant que gogo des personnages amiteux, le dépaysement végétatif implanté dans l'immeuble en mutation et la galerie de monstres ricaneurs multipliant méfaits diaboliques auprès des humains rendent l'aventure gentiment déjantée. Si bien qu'il se dégage parfois de ses confrontations grotesques une certaine forme de poésie à travers le design des créatures de Fantasy confectionnées à l'ancienne par des FX perfectibles mais bourrés de charme. Truffé d'incohérences et de situations involontairement ridicules (certains seconds-rôles en font des tonnes dans leur posture erratique comme je l'ai déjà susmentionné !) dans un montage approximatif, Troll parvient encore à nous divertir sous l'autorité d'aimables seconds-couteaux (on y croise Noah Hathaway/L'Histoire sans Fin, Shelley Hack/la série Drôles de dames-Le Beau-Père, Michael Morriarty/Epouvante sur New-York) se prêtant à l'aventure avec une bonhomie dénuée de prétention. On peut d'ailleurs en dire autant du responsable de cette mascarade impayable si bien que John Carl Buechler semble éprouver un plaisir intègre à graver sur pellicule un B movie uniquement conçu sur la douce fantaisie d'une féerie horrifique.


Harry Potter and co.
A redécouvrir avec mansuétude et nostalgie d'une époque révolue où l'artisanal était capable d'enfanter ce genre de production hybride teintée d'audaces saugrenues.

Eric Binford

mardi 28 février 2017

QUE DIOS NOS PERDONE. Prix du meilleur scénario, San Sebastien, 2016.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site cartelera.elperiodico.com

de Rodrigo Sorogoyen. 2016. Espagne. 2h06. Avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Javier Pereira, Luis Zahera, José Luis García Pérez, Alfonso Bassave.

Sortie salles Espagne: 28 Octobre 2016

FILMOGRAPHIERodrigo Sorogoyen est un réalisateur espagnol né le 16 septembre 1981 à Madrid. 2008 : 8 citas. 2013 : Stockholm. 2016 : Que Dios nos perdone.


Thriller ibérique à couper au couteau dans sa science d'un suspense émoulu émaillé de cruels rebondissements, Que dios nos perdone (que Dieu nous pardonne) nous prend aux tripes avec une vigueur hautement dérangeante. De par le portrait conféré à un maniaque sexuel s'en prenant uniquement aux retraitées septuagénaires, et les profils instables de deux flics aussi désorientés que démunis par leur déveine infatigable. Baignant dans un climat fétide à la fois pervers et vénéneux, Que dios nos pedonne parvient à se démarquer de la production courante grâce à son refus de concession si bien que son cheminement narratif a de quoi dérouter lorsque le réalisateur s'attache en parallèle de l'enquête à dépeindre les contrariétés de deux flics discrédités par leur profession mais aussi leur relation conjugale. L'un taiseux, introverti, sexuellement refoulé, s'efforçant avec une extrême maladresse d'entamer une romance avec sa voisine de palier, l'autre, dangereusement irascible et trapu, tentant fébrilement de canaliser sa violence interne. Autour de ces profils psychologiques de prime abord peu sympathiques et amicaux, le réalisateur va néanmoins parvenir à les rendre attachants au fil de leurs problèmes familiaux et d'une enquête venimeuse d'une audace narrative inouïe quant à leur destinée incertaine.


En prime, pour corser l'affaire criminelle, le contexte social d'une récession et la visite populaire du pape Benoit XVI vont influencer la hiérarchie policière à taire les détails sordides de ces homicides au mépris de l'investigation décousue. Avec le parti-pris d'un réalisme sordide éludant toutefois toute forme de complaisance, Que dios nos perdone hypnotise et suscite le malaise face aux exactions crapoteuses d'un serial-killer retors dont nous finirons par connaître les tenants et aboutissants auprès de sa pathologie mentale. Et si le réalisateur parvient intelligemment à écarter la violence graphique, une séquence effroyable nous ébranle malgré tout sous le pilier du hors-champs, de par sa situation scabreuse qu'une personne âgée endure face aux coups répétés de son agresseur. Superbement filmé dans la démographie urbaine d'un Madrid jalonné de touristes, les poursuites qui empiètent l'intrigue sont savamment chorégraphiées au rythme d'un bande son percutante, telle un battement de coeur entêtant ! Servi par une distribution méconnue (du moins dans l'hexagone), le film renforce son authenticité par leur présence aussi affirmée que naturelle et par le truchement d'une caméra mobile employant parfois le cadre subjectif.


