mardi 13 décembre 2011

LA PIEL QUE HABITO

     
de Pedro Almodovar. 2011. Espagne. 1h57. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Roberto Alamo, Eduard Fernandez, Blanca Suarez, Susi Sanchez, Barbara Lennie, Fernando Cayo.

Sortie en salles en France le 17 Août 2011. Espagne: 2 Septembre 2011. U.S: 14 Octobre 2011

FILMOGRAPHIE: Pedro Almodovar Caballero est un réalisateur espagnol né le 24 Septembre 1949 à Calzada de Calatrava dans la province de Ciudad Real et la communauté autonome de Castille-La-Manche, en Espagne.
1980: Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier. 1982: Le Labyrinthe des passions. 1983: Dans les Ténèbres. 1984: Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ? 1985: Matador. 1986: La Loi du Désir. 1988: Femmes au bord de la crise de nerfs. 1989: Attache moi. 1991: Talons Aiguilles. 1993: Kika. 1995: La Fleur de mon secret. 1997: En chair et en os. 1999: Tout sur ma mère. 2002: Parle avec elle. 2004: La Mauvaise Education. 2006: Volver. 2009: Etreintes Brisées. 2009: La Conseillère anthropophage. 2011: La piel que Habito.
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D'après le roman Mygale de Thierry Joncquet, le nouveau Almodovar est une pièce rare, un dédale ténébreux inversant les chronologies pour mieux nous surprendre dans une énigme tortueuse illustrant deux familles au passé galvaudé. Déroutant, âpre, vertigineux, d'une richesse formelle épurée transcendant la sculpture du corps érotique, ce drame d'amour fou est un hypnotique jeu de miroir dans la relation prohibée entre le monstre et son créateur.

Robert Ledgard est un chirurgien esthétique notoire ayant réussi à créer un épiderme artificiel pour préserver les êtres humains de maladies telle que la malaria. Avec l'aide d'un cobaye féminin du nom de Vera, ce médecin gravement éprouvé par la mort de sa femme et de sa fille élabore en secret une vengeance punitive mais aussi un nouvel espoir à renouer avec l'amour de sa chère défunte. 
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Extravagant dans sa mise en scène singulière et le profil établi envers ces personnages interlopes, La Piel que Habito ne cesse de jouer avec nos sentiments déroutés. Il titille notre curiosité fébrile fréquemment ébranlée par une intrigue vénéneuse multipliant les allers-retours du passé et du présent. Proprement inracontable, le script savamment mis en place par Almodovar et Joncquet se réapproprie des genres pour les distordre et amplifie sa dramaturgie au fil des révélations familiales dissociées.
C'est l'ambition démesurée d'un médecin torturé, surmené par les deuils d'une épouse infidèle et du suicide de sa fille qui nous est illustré d'une manière subjective par un réalisateur au sommet de son inspiration. En l'occurrence, Robert a réussi à ravir une ravissante jeune femme gracile, prise comme cobaye pour ses expériences chirurgicales afin de mieux préserver notre épiderme contre certaines maladies. Ou plus exactement sauver la mise de victimes de brasier d'un incendie criminel. Car depuis la mort de son épouse retenue prisonnière dans sa voiture carbonisée et celle de sa fille violentée par un styliste drogué, Robert décide d'accomplir une vengeance implacable contre son tortionnaire. Mais également concocter depuis des années une créature parfaite afin de renouer avec l'amour déchu d'une femme antécédemment coupable d'adultère.
Les personnages équivoques dépeints dans cette énigme à tiroirs ont tous un passé tortueux et des secrets inavoués tandis que la filiation parentale va les confronter dans leur psyché étroitement lié.


Dans la peau limpide et pastel d'une femme asservie aux expérimentations organiques d'un savant sans vergogne, Elena Anaya redouble de lascivité érotique dans son corps perfectible voué à un véritable simulacre d'une perte identitaire. Elle réussit viscéralement dans sa dernière ligne droite à retranscrire au spectateur ses états d'âme sévèrement commutés sitôt la révélation énoncée. Dans celui de son créateur damné, Antonio Banderas réussit avec sobriété et austérité à affilier ressentiments vindicatifs teintés de cynisme et compassion attendrie par l'influence perfide de sa divine créature. Ils forment à eux deux un tandem incongru dans leur relation en demi-teinte inscrite sur la rancoeur et la tendresse acculée.
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D'une maîtrise virtuose impressionnante d'inventivité formelle dans sa beauté esthétique glacée, La Piel que Habito est un drame hermétique d'une puissance psychologique davantage contraignante assénée aux personnages sévèrement fustigés. Emporté par la grâce infortunée de ces deux protagonistes répréhensibles, l'oeuvre empoisonnée d'Almodovar réinvente l'art de narrer une histoire d'une richesse thématique contemporaine. C'est à dire notre rapport instinctif face à la fascination érotisée du corps charnel et notre perte de repère face à une identité fraudulée. Cette oeuvre épurée et funèbre bouscule les marques du spectateurs jusqu'à bouleverser notre morale dans son épineux épilogue aussi chétif que désarmant. 
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Dédicace à Hélia Marzloff
13.12.11
Bruno Matéï
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Pour ceux qui n'auraient pas compris tous les éléments capitaux de l'intrigue du film, je vous laisse le scénario brièvement décortiqué par le site Wikipedia: 

