vendredi 21 septembre 2018

ABANDONNEE

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Los Abandonados" de Nacho Cerda. 2006. Angleterre/Espagne. 1h36. Avec Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev, Paraskeva Djukelova et Carlos Reig-Plaza.

Sortie en salles en France le 30 Mai 2007

FILMOGRAPHIENacho Cerda est un réalisateur et scénariste espagnol né en 1969.
1990: The Awakening (court). 1994: Aftermath (court). 1998: Genesis (court). 2006: Abandonnée
                                     

« Nous nous hantons nous-mêmes. Ils sont notre mort, notre futur… »
Après s'être fait repéré avec sa trilogie de la mort et son inoubliable poème nécrophile AftermathNacho Cerda était attendu au tournant pour l'entreprise de son premier long tourné en Bulgarie. Hommage à l'Au-delà de Lucio FulciAbandonnée invoque le bad trip quasi expérimental pour laisser le spectateur en état second, entre malaise et fascination morbide, et ce à travers un voyage temporel jusqu'au bout des ténèbres. Adoptée depuis sa naissance par une famille d'accueil et n'ayant jamais connu l'identité de ses parents, Marie apprend la découverte du cadavre de sa mère et se retrouve héritière de la ferme familiale. Avec la compagnie d'un étrange guide, elle se rend sur les lieux de son pays natal en Russie. Sur place, elle rencontre un individu énigmatique, Nikolaï, réunit dans la demeure pour ses mêmes raisons personnelles. A travers son prélude suspicieux se déroulant en 1966 dans une contrée forestière de Russie (une femme mourante livre en désespoir de cause deux bébés éplorés à des paysans), l'ambiance mortifère d'Abandonnée s'inscrit déjà dans une tonalité rugueuse avec cette mère anémique esquissant son dernier souffle de vie. Ainsi, 40 ans plus tard, le frère et la soeur de celle-ci tenteront donc de renouer avec leur trouble passé en revenant sur les lieux d'un horrible drame familial, tandis que leur doppelganger tentera de les appréhender. Magnifié d'une photo blafarde aux superbes éclairages, Nacho Cerda transfigure son décorum forestier afin de nous perdre dans une ambiance cauchemardesque résolument perméable. A l'instar des deux héros de l'Au-delà de Fulci et de cette temporalité déstructurée, à mi chemin entre rêve et réalité, Marie et Nikolaï déambulent tels des témoins hagards dans une demeure hantée par leur propre double.
                                 

Conscients de découvrir leur prochaine destinée, ceux-ci en proie à l'interrogation et la paranoïa tenteront de saisir les tenants et aboutissants de la mort de leurs parents, notamment auprès de l'identité du père abusif adepte de forces obscures ("ne brisons pas le cercle", répétera t-il à plusieurs reprises !). Ainsi, de par la vigueur d'un réalisme cafardeux, une ambiance tangible de morosité et d'angoisse étouffante ne lâcheront pas d'une semelle nos héros davantage surmenés à connaître leur triste fatalité. Chaque pièce démembrée de la demeure diluant une aura malsaine de décrépitude. Tant auprès des sols boisés enduits de moisissure, des cloisons suintant l'humidité que des filets de toiles d'araignées agrippant tous les meubles à l'odeur de renfermé. De surcroît, l'accès au sous-sol envahi par les eaux laisse sous entendre l'écho de voix inquiétantes, de légers râles d'agonie issus d'outre-tombe auquel des silhouettes obscures de cadavres parcheminés invoquent l'invitation. Ainsi, ce voyage vénéneux dénué de temporalité emprisonne le spectateur dans un véritable cauchemar éveillé ! Tant et si bien que réalité et fiction se confondent à corps perdu en enchaînant des évènements toujours plus violents et terrifiants afin de nous faire perdre nos repères et la raison. A l'image de ces porcs déchiquetant outrageusement un cadavre en gros plan ou lorsqu'un bébé est sacrifié, la tête plongée dans une eau rubigineuse (une séquence claustro évidemment difficile). Et donc à travers la puissance de ses images horrifico-macabres plus vraies que nature (Nacho Cerda exploitant scrupuleusement et dans tous les cadrages possibles les diverses chambres du huis-clos, dédale tentaculaire de tous les dangers !) et l'intensité de son intrigue hermétique, Abandonnée s'adonne au cauchemar métaphysique au pouvoir de fascination à la fois diaphane et capiteux.
                                   

Au-delà de la mort
Imprégné d'une ambiance ténébreuse à l'aura d'étrangeté expressive, Abandonnée structure à l'aide d'une caméra agressive un cauchemar éveillé en proie au doute, à la déraison, à la crainte et à la peur de trépasser à proximité d'un ectoplasme délétère. Endossé par de sobres comédiens transis d'émoi et d'anxiété dans leur quête aussi bien identitaire qu'existentielle, ce poème macabre enfonce un peu plus le clou de la perplexité vers son point d'orgue nihiliste tout en y suggérant une délivrance pour la postérité de l'orpheline. Du pur cinéma d'ambiance, écorché, singulier, sensitif, personnel, pièce maîtresse de l'horreur à la fois putride et éthérée.

* Bruno
21.09.18. 3èx
27.05.11. (2283 vues)

jeudi 20 septembre 2018

Le Fantôme de Milburn / Ghost-Story

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site allpicspeople.skyrock.com

de John Irvin. 1981. U.S.A. 1h50. Avec Fred Astaire, Melvyn Douglas, Douglas Fairbanks Jr, John Houseman, Craig Wasson, Patricia Neal, Alice Krige.

Sortie salle France: 30 Juin 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEJohn Irvin est un réalisateur et scénariste anglais, né le 7 Mai 1940 à Newcastle-upon-Tyne en Angleterre. 1980: Les Chiens de Guerre. 1981: Le Fantôme de Milburn. 1984: Champions. 1986: Le Contrat. 1987: Hamburger Hill. 1989: Un Flic à Chicago. 1990: La Guerre des Nerfs. 1991: Robin des Bois. 1994: Parfum de Scandale. 1997: City of Crime. 2001: Vengeance Secrète. 2008: The Garden of Eden.