Thriller méphitique d'une belle maturité dans son refus du conformisme et du manichéisme, Que dios nos perdonne tire parti de sa vigueur et de son aura de fascination sous l'impulsion d'une galerie de personnages torturés combattant leurs propres démons depuis un passé galvaudé. Native d'Espagne, cette nouvelle référence aussi ludique qu'auteurisante est à ne rater sous aucun prétexte. 

Remerciement à Pascal Frezzato.
Bruno Dussart

Récompenses: Prix du meilleur scénario au Festival international du film de Saint-Sébastien 2016
Goya du meilleur acteur pour Roberto Álamo

lundi 27 février 2017

MA VIE DE COURGETTE. César du Meilleur film d'animation, 2017.

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.cineman.ch

de Claude Barras. 2016. France/Suisse. 1h06. Avec Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz, Raul Ribera, Estelle Hennard, Elliot Sanchez.

Sortie salles France: 16 Octobre 2016.

FILMOGRAPHIE: Claude Barras, né en 1973, est un réalisateur de film d'animation suisse.


Les enfants du désordre
Entièrement réalisé en stop motion avec prouesse infaillible et souci du détail, Ma vie de courgette dépeint sobrement la nouvelle quotidienneté d'icar dit "Courgette" dans un orphelinat après avoir incidemment tué sa mère alcoolique. En dépit de l'intimidation de la tête de turc Simon, Courgette finit par se lier d'amitié avec ses nouveaux camarades jusqu'au jour où se présente une nouvelle locataire, Camille. Production franco-suisse auréolée d'une pluie de récompenses, Ma Vie de courgette fait parti de ses rares métrages où la magie du cinéma s'opère avec une grâce épurée si bien que l'on sort de la projo littéralement sonné ! Car à titre personnel, j'ai eu beaucoup de difficulté à m'extraire du générique de fin, de par sa conclusion sensiblement amère où s'opposent à la fois avantage et injustice, et la vigueur musicale de la chanson de Sophie Hunger reprenant avec ténuité un tube mélancolique de Noir Désir ! D'une simplicité extrême, l'intrigue parvient à captiver et faire naître une émotion à fleur de peau dans sa faculté à saisir, via le délicat outil d'une fiction animée, les tourments intrinsèques d'enfants précaires réduits à l'abandon et l'isolement depuis la démission parentale. Entièrement dédié à leur candeur humaine en quête de rédemption, Ma Vie de courgette bouleverse nos sentiments sans nous prévenir car sans se fourvoyer dans l'émotion programmée du pathos et de la sinistrose. Claude Barras traitant notamment des thèmes de la drogue, de l'alcool, de la pédophilie et de la violence conjugale et infantile à travers la suggestion d'un ton réaliste parfois dur quant aux conséquences psychologiques de ces orphelins profondément perturbés par leur condition sacrifiée.


Le vent nous portera
Bourré d'humanisme et d'instants d'émotion pure, l'étonnante réussite de Ma vie de courgette émane donc de sa grande simplicité, de sa modestie, de son refus du misérabilisme et surtout de son immense attention à capter les émotions des personnages (enfants mais aussi adultes) avec une extrême pudeur. De par leur comportement à la fois candide et si fragile s'y extrait des moments intimistes poignants, voirs autrement bouleversants quant au déchirant final somme toute optimiste si j'ose dire. Plein de poésie mais aussi d'humour, ce témoignage douloureux sur l'enfance galvaudée se permet notamment de transcender un hymne à l'amitié et à la fraternité afin d'oublier la désillusion d'un amour parental en berne. Pour ma part, et sans me laisser gagner par la dithyrambe, il s'agit du métrage d'animation le plus juste et émouvant que j'ai pu voir depuis Mary et Max et le Tombeau des Lucioles

