mardi 10 juillet 2012

Schizophrenia /Angst / Fear


de Gérald Kargl. 1983. Autriche. 1h27. Avec Erwin Leder, Silvia Rabenreither, Edith Rosset, Rudolf Götz

Interdit en salles en France. 

FILMOGRAPHIE: Gérald Kargl est un réalisateur autrichien né en 1953 à Villach, Austria.
1980: Sceny narciarskie z Franzem Klammerem (documentaire)
1983: Angst

                                              D'après l'histoire vraie du tueur Werner Kniesek
         

Censuré un peu partout à travers le monde dès sa sortie en 1983, Schizophrenia est une expérience extrême d'autant plus inédite que son origine autrichienne renforce un cachet d'authenticité peu commun. Avec la voix perpétuelle d'un monologue narré par l'interprète principal, ce portrait glaçant d'un serial-killer notoire de l'Allemagne des années 80 y transcende son introspection mentale avec un réalisme diaphane. Accordant un soin esthétique formel à sa photographie clinique et à son ambiance blafarde au bord du marasme, l'unique film de Gérald Kargl est notamment un modèle de virtuosité technique. Plans larges ou aériens contournés à la louma, caméra subjective pour mieux mettre en exergue l'aspect désincarné du tueur en série, le réalisateur sait utiliser sa caméra avec une dextérité aussi inventive que géométrique.


Filmé en temps réel et exploitant à merveille son dédale pavillonnaire, nous suivons les exactions meurtrières d'un détenu relaxé, déjà prêt à perpétrer de nouvelles exactions. Après avoir tenté d'étrangler une chauffeuse de taxi, celui-ci apeuré s'enfuit à travers bois pour trouver refuge dans une vaste demeure bourgeoise. Observant qu'il n'y a personne dans la maison, il décide d'y pénétrer par effraction en brisant la vite d'une fenêtre. En comptant sur l'arrivée de ses propriétaires avec une impatience fébrile, une voix-off hypnotisante (à voir en VF pour une fois car plus immersive !) nous narre de façon récursive ses pensées intimes les plus licencieuses mais également son passé de maltraitance infantile. Une sexagénaire, son fils impotent et sa fille seront les nouvelles proies de ses crimes sordides dénués de mobile. Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très... très long ! Cette célèbre citation du maître du suspense convient à cette descente aux enfers inflexible auquel notre tueur souhaite faire souffrir ses victimes de façon indolente et avec une véhémence incontrôlée ! Ce parti-pris (sur le vif) de filmer en temps réel, cette verdeur imputée aux meurtres cinglants (dont une mise à mort ultra sanglante !) et l'interprétation innée de notre tueur autrichien rendent Schizophrenia terriblement glauque et incommodant. En prime, le caractère inexpressif et apathique des personnages secondaires va aménager son aura d'étrangeté.


En terme de serial-killer déficient, Erwin Leder incarne son personnage avec une vérité si prégnante qu'il n'a pas à rougir de la comparaison avec Joe Spinell ou encore Michael Rooker. La pâleur de son faciès famélique et l'appréhension de son regard fuyant laissent en mémoire une prestance fébrile tributaire de son esprit déséquilibré. Son seul objectif est d'aborder sans raison n'importe quel quidam signalé au coin d'une rue et de l'assassiner avec un sadisme mâtiné de maladresse. Sa peur panique et son excitation irraisonnée pour la tentative d'homicide exacerbent la personnalité meurtrie d'un adulescent préalablement molesté par une filiation masochiste.


Malsain et hautement dérangeant par son aspect introspectif expérimental, Schizophrenia est une expérience extrême où la folie et le meurtre sont élaborés avec frénésie chez un criminel désaxé. Esthétiquement travaillé et ambitieux de par sa mise en scène personnelle, cette oeuvre scabreuse honteusement occultée et bannie depuis des décennies constitue un sommet de subversion où l'immersion clinique s'avère terriblement déstabilisante. Pour parachever, il faut aussi avouer que l'impact envoûtant du score de Klaus Schulze doit autant à son climat contrariant.
 
P.S: A Privilégier la VF, comme le souligne Gaspar Noé dans les Bonus du Blu-ray. 

*Bruno
25.07.22. 5èx
10.07.12. 

2 commentaires:

  1. Tu n'as pas traîné, Bruno ! Michael Rooker, c'était le nom que je cherchais désespérément dimanche ("Henry...", "Horribilis", "Super", le personnage de Merle dans "The Walking Dead", et même... "Jour de Tonnerre" avec Tom Cruise !?!), un acteur que j'ai pu découvrir de manière originale dans "La Nuit" sur Arte, lors d'une traversée nocturne de LA en compagnie du réalisateur / scénariste James Gunn. Ton texte me donne, une fois de plus, l'envie furieuse de découvrir ce film culte !
    Deux questions : dans quelle mesure a-t-il influencé l'oeuvre de Gaspar Noé (on ne peut s'empêcher de penser à "Seul contre tous" en te lisant) et quid des caractéristiques techniques du master HD ?

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  2. Mon cher Hugues, en ce qui concerne la qualité HD, j'établirais une note de 7,5/10. Donc l'image reste globalement excellente.
    Secondo, pour Gaspar Noé,il s'en est inspiré avec son 1er long, Seul contre Tous, pour la voix-off continuelle du tueur mais aussi pour la vision subjective de la caméra. C'est d'ailleurs la même chose pour Irréversible, tout du moins pendant le préambule et son côté expérimental est directement inspiré de Schizophrenia. On peut rapprocher aussi sa violence clinique et jusqu'au-boutiste comme cette jeune fille qui se fait égorger par son propre père dans Seul contre tous ou le viol d'Irreversible. Noé est totalement fasciné par la caméra de Gérald Kargl et depuis ses tous débuts il tente de reproduire les mêmes effets virtuoses, inventifs, géométriques ou elliptiques. Enter the void est également largement influencé par le côté expérimental, subjectif du héros principal.

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