Réalisateur éclectique, John Irvin s'entreprend avec son second long d'adapter une histoire de fantômes d'après une nouvelle de Peter Straub. Bien connu des amateurs de films de guerre et d'action, à l'instar des Chiens de GuerreHamburger Hill ou du ContratJohn Irvin empreinte ici la voie de l'épouvante vétuste parmi l'aimable intervention d'anciennes gloires des années 30 (Fred Astaire ici dans son dernier rôle, Melvyn DouglasDouglas Fairbanks Jr, puis dans une moindre mesure John Houseman !). Le PitchUn groupe de septuagénaires, anciens amis de longue date, sont communément confrontés à endurer le même cauchemar durant leurs nuits d'insomnies. Hantés par un terrible secret, ces derniers vont devoir affronter le fantôme d'une jeune dame revancharde ! Confectionné sous le moule d'une ghost story vintage en oscillant la reconstitution des années 30 avec celle contemporaine des années 80, Le Fantôme de Milburn a de quoi fantasmer les amateurs de bonnes vieilles histoires horrifiantes que l'on aime se narrer au coin du feu autour d'un verre de cognac ! C'est ce que nous suggère son prologue quelque peu envoûtant (à l'instar de l'intro anthologique de Fog de Carpenter narrée par le même acteur) lorsque 5 notables se réunissent pour écouter ensemble une histoire macabre en bonne et due forme.


Quand bien même le soin de la photo envoûtante, les impressionnants maquillages élaborés par le spécialiste Dick Smith au travers de visions macabres redoutablement réalistes et la prestance d'anciens vétérans d'Hollywood prédisposent une oeuvre solide traitée avec modeste conviction. Evacué de séquences spectaculaires ou effrayantes il est vrai, les quelques apparitions spectrales qui jalonnent le récit s'avèrent tout de même marquantes (bien que concises) auprès de l'aspect morbide des cadavres en putréfaction ! Mais surtout, la beauté glaçante de la vénéneuse actrice Alice Krige emporte tout sur son passage de par sa trouble charnalité illuminant l'écran à travers son regard redoutablement austère. Son jeu lestement ombrageux émanant des réminiscences de son ancienne tragédie alterne emprise érotique (les étreintes sexuelles torrides sont sensorielles par leur réalisme décomplexé) et sentiment trouble de malaise eu égard de ses postures versatiles que ces amants reluquent avec une inquiétude mêlée de peur et de fascination. John Irvin prenant soin, entre simplicité et efficacité, à nous broder autour de ce personnage interlope une superbe ghost-story où l'érotisme quasi omniprésent et l'anxiété du danger sous-jacent titillent les sens des protagonistes et du spectateur tourmentés par un vortex d'émotions contradictoires eu égard de l'enjeu du désir galvaudé. 


D'un onirisme tout à la fois macabre et sensuel formellement velouté, conté avec attention et formidablement interprété par de solides monstres sclérosés réunis pour le meilleur d'une ghost-story adulte, Le Fantôme de Milburn envoûte notre attention sous l'impulsion de la beauté blafarde Alice Krige résolument magnétique en spectre revancharde incapable d'acquérir le repos faute de ses prétendants infortunés. A revoir fissa, de préférence un soir d'hiver, en VO.  

* Bruno
20.10.22. vostfr. 5èx
20.09.18. 
29.05.13 (107 vues)

mercredi 19 septembre 2018

BEAU-PERE. Prix du Meilleur Film Etranger, Critics Awards 1982.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Bertrand Blier. 1981. France. 2h04. Avec Patrick Dewaere, Ariel Besse, Maurice Ronet, Geneviève Mnich, Maurice Risch, Nathalie Baye, Nicole Garcia, Macha Méril.

Sortie salles France: 16 Septembre 1981 (Int - 13 ans)

FILMOGRAPHIEBertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.


Relatant sans aucune trivialité la relation scabreuse entre une ado de 14 ans et son beau-père trentenaire suite au décès précipité de son épouse, Beau-père bouleverse nos sens et notre morale sous l'impulsion d'un duo de comédiens transis d'émoi amoureux. Bertrand Blier, auteur sulfureux émérite abordant ici le thème de l'hébéphilie avec autant de pudeur que d'audace inouïe dans son désir jusqu'au-boutiste, frontal, de nous confronter à une improbable histoire d'amour entre un adulte et une ado consentante. Si bien qu'en l'occurrence, la prémices du désir émane de Marion littéralement enivrée par sa passion viscérale pour son beau-père alors que celui-ci s'efforcera (de prime abord) de repousser ses avances dans sa responsabilité adulte et paternelle. Sans jamais juger le comportement si amoral de ses personnages ou de nous faire la morale du bien-penseur, Bertrand Blier nous plonge dans leur vertige amoureux avec une intensité dramatique parfois éprouvante, eu égard de l'immoralité de leur liaison interdite et de l'issue en demi-teinte de son cruel dénouement.


Et donc à travers la difficulté de gérer la perte de l'être aimé, l'auteur nous radiographie avec tact, dérision (les dialogues inventifs s'avèrent parfois grinçants au point de provoquer quelques rires nerveux !) et beaucoup de pudeur la plongée intimiste du duo familial dans l'emprise des sentiments, faute de leur fragilité esseulée et de leur désarroi existentiel (d'autant plus que Rémi est au chômage en dépit de son métier de pianiste à ses heures perdues). Au-delà de son climat aussi bien dérangeant que perturbant à travers un huis-clos clairsemé à la fois étouffant et rustique (l'appartement puis la maison de campagne en second acte), Beau-père est illuminé par la force d'expression de Patrick Dewaere (le plus grand acteur français selon mon jugement de valeur) en beau-père paumé et indécis, voir névrosé, pour autant rempli d'affection, d'amour et de bienveillance pour sa belle-fille. Quand à Ariel Besse, on reste ébahi par sa performance naturelle très audacieuse à exhiber son plus simple appareil en ado pubère en proie au désir corporel et sentimental. Douce, fragile, flegmatique et d'autant plus si innocente, Marion ne parvient pas à refréner ses pulsions sexuelles et sentimentales en dépit de sa sagesse, sa compréhension Spoil ! à laisser Rémi s'autoriser une adultère potentiellement rédemptrice. Fin du Spoil. Bref, ce duo inoubliable plongé dans leur stricte solitude nous laisse finalement dans une drôle d'impression morale, une ambiguïté émotionnelle mêlée d'échec, d'amertume et de libération.


