jeudi 30 avril 2015

Mad-Max. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 80.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site papystreaming.com

de George Miller. 1979. Australie. 1h33. Avec Mel Gibson, Steve Bisley, Joanne Samuel, Hugh Keays-Byrne, Tim Burns, Sheila Florence.

Sortie salles France: 13 Janvier 1982 (Interdit au - de 18 ans). Australie: 12 Avril 1979. U.S: 9 Mai 1980 (classé X).

FILMOGRAPHIE: Georges Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max 4; Fury Road.


"Quand la violence s'empare du monde, priez pour qu'il soit là !"
Film mythique s'il en est, de par son succès international, son affiche fantasmatique, sa fascination véhiculée par le bolide customisé, son Prix Spécial décerné à Avoriaz, ses problèmes avec la censure (3 ans d'interdiction en France, Classé X aux States !), et les révélations du réalisateur australien George Miller et de son acolyte débutant Mel Gibson, Mad-Max fit jubiler non seulement les cinéphiles du monde entier mais aussi les motards et les pilotes de course pour la vigueur des poursuites et cascades automobiles exécutées à l'artisanal. Quand bien même aujourd'hui, l'incursion high-tech du numérique aura fini par décrédibiliser tout un pan du cinéma d'action dans sa surenchère aussi orgueilleuse qu'improbable (Transformers, Man on Steel, Fast and Furious pour ne citer que les plus emblématiques). Prenant pour cadre l'époque indéterminée d'un contexte dystopique, Mad-Max retrace la déliquescence morale d'un flic pugnace assoiffé de violence et de vengeance après que sa famille eut été massacrée par une bande de motards. Accoutrés de blousons et pantalons de cuir noir, les forces de l'ordre tentent vainement de maîtriser l'inflation de la délinquance, là où l'anarchie urbaine règne en maître ! Rendus obsédés par la vitesse et l'action de leurs courses effrénées contre les fuyards, ces policiers d'un genre extravagant ressemblent à s'y m'éprendre à leurs bourreaux dans leur insatiable goût pour la traque sur bitume et riposte revancharde.


Ce qui frappe toujours aujourd'hui lorsque l'on revoit ce morceau de cinéma homérique émane de sa frénésie irraisonnée d'une débauche agressive (fascination irrépressible pour la vitesse des engins motorisés, comportements grotesques de marginaux soumis à leur médiocrité, actes de vandalisme et agressions gratuites intentées sur les citadins). Sans compter l'orchestration épique du score de Brian May et le réalisme de son climat blafard où le western urbain s'entrechoque avec le film de bandes instauré dans les sixties. Brutal et cruel, le film l'impose avec la rigueur d'un montage assidu (une manière suggérée de repousser la violence graphique) pour dénoncer la déshumanisation d'une société en déclin où les exactions des pillards et des flics ne font plus qu'un dans leurs compétitions aussi primitives qu'erratiques. Emaillé de séquences fortes d'une intensité dramatique aussi cruelle que bouleversante, à l'instar du sacrifice de Goose lâchement immolé par le feu et surtout de la femme de Max et de son jeune bambin écrasés sur la route, Mad-Max tire-parti de sa puissance émotionnelle dans ses ressorts dramatiques, catalyseurs d'une redoutable vendetta ! Ce sentiment de fureur incontrôlée que se disputent incessamment les bons et les méchants est notamment transcendée de la notoriété héroïque du jeune loup, Max Cocktansky. Un casse-cou flegmatique apte à contredire la démence des pires psychopathes routiers (à l'instar de sa traque perpétrée contre le "cavalier de la nuit" lors d'un prologue en furie !). Par le biais de ce nouveau héros des temps perdus censé représenter l'ordre et la loi, George Miller y engendre un criminel en perte identitaire dans un monde où la violence nécrose ceux qui la combattent. 