Dédicace à Alain Kaehr.
Bruno Dussart

Récompenses: Cristal du long métrage, Prix du public au Festival international du film d'animation d'Annecy, 2016.
Festival du film francophone d'Angoulême 2016 : Valois de diamant.
Festival international du film de Saint-Sébastien 2016 : Meilleur film européen.
Festival international du film francophone de Namur 2016 : Bayard d’Or de la meilleure photographie pour David Toutevoix.
Prix du cinéma européen du meilleur film d'animation 2016
Prix Lumières 2017 :
Meilleur film d'animation
Meilleur scénario pour Céline Sciamma
César 2017 :
Meilleur film d'animation
Meilleure adaptation

jeudi 23 février 2017

DARK CITY

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site dcmain.deviantart.com

d'Alex Proyas. 1998. U.S.A/Australie. 1h52 (Director's Cut). Avec Rufus Sewell, William Hurt, Kiefer Sutherland, Jennifer Connelly, Richard O'Brien, Ian Richardson, Bruce Spence.

Sortie salles France: 20 Mai 1998. U.S: 27 Février 1998

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost. 2016 : Gods of Egypt.


Echec commercial inéquitable toutefois contrebalancé par les avis plutôt élogieux de la presse spécialisée, Dark City oeuvre dans la cour des grands dans sa cristallisation d'univers singulier aux influences de film noir, d'expressionnisme allemand et d'anticipation métaphysique. Une nuit, un homme se réveille dans une baignoire incapable de se remémorer son identité. Dans sa chambre, le corps d'une femme est retrouvée assassinée. La police et d'étranges hommes vêtus de noir le traquent sans relâchent car présumé coupable d'être un dangereux tueur en série. A partir de cette trame policière somme toute classique, Alex Proyas, génial auteur du requiem The Crow, redouble à nouveau d'ambition pour nous déconnecter de notre réalité à travers les thème spirituels de la mémoire et du souvenir. Sans déflorer les tenants et aboutissants d'une intrigue de prime abord hermétique (le parfum de l'âme est le souvenir !), Dark City est construit à l'instar d'un puzzle que notre héros investigateur va tenter de remodeler en arpentant les lieux nocturnes d'une ville en léthargie contrôlée par des hommes en noir.


Fasciné par la nuit (comme il nous l'avait préalablement démontré avec The Crow) et la nature de la conscience, Alex Proyas nous évoque avec souci formel un poème spirituel sur la création divine et l'origine existentielle lorsque les citadins d'une métropole deviennent cobayes afin de percer le mystère (impénétrable) de nos âmes. Parmi ces thèmes aussi éthérés qu'obscurs (notamment la nature du Mal à travers les exactions d'un tueur en série), le cinéaste en extrait au final un hymne à la vie, à l'amour et à la clarté quant à l'issue rédemptrice d'une confrontation musclée avec des étrangers fascistes. Le secret de notre humanisme résidant non pas dans l'âme mais dans le coeur. Toujours plus rigoureusement fascinant, Dark City nous communique le désir d'en apprendre sur nous même (notre quête identitaire si parfois difficile à élucider) si bien qu'il parvient à réveiller en nous des questions philosophiques sur la réalité de notre quotidienneté. Dans le sens mystique où nos pensées intrinsèques seraient aptes à produire et matérialiser un monde psychotique ou contrairement optimiste selon notre point de vue torturé ou serein. Autrement dit, la réalité de nos actes réside dans les pensées qui les produisent. A moins qu'un savant fou ou un créateur en tirerait les ficelles en modifiant à sa guise les intrigues de notre destin durant notre sommeil. Outre la densité d'un scénario passionnant jalonné de rebondissements dignes d'un épisode de La 4è Dimension, Dark City tire parti d'un esthétisme crépusculaire littéralement ensorcelant. Alex Proyas soignant méticuleusement le cadre d'une infrastructure urbaine à la fois gothique et expressionniste au sein d'une cité en (constante) mutation inspirée des années 40.


