mardi 14 août 2012

Sang pour Sang / Blood Simple. Grand Prix du Jury, Sundance 85.

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Fan-de-cinema.com

de Joel et Ethan cohen. 1984. U.S.A. 1h37. Avec John Getz, Frances McDormand, Dan Hedaya, M. Emmet Walsh, Samm-Art Williams, Deborah Neumann, Raquel Gavia, Van Brooks, Senor Marco, William Creamer.

Sortie salles France: 3 Juillet 1985. U.S: 18 Janvier 1985. Director's cut: France: 19 Juillet 2000. U.S: 2 Juin 2000.

FILMOGRAPHIE: Joel Coen (né le 29 novembre 1954) et Ethan Coen (né le 21 Septembre 1957) sont deux frères réalisateurs, scénaristes, monteurs, acteurs et producteurs américains.
1984: Sang pour Sang, 1987: Arizona Junior, 1990: Miller's Crossing, 1991: Barton Fink, 1994: Le Grand Saut, 1996: Fargo, 1998: The Big Lebowski, 2000: O'Brother, 2001: The Barber, 2003: Intolérable Cruauté, 2004: Ladykillers, 2006: Paris, je t'aime (tuileries), 2007: No country for old men, Chacun son cinéma (sktech: world cinema), 2008: Burn After Reading, 2009: A Serious Man, 2010: True Grit.


                 Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux, et très... très long (Alfred Hitchcock)

Cette illustre citation énoncée par le maître du suspense Alfred Hitchcock constitue le pivot de Sang pour Sang, première réalisation des frères Cohen multi récompensée dans divers festivals. Hommage au film noir sur le déclin au début des années 80, cette immense farce sardonique est un concentré de suspense au vitriol jalonné de déconvenues impromptues ! SynopsisMarty, tenancier, se résigne à payer un détective véreux pour se débarrasser de sa femme infidèle ainsi que son amant. Mais rien ne se déroulera comme prévu. 


Pour une première réalisation au budget minimaliste, les frères Cohen élaborent un véritable coup de maître pour leur dextérité à renouveler des codes du genre. Car à partir d'un canevas éculé exploité dans divers classiques du genre, nos deux complices se réapproprient du concept criminel agencé autour de l'adultère à travers un savant dosage d'humour noir et de réalisme acerbe. Un couple d'amants indécis se retrouve confronté au subterfuge meurtrier d'un détective véreux payé par le mari jaloux. Déterminé à faire liquider les amants infidèles, Marty est pris au piège du tueur à gage trop cupide pour duper un à un le trio corrompu. Superbement photographié au sein de la contrée bucolique d'un Texas crépusculaire et transcendé du score envoûtant de Carter Burwell, Sang pour Sang est un inépuisable jeu de massacre. Une farce macabre à la limite de la parodie (la rancune du mari imbécile n'en finit plus d'être brocardée jusqu'au point de non retour) où chaque adversaire antipathique exprime une austérité sournoise à contrecarrer son allié. Pour cause, les réalisateurs prennent malin plaisir à nous caractériser le profil peu recommandable de personnages autonomistes, couards et contrariés dans leur désir de se dépêtrer d'un cadavre encombrant. La preuve éloquente du briquet et la complicité indirecte de l'amant y seront les éléments déclencheurs de vicissitudes interminables entre le détective avide de retrouver son objet, et ce prétendant, persuadé que sa maîtresse s'avère l'unique responsable du meurtre de l'époux.


S'ensuit une multitude de déconvenues à hauts risques auprès du trio maudit par le biais d'inversion des rôles si bien que le premier responsable de cette machination criminelle en sera châtié pour trépasser de manière aussi apathique qu'insupportable (d'où la tagline de l'affiche empruntée à Hitchcock!). Ce retournement de situation abrupt permettant de relancer l'intrigue sur une série de situations génialement grotesques où chacun des antagonistes ne saura plus où donner de la tête à déceler qui tire les ficelles du traquenard criminel. Parmi cette rupture de ton alternant humour noir corrosif et réalisme macabre, les frères Cohen en cristallisent un bijou de film noir d'une diabolique inventivité. Comme en témoigne le simulacre d'un piège mortel intenté à l'un des antagonistes (sa main poignardée sur le rebord d'une fenêtre et sa tentative de s'y extraire par le biais de son arme à feu et de la force de sa poignée).


Fort du charisme irrésistible de trognes gouailleuses, contrariées et taiseuses, Sang pour Sang constitue une farce macabre à la dérision insolente au sein de l'atmosphère opaque d'une nature en clair obscur. Un véritable modèle de film noir, étonnamment brutal et sanglant, mais d'une cocasserie incongrue à travers sa suite de déboires amorcées par ces pieds nickelés empotés. On peut même sans rougir  y prôner le chef-d'oeuvre du genre tant ce 1er essai demeure aussi ensorcelant que jubilatoire. 

*Bruno
21.01.24. 4èx. Vostfr
14.08.12. 

Récompenses: Grand Prix du Jury à Sundance, 1985.
Prix de la Critique à Cognac, 1985
Prix du Public à Fantasporto, 1986


lundi 13 août 2012

Les Frissons de l'Angoisse / Profondo Rosso / Deep Red

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Dario Argento. 1975. Italie. 1h45 / 2h06. Avec David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Meril, Eros Pagni, Giuliana Calandra, Piero Mazzinghi, Glauco Mauri, Clara Calamai, Aldo Bonamano.

Sortie salles France: 17 Août 1977. U.S: 11 Juin 1976. Italie: 7 Mars 1975

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975: Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Synopsis: Un pianiste est malencontreusement témoin du meurtre d'une médium trop curieuse pour démasquer un assassin. Intrigué par un détail énigmatique vis à vis d'un tableau dans la demeure de la victime, il décide de mener sa propre enquête. Le tueur susceptible continue sur sa lancée meurtrière en supprimant les témoins gênants.