Folle romance paraphile proprement vertigineuse, voire même limite sensorielle dans la retranscription vériste des sentiments (et des corps) mis à nu face caméra, Beau-père fait office d'expérience émotionnelle sensiblement scabreuse dans sa manière radicale de nous bouleverser la raison (avec toutefois une subtile pudeur) auprès d'un amour condamnable. Magnifique dans la fragilité expressive des amants mais aussi perturbant dans leur tendresse irraisonnée, on en sort finalement transformé passée sa conclusion aussi bien amère qu'équivoque. Si bien que personne, spectateur compris, ne semble en sortir indemne...
Pour public averti.

* Bruno

Boston Society of Film Critics Awards 1982 : Prix du meilleur film étranger

Note (Wikipedia): Bertrand Blier précise que l'affiche n'est pas celle qui avait été choisie à l'origine. Le producteur aurait imposé la version (plus sulfureuse) que l'on connaît à son insu. Ce qui a nuit au film et à la jeune actrice si bien qu'il y a eu un "procès" à ce sujet.

Le point de vue de Mathias Chaput:
« Beau-père » traite d’un sujet douloureux et délicat, très peu exploité au cinéma, du moins de cette façon, la pédophilie, mais Blier est malin et sensible, ici aucune outrance ni vulgarité mais une succession de saynètes simples dans des décors épurés et un jeu d’acteur respectueux et pudique…
Dewaere est habité par son rôle comme dans la plupart de ses films et la jeune Ariel Besse étonnante de professionnalisme et d’intelligence, il faut un grand courage pour endosser son personnage loin des lolitas décérébrées que l’on avait l’habitude de voir, elle représente Marion, le personnage central du métrage, celle par qui tout arrive, c’est elle le vecteur de l’intrigue et de cette histoire d’amour quasi impossible mais rendue attachante par un Blier au firmament…
Les seconds rôles sont à la fois distants et proches de Rémi, notamment le contrebassiste et son épouse ou les deux femmes qui apparaissent au début et au final du film (Nicole Garcia et Nathalie Baye, la veuve qui ouvrira les yeux de Dewaere et par conséquent le sauvera de sa relation folle avec Marion)…
L’escapade à Courchevel permet de confirmer l’amour fou entre Rémi et Marion, tour à tour passionné et d’une tentation quasi irréelle, Blier pose sa caméra et laisse aller ses personnages dans une lente mais efficiente love story insolite qui pourra encore de nos jours paraître déplacée voire illégale mais « Beau-père » n’est jamais un film obscène ou pédophile dans le sens « pornographique » du terme, c’est plus un drame passionnel où gravitent des protagonistes paumés et sans repères…
Le repère, justement, aussi bien pour le spectateur que pour Rémi, c’est Marion ; Rémi a tout perdu, sa femme, son travail de pianiste, il vit dans un environnement délétère qui n’a que peu de sens pour lui, et dès qu’il intègre le fait que Marion est amoureuse de lui, sa vie change mais heureusement pour la bienséance, de façon partielle et éphémère…
Ce n’est que lorsque sa raison regagne sa place et la rencontre avec Nathalie Baye que sa conscience reprend ses droits et qu’il retombe sur ses pieds…
Finement joué et assumé totalement par Bertrand Blier, « Beau-père » est une œuvre dérangeante mais à l’histoire suffisamment bien ficelée qui évolue en flux tendu par son côté scabreux mais qui demeure le témoignage d’un très bon cinéma, osé et talentueux…
Il faut être ouvert cinématographiquement pour le visionner mais « Beau-père » est une grande performance dramatique, à contre-courant du cinéma traditionnel, Blier a une nouvelle fois entrepris un pari risqué qu’il a gagné haut la main…
C’est le genre de metteurs en scène qui rend honneur au cinéma hexagonal, nous nous devons de le souligner…

Note : 9/10

mardi 18 septembre 2018

LE DEMON DANS L'ILE. Prix du Suspense, Avoriaz 83.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Francis Leroy. 1983. France. 1h39. Avec Jean-Claude Brialy, Anny Duperey, Gabriel Cattand, Pierre Santini, Cerise, Janine Magnan.

Sortie salles France: 30 Mars 1983

FILMOGRAPHIE PARTIELLE (le monsieur ayant tourné une quarantaine de films X): Francis Leroi est un cinéaste français, né le 5 septembre 1942 à Paris, décédé le 21 mars 2002 à l’île Maurice. 1968 : La Poupée rouge. 1969 : Ciné-Girl. 1972 : La Michetonneuse. 1982 : Le Démon dans l’île.


Quelle bien étrange curiosité que ce Démon dans l'île portant la signature de Francis Leroy,  (réalisateur entre autre de films X) et incarné par nos illustres acteurs Jean-Claude Brialy, Anny Duperey. Débarquée sur une île bretonne afin d'oublier la disparition tragique de son époux et de son fils, Gabrielle Martin est témoin d'incidents domestiques inexpliqués. Les citadins étant victimes de leurs appareils ménagers potentiellement défectueux. Son enquête l'amène à fréquenter l'étrange et solitaire docteur Paul Henry Marshall. Série B française correctement menée et réalisée, le Démon dans l'île possède l'indéniable efficacité de nous proposer des séquences chocs redoutablement impressionnantes par leur impact horrifique à la fois spectaculaire, inventif, gore et viscéral.


De par la diversité des ustensiles utilisés (couteau électrique, four, ours en peluche, téléviseur, rasoir), les scènes chocs se succèdent habilement sans jamais nous lasser, et ce en dépit de leur aspect itératif. Et donc sur ce point, le film s'avère une franche réussite, tant auprès des FX simples mais relativement soignés, que de l'instauration d'un suspense tendu quant à l'éventuelle sort de la victime manipulant insouciamment l'appareil domestique. Francis Leroy jouant notamment avec un suspense sardonique lorsque 2 ou 3 protagonistes réunis dans la même maison pourraient faire les frais de l'appareil diabolique qu'ils manipulent indépendamment dans une pièce distincte ! Quant aux tenants et aboutissants de l'intrigue assez nébuleuse, à mi chemin entre la parodie involontaire et la sobriété la plus louable, on reste autant surpris qu'interloqués à traiter du thème de la télékinésie avec une certaine ambiguïté. Pour autant, grâce au jeu très convaincant d'Anny Duperey en investigatrice pugnace et au dynamisme du rythme (rehaussée d'un climat insulaire sensiblement envoûtant), on suit son trajet avec autant d'appréhension que de soif de vérité à percer le mystère qui entoure l'île hantée d'un secret infantile éhonté. On n'en dira pas tant de la prestance un peu trop rigide de Jean-Claude Brialy en manipulateur ésotérique trop altier pour être convaincant.