"Si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi."
Sauvage et explosif à travers ses éclairs de violence et cascades affolantes, mais aussi bouleversant de par son intensité dramatique parfois éprouvante (à contrario du second volet entièrement focalisé sur l'action frénétique !), Mad-Max fait aujourd'hui office de légende du 7è art grâce à la virtuosité de sa mise en scène (montage à couper au rasoir !), l'efficacité du script visionnaire et l'icône du anti-héros damné par sa loi du talion trop expéditive. 

*Bruno
24è visionnage. 

Récompense: Prix Spécial du Jury à Avoriaz, 1980.

mercredi 29 avril 2015

LE RETOUR DE FRANKENSTEIN (Frankenstein Must Be Destroyed)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Terence Fisher. 1969. Angleterre. 1h40. Avec Peter Cushing, Simon Ward, Veronia Carlson, Freddie Jones, Thorley Walters, Maxine Audley, George Pravda.

Sortie salles Angleterre: 22 Mai 1969

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Cinquième volet de la saga Frankenstein qu'entreprend une troisième fois Terence Fisher 11 ans après la Revanche de Frankenstein, Le Retour de Frankenstein s'avère sans nulle doute l'un des opus les plus hardcores dans la caractérisation fielleuse du Baron. Maître-chanteur vil, meurtrier et même violeur sans remords (la séquence audacieuse sera rajoutée en toute fin de tournage !), Frankenstein souhaite aujourd'hui renouer ses expériences illicites afin de transplanter le cerveau de son ancien adjoint, un médecin actuellement atteint de démence, dans le corps d'un cadavre. Délibéré à découvrir sa précieuse formule scientifique, il décide de le kidnapper de sa cellule psychiatrique parmi la complicité d'un jeune médecin et de sa concubine. Mais les relations toujours plus houleuses envers le trio iront notamment se compromettre avec l'autorité de la police, sur le qui-vivre depuis les étranges disparitions, et avant que la résurrection de la créature n'accomplisse sa vengeance. 


Pourvu d'un scénario haletant à la construction une fois de plus infaillible, l'intrigue fertile en rebondissements tire également parti de son ressort dramatique dans le profil du jeune couple, Karl et Anna, contraints de participer au chantage de Frankenstein après un concours de circonstances malchanceuses. Baignant dans un climat erratique du fait de leurs stratégies véreuses à dépouiller un cadavre afin de ressusciter la conscience d'un docteur érudit, Le Retour de Frankenstein fait notamment la part belle à des moments de suspense parfois scrupuleux. A l'instar de l'apparition inopportune d'un bras humain remontant à la surface de la terre, faute d'une tuyauterie fendue, au moment même où la police ira se dépêcher sur les lieux ! Dominé par la prestance éminente de Peter Cushing, redoublant de cynisme pervers dans sa facture aussi immorale que perfide, l'intrigue est également alimentée par une foule de seconds-rôles à la dimension anxiogène. Particulièrement Maxine Audley endossant avec aigreur dépressive la femme dévouée du Dr Brandt. Freddie Jones lui donnant la réplique dans sa posture estropiée de créature violée de son identité. Sa prise de conscience sur son état hybride et sa conversation intime entretenue avec son épouse donnant lieu à des épisodes dramatiques particulièrement rigoureux. Enfin, pour incarner la compagne de Karl, Veronica Carlson exprime une poignante empathie dans sa fragilité de complice soumise d'autant plus violentée par le docteur et destinée Spoiler !!! à un sort des plus cruels. Fin du Spoil


Passionnant par son intrigue retorse à suspense et les rapports contrariés impartis au trio maudit, cruellement impitoyable et donc encore plus audacieux que ces prédécesseurs pour l'entreprise pernicieuse de Frankenstein, Le Retour de Frankenstein renoue avec la flamboyance des deux premiers volets dans une ambiance bilieuse. 

Bruno Matéï
3èx

mardi 28 avril 2015

STILL ALICE. Oscar 2014 de la Meilleure Actrice, Julianne Moore.

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site myrmorko.deviantart.com

de Wash Westmoreland et Richard Glatzer. 2014. U.S.A. 1h41. Avec Juliane Moore, Kristen Stewart, Alec Baldwin, Kate Bosworth, Hunter Parrish, Shane McRae.