Chef-d'oeuvre absolu de Dario Argento, panthéon du néo Giallo à revoir à l'infini tant il déploie insatiablement des trésors de richesse à chaque révision, les Frissons de l'Angoisse arrive quatre ans après sa trilogie animale achevée en 1971. C'est avec ce thriller baroque au goût prononcé pour la violence sanguine que le réalisateur peut déployer sa maestria beaucoup plus circonspecte. Soin du cadrage et travellings tarabiscotés auprès d'une caméra mobile, décors insolites d'une recherche esthétique stylisée et raffinement cruel dans l'élaboration de meurtres sanglants. Ajoutez à cela une angoisse sous jacente pour l'investigation criminelle, une ambiance gothique surnaturelle (dans la hantise d'une demeure pour dégoter un macchabée décharné) et un suspense lattent imparti à une narration finaude en trompe l'oeil ! Car ici, méfions nous des apparences et ce dès le générique musical ! Argento se résout en l'occurrence à jouer avec la perception visuelle du spectateur observant un bambin potentiellement coupable ou témoin d'un meurtre commis à l'arme blanche. Dans le salon conjugal d'une nuit de noël, une violente rixe est suggérée à travers le mur de deux ombres menaçantes. Un cri infantile est soudainement exclamé ! Un couteau de cuisine ensanglanté trébuche sur le sol tandis que la scène suivante nous illustre de façon prononcée deux jambes d'un enfant s'approchant près de l'objet tranchant ! Le montage parfaitement structuré est musicalement scandé d'une comptine entêtante. Une séquence d'anthologie roublarde évoquant l'homicide d'un trauma infantile et sa faculté suggestive à semer le doute auprès du spectateur pour tenter de déceler certains éventuels indices. La suite continue dans cette logique du "faux semblant" parmi l'investigation criminelle du héros et la représentation picturale d'un tableau où un détail éloquent lui fut préalablement omis.


Il faut indubitablement louer l'incroyable partition musicale des Goblin déployant à rythme cadencé un tempo terriblement entraînant pour mettre en exergue la fascination ombrageuse d'une intrigue criminelle jalonnée d'indices irrésolues. Et Argento d'y agencer un goût funeste pour le baroque, l'insolite (jeux de lumière, couleurs hybrides contrastées, architecture picturale de sculptures historiques), l'épouvante même (l'intérieur de la maison abdiquée et ce qui s'ensuit), mais aussi le surnaturel feutré (toute la fouille archéologique se déroulant dans cette même demeure gothique) afin de transcender le genre Giallesque dans une mouvance littéralement singulière. Bref, on n'a jamais vu cela à l'écran auprès de cette scénographie (déjà) opératique constamment magnétique. Ainsi, Les Frissons de l'Angoisse est notamment la prémices d'une transition pour le maître d'augurer ses délires sanglants d'un fantastique occulte entrepris 2 ans plus tard avec Suspiria. En effet, on sent déjà ici une nette influence putanesque à confectionner quelques meurtres sadiques d'un réalisme cru et stylisé (la mâchoire d'une des victimes fracassée contre le marbre d'une cheminée puis sur le bois d'une table ou encore la lapidation infortunée de Carlo n'en finissant plus d'agoniser). Le point d'orgue final fertile en déconvenues et péripéties instables instaurant avec acuité le mode opératoire du suspense préalablement distillé, juste avant de nous dévoiler l'identité du meurtrier entraperçu dès les cinq premières minutes du film ! Il fallait oser ! Or, cet synergie d'hermétisme indicible, d'anxiété diffuse et de suspense croissant nous confine au sein d'un environnement insécure jonché de détails troubles. Tel ce combat bestial entre chiens, le lézard perforé d'une aiguille, les tableaux au visages mortifères ou encore le piano bar et sa clientèle statique. Tandis que d'autres éléments macabres nous sont accolés parmi la symbolique d'une poupée pendue ou celle d'un pantin de porcelaine (au rictus diablotin) violemment projeté sur une victime.


Maîtrise technique d'un esthétisme stylisée, intrigue tortueuse émaillée d'éléments patibulaires, meurtres sadiques d'une verdeur audacieuse et science du suspense planifiée autour de protagonistes malhabiles, Les Frissons de l'Angoisse est conçu à l'instar d'un puzzle édifié sur le simulacre. Baignant dans une atmosphère hybride délicieusement funèbre et sublimé du score inimitable des Goblin, ce chef-d'oeuvre tout à la fois expérimental et novateur possède en outre une aura de fascination dépassant notre raison. Sans doute l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma dépassant aisément le (sous) genre du Giallo avec une grâce technique/formelle/narrative/cérébrale infiniment alchimique. 

*Bruno
03.05.24. 4èx. Vostfr. Version courte.
13.08.12. 


Ci-joint Analyse du film issue du site Vodkaster (ciné-club sur les Gialli)