Récompensé du Prix du Suspense à Avoriaz, du Prix d'interprétation féminine pour Anny Duperey et des Meilleurs Effets spéciaux à Fantasporto, Le Démon dans l'île dilue une aura d'étrangeté toute particulière à travers la personnalité intègre de Francis Leroy s'efforçant scrupuleusement de nous distraire dans un jeu de peur irrationnel aussi troublant et poétique qu'hermétique d'une certaine manière. L'intrigue elliptique cédant un peu à la facilité, aux chemins de traverse finalement à travers l'exploitation d'un cerveau surdimensionné. A découvrir en tous cas avec intérêt, notamment auprès de sa nationalité française plutôt frileuse avec le genre Fantastique. 

* Bruno
2èx

lundi 17 septembre 2018

FLAGELLATIONS

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Pete Walker. 1974. Angleterre. 1h42. Avec Barbara Markham, Penny Irving, Robert Tayman, Patrick Barr, Ray Brooks

Sortie salles France: 4 Janvier 1984. Angleterre: 19 Avril 1974

FILMOGRAPHIE: Pete Walker est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né en 1939 à Brighton. 1968: l'Ecole du sexe, For men only, 1970: Cool, c'est Carol, 1971: Man of violence, Die Screaming, Marianne, 1972: Quatre dimensions de Greta, le Théâtre de l'angoisse, 1973: Tiffany Jones, 1974: Flagellations, Frightmare, 1976: The Confessionnal, Schizo, 1978: Hallucinations, 1979: Home Before Midnight, 1983: House of the long shadows.


Si l'idée de départ était plutôt alléchante sur le papier (anciens dirigeants d'une prison, un groupe de retraités rigoristes kidnappent des jeunes filles dans leur maison de correction pour les expier de leurs pêchers), Flagellations ne dépasse pas le stade du sympathique divertissement de par son intrigue redondante éludée de surprises. Et ce même si sa cruelle dramaturgie peut parfois agréablement surprendre dans son refus de concession. Incarnés par des comédiens tout juste convaincants et réalisé avec  l'attachante maladresse qu'on lui connait, Pete Walker exploite passablement son sujet, notamment auprès de la caractérisation de ces personnages tantôt trop équivoques ou versatiles (le fils de la matriarche - incarné par Robert Tayman - ne sait pas vraiment sur quel pied danser dans sa position contradictoire de kidnappeur clément). Pour autant, et sans doute avec indulgence, la farce gentiment horrifique se gaussant du fondamentalisme et des chartes archaïques de la juridiction se laisse suivre sans ennui à défaut de lui tolérer un second visionnage. On a en tous cas connu Pete Walker plus fou, audacieux et inspiré avec Frightmare, Hallucinations et surtout Mortelles Confessions (son oeuvre la plus aboutie et convaincante).

* Bruno

samedi 15 septembre 2018

MANIAC

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h30. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac


Discrédité avant même l'entreprise de sa réalisation puisque estampillé remake bancable d'après un chef-d'oeuvre traumatisant, Maniac, nouvelle mouture, prenait également le risque d'attribuer son rôle titre à un illustre acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu qui laissait craindre le pire, d'autant plus que son réalisateur novice était déjà responsable de deux manufactures conventionnelles. Produit par William Lustig en personne, épaulé des français Aja et Levasseur  (notamment crédités au scénario), cette déclinaison autrement sophistiquée adopte l'intelligence de ne pas vulgairement copier-coller son modèle cradingue. Ainsi, filmé entièrement en caméra subjective du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle descente aux enfers dans les bas-fonds de Los Angeles qu'un tueur psychopathe s'entreprend de nettoyer auprès d'une gente féminine aguicheuse. Dès le prologue, l'ambiance anxiogène et crépusculaire d'un New-York insalubre nous est illustrée avec un réalisme cafardeux (badauds désoeuvrés se mêlent à la foule cosmopolite arpentant des trottoirs inondés de déchets où s'entremêlent par endroits 2/3 tentes de fortune). A l'image prophétique du premier crime prémédité aussi réaliste que concis et radical. Et donc à travers cette séquence choc dérangeante, on sent que Maniac ne sera pas une partie de plaisir ludique à travers son intensité dramatique abrupte. 


La cruauté du meurtre et l'impuissance à laquelle la victime ne puisse exprimer la moindre clameur nous saisissant de stupeur ! La bonne nouvelle c'est qu'ensuite l'errance quotidienne du maniac dans les rues nocturnes restera une dérive introspective jalonnée d'estocades aussi terrifiantes qu'éprouvantes. Car durant son cheminement meurtrier, le spectateur est forcément contraint de s'identifier instinctivement à son existence sordide grâce à l'agilité d'une caméra subjective en interne du sujet ! L'effet d'immersion est immédiat mais surtout il dérange, incommode, asphyxie son public pris en otage par ses pensées déficientes, ses visions horrifiées de mannequins ensanglantés blottis dans une chambre tamisée et surtout ses crimes crapuleux lâchement perpétrés avec violence acérée ! Autant avouer qu'avec cette nouvelle mouture, l'effet de submersion sensorielle est beaucoup plus prégnant qu'auprès de son modèle initial. A contrario, on est loin du traumatisme imposé par le climat poisseux de Lustig et du jeu transi d'émoi de Joe Spinell ! Néanmoins, certaines séquences gores percutantes ont de quoi retourner les estomacs les plus fragiles, mais surtout sa sauvagerie cuisante qui en découle effleure parfois l'insupportable (le meurtre à coups de poignard d'une prostituée réfugiée dans un parking est franchement pénible à endurer !).