Sortie salles France: 18 Mars 2015. U.S: 20 Février 2015

FILMOGRAPHIE: Richard Glatzer est un réalisateur et scénariste américain, né le 28 Janvier 1952 à New-York, décédé le 10 Mars 2015 à Los Angeles.
1993: Grief. 2001: The Fluffer (coréalisé avec Wash Westmoreland). 2006: Echo Park, L.A. (coréalisé avec Wash Westmoreland). 2013: The Last of Robin Hood (coréalisé avec Wash Westmoreland). Still Alice (coréalisé avec Wash Westmoreland).
Wash Westmoreland est un réalisateur anglais, né le 4 Mars 1966 à Leeds, Royaume-Uni.


Mélodrame déchirant traitant du thème de la maladie d'Alzheimer, Still Alice est le genre d'expérience redoutée si la forme entretenait la complaisance de la sinistrose pour nous enseigner les tenants et aboutissants d'un sujet aussi grave que terrifiant. C'est à dire la déliquescence cognitive du point de vue d'une professeur de linguistique âgée seulement de 50 ans. Avec l'aide d'un traitement palliatif, du soutien de ses proches et de sa propre volonté, Alice va tenter de gérer sa dégradation cérébrale en profitant du moment présent et avant de privilégier le suicide.


D'une intensité dramatique terriblement éprouvante au point d'en ressentir un malaise indécrottable, Richard Glatzer et Wash Westmoreland relèvent néanmoins la gageure d'évoquer prudemment la maladie d'Alzheimer sans effet indésirable de pathos ou de misérabilisme. Avec le réalisme scrupuleux du souci documentaire et le brio d'une mise en scène épurée, c'est un accablant témoignage qu'ils nous relatent parmi la performance exceptionnelle de Julianne Moore ! Littéralement habitée par son rôle névralgique où l'artifice du cabotinage aurait pu facilement la discréditer, la comédienne écarte toute forme de racolage pour nous décrire avec humilité et anxiété viscérales son baroud-d'honneur contre sa déficience mentale. Couronnée d'un oscar, Julianne Moore n'aura jamais parue aussi intime avec le spectateur pour nous extérioriser ses sentiments contradictoires d'espoir et de désespoir, sa lutte sempiternelle de préserver ses facultés cognitives après avoir consolidé une illustre carrière professionnelle. A l'instar de sa conférence courageusement dictée devant une foule circonspecte pour énoncer les états d'âme de son calvaire. Epreuve de force morale de chaque instant où la paranoïa la contraint de mémoriser faits et gestes du quotidien et d'en préserver ses souvenirs les plus évocateurs, le calvaire d'Alice l'est également pour les membres de sa famille, communément piégés par l'atavisme puis témoins de sa dérive vers l'amnésie jusqu'au seuil de la démence. Parmi leur manifestation empathique, assister de notre écran à la déchéance psychologique de cette professeur érudite s'avère une affliction aussi terrifiante que bouleversante. 


Observant avec attention scrupuleuse, et sans position voyeuriste, le cheminement douloureux d'une patiente brimée par sa déficience neurodégénérative, Still Alice peut faire office de témoignage documenté dans sa pudeur de traiter Alzheimer du point de vue d'une mère motivée par sa constance et l'amour de son entourage. Un crève-coeur inévitablement inconsolable mais édifiant pour une leçon de décence peu abordée à l'écran. 

A Richard Glatzer...
Bruno Matéï

RIP: Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la Meilleure Actrice pour ce rôle.