Une médium, joué par Macha Méril est assassinée. Marc, joué par David Hemmings, est témoin du meurtre, il entend les cris de la jeune femme et accourt à son aide, trop tard. Ayant pourtant assisté au meurtre, il n’a pas pu voir le visage de l’assassin dont il a juste vu la silhouette quitter l’immeuble, silhouette qu’il suppose être du tueur. Plus tard interrogé par la police, il évoque des doutes, dans le couloir rempli de tableaux de l’appartement de la médium, quelque chose semble manquer et avoir disparu, il ne peut cependant évoquer ce qui manque exactement, mais quelque chose semble lui échapper, quelque chose qu’il ne peut expliquer et décrire, une impression. Aidé par une journaliste, jouée par Daria Nicolodi, il va commencer mener l’enquête et va rapidement commencer à comprendre qu’il est lui-même aussi en danger. Cette enquête va l’amené à questionner son regard, les apparences, et ce qu’il croit voir et avoir vu.
C’est donc un retour à la plus pure tradition du giallo pour Argento. On y retrouve les thèmes récurrents, un étranger, dont la nationalité n’est ici jamais évoquée, qui est aussi un artiste, pianiste, est témoin d’un meurtre et se met alors à enquêter, son obsession va l’emmener à découvrir un lourd secret de famille et va surtout le faire se révéler à lui-même. Une des autres caractéristiques du giallo que l’on retrouve, le secret de famille, ici le tueur n’est pas un psychopathe, il tue pour protéger un secret familial traumatique. On pouvait d’ailleurs déjà retrouver cette trame dans « Le chat à neuf queues ». Un des aspects étonnants c’est qu’Argento met en place plusieurs éléments de comédies avec notamment le couple Nicolodi-Hemmings, lui étant plutôt machiste et burné, elle était plutôt sure d’elle et déterminée. Si dans les films précédents d’Argento, il y avait toujours un élément de comédie, que ce soit un personnage, comme celui de Jean-Pierre Marielle dans « Quatre mouches de velours gris », ou certaines scènes. Or ici, les situations sont un peu plus étoffées, peuvent parfois sortir de l’intrigue principal, mais Argento n’en fait pas trop, et place ces scènes dans sa première heure de film, pour donner de la substance à ses personnages, et montrer leur caractère avant l’intrigue, pour mieux nous montrer leur évolution. L’autre innovation majeure dans le cinéma d’Argento, c’est la présence, pour la première fois dans sa filmographie du paranormal, on y retrouve une médium qui lit dans les esprits des gens, une maison hantée, et une enfant démoniaque qu’Argento arrive à filmer d’une manière qui la rend terriblement angoissante et impressionnante. Voir cette petite fille tuant des animaux ne paye pas de mine, mais la manière dont Argento la filme, comme si elle était en prise avec une étrange forme du Mal, un Mal imperceptible, impalpable, mais omniprésent, même dans l’esprit d’une jeune enfant. Argento passe très vite à autre chose et c’est encore plus fort, voir la réaction du père lorsque la petite tue un lézard permet d’alimenter énormément notre imagination, et ne pas s’y attarder nous permet de donner un supplément d’âme à la scène suivante, le vrai grand tour de force du film, la visite de la maison hantée. Après l’introduction d’une étrange force maléfique semblant s’imprégner de la petite fille, Argento réalise une très longue scène d’exploration urbaine, quasiment jamais vu à l’époque. Il y aura deux scènes comme celles-là dans le film. Dans la première, après l’introduction de la petite fille, notre esprit est donc plus fertile pour anticiper l’arrivée de quelques esprits, mais Argento se joue du spectateur d’une façon absolument magistrale. En jouant sur l’utilisation de différents points de vue, Argento donne l’impression que Marc n’est pas seul, allonge sa scène, fait sonner la musique des Goblins, les mouvements de caméra sont flottants, comme épousant le point de vue des esprits hantant la maison. On est probablement ici devant la plus belle scène d’exploration de maisons hantée du cinéma, un grand moment d’angoisse, où rien et tout se passe à la fois, Marc devant être attentif à tous les détails s’il veut espérer résoudre l’enquête. Argento travaille déjà à merveille son ambiance, en rendant le Mal invisible comme surnaturel, il joue sur les cadres et les espaces pour nous faire ressentir l’étrange présence du lieu, les fantômes du passé d’une façon que l’on sache, avant même la révélation finale, que quelque chose d’important s’est passé dans cette maison, qui est toujours imprégné de ce qui s’est passé.
Mais « Les Frissons de l’Angoisse », c’est surtout une grande étude sur le réel, un réel trop difficile à comprendre, un réel qui nous échappe, nous spectateur, et qui surtout échappe au personnage principal.
Pour nous faire ressentir cette perte de repères, Argento use à fond des fausses pistes, le film regorge de personnages à double tranchants, et de situation où tous ce qui est montré est inutile, et où tous les détails dans les coins du cadre sont essentiels. Ce n’est jamais ce qui est montré en première plan qui est le plus important, c’est toujours ce qui se passe dans les cuts rapides, toujours ce qui se passe dans l’obscurité, au fond du cadre qui donne la clé du film. Un des autres coups de génie du film est également de montrer le visage de l’assassin dès le début du film, seulement le regard du spectateur n’est pas dirigé dans la bonne direction par Argento, qui, de par sa mise en scène nous indique de regarder dans une autre direction, le coup de force est total, Argento a assez de confiance dans la puissance de sa mise en scène pour montrer l’assassin dès le début, David Hemmings est dupé, nous sommes dupés.
« Profondo Rosso » est également un grand film sur la persistance rétinienne, le personnage principal ayant vu le visage de l’assassin dès le début, mais il n’a pas bien regardé et analyser ce qu’il voyait, il a beau avoir l’image dans sa tête, il ne peut comprendre ce qu’il manque dans l’appartement puisqu’il n’a pas une image assez précise de ce qu’il a vu exactement. Il doit décoder ce qu’il voit, à l’image de cette pièce emmurée dans la maison hantée, il ne voit qu’une partie d’un dessin qui est la clé de l’intrigue. En cassant le mur, il rentre comme dans un écran, comme si Argento brisait notre écran, au moment où commencent les révélations, nous faisant entrer nous-mêmes, spectateurs, à l’intérieur du film, pour nous expliquer ce que nous avons manqué depuis le début du film, chaque détail auxquels nous n’avions pas donné d’importances, chaque scène dans lesquelles nous n’avons pas assez prêté attention. Argento ne donne que peu d’indices aux spectateurs et au personnage principal, mais toujours des indices visuels, qui devraient être vus, mais notre regard est pointé vers une autre direction. Il nous rappelle que toute image est trompeuse, car cette image n’est créé que d’un seul point de vue, il suffit parfois de regarder les choses un peu plus attentivement ou d’un autre point de vue pour enfin comprendre.
Le final, comme dans la plupart des films d’Argento, n’est pas un happy-end, bien au contraire, bien que l’intrigue soit terminée, et se termine bien , la dernière image que l’on voit, c’est le visage de Marc, à l’envers et en rouge. Comme si après toute cette enquête, le personnage principal se retrouve face à lui-même, rien n’est résolu, le Mal subsistera, ce Mal incontrôlable et incompréhensible qui a provoqué toute cette folie. Si cette vision du Mal est caractéristique du cinéma d’Argento, le plan final sur le reflet d’Hemmings a une portée bien plus métaphysique. Marc, depuis le début est à la recherche d’une image, une image perdue dans sa mémoire, image qu’il recherche pendant tout le film, cette image, c’est son reflet. Ainsi, il acquière une conscience à la fin du film, la conscience d’abord qu’il ne comprend pas le monde, qu’il ne peut voir où il faut, qu’il est dépassé dans un monde où le Mal n’est pas seulement caractérisé par l’assassin mais qui déborde de partout, souvenez-vous de la petite fille, mais aussi et surtout il prend conscience qu’il ne se comprend pas lui-même, et qu’il courrait après son reflet et qu’au final il a fait une boucle, il cherche son reflet, et se cache le visage, car rien n’est plus angoissant que de voir son reflet. Bien plus que la compréhension du monde, c’est la compréhension de soi-même qui est fondamentale.
« Les Frissons de l’Angoisse » est selon moi le beau, le plus complexe et le plus intéressant des gialli, Argento convoque « Blow Up », reprend quasiment le même personnage que dans le film d’Antonioni, pour un résultat en tout point fascinant, au scénario sans bout de gras, ultra tenu, aux interprétations multiples, sur la signification du plan final notamment. Un immense film sur les illusions, Argento se joue du spectateur avec une virtuosité hallucinante. Objectivement, les seuls défauts que l’on peut reprocher sont les scènes comiques, qui pour moi sont justifiées mais qui peuvent ralentir un récit déjà volontairement lent dans sa première heure. La musique des Goblins pourra peut-être en irriter plus d’un, bien qu’elle soit mythique, elle a à de rares moments un petit côté kitsch qui fait aussi le charme des films de cette époque. Pour ma part je considère « Les Frissons de l’Angoisse » comme le giallo ultime, indépassable, et des plus grands films du cinéma Italien et un des plus grands films des 70’s.