Magnifiquement photographié dans un New-York aussi documenté que stylisé (notamment le décor baroque du métro), on peut saluer la maîtrise de sa mise en scène expérimentale (le jeu de miroirs judicieux pour entrevoir le visage du tueur) ou affinée (certaines séquences stylisées surprennent par son esthétisme poétique d'autant plus épurée de couleurs limpides), et la manière habile dont le réalisateur exploite son potentiel de terreur face aux exactions du maniac profondément esseulé. A ce titre, le point d'orgue jusqu'au-boutiste s'avère un moment d'anthologie particulièrement éprouvant lors de la traque de la dernière victime en instance de survie. Et le gore paroxystique d'atteindre son apogée dans un épilogue aussi bestial et grand-guignol que son ancêtre. Pour parachever, nos scénaristes ont eu la bonne idée d'insister sur l'idylle entre Franck et une photographe de mode. En l'occurrence, l'empathie accordée à ce dernier s'avère beaucoup plus persuasive si bien qu'une réelle compassion lui est finalement tolérée auprès du spectateur. Le réalisateur prenant bien soin d'illustrer sa psyché torturée à travers une réminiscence infantile résultant des exactions sexuelles de sa mégère. Et donc à travers ses victimes sauvagement sacrifiées, c'est sa mère qu'il désire châtier sans jamais pouvoir refréner ses pulsions de haine et de rancoeur et se réconforter auprès d'une liaison amoureuse ! En résulte une ambiance de nonchalance pétrie de mélancolie que la pellicule imprègne en permanence, amplifiée d'une bande-son mélodieuse infiniment fragile, et ce afin de rendre compte de la solitude existentielle du tueur noyé de tristesse morale. Un parti-pris idoine donc afin de mettre en exergue la romance fébrile des deux protagonistes esseulés tout en auscultant en arrière plan psychologique le passé sordide du tueur misogyne, victime malgré lui d'une enfance galvaudée car sévèrement traumatisé par une sexualité maternelle débauchée.


Elégie morbide. 
Résolument terrifiant, glaçant, glauque et malsain de par son immersion expérimentale (même si à 100 lieux du chef-d'oeuvre initial), mais surtout sauvage, cruel et déprimant au gré d'une intensité mélancolique très dérangeante, Maniac s'offre la dextérité de se démarquer de son modèle en insistant sur la déchéance mentale du tueur pathétique livré à une insurmontable solitude. Et si au premier abord Elijah Wood avait de quoi laisser dubitatif pour émuler le jeu maladif de Joe Spinell, il parvient sobrement à y imprimer sa propre identité dans celui d'un psychopathe à la fois timoré et chétif, enseveli par l'aigreur d'un amour insoluble. La nouvelle génération peut applaudir, un nouveau chef-d'oeuvre de l'horreur hardcore leur est aujourd'hui légué grâce à la personnalité autonome du nouvel auteur Franck Khalfoun résigné à nous bouleverser de la manière la plus sensorielle et viscérale. Tant et si bien qu'après le générique de fin un malaise sous-jacent subsiste à s'agripper à l'encéphale. 

* Bruno
15.09.18
05.01.13

vendredi 14 septembre 2018

PRINCE DES TENEBRES. Prix de la Critique, Avoriaz 88.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site patatedestenebres.over-blog.com

"Prince of Darkness" de John Carpenter. 1987. U.S.A. 1h42. Avec Donald Pleasance, Jameson Parker, Victor Wong, Lisa Blount, Dennis Dun, Susan Blanchard, Anne Marie Howard, Ann Yen, Ken Wright, Dirk Blocker.

Sortie salles France: 20 Avril 1988. U.S: 23 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Passé le terrible échec commercial des Aventures de Jack BurtonJohn Carpenter poursuit les budgets exigus pour entamer son second volet à la trilogie de l'Apocalypse initiée par The Thing et finalisé par l'Antre de la FoliePrince des Ténèbres renouvelant avec puissance d'évocation sa thématique du Mal à travers le sacre d'un ostensoir renfermant un fluide vital. Dans une église et à la demande d'un prêtre, un groupe de scientifiques et un professeur en philosophie sont recrutés pour déchiffrer et étudier un cylindre contenant un étrange liquide. Ce canister tenu secret, car confiné dans une crypte depuis des millénaires par les membres d'une secte religieuse (les frères du sommeil), révélerait l'arrivée du fils de Satan sur Terre ! Lourdement éprouvé et dépité par son précédant métrage délaissé par le public, John Carpenter ne prend pas de risque pour dépeindre la venue de l'antéchrist dans le modeste huis-clos d'une église gothique. Avec son budget réduit et ses têtes d'affiche de série B (oh combien convaincantes !), notre briscard de l'horreur contemporaine nous concocte avec sagacité inventive un concentré d'horreur sataniste contournant habilement tous les clichés inhérents. Dès le générique d'ouverture étalé sur plus de 10 minutes, nous sommes frappés par le soin du montage au cours de laquelle nous rencontrons chacun des protagonistes déambulant dans une bourgade en un temps furtif. Quand bien même ce préambule stylé est scandé d'une musique cérémonielle entêtante érigée par Carpenter et Howarth. Magnifiquement orchestré donc, le spectacle que nous peaufine le maître s'édifie en survival mystique dénaturant les fondements religieux (Jésus serait l'ancêtre d'un extra-terrestre !). Car à travers l'objet cylindrique d'une puissance démoniaque prête à mettre en action ses funestes ambitions, Prince des Ténèbres  nous livre dans un laps de temps record (moins de 24 heures) une course contre la montre contre l'avènement de l'antéchrist que des scientifiques s'efforceront de déjouer dans un élan de panique davantage ingérable !


Ainsi, à travers son suspense cauchemardesque impeccablement ciselé, Carpenter gère avec autant d'inspiration que de brio des rebondissements en pagaille avec un sens de l'efficacité optimale. Chaque péripéties horrifiques nous scotchant au fauteuil de par son habileté à multiplier les revirements dramatiques pour mieux nous convaincre de la venue du fils du diable. Et donc, sans nécessiter de procédés spectaculaires racoleurs, Carpenter rivalise d'astuces et de détails inquiétants (notamment l'intrusion potentiellement hostile des insectes et des larves, le climat solaire dépressif, les clodos en faction autour de l'église) afin de conjuguer une montée progressive d'appréhension et de tension par le truchement d'images cauchemardesques atypiques. Tel cet ostensoir confiné au fond d'une crypte d'une couleur verte fluo alors qu'en externe du monastère quelques SDF subordonnés au Mal assiègent la demeure à l'instar de zombies statiques (on reconnaîtra d'ailleurs en tête de peloton le chanteur Alice Cooper en icone spectrale !). Au même moment, dans l'église, la panique va crescendo lorsque quelques scientifiques sont sujets à la contamination après avoir dégluti le fluide contre leur gré. Si bien que chacun leur tour, tels des possédés impassibles, ils se résignent à dominer leurs acolytes en projetant sur leur visage ce fameux liquide minéral ! Mais les moments les plus prégnants restent encore ces fameux jeux de miroir auquel Satan en personne n'attend qu'une main secourable pour pouvoir s'y extraire et ainsi régir son pouvoir sur terre (vision diaphane d'une main ténébreuse saisissante de réalisme !). Tandis que de façon récurrente une voix inaudible de l'au-delà (incarnée par une ombre sans visage) s'efforce de transmettre un message prémonitoire aux scientifiques durant leur sommeil afin de les inciter à modifier le présent. Ainsi, de façon implacable et métronomique, nous témoignons impuissants des agressions meurtrières intentées sur des protagonistes ayant souvent une longueur de retard à devancer le danger. En proie à la peur, l'affolement et en perte de repères, ces derniers condamnés à l'épreuve de survie s'efforceront de résister à la menace avec une bravoure parfois poignante eu égard du sens du sacrifice imposé en dernier ressort par l'un d'eux.