Récompenses:
Festival du film de Hollywood 2014 : Hollywood Actress Award pour Julianne Moore
Chicago Film Critics Association Awards 2014 : meilleure actrice pour Julianne Moore
Los Angeles Film Critics Association Awards 2014 : meilleure actrice pour Julianne Moore (2e place)
National Board of Review Awards 2014 :
Top 2014 des meilleurs films indépendants
Meilleure actrice pour Julianne Moore
Gotham Awards 2014 : meilleure actrice pour Julianne Moore
Washington D.C. Area Film Critics Association Awards 2014 : meilleure actrice pour Julianne Moore
Women Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur film à propos des femmes, meilleure actrice pour Julianne Moore
National Society of Film Critics Awards 2015 : meilleure actrice pour Julianne Moore (2e place)
British Academy Film Awards 2015 : Meilleure actrice pour Julianne Moore
Golden Globes 2015 : Meilleure actrice dans un film dramatique pour Julianne Moore
Screen Actors Guild Awards 2015 : meilleure actrice pour Julianne Moore
Oscars du cinéma 2015 : meilleure actrice pour Julianne Moore

lundi 27 avril 2015

WHITE GOD (Fehér isten). Prix "Un certain regard", Cannes 2014

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site thebluecornerlounge.com

de Kornél Mundruczo. 2014. Hongrie/Suède/Allemagne. 1h59. Avec Zsofia Psotta, Sandor Zsotér, Lili Horvath, Laszlo Gallfy, Erwin Nagy, Kornél Mundruczo.

Sortie salles France: 3 Décembre 2014. Hongrie: 12 Juin 2014

FILMOGRAPHIE: Kornél Mundruczo est un réalisateur, acteur et scénariste hongrois né le 3 Avril 1975 à Gödöllo.
2002: Pleasant Days. 2003: Jött egy busz... (segment "Szent Johanna). 2005: Lost and Found. 2005: Johanna. 2008: Delta. 2010: Tender Son: The Frankenstein Project. 2014: White God.


"On peut juger la grandeur et la valeur morale d’une nation à la manière dont elle traite ses animaux". Mahatma Ghandi.

Récompensé du prix "Un certain regard" à Cannes 2014, White Dog traite de la cause animale à travers un récit utopique où le chien pourrait enfin parfaire sa revanche sur l'homme après avoir été impitoyablement maltraité. Que ce soit lors de son entraînement intensif afin de concourir aux combats de chiens clandestins ou lors de sa condition précaire entretenue en refuge au risque de subir l'euthanasie du dernier ressort. Sous couvert de fable caustique fustigeant l'intolérance de l'homme envers l'animal de compagnie, White Dog met en exergue, et de façon documentée, le traitement réservé à Hagen, chien lâchement abandonné par le père de Lili en pleine métropole hongroise. C'est par la cause d'une nouvelle loi et d'une dîme sur le recensement des chiens qu'il décida de mettre un terme à leur relation pour s'en débarrasser. Jaloux car refusant l'affection que peut éprouver sa fille envers Hagen, Kornél Mundruczo en profite pour mettre en parallèle le point de vue ingrat du père, sa démission pédagogique et son manque de communication qu'il puisse maladroitement inculquer à sa fille. Réduit à la solitude et affamé dans un Budapest hostile où les chiens errants sont systématiquement dénoncés par la population, Hagen tente donc de survivre parmi la compagnie d'autres chiens désoeuvrés. Durant son cheminement périlleux, il va devoir se plier à la barbarie de marginaux sans vergogne délibérés à l'enrôler aux combats clandestins.


Cette première partie haletante et parfois éprouvante se place à hauteur de l'animal pour nous illustrer son ressenti subjectif face à notre oppression et notre lâcheté, l'homme n'hésitant pas à recourir au subterfuge et à la violence pour le conditionner ici en machine à tuer. Par l'exercice inhumain de ce lavage de cerveau, le cinéaste offrant la réponse à la responsabilité du maître capable d'endoctriner son esclave docile en véritable tueur sans vergogne ! La seconde partie, jouissive, car trépidante et fantasmatique dans l'aboutissement de sa situation improbable, empreinte la voie de la métaphore fantastique lors de l'assaut des chiens programmés à répandre la terreur sur la ville en guise punitive. Efficacement gérées, les scènes d'action s'avérant exécutées avec un sens aiguisé du montage lorsque des centaines de chiens arpentent les rues de Budapest avec une frénésie véloce. L'insurrection animale profitant notamment d'attiser l'expectative des éventuelles retrouvailles entre Lili et Hagen, au moment où cette dernière renoue l'amour avec son père. Par la symbolique de la musique, le film se clôt dignement sur un épilogue bouleversant parmi la réaction de masse d'une action désintéressée et libre, la partition apportant au fil mélodique réconfort et sentiment de sécurité. Une séquence singulière touchée par la grâce dont nous ne sommes pas prêts d'oublier l'évocation de sa poésie prude.  