LE REGNE DES INSECTES (Court-Métrage)


De Pascal Frezzato. Court-métrage. France. 2012. 12 mns. Avec Sylvie Gonnord, Bruno Dussart, Pascal Frezzato. Scénario: Pascal Frezzato, Bruno Dussart.

On Rembobine.fr: LE REGNE DES INSECTES : Un court-métrage à ne pas rater !
Le point de vue de Gilles Rolland:

Chez On Rembobine.fr, on s’intéresse aux longs-métrages, mais aussi aux courts. Parfois, il nous arrive de tomber sur de petits bijoux qui, à force d’inventivité, de malice et d’une sincérité boostée par une véritable passion communicative, arrivent à s’imposer.

C’est le cas du Règne des insectes, un court-métrage de Pascal Frezzato, qui met en scène Bruno Dussart, Sylvie Gonnord et Jérôme Roulon.


L’histoire du Règne des insectes est aussi simple que rudement efficace :

Le 2 septembre 2014, les hommes et les animaux ont disparu de la surface de la Terre, victimes de la cupidité de l’être humain. Désormais, ce sont les insectes qui règnent sans partage sur le monde…

Un cataclysme pourtant prévu par un chercheur du nom de Madeira. Madeira qui, quelques temps avant la catastrophe, tente d’avertir les autorités de ce qui se prépare. Sans succès… La fin est ineluctable.

Le Règne des insectes débute alors que Madeira se présente devant Delphine Dullac, la mystérieuse représentante d’une non moins mystérieuse agence gouvernementale toute-puissante de sureté nationale. Le ton monte chez Madeira qui tente de justifier son point de vue sur une situation qui de toute façon est inévitable…


Aujourd’hui, Le Règne des insectes est enfin disponible sur internet. L’occasion de vous présenter dans son intégralité ce film prenant, immersif et puissant dans son propos concerné. Un film à la photographie irréprochable et chirurgicale, qui souligne le talent d’un réalisateur qui prouve une nouvelle fois qu’il est possible aujourd’hui de réaliser un film puissant sur un sujet pourtant maintes fois abordé. Ici, pas de sensationnalisme facile, mais plutôt une tension qui n’en finit pas de monter jusqu’au climax impressionnant.

Mélancolique, d’une certaine façon poétique et relativement tendu, Le Règne des insectes bénéficie en outre de l’interprétation au cordeau de Bruno Dussart (dans son premier rôle). Un comédien, dont l’intensité habite l’œuvre d’un bout à l’autre, confronté à une Sylvie Gonnord glaciale et effrayante, en représentante d’une société sourde qui creuse ironiquement sa propre tombe en refusant d’ouvrir les yeux.

Métaphore brillante, Le Règne des insectes se doit d’être vu le plus largement possible.
Gilles Rolland
http://www.onrembobine.fr/news/news-le-regne-des-insectes-un-court-metrage-a-ne-pas-rater


Le Point de vue de Mathias Chaput:
Synopsis :
Dans un avenir très proche, suite à une catastrophe cataclysmique de la plus grande ampleur, la population humaine a été décimée et seuls ont survécu les insectes qui peuplent la surface terrestre…
Toute trace de vie de l’homme a été anéantie !
Peu de temps avant cette fin du monde annoncée, un homme du nom de Madeira, qui se préfigure comme annonciateur de ce cataclysme, est interrogé dans les locaux de l’agence de sureté nationale par Delphine Dullac, une chargée de développement du groupe qui veut percer le mystère et éluder le pourquoi du comment inhérent au carnage qui va arriver !
Très vite le ton monte !
Jusqu’à ce que Madeira commette l’irréparable !
Comme une évidence balancée à la face des politiques, il va mettre devant leurs propres responsabilités tous ces représentants de l’establishment qui refusaient de croire à l’ampleur de ce désastre et à l’évidence de ses conséquences…
L’affrontement verbal vire au drame !


Avis :
Construit sur une trame solide et un ton très convaincant, « Le règne des insectes », outre ses qualités narratives incontestables, bénéficie d’une mise en condition radicale du spectateur, presqu’une une mise en immersion directe et ce, des le début du court !
ON EST DEDANS tout de suite et c’est ça qui est fascinant !
Les comédiens sont animés d’une volonté de bien faire, notamment Bruno Dussart dont c’est le premier rôle et qui s’en sort admirablement bien !
Sylvie Gonnord dégage avec son personnage un aura certain mais Dussart arrive à transcender sa prestation par une sincérité et une prestance inoubliable, car il insuffle un côté émotionnel très fort dans sa composition et se révèle très adroit et habile dans un jeu d’acteur particulièrement appuyé et abouti !