Chef-d'oeuvre démonial. 
Sous l'impulsion si attachante de personnages bigarrés peu à peu convaincus que le Mal est sur le point d'asseoir sa réputation sur terre (on peut d'ailleurs saluer la présence symbolique de Donald Pleasance en prêtre contrarié en proie au doute de l'échec), Prince des ténèbres inquiète en pagaille autour d'un concept mystique contredisant au passage les doctrines religieuses. Réflexion métaphysique sur l'abstraction du Mal et l'altération de notre réalité qu'un groupe de scientifiques essaie d'étudier et de contrecarrer, Prince des Ténèbres tire parti de son efficacité dramatique de par la puissance de sa scénographie cauchemardesque transfigurant une entité délétère en voie de mutation corporelle. Et ce jusqu'à la stupéfiante révélation d'une conclusion potentiellement pessimiste car équivoque. Carpenter prenant soin de tirer le rideau au moment le plus alarmiste d'une romance déchue. 

Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz en 1988.

* Bruno
14.09.18. 5èx
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jeudi 13 septembre 2018

BODY DOUBLE

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Brian De Palma. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton, Guy Boyd, Dennis Franz.

Sortie salles France: 20 Février 1985. U.S: 26 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


Le pitch: Après avoir surpris sa compagne avec un amant, Jake Scully, acteur au rabais pour des séries Z horrifiques, se lie d'amitié avec le comédien de théâtre Sam. Celui-ci lui propose de l'héberger quelques jours dans la vaste demeure (une chemosphère) d'un de ses amis partis en villégiature. En prime, avec l'aide d'une longue vue, il l'incite à observer sa voisine d'en face pratiquant chaque soir un striptease. Or, un beau soir, Jake est témoin du meurtre de celle-ci par un mystérieux indien. 
Hommage aussi bien effronté que couillu à Vertigo et à Fenêtre sur Cour, Body Double fut un échec public et critique lors de sa sortie; faute d'une intrigue truffée de dérision et de vulgarité au sein du milieu underground de la pornographie. Et donc, probablement qu'à l'époque les journalistes et le public n'ont pas perçu le côté décalé, limite parodique des situations outrancières (la séquence du meurtre à la perceuse avec le cordon électrique trop court pour atteindre la victime, le clip Relax filmé dans les coulisses du X auprès d'une figuration SM, l'épilogue risible avec ce vampire punk massant langoureusement sa victime sous la douche), et ce par le truchement d'un hommage vitriolé à Hitchcock. Depuis largement réévalué au point de l'estampiller comme l'un de ses ultimes chefs-d'oeuvre, Body Double demeure un modèle de suspense et d'écriture à travers une enquête jubilatoire bâtie sur les tabous du voyeurisme et de la pornographie ainsi que du faux semblant et du désir sexuel. Sur ce dernier point, rien que la longue séquence de filature entre Jack et sa voisine au sein des galeries marchandes est un morceau d'anthologie à enseigner dans les écoles (à l'instar de celle de la galerie des beaux-arts transfigurée dans Pulsions).


De Palma illustrant consciencieusement une filature inlassable, non seulement autour des va et vient de la voisine mais également autour des agissements patibulaires de l'indien que Jack tente malgré tout de suivre à la trace avec une interrogation davantage dérangée. Génialement incarné par Craig Wasson en acteur de série Z à la fois empoté, naïf et terriblement complexé auprès de sa claustrophobie l'empêchant d'exercer son métier, Body Double redouble d'intensité et de suspense émoulu parmi son témoignage obsessionnel à épier dans un désir pervers et amoureux sa voisine en rut. Et ce avant son incursion décalée dans le milieu du X afin d'approcher une éventuelle complice de meurtre ! Sublimé par le score hyper sensuel de Pino Donnagio, De Palma émoustille nos sens à travers ses chorégraphies hyper sensuelles de striptease torride filmée avec une élégance teintée de vulgarité. Comme de coutume épaulé d'une intrigue irrésistiblement machiavélique fondée sur le simulacre et la mise en abyme, Body Double est un plaisir infini de cinéma ludique. Tant auprès de la forme esthétisante et stylisée que du fond à travers l'initiation d'un acteur timoré en voie d'affirmation et de surpassement de soi. Enfin, à travers une direction d'acteurs hors-pair, on peut notamment saluer le jeu si avenant (au 1er abord) de Gregg Henry Spoil en conspirateur meurtrier fin du Spoil ainsi que la présence très sexy de Melanie Griffith en actrice X à la fois paumée et fragile dans sa naïveté de s'être laissée corrompre par la finance du X.


Modèle de mise en scène formant une sorte de pied de nez au cinéma d'Hitchcock dans sa modernité explicite et sa dérision semi-parodique, Body Double joue la carte de la sensualité et de la pornographie auprès d'une intrigue machiavélique ne manquant pas de tendresse pour dépeindre en sous-texte la condition souvent précaire des acteurs de seconde zone (Jake et Holly sont comme deux enfants égarés dans un monde d'artifices qui ne leur ressemble pas). Jubilatoire et audacieux dans l'intensité de son érotisme sensoriel à travers un vertige amoureux aussi bien cruel que salvateur. 

Bruno
5èx

mercredi 12 septembre 2018

VENGEANCE A 4 MAINS

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Oliver Kienle. 2017. Allemagne. 1h34. Avec Frida-Lovisa Hamann, Friederike Becht, Christoph Letkowski

Sortie Vod France: 4 Septembre 2018. Allemagne: 30 Novembre 2017.