Nous sommes les créateurs de notre monde.
Aux décors stylisés se combinent harmonieusement les présences délétères d'antagonistes étonnamment iconiques sans compter quelques idées astucieuses (l'harmonisation télépathique des étrangers) empruntées aux références telles Métropolis, Nosferatu, Blade Runner et même Scanners ! Ajoutez à cela une distribution aussi solide qu'impliquée (Rufus Sewell, William Hurt, Kiefer Sutherland et la suave Jennifer Connelly se partagent la vedette avec une autorité contrariée) et vous obtenez un diamant noir schizo habité par une entité démiurge.

La Chronique de The Crow: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/02/the-crow.html

Bruno Matéï.
3èx

Récompenses:
Festival du film fantastique d'Amsterdam 1998 : prix du meilleur film
Saturn Award du meilleur film de science-fiction 1999
Prix Bram Stoker 1999 : meilleur scénario
Festival international du film fantastique de Bruxelles : prix du public

mercredi 22 février 2017

MUTATIONS

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site elabismodelcine.blogspot.fr

"Slugs, muerte viscosa" de Juan Piquer Simon. 1988. Espagne. 1h32. Avec Michael Garfield, Kim Terry, Philip MacHale, Alicia Moro, Santiago Álvarez.

Sortie salles U.S: 5 Février 1988

FILMOGRAPHIEJuan Piquer Simón est un réalisateur et scénariste espagnol né le 16 Février 1935 à Valence (Espagne), décédé le 8 janvier 2011. 1964 : España violenta : Scénariste et réalisateur
1965 : Vida y paz  : Scénariste et réalisateur. 1976 : Le Continent fantastique. 1979 : Supersonic Man 1980 : Au-delà de la terreur. 1981 : Le Mystère de l'île aux monstres. 1982 : Los diablos del mar. 1982 : Le Sadique à la tronçonneuse. 1983 : L'Éclosion des monstres ou Visitor. 1984 : Guerra sucia. 1988 : Mutations. 1990 : Magie noire. 1990 : L'Abîme. 1999: la ciudad de oro.


Série B horrifique réalisée par le modeste artisan ibérique Juan Piquer Simon, Mutations constitue un hommage aux films de monstres et insectes mutants qui fleurissaient dans les années 50. Dans une petite bourgade ricaine, les citadins sont envahis par des limaces mutantes et carnivores à la suite de déchets toxiques déversés dans les égouts. Dépêché sur les lieux, un inspecteur sanitaire va tenter d'enrayer la menace. Bien que son schéma narratif ultra prévisible et éculé ne cesse d'exploiter les clichés aux classiques du genres, Mutations dégage une ambiance à la fois pittoresque et inquiétante sous l'impulsion de protagonistes peu expressifs et dénués de charisme. Inévitablement naïfs et crétins, ces personnages insufflent toutefois une bonhomie attachante dans leur persuasion sincère de nous faire croire à l'improbable. Car aussi incongrues soit ses attaques de masse de mollusques invertébrés, Juan Piquer Simon croit suffisamment en son sujet pour nous divertir avec une certaine habileté, notamment grâce à l'efficacité de séquences chocs franchement impressionnantes. Tant et si bien que le cinéaste ne lésine pas non plus sur la complaisance gore par le truchement de zooms grossiers que n'aurait pas renié Fulci ou D'Amato ! Les FX en latex percutants et réalistes nous suscitant un dégoût viscéral lorsque les victimes impuissantes sont sauvagement agressées par ses loches visqueuses. En dépit de certaines situations ridicules si je me réfère au cabotinage de certains seconds-rôles à tenter de s'extirper de la mort, Mutations amuse et effraie grâce à son rythme soutenu, comme le confirme aussi son final homérique empruntant au genre catastrophe.


Une série B bonnard donc tout à fait ludique par son sens de dérision sarcastique et viscéralement répugnante quant aux exactions meurtrières des limaces noires rampant sur leur victimes avec un appétit inopinément vorace ! 

Eric Binford.
3èx