Bruno Dussart, Sylvie Gonnord et Pascal Frezzato
Pascal Frezzato, passionné de cinéma de genre (tout comme Bruno Dussart) a pondu un petit joyau et a réussi à transmettre sa passion via un scénario imparable, petit condensé de la plupart des films post apocalyptiques déjà référencés à ce jour, mais en y rajoutant sa patte !
En fait « le règne des insectes » est bien plus sincère et honnête en tant que court métrage que bien des LONGS métrages sortis dans le milieu professionnel, prétentieux et déplaisants, ici Frezzato parle avec son CŒUR et c’est ce qui fait la qualité indéniable du « Règne des insectes »…
On va de surprises en surprises, d’un niveau exemplaire pour une œuvre amateur et d’une efficacité très bien rôdée, « Le règne des insectes » remporte un succès indubitable et se prépare pour rentrer dans les rang très serré des meilleurs courts réalisés cette année, n’en doutons pas !
Gorgé d’émotion et nerveux au niveau de l’action en même temps, « Le règne des insectes » s’avère une franche réussite, à cautionner et encourager de façon certaine !
Très beau boulot à l’équipe !


Mention spéciale à mon fidèle ami Bruno : tu as fait un malheur !
Note : 10/10.

La critique de Memory of the dead: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/11/memory-of-dead-court-metrage.html
La critique de Pour une Poignée de Spaghettis: http://brunomatei.blogspot.fr/…/per-un-pugno-di-spaghetti-p…

Le film ci-dessous ! Bonne séance !

                         

vendredi 10 août 2012

Le Dragon du Lac de Feu / Dragonslayer

                                             
                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Matthew Robbins. 1982. U.S.A. 1h49. Avec Peter McNicol, Caitlin Clarke, Ralph Richardson, John Hallam, Peter Eyre, Albert Salmi, Sydney Bromley, Chloe Salaman, Emrys James, Roger Kemp, Ian McDiarmid.

Sortie salles France: 20 Octobre 1982. U.S: 26 Juin 1981

FILMOGRAPHIE: Matthew Robbins est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur américain.
1978: Corvette Summer. 1981: Le Dragon du Lac de Feu. 1985: La Légende de Billie Jean. 1985: The Main Attraction (Episode TV). 1985: Histoires Fantastiques (1 épisode). 1987: Miracle sur la 8è Rue. 1989: Mothers, Daughters and Lovers (télé-film). 1991: Bingo.


Co-produit par Walt Disney et Paramount, le Dragon du lac de Feu fut malencontreusement un échec financier à sa sortie. Sombré dans l'oubli depuis, en dehors d'une poignée d'aficionados indéfectibles, cette production de 18 millions de dollars (qui en rapporta 14 !) demeure pourtant un spectacle d'héroïc-fantasy aussi inhabituel que grandiose de par son réalisme naturaliste. Si bien qu'en l'occurrence, l'écurie Disney s'attelle cette fois-ci à faire preuve d'une certaine violence audacieuse chez les méfaits du dragon destructeur, friand de jouvencelles candides. Le PitchAu royaume d'Urland, un dragon sème la terreur auprès de la population. Pour calmer sa haine, le roi est fréquemment contraint de lui offrir en sacrifice une jeune vierge tirée au sort parmi sa population. Galen, un apprenti-sorcier, va tenter de le combattre depuis que son maître fut malencontreusement assassiné. Fort d'une photo somptueuse aux teintes maltaises et de décors naturels transcendant l'immensité de plaines et montagnes clairsemées, Le Dragon du Lac de Feu séduit par son esthétisme d'une époque moyenâgeuse où la sorcellerie semble en phase de déclin. Le choix des comédiens est notamment un atout anticonformiste pour crédibiliser les enjeux dramatiques de nos protagonistes. Car en oracle autoritaire vieillissant, Ralph Richardson fait preuve de son charisme paternel habituel, alors que son comparse, Galen, interprété par le néophyte Peter McNicol, s'attribue un rôle chevaleresque à la bonhomie étonnamment naïve et quelque peu empotée. Sa compagne Valérik, campée par Caitlin Clarke, possède elle aussi une physionomie ordinaire dans sa beauté suave somme toute modeste.


Ainsi, cette aventure assez obscure, notamment sobrement cocasse, nous illustre donc l'initiation d'un jeune apprenti sorcier délibéré à combattre un monstre belliciste que personne ne semble pouvoir circonscrire. Si son maître nécromancien s'était accordé la tâche de l'enrayer, il en aura décidé autrement au moment opportun pour se porter en sacrifice et ainsi privilégier Galen d'y prendre la relève. S'ensuit alors une expédition de longue haleine pour le jeune disciple afin de traquer le monstre et assurer la sérénité auprès du royaume d'Urland. Ce qui surprend durant son cheminement narratif à l'intérêt grandissant, c'est son refus de l'esbroufe et la volonté majeure de rationaliser un monde médiéval régi par un monarque égocentrique. Pour cause, le roi empli d'orgueil réfute à ce que sa fille chaste soit tirée au sort comme toutes les paysannes prudes de sa contrée afin de satisfaire le dragon irascible. Le réalisateur misant notamment sur la suggestion en retardant au possible les apparitions dantesques de l'animal. Un peu comme les Dents de la Mer ou Alien, le dragon nous sera dévoilé avec parcimonie en divulguant certaines parties de son anatomie. Tant auprès de son immense queue de serpent, l'intonation rugissante de sa gueule cracheuse de feu ou de ses larges ailes déployées du fond d'un ciel crépusculaire !


Or, conjuguant certains traits pittoresques auprès de l'apprenti maladroit féru de renommée, la tendresse de sa liaison naissante avec une paysanne timorée et son aventure dantesque d'une traque laborieuse contre le cruel dragon tant redouté, cette épopée médiévale nous transfigure un univers dépaysant où la magie est en instance d'initiation. L'ultime demi-heure échevelée laissant place à la frénésie de combats homériques entre Galen et l'animal réfugiés dans une grotte de feu pour se livrer une lutte sans merci. Quand au point d'orgue tout aussi épique, il met en valeur les envolées aériennes d'un dragon plus pugnace que jamais afin de provoquer l'antagoniste réfugié en altitude d'une montagne. C'est à cet instant fatidique que la sorcellerie acquise pourra enfin porter ses fruits de par l'anticipation de l'alchimiste retors. Toutes ces séquences impressionnantes où le dragon apparaît dans sa complète anatomie s'avèrent assez saisissantes de réalisme de par son aspect funèbre terriblement hostile. D'ailleurs, en ce qui concerne les effets spéciaux, il s'agit du premier film ayant utilisé la technique de l'animation go-motion supervisée par ordinateur. On est également surpris par la cruauté tolérée à certaines séquences martyrs où de jeunes vierges y sont sacrifiées par embrasement d'un brasier ou simplement dévorées par les rejetons du dragon !