FILMOGRAPHIE: Oliver Kienle est un réalisateur, scénariste et acteur allemand né en 1982. 2017: Vengeance à Quatre Mains. 2013 Tatort (TV Series) (1 episode). Happy Birthday, Sarah! (2013).  2010 Bis aufs Blut - Brüder auf Bewährung.


Thriller captivant brillamment réalisé et incarné par 2 comédiennes se confondant en émoi paranoïde, Vengeance à 4 mains relate la schizophrénie de Sophie profondément traumatisée par la mort de ses parents 20 ans plus tôt par des cambrioleurs. Quand bien même suite à un accident ayant causé la mort de sa soeur Jessica renversée par une voiture lors d'une dispute, Sophie semble persécutée par l'esprit de la défunte. Sombre récit de vengeance mortuaire du point de vue d'un dédoublement de personnalité, Vengeance à 4 mains s'avère redoutablement réaliste afin de nous faire douter de la santé mentale de Sophie littéralement asservie par le fantôme teigneux de Jessica (Friederike Becht,  très impressionnante lors de ses règlements de compte tranchés). D'une violence rigoureuse auprès des exactions criminelles entrevues lors du perturbant prologue et auprès du comportement véloce de Jessica en justicière stoïque, Vengeance à 4 mains nous laisse dériver dans un vertigineux thriller eu égard du cheminement narratif truffé d'incidents inexpliqués (au 1er abord !) et de rebondissements équivoques (notamment au niveau de son éventuel twist final qui déconcertera sans doute une frange du public).


Outre la force psychologique de son récit sinueux habilement structuré par le biais d'ellipses (et donc peu à peu limpide au fil des flash-back et de la transformation identitaire de Sophie), Vengeance à 4 mains diffuse un suspense amer auprès de l'investigation intime de celle-ci en proie à une paranoïa toujours plus ingérable. Véritable dédale mentale d'une héroïne bicéphale hantée par la vengeance, le film traite inévitablement de la difficulté d'assumer la perte de l'être cher, de la culpabilité et de l'amour possessif sous l'impulsion du duo orageux Frida-Lovisa Hamann Friederike Becht habitée par leur dissension morale. Poignant et cruel, Vengeance à 4 mains gagne donc en intensité et crédibilité quant aux sorts précaires des deux héroïnes sévèrement traumatisées par un passé crapuleux. Superbement photographié à travers des nuances sombres pour rendre compte de l'état psychologique des héroïnes fébriles, Oliver Kienle maîtrise d'autant mieux sa réalisation par le biais de plans tarabiscotés incroyablement percutants. Et ce en émaillant son puzzle narratif de séquences-chocs brutales parfois difficilement supportables (principalement l'agression finale d'une tension claustro à couper le souffle !).


Production germanique auprès d'un réalisateur novice (il s'agit de son second métrage), Vengeance à 4 mains est un excellent thriller psychologique à double niveau de lecture si on privilégie le reflet de miroir de son intrigue potentiellement surnaturelle d'une poignante intensité dramatique. 

* Bruno

mardi 11 septembre 2018

CARNAGE

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site digitalcine.fr

"The Burning" de Tony Maylam, 1981. U.S.A. 1h31. Avec Brian Matthews, Leah Ayres, Brian Backer, Larry Joshua, Lou David, Jason Alexander, Holly Hunter, Fisher Stevens, Ned Eisenberg, Shelley Bruce, Carolyn Houlihan.

Sortie salles France: 28 Avril 1982 (Int - 18 ans). U.S: 8 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Tony Maylam est un réalisateur britannique né à Londres en 1943.
1981: Carnage. 1988: Across the lake (télé-film). 1992: Killer Instinct


"On n'a pas retrouvé son corps mais on dit que son esprit vit toujours dans la forêt, cette forêt ! Un maniaque, un être qui n'a plus rien d'humain et on dit aussi qu'il arrive à vivre avec ce qu'il trouve ça et là, des racines, des herbes.
Oui il est toujours vivant ! Et tous les ans il réapparaît dans un camp d'été comme celui la et il cherche toujours à se venger des terribles choses que ses gosses lui ont faites.
Tous les ans il tue, même cette nuit il est là à nous épier ! A attendre !
Ne regardez pas, il vous verrait !!! Ne respirez pas, il vous entendrait !!!
Ne bougez pas, vous êtes morts !!!!!!!!!!!!!!!!"


En 1980 sort sur les écrans Vendredi 13, illustre ersatz influencé par la vague du slasher initié par  Black Christmas et Halloween. Ainsi, le réalisateur Sean Cunnigham s'efforça donc de rendre efficace son histoire toute tracée grâce à la multiplicité des meurtres concoctés par le spécialiste des maquillages  Tom Savini. Le public juvénile friand du "ouh, fait moi peur !" se rue en masse et la série B produite avec des bouts de ficelle explose le box-office ! Un nouveau genre est né et son icone célébré ! Le slasher "forestier" et son tueur à la machette, Jason Voorhees ! Un an plus tard, le réalisateur britannique Tony Maylam réexploite le filon, rappelle à l'ordre le talent artisanal de Mr Savini et livre sa version "du camp maudit de jeunes vacanciers pris à parti avec un tueur masqué" ! Et le miracle de se produire ! Car sur le schéma canonique d'un canevas emprunté aux "10 petits nègres", Carnage va transcender son ancêtre d'une manière bien plus persuasive. De par sa réalisation avisée, son réalisme cru, sa dramaturgie radicale, son gore malsain et son climat forestier aussi bien inhospitalier qu'oppressant !


Le pitch: Un surveillant de camp de vacances est incidemment brûlé vif suite à la blague sardonique d'une bande d'ados. Cinq ans plus tard, celui-ci défiguré est bien décidé à prendre sa revanche en revenant sur les lieux de l'accident pour martyriser une nouvelle clique de jeunes vacanciers. A sa lecture  éculée, le scénario de Carnage reste donc élémentaire et sans surprise puisqu'il récupère le schéma routinier de Cunningham. Mais une ambiance angoissante plus tangible et un suspense lattent nous sont habilement distillés auprès des batifolages des ados, quand bien même sa dernière demi-heure, épique, haletante, terrifiante dans son mode "survival" évite la voie de la redite à courser naïvement la dernière victime en marasme. 