Réaliste, poignant et rempli de dignité pour la cause animale et la responsabilité parentale, White God offre ses lettres de noblesse au "chien" parmi la sincérité de comédiens canins épatants de naturel et l'assurance technique d'un cinéaste plutôt adroit lorsqu'il dévoile en introspection leur sentiment d'incompréhension et d'impuissance avant leur sédition. Un beau moment d'émotion, un message d'amour, de tolérance et de considération à préconiser en famille malgré la cruauté de certaines scènes. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Prix "un certain regard", Festival de Cannes 2014
Palme Dog pour Luke et Body
Octopus d’or du meilleur long-métrage fantastique international au Festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFFS), 2014.   

vendredi 24 avril 2015

Baiser Macabre / Macabro

                                                                            Photo appartenant à Bruno Matéï

de Lamberto Bava. 1980. Italie. 1h31. Avec Bernice Stegers, Stanko Molnar, Veronica Zinny, Roberto Posse, Ferdinando Orlandi.

Sortie Salles France: 13 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Lamberto Bava est un réalisateur et un scénariste italien né le 3 avril 1944 à Rome. Il est le fils de Mario Bava. 1980 : Baiser macabre (+ scénariste) , 1983 : La Maison de la terreur, 1984 : Apocalypse dans l'océan rouge, 1985 : Demons (+ scénariste),1986 : Demons 2 (+ scénariste),1991 : Body puzzle, 1991 : La Caverne de la Rose d'Or : La Princesse Rebelle, 1992 : La Caverne de la Rose d'Or : La Sorcière Noire, 1993 : La Caverne de la Rose d'Or : La Reine des Ténèbres, 1994 : La Caverne de la Rose d'Or : L'Empereur du Mal, 1994 : Desideria et le prince rebelle, 1996 : La Caverne de la Rose d'Or : Le Retour de Fantaghirò, 1996 : La Légende d'Alisea. 1997: La Princesse et le Pauvre, 1998 : Caraibi, 2001 : L'impero, 2006 : Ghost son.


Première réalisation de Lamberto Bava attitré également au poste de scénariste, Baiser Macabre fait parti de ces petites péloches où la déviance prime dans ses thématiques accordées au fétichisme, à la folie, à l'obsession sexuelle et surtout à la nécrophilie. Un sujet scabreux peu abordé au cinéma, malgré quelques classiques réputés (Nekromantik 1 et 2, Kissed, Blue Holocaust, Aftermath), que le cinéaste dépeint ici entre dérision macabre et aura malsaine. Alors qu'une fille vient de noyer son frère cadet dans la baignoire, la mère infidèle, Jane Baker, apprend par téléphone la tragédie du domicile de son amant. Se précipitant communément sur les lieux du drame en véhicule, son partenaire cause un accident et meurt décapité par une poutrelle. Un an plus tard, après un séjour en psychiatrie, elle se réfugie dans l'ancien immeuble de son amant parmi l'hospitalité du concierge atteint de cécité. Chaque soir, ce dernier étant interloqué par les gémissements sexuels de sa locataire ! Série B de facture Bis dans sa mise en scène bricolée et pour le ressort saugrenu de son contexte morbide, Baiser Macabre tire-parti de son pouvoir de fascination avec l'élaboration d'une ambiance glauque au sein d'un huis-clos gothique (couleurs rutilantes à l'appui auprès du design d'ameublement !). Si la conception du suspense latent tourne à vide lorsque l'on devine rapidement ce que renferme le dégivreur du frigidaire, Lamberto Bava réussit néanmoins à maintenir notre attention par le biais du concierge aveugle toujours plus curieux à espionner les agissements lubriques de sa locataire pour en démystifier le secret. 