Anticonformiste aux spectacles familiaux édulcorés, Le Dragon du Lac de Feu aborde le genre d'héroic fantasy avec une évidente maturité et même une certaine audace horrifique lors de deux séquences portées en offrande. En réalisateur intègre, Matthew Robbins n'omet pas pour autant la légèreté de l'humour imparti à son héros en herbe et surtout la crédibilité d'un univers médiéval à la fois ténébreux, naturaliste, expressif, sans fioriture aucune. Quand à la caractérisation du monstre belliqueux, il se révèle l'un des dragons les plus probants jamais conçus au cinéma ! (si on écarte Le Règne du Feu et la série prestigieuse Game of Thrones digne du format long). A revoir fissa.

*Bruno
10.08.23. 4èx
10.08.12. 


lundi 6 août 2012

JEEPERS CREEPERS 2 (Jeepers creepers 2 : like a bat out of hell)

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Victor Salva. 2004. U.S.A. 1h43. Avec Ray Wise, Jonathan Breck, Garikayi Mutambirwa, Eric Nenninger, Nicki Aycox, Marieh Delfino, Diane Delano, Thom Gossom J.R, Billy Aaron Brown, Lena Cardwell.

Sortie salles France: 4 Février 2004. U.S: 29 Août 2003

FILMOGRAPHIE: Victor Salva est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 29 Mars 1958 à Martinez.
1989: Clownhouse. 1995: Powder. 1999: Rites of Passage. 2001: Jeepers Creepers. 2003: Jeepers Creepers 2. 2006: Peaceful Warrior. 2012: Rosewood Lane.


Modeste réalisateur, Victor Salva avait particulièrement surpris les amateurs du genre avec Jeepers Creepers, petite série B passée inaperçue en salles en 2001 mais bénéficiant ensuite d'un bouche à oreille élogieux ! Son parfum rétro hérité des années 80 et l'efficacité d'un pitch inspiré de Duel et du slasher contemporain ayant réussi à captiver le spectateur pour mettre en valeur un croquemitaine hybride. Trois ans plus tard, Victor Salva nous revient avec une suite toute aussi réussie et encore plus vigoureuse dans son principe du survival ! Sur la route d'une campagne isolée, un autocar transportant une équipe de basketteurs se retrouve immobilisé après que l'un des pneus eut été mystérieusement crevé. Ce traquenard est élaboré par le Creeper, monstre affamé de chair humaine apparaissant tous les 23 printemps durant une période de 23 jours avant sa prochaine hibernation. La lutte pour la survie est engagée !



Bénéficiant harmonieusement d'une photo solaire splendide, la séquence d'ouverture du film attise déjà anxiété et stupeur pour le subterfuge imparti à un épouvantail plus vrai que nature. Déguisé en mannequin de paille parmi d'autres modèles au sein d'un champ, le Creeper souhaite en l'occurrence jeter son dévolu sur un adolescent pour le ravir devant les regards médusés de son père et son frère aîné ! Accablé de tristesse et de colère d'avoir perdu son rejeton après cette tragédie, le fermier semble habité par une rancoeur vindicative pour retrouver le responsable de cet enlèvement. Passé ce prologue incisif, nous faisons ensuite connaissance avec un groupe de basketteurs et leurs pom-pom girls faisant route à bord d'un autocar. A la suite d'une panne accidentelle compromise par le Creeper, le groupe de jeunes se retrouve coincé au milieu d'une route champêtre éludée de citadins.


C'est sur cette voie campagnarde jalonné de champs de maïs que l'action se focalise pour laisser libre court aux exactions insidieuses de notre créature ailée, bien avant de renouer avec les retrouvailles de notre fermier revanchard, délibéré à l'annihiler. Interprété par de jeunes comédiens parfois stéréotypés (le bad boy détestable souhaitant dicter sa hiérarchie, le froussard invétéré, l'hypocrite autonome) mais épris d'une conviction tangible quand il s'agit de faire face à la terrible menace, leurs vicissitudes sont habilement planifiées par des péripéties jamais répétitives, exploitant notamment à bon escient le cadre de son environnement naturel (la fuite à travers champs des rescapés, les vols aériens du Creeper aperçus du fond d'un ciel lunaire émaillé d'étoiles). Grâce à la tension d'un suspense solidement charpenté puis l'entremise d'idées saugrenues, telle la mutation de la créature contrainte de changer de tête pour en décapiter une autre, le véhicule confectionné avec l'aide d'un lance harpon, ou encore l'épilogue confiné à une exhibition macabre, Jeepers Creepers 2 joue la carte du pur divertissement du samedi soir. Mais surtout, le parti-pris de Victor Salva est à nouveau d'authentifier son monstre hétéroclite encore plus railleur et pugnace. Cette vigueur impartie aux affrontements et le charisme morbide de l'icone monstrueuse renouvellent sans redite ses méfaits meurtriers ! Et sur ce point, notre Jeepers Creepers est LA véritable star du film, déployant avec vélocité ses immenses ailes et son ricanement étriqué pour se projeter le plus furtivement sur ses victimes infortunées. Ses poursuites aériennes ainsi que son point d'orgue explosif (la vengeance du père opiniâtre) continuant de surenchérir sur les séquences vertigineuses à l'aide d'une poésie funèbre !


Mené à un rythme échevelé, haletant et spectaculaire, Jeepers Creepers 2 s'avère l'une des rares suites égalisant son modèle grâce à l'intégrité du réalisateur vouant son amour à un monstre interlope toujours plus prégnant. Esthétiquement superbe et exploitant habilement certaines situations éculées par un humour sardonique et de nombreux effets de surprise, ce 2è opus réussit encore à surprendre le spectateur embarqué dans un rollercoaster cartoonesque !