ATTENTION SPOILERS !!!!!!
Résumé détaillé
L'action se passe en 2012. Un éminent chirurgien esthétique, Robert Ledgard tente depuis douze ans de créer une peau synthétique qui aurait pu sauver son épouse, grièvement brûlée. Il réussit à créer un épiderme viable qui apparaît être d'une formidable résistance face aux agressions extérieures : piqûres de moustiques, brûlures,... Néanmoins, comme tout scientifique, le docteur Ledgard a besoin d'un cobaye. Il s’agit de sa dévouée patiente Vera, qu'il détient captive dans une chambre de son manoir, dans la région de Tolède. Seule Marilia, la fidèle domestique du médecin, est au courant de cette relation qu'elle voit d'un mauvais œil.
Un soir de carnaval où Robert est absent, Zeca, le fils de Marilia, arrive pour se cacher dans la maison : il a été reconnu sur la vidéo d'un cambriolage et veut échapper à la police. Marilia accepte de l'aider temporairement. Zeca remarque Vera sur les images de vidéo-surveillance du manoir et croit reconnaître la femme de Ledgard, qui fut son amante avant sa mort. Zeca ligote alors sa mère et entre dans la chambre de la femme pour la violer. Quand Robert rentre chez lui, il les surprend et tue Zeca d'une balle. Il part se débarrasser du corps, laissant Marilia et Vera seules au manoir.
Marilia commence alors à se confier : elle est la mère biologique de Robert, bien qu'il l'ignore. Des années auparavant, Zeca a eu une liaison avec la femme de Robert ; ensemble, ils ont tenté de fuir, mais ont eu un grave accident de voiture. Zeca a pu en réchapper et s'enfuir mais la femme de Robert a brûlé vive dans la voiture. Sauvée in extremis, elle a survécu plusieurs mois avant de se défenestrer en surprenant son reflet dans une vitre. Norma, sa fille a été témoin de la scène et a alors sombré dans une grande détresse psychologique.
La suite de l'histoire est un flashback : en 2006, Robert choisit de se faire accompagner de sa fille, encore fragile, à un mariage. Cette dernière croise du regard Vicente, un séduisant styliste dépendant aux médicaments. Les deux jeunes se plaisent, mais quand Vicente tente de coucher avec elle dans le parc du château, Norma s'affole et Vicente la frappe et l'assomme par accident. Pris de panique, Vicente s’enfuit mais Robert est témoin de la scène. Norma sombre à nouveau dans la dépression et retourne en hôpital psychiatrique. Robert kidnappe alors Vicente et le retient prisonnier dans une cave jusqu'au jour où Norma se suicide. La vengeance de Robert commence alors lentement : il fait subir à Vicente contre son gré de multiples opérations chirurgicales pour lui faire changer de sexe et le transformer en sosie parfait de sa femme.
En 2012, Vicente est devenu Vera et feint la soumission en acceptant de rejoindre Robert dans son lit. Un jour, Fulgencio, collègue chirurgien de Robert qui a participé aux opérations sans en connaître le contexte, reconnait le visage de Vicente sur un avis de recherche. Mettant en doute l’innocence de Robert, il le menace de révéler l'affaire au grand jour, mais Robert et Vera le menacent et le font fuir. Robert a désormais toute confiance en Vera. Mais la vision de l’avis de recherche a bouleversé Vera et le soir même, elle s'empare d'un revolver, tue Robert et Marilia et s’enfuit pour retrouver sa mère

3 commentaires:

  1. je l'ai fini depuis plus d'une heure et je suis encore complètement sous le choc !!!! Merci de me l'avoir tous conseillé une putain de grosse baffe comme je les aime.

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  2. Et magnifique critique ^^

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  3. J'te remercie Jérome, pas évidente à faire !
    On t'avait prévenu l'ami ! ^^

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