On a beau deviner que cette dernière se confine chaque soir dans sa chambre pour se masturber avec la tête de son défunt amant, le fait de redouter explicitement cette relation aussi innommable fait naître chez nous l'expectative de l'éventuelle promesse. En prime, et pour corser l'ambiance dérangée de ces pratiques sexuelles flirtant avec le fétichisme (elle collectionne divers objets et photos de son amant dans une brochure), la fille de Jane (déjà responsable de la noyade de son frère par esprit de vengeance), la moleste à nouveau, surtout lorsqu'elle finit par déceler ce que recèle le frigo. La charge érotique qui s'émane de l'immeuble constamment plongé dans la pénombre (chaque volet restant cloisonné) est notamment contrebalancée par le refoulement du concierge secrètement épris de compassion pour sa locataire. Outre la sobriété des rôles secondaires (Stanko Molnar se fond avec timidité naturelle dans le corps d'un aveugle sexuellement frustré, quand bien même la petite Veronia Zinny est assaillie par le vice avec son regard pernicieux !), le charisme vénéneux de Bernice Stegers (la Cité des Femmes, X Tro) doit beaucoup à l'aura de souffre que véhiculent ses exactions intimes. Pourvu d'un regard occulte aussi glaçant que sensuel, l'actrice dégage une concupiscence terriblement dérangeante lorsque nous nous portons témoins de ses rapports nécrophiles avec une tête putrescente !


Si douces, si perverses
Glauque et malsain par son atmosphère aussi étouffante que sexuellement déviante, mais aussi sardonique (notamment cet épilogue où le surnaturel vient subitement taquiner le quotidien !), Baiser Macabre corrompt le poème nécrophile parmi l'audace transalpine d'un cinéaste jusqu'au-boutiste (les enfants boivent ouvertement la tasse tandis que la "folle" baise la tête de son défunt !) lorsqu'il s'agit d'observer par la p'tite serrure le déséquilibre d'une famille dysfonctionnelle. 

*Bruno
12.01.24. 6èx
24.04.15.
03.01.11. (292 v)


jeudi 23 avril 2015

DARK WATER. Grand Prix, Prix du jury jeune et Prix de la critique, Gerardmer 2003.

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site bmoviezone.wordpress.com

Honogurai mizu no soko kara de Hideo Nakata. 2002. Japon. 1h41. Avec Hitomi Kuroki, Rio Kanno, Asami Mizukawa, Mirei Oguchi, Fumiyo Kohinata, Yu Tokui.

Sortie salles France: 26 Février 2003. Japon: 19 Janvier 2002

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Hideo Nakata est un réalisateur japonais, né le 19 Juillet 1961 à Okayama.
1998: Ring. 1998: Ring 2. 1999: Chaos. 2002: Dark Water. 2005: Le Cercle 2. 2007: Kaidan. 2008: L: Change the World. 2010: Chatroom. 2010: Incite Mill. 2012: TV Show. 2013: The Complex. 2014: Monsterz.

Récompenses:
Corbeau d'argent, lors du Festival international du film fantastique de Bruxelles, 2002.
Grand Prix, Prix du jury jeune et Prix de la critique internationale au festival Fantastic'sArts 2003.


Rendu célèbre avec les 2 premiers opus de la trilogie Ring, Hideo Nakata renoue avec la ghost story auprès de Dark Water, justement ovationné à Gérardmer de trois récompenses. Prenant pour thèmes l'abandon et la fragilité de l'enfance lorsque les parents divorcés sont contraints de se disputer la garde, Dark Water juxtapose angoisse et étude psychologique avec une rare intelligence. De par sa mise en scène épurée particulièrement chiadée cultivant une montée en puissance d'un climat oppressant, et la tactique originale dont Hideo Nakata aborde la hantise parmi la complicité de l'élément naturel: l'eau ! Sur ce dernier point, les séquences illustrant l'affluence de l'humidité arpentant les tapisseries des murs jusqu'à cette tâche grandissante incrustée au plafond parviennent à distiller un sentiment de malaise sous-jacent qui ira crescendo lorsque les inondations vont gagner le terrain afin de renseigner la curiosité de Yoshimi.