La Chronique de Jeepers Creepershttp://brunomatei.blogspot.fr/2016/01/jeepers-creepers.html

Dédicace à Christophe Cosyns
06.08.12
Bruno Matéï


vendredi 3 août 2012

TERREUR A DOMICILE / D'ORIGINE INCONNUE (Of Unknown Origin)

                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site groovydoom.blogspot.fr

de Georges Pan Cosmatos. 1983. U.S.A. 1h28. Avec Peter Weir, Jennifer Dale, Lawrence Dane, Kenneth Welsh, Louis Del Grande, Shannon Tweed.

FILMOGRAPHIE: George Pan Cosmatos était un réalisateur et scénariste grec né le 4 janvier 1941 à Florence (Toscane, Italie), mort le 19 Avril 2005 à Victoria (Colombie-Britannique, Canada) d'un cancer du poumon. 1977: Le Pont de Cassandra. 1979: Bons Baisers d'Athènes. 1983: Terreur à Domicile. 1985: Rambo 2, la Mission. 1986: Cobra. 1989: Leviathan. 1993: Tombstone. 1997: Haute Trahison.


Habile artisan de la série B musclée, George Pan Cosmatos est surtout connu pour avoir réalisé l'excellent film catastrophe Le Pont de Cassandra, puis Rambo 2 et Cobra pour les fans irréductibles d'actionner bourrin. Néanmoins, c'est en 1983 qu'il réalise son oeuvre la plus percutante et originale, un huis-clos sous tension resté inédit en salles Hexagonales puis directement sorti en Vhs ! Interprété par le futur héros de Robocop (Peter Weller), Terreur à Domicile (ou d'Origine Inconnue) reste un modèle d'efficacité et de suspense, transcendé par un scénario roublard impeccablement maîtrisé !
Alors que sa femme et son fils sont en villégiature, un cadre supérieur isolé dans sa demeure est harcelé par un rat belliqueux. Bientôt, ce cauchemar impromptu va virer à l'obsession et engendrer un affrontement impitoyable entre l'homme et l'animal.


A partir d'un concept délirant à peine probable (la lutte sans merci entre un rongeur et un bourgeois prospère communément embrigadés dans un huis-clos), George Pan Cosmatos procède à authentifier un film de terreur d'une diabolique sagacité dans son suspense en crescendo. C'est la maîtrise de son argument à la limite du plausible et une réalisation sans faille qui élèvent Terreur à Domicile à un degré d'efficacité rarement atteint pour le thème de l'agression animale ! L'habileté première qui diffère des films fantastiques outranciers est qu'ici le rat est caractérisé comme un animal physiquement "normal". Son caractère intimidant lui est gratifié d'une redoutable perspicacité à brimer sans répit l'homme retranché ! En alternant scènes de terreur cinglantes et suspense machiavélique distillé au compte goutte, le réalisateur joue autant avec les nerfs du protagoniste exténué que celui du spectateur désorienté. Cette rivalité peu commune entre l'homme et un rat "d'origine inconnue" réussit le tour de force de nous convaincre que ce mammifère puisse ridiculiser l'être humain avec une intelligence finaude !


D'ailleurs, avant les rixes, le réalisateur ne va pas manquer de nous évoquer la réputation notoire de notre rongeur et sa dangerosité universelle. Tel sa faculté à pouvoir se glisser dans un trou de 3 cms, nager 1 km et se maintenir sur l'eau durant 3 jours ! Sa capacité de traverser le plomb et le béton avec ses crocs dont la pression exerce 1,700 kg par cm2 ! Il peut notamment survivre à la descente des WC et à une chute de 5 étages sans blessure ! Quand à sa progéniture, deux rats ont l'aptitude de proliférer jusqu'à 20 millions de nouveaux nés en moins de 3 ans ! Enfin, nous apprenons aussi qu'1/5 des céréales du globe est toujours dévasté (ce qui évalue une perte de 2,5 milliards de kilos rien qu'aux USA !) et qu'au 14è siècle, le rat a transporté la peste noire tuant 1 personne sur 3 de l'Inde en Islande (1/3 du monde civilisé anéanti par le rat !). En alternance, le réalisateur va nous énoncer d'autres infos vis à vis du comportement inflexible du rat pour mieux l'éradiquer, quand bien même  certains pays (l'Inde et l'Extrême- Orient) le considèrent comme une divinité. Cette foule d'informations alarmistes sont mises en évidence de manière à accentuer le sentiment d'appréhension, d'incertitude et de préoccupation avant le combat final redouté ! Et on peut avouer sans rougir que ce baroud d'honneur apocalyptique pour la victoire est un moment d'anthologie aussi furieusement frénétique que belliqueux. Mais auparavant, George Pan Cosmatos nous aura planifié avec réalisme consciencieux et tension permanente la lente dérive paranoïaque d'un homme toujours plus désaxé car confronté aux provocations insidieuses d'une rate implacable !


Dominé par un Peter Weller erratique en diable et utilisant avec dextérité l'aspect terrifiant d'un rongeur ordinaire (en insistant sur les gros plans de sa physionomie), Terreur à Domicile demeure un modèle de terreur anxiogène. Sans nul doute le film le plus roublard jamais réalisé sur le rongeur quadrupède ! Son efficacité toujours plus insolente, son sens du rythme incisif et la rigueur d'une mise en scène autoritaire nous déconcertent sans jamais défaillir ! Mais la plus grande réussite de cette fable sarcastique fustigeant le matérialisme de l'homme moderne réside dans son scénario original proprement jubilatoire. Il pourrait même se révéler potentiellement plausible dans nos fantasmes les plus fous !

http://www.thesun.co.uk/sol/homepage/news/3102460/Invasion-of-the-giant-rats-in-Bradford.html

03.08.12. 4èx
Bruno Matéï

mardi 31 juillet 2012

28 Jours plus tard / 28 Days later

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

de Danny Boyle. 2002. Angleterre. 1h53. Avec Cillian Murphy, Naomie Harris, Megan Burns, Brendan Gleeson, Christopher Eccleston, Alex Palmer, Bindu De Stoppani, Jukka Hiltunen, David Schneider.

Sortie salles France: 28 Mai 2003. U.S: 27 Juin 2003

FILMOGRAPHIE: Danny Boyle est un réalisateur Britannique, né le 20 Octobre 1946 à Manchester. 1994: Petits Meurtres entre amis. 1996: Trainspotting. 1997: Une Vie moins Ordinaire. 2000: La Plage. 2002: 28 Jours plus tard. 2004: Millions. 2007: Sunshine. 2008: Slumdog Millionaire. 2010: 127 Hours. 2013: Trance. 2015: Steve Jobs.


"Se prendre une claque au 3è visionnage avec la troublante impression d'avoir revu une expérience étonnamment différente." 
Précurseur du film d'infectés - moderne - (si on élude le pizzaiolo Avion de l'Apocalypse !), renouveau de la vague déferlante des zombies sous amphétamines, 28 Jours plus tard est le premier volet d'une trilogie post-apo. S'il doit en priorité son influence à Zombie de Romero, Danny Boyle se révèle suffisamment adroit, très inspiré, tatillon, intègre dans son amour des films d'ambiance pour nous concocter une terrifiante descente aux enfers à la dignité humaine spécialement désabusée. Le PitchUne association de la cause animale pénètre par effraction dans un laboratoire pour libérer des chimpanzés condamnés à la vivisection. Contaminé par la rage, le premier singe relaxé se jette sur l'un des sauveteurs et le mord violemment au cou. 28 jours plus tard, la plupart des êtres humains ont été enrayés par cette maladie du sang poussant les infectés à s'entretuer avec une rage incontrôlée. Jim, patient hospitalier sorti d'un coma, rencontre sur sa route quelques survivants pour tenter de résister ensemble à la menace meurtrière.


Ainsi, à partir d'un argument éprouvé (une poignée de survivants tentent de résister à une menace meurtrière dans un pays dévasté), Danny Boyle dénonce dès son prologue social l'embrasement des guerres de religions et la folie de l'homme toujours plus belliqueux à combattre son rival. Avec l'entremise de véritables images d'archives extraites d'infos télévisuels, 28 Jours plus tard provoque le malaise à illustrer sans concession le comportement barbare de civils livrés à l'anarchie la plus confuse. Une façon catastrophique à mettre en évidence la violence urbaine en recrudescence avant qu'un primate atteint par la rage ne contamine l'humanité entière vouée à une furie irraisonnée ! Avec sa photo à la fois rugueuse, trouble, désaturée, exploitée en caméra DV, de manière à mettre en exergue sa facture documentaire, le film de Danny Boyle dépayse allégrement le spectateur plongé dans une splendide ambiance de solitude où un pays tout entier est éludé de sa démographie. Ce climat post apo prédomine donc avec souci d'authenticité une aura de décrépitude auprès des rares survivants cloîtrés dans des appartements insalubres car abandonnés. Alors que dehors, les cadavres s'amoncellent sous l'allégeance de hordes d'infectés extrêmement agressifs pour courser toute présence humaine. C'est Jim, ancien blessé à peine sorti d'un hôpital vacant qui établira de façon aléatoire la rencontre d'un père et sa fille, ainsi qu'une femme solitaire particulièrement déterminée. Communément, ils décident de s'aventurer vers des contrées inexplorées pour peut-être découvrir un asile plus serein et côtoyer quelques rares survivants. 


Avec vulnérabilité, Danny Boyle privilégie un soin humaniste à la densité de ces personnages particulièrement attachants dans leur quête désespérée de daigner survivre dans ce monde infiniment chaotique. Pour amplifier ce sentiment d'insécurité sous-jacent, certaines attaques cinglantes perpétrées par les contaminés contre nos héros s'avèrent redoutablement efficaces pour nous ébranler dans leurs exactions sanglantes d'une vigueur estomaquante ! La réalisation personnelle exploitant lestement ce sentiment de peur mais aussi d'isolement anxiogène qui planent tout le long du récit sur les frêles épaules de nos héros. Bien avant qu'un cortège de militaires extrémistes se résout à les prendre en otage après les avoir tièdement accueilli dans leur château. En crescendo, la mise en scène préalablement dépouillée de surenchère déploie quelques scènes d'action et d'horreur particulièrement éprouvantes. En prime, la splendide partition musicale ajustée par le cinéaste en personne ainsi que ses acolytes, Godspeed You, Black Emperor puis John Murphy contribuent d'y scander son ambiance mortuaire quand nos héros vont tenter de s'opposer à la dictature militaire et déjouer les enragés planqués aux abords du château. Le scénario constamment efficient, jouant d'autant mieux sur la perplexité, le doute, la peur de mourir nous a longuement accordé une empathie à la destinée incertaine de nos protagonistes évoluant dans un no man's land précaire. Tandis que son alerte point d'orgue lèvera le voile sur les motivations insidieuses de nos militaires vouées à la déchéance primitive et stigmatiser l'avilissement du machisme communautaire en humiliant la femme par outrage sexuel.


Une ambiance pestilentielle à couper au rasoir. 
Si 28 Jours plus tard réussit aisément à transcender tous ces ersatz ayant repris le concept du zombie infecté dans les années à venir, il le doit tout autant à la densité humaine de ces personnages remarquablement dessinés qu'à son incroyable ambiance de désolation plaquant le spectateur au siège sans sourciller. Cette compassion désenchantée impartie à son atmosphère élégiaque exploitant à merveille l'environnement naturel / urbain confiné à une exode étrangement mutique. Réaliste, d'une violence âpre, tendu, désespéré, car profondément humain, dépressif et parfois même poétique (la traversée des chevaux), cet incontournable du genre laisse en mémoire un moment de cinéma sensoriel par son magnétisme formel hérité du documentaire. Ni plus ni moins un authentique classique. 

*Bruno
16.10.23. 3èx
31.07.12. 


Info Erratum ! http://www.erreursdefilms.com/sf/voir-toutes-les-erreurs-28-jours-plus-tard-28JP.html

Récompenses: Prix du meilleur film britannique lors des Empire Awards en 2003.
Prix de la meilleure photographie lors des Prix du cinéma européen en 2003.
Prix du meilleur réalisateur lors du festival Fantasporto en 2003.
Prix du meilleur film étranger lors du Festival international du film fantastique de Neuchâtel en 2003.
Saturn Award du meilleur film d'horreur en 2004.