Après son divorce, Yoshimi tente d'obtenir la garde de sa fille Ikuko afin de se reconstruire une nouvelle vie. Au moment où elle emménage dans un appartement, des problèmes d'humidité intentent à leur tranquillité. En prime, après avoir trouvé un emploi, Yoshimi accumule retard et inattention pour la situation éducative de sa fille. Mais c'est avec les récurrentes apparitions d'une silhouette infantile qu'elle finit par se laisse gagner par une paranoïa grandissante. Drame familial s'il en est lorsque l'on constate l'issue dramatique de son dénouement aussi effrayant que bouleversant, Dark Water parvient à télescoper l'inquiétude d'apparitions spectrales avec l'étude de caractère d'une mère en perdition. Cette dernière redoublant d'effort à tenter de préserver la garde de sa fille malgré ses bourdes quotidiennes lui causant le manque d'attention. Cette relation d'amour compromise entre une mère et sa fille, Hideo Nakata la transcende parmi la dimension humaine d'une femme fragilisée par l'oppression du travail, des juges et de sa solitude, au moment même où elle se voit contrainte de résoudre une douloureuse affaire de disparition infantile au sein de son immeuble. Rehaussé d'une photo pastel afin de contraster avec le climat épuré de son angoisse latente, Dark Water cultive un goût pour le mystère avec un goût éthéré pour la suggestion. Ce parti-pris humble permettant à l'intrigue surnaturelle d'exacerber l'amoncellement des incidents tout en nous interpellant sur les facteurs de la responsabilité parentale, le sens du sacrifice mais aussi le sentiment d'abandon du point de vue de l'enfant. 


En combinant l'angoisse et l'inquiétude, Hideo Nakata parvient avec Dark Water à structurer une intrigue implacable par l'entremise oppressante de l'eau et d'une silhouette candide. Décrivant avec rigueur et sensibilité le cheminement psychologique d'une mère en déréliction, le genre horrifique se double ici d'un drame bouleversant afin de nous interpeller sur l'autorité parentale du point de vue (du sacrifice) d'une mère accablée par la tension et la détresse. Sans doute l'oeuvre la plus aboutie de son auteur, en tous cas la plus subtile, lancinante et substantielle. 

Bruno Matéï
2èx

mercredi 22 avril 2015

4 de l'Apocalypse / I quattro dell'apocalisse

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Lucio Fulci. 1975. Italie. 1h48 (version non censurée). Avec Fabio Testi, Lynne Frederick, Michael J. Pollard, Harry Baird, Adolfo Lastretti, Tomas Milian.

Sortie salles France: 22 Juin 1983. Italie: 12 Août 1975. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie en salles.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Après s'être déjà prêté au western en 1966 avec l'excellent le Temps du Massacre, Lucio Fulci renoue avec le genre 9 ans plus tard pour nous laisser dériver vers un voyage initiatique (celui de l'espoir), la balade désenchantée d'un quatuor de marginaux livrés à l'errance au sein d'un no man's land. Au fil de leur périple indécis parfois jalonné de rencontres impromptues, telles cette communauté de pèlerins chrétiens ou ces mineurs venus applaudir la naissance du couple, ils finissent par fréquenter malgré eux le mal en personne, un vagabond solitaire sans foi ni loi (Tomas Milian, transi de vice par son regard reptilien !). Western atypique de par son atmosphère indicible où pointe un surréalisme mystique (l'escale dans le village fantôme où Bud se laisse divaguer vers une folie spirituelle) et dans son brassage des genres opposant les éclairs de violence d'une horreur proprement sadique (la fameuse torture de dépeçage et de crucifixion portée sur le corps du shérif vaudra à Fulci de sérieux problèmes avec la censure !), 4 de l'apocalypse ferait office de bad trip s'il n'était pas imprégné de mélancolie parfois poignante. 


Tant auprès de son environnement tristement blafard que nos voyageurs arpentent en se confrontant à la mort la plus injustifiée, que des chansons "flower power" que Lucio Fulci contrebalance avec une émotion élégiaque. Epuisés par les semaines de marche et confrontés à la faim (ils iront jusqu'à se nourrir de rat et de chair humaine !!!), leurs pérégrinations s'attelle au parcours du combattant, épreuve de survie afin d'y dénicher une région plus pacifiste dans ce désert morose où ne règnent que pourriture et désolation. L'empathie accordée à ces quatre marginaux s'avère d'autant plus probante par leur solidarité amicale où l'espoir finira tout de même par percer malgré l'amertume de son épilogue (notamment ce parti-pris de vengeance expéditive). Quand à l'intervention symbolique de l'étranger au look "hippie", la dimension insolite de leur errance s'y renforce en sa présence pernicieuse (il ira jusqu'à droguer ses otages pour mieux les abuser !) et l'immoralité de ces exactions où seul compte le profit.


Ballade entre les tombes
Profondément putride, malsain et perpétuellement malaisant (au point de suffoquer), déroutant, élégiaque et insolite auprès de son atmosphère d'isolement où la naissance et la mort se rabattent sur une idéologie religieuse, mais aussi quelque peu touchant et envoûtant quant à l'excursion entamée par ces laissés pour compte dérivant au seuil des limbes, 4 de l'Apocalypse détonne par sa radicalité tranchée à détourner les codes du genre, notamment pour l'usage cru d'une violence putassière parfois au bord de la nausée. Un western horrifique à réhabiliter d'urgence tant il parvient à nous dépayser au sein de cet univers de décrépitude et à nous attacher parmi la cohésion de ces anti-héros en quête de havre de paix.  

*Bruno Matéï
25.03.22. 4èx

L'avis de Mathias Chaput:
Lucio Fulci est un réalisateur incroyable qui est souvent là où on ne l'attend jamais !

Avec ce "4 de l'apocalypse" (quel titre ! à la fois énigmatique et attisant la curiosité), il délivre un genre en état de déliquescence (le western spaghetti) et le fait éclater par le biais du cinéma fantastique de façon sidérante, imbriquant des touches oniriques presque "felliniennes", le tout avec une intelligence de traitement remarquable !

Le lot de sadismes inhérent au cinéma du Maestro est présent également mais distillé avec la plus grande parcimonie, Fulci se consacrant davantage à un aspect moins populaire qu'ésotérique...

Il n'a pas choisi la facilité et son métrage risque de déconcerter les aficionados de Sergio Leone ou des westerns transalpins qui florissaient entre 1965 et 1970, la singularité de "4 de l'apocalypse" réside justement dans sa manière de ne rien faire comme ses prédécesseurs, transgressant les conventions et ouvrant à l'extrême les perspectives et les possibilités, que ce soit au niveau des décors que du scénario !

Les gunfights avec impacts de balle saignants n'arrivent qu'au prologue pour que l'action pure et dure laisse place à l'investigation et au voyage, voyage au bout d'un enfer que les personnages vont prendre en pleine face, la faim, le froid, la douleur seront bien retranscrits et l'ignoble aura lieu jusqu'à une séquence de cannibalisme qui provoquera l'effroi !

Au niveau de l'interprétation, Testi est littéralement habité par son rôle, Milian est incroyable de folie et de sadisme, et on retrouve même la trogne patibulaire de Donald "Zombie Holocaust" O' Brien en shériff...

Il y a un atypisme fulgurant dans "4 de l'apocalypse" que l'on ne retrouve nulle part ailleurs et qui en fait son intérêt et sa qualité, loin de tous les stéréotypes habituels...

Fulci a frappé très fort et ce western hors normes restera inoubliable car novateur !

Véritable coup de pied dans la fourmilière, il possède une aura si singulière qu'il s'avère inimitable, témoignant de la force exceptionnelle qu'avait Fulci pour donner sa "touch'" dans ses films...

Note: 10/10