Après un prologue plutôt cruel pour l'ironie de sa blague de potache et une vision d'effroi auprès d'un grand brûlé alité à l'hôpital, l'entrée en scène du tueur frappe fort et s'influence même du giallo avec la silhouette d'un individu en manteau noir accoutré d'un chapeau et trucidant une jeune prostituée à l'aide d'un long ciseau ! Le meurtre s'avère brutal, sale, percutant de par son aura malsaine explicite, l'arme pénétrant en gros plan dans la chair plantureuse de l'estomac ! Le récit emprunte ensuite un cheminement linéaire à travers son lot de situations rebattues, mais cependant le réalisateur prend réellement soin de peaufiner une ambiance ombrageuse au sein de sa scénographie forestière, et ce sous l'impulsion d'un souffle malsain accentué d'une bande son palpitante. Si la caractérisation de nos étudiants n'a rien de surprenante à travers leur physionomie et leur mode de loisir (baignade, baise, alcool et fumettes), elle se révèle un peu plus convaincante que le slasher usuel de par leur manière d'appréhender la peur et faire face au danger, avec parfois un sens de l'autorité et de la bravoure (à l'instar du souffre-douleur devenu héros malgré lui !). Ils paraissent donc ici moins caricaturaux, moins stupides que de coutume, et donc beaucoup plus attachants même si les traditionnelles blagues acnéennes ne nous sont épargnées et que le bouc-émissaire continue d'être réprimandé par ses camarades. Bref, nous nous inquiétons pour leur sort avec une certaine empathie. 


Mais Carnage c'est avant tout une présence indicible qui attend, tapie dans l'ombre des frondaisons, un battement de coeur perpétuel, un tueur fantomatique que l'on discerne rarement en dépit d'une ombre diffuse et d'une paire de cisaille. Le metteur en scène jouant notamment avec nos peurs enfantines des contes que l'on aime se remémorer au coin du feu pour frissonner de plaisir (la séquence du feu de camp instille un réel climat d'appréhension, aussi concise soit-elle). C'est donc la peur ludique, l'archétype de l'ogre caché dans la forêt que nous imprime Maylam sans savoir quand il pourra de nouveau surgir pour ébranler sa victime ! Ce qui donne lieu à des scènes latentes de suspense filmées de manière scrupuleuse. Et lorsque que le tueur passe à l'attaque, les meurtres cinglants nous effraie de stupeur grâce au brio du jump scare et à sa cruauté tolérée (à l'instar du premier meurtre dans la chambre d'hôtel et ceux dans la forêt) ! Sur ce point, je songe aussi inévitablement à l'illustre séquence du radeau où les corps des victimes seront brutalement lardés de coups de cisaille de la manière la plus inventive qui soit ! Qui plus est, l'impact strident de sa partition électro orchestrée par Rick Wakeman accentue très efficacement cette tension en crescendo ainsi que l'affolement communautaire d'ados en proie à la folie criminelle


Ludique (notamment auprès d'un efficace humour potache), oppressant, irrésistiblement anxiogène et mené sans temps mort au gré d'une intensité dramatique exponentielle, Carnage demeure le symbole du sous-genre horrifique. Le maître étalon du "slasher forestier" n'ayant rien perdu de son impact  terrifiant dans l'illustration d'une peur perméable où l'aura malsaine prédomine de manière insidieuse. Pour parachever, l'imagerie gore imputée aux homicides reste à jamais gravée dans nos mémoires quand bien même nous ne sommes pas prêts d'oublier la présence iconique de Cropsy, boogeyman revanchard affublé de ses longues cisailles ! Jason n'a qu'à bien s'tenir ! 

Anecdotes: Il s'agit de la 1ère production d'Harvey Weinstein auprès de sa firme Miramax. Son frère Bob Weinstein ayant notamment collaboré au scénario alors que le cinéaste Jack Sholder s'attribua le poste de monteur.
En outre, les Weinstein affirmèrent à l'époque que leur histoire fut créée avant celle de Vendredi 13.

* Bruno
11.09.18. 6èx
Ven 22/01/10. 2259 vues

lundi 10 septembre 2018

LES GUERRIERS DU BRONX 2

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Fuga dal Bronx" de Enzo G. Castellari. 1983. Italie. 1h32. Avec Mark Gregory, Henry Silva, Valeria D'Obici, Giancarlo Prete, Paolo Malco, Ennio Girolami, Antonio Sabato.

Sortie salles France: 1er Août 1984. Italie: 15 Août 1983.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Un an après les exploits de Trash et sa bande du Bronx, on prend les mêmes et on recommence avec Les Guerriers du Bronx 2 toujours réalisé par Enzo G. castellari. Une séquelle explosive si bien que l'action est ici décuplée par 10 avec une redondance tout juste tolérable. De par son humour involontaire, son attachant climat de désolation urbaine et le surjeu irrésistible des acteurs s'en donnant à coeur joie dans les expressions bellicistes. Alors qu'un promoteur véreux s'empresse de nettoyer les quartiers du Bronx de la délinquance, Trash et une poignée d'irréductibles leur tiennent tête flingues à la main. Mais les victimes s'accumulent au point qu'une journaliste frondeuse y déclare un génocide face aux médias. Dès lors, pour Trash et ses survivants, ne reste plus comme stratégie de dernier ressort de kidnapper le président afin de faire front à la flambée de violence. 


Aussi bonnard que son prédécesseur, les Guerriers du Bronx 2 ne compte que sur la surenchère épique pour emporter notre adhésion avec plus ou moins de bonheur eu égard de l'ambiance apocalyptique d'un Bronx réduit à feu et à sang. Les mercenaires aguerris et l'armée fasciste accourant tous azimuts au sein d'un climat de folie urbaine rendue erratique. Castellari multipliant cascades et explosions en règle avec une certaine efficacité et ce même s'il abuse de ralentis et chorégraphies itératives à travers les corps éjectés en l'air. Toujours aussi inexpressif dans sa posture ignare et laconique, Mark Gregory continue de jouer les gros bras redresseurs de tort avec une foi inébranlable ! Et nous de s'amuser de ses exploits outre-mesure sous l'impulsion de dialogues impayables oscillant sobriété et vulgarité.


La grande java. 
Décomplexé auprès de sa violence parfois complaisante (les victimes lâchement brûlées vives avec un réalisme risible), un chouilla gore lors de quelques plans concis, dégénéré et con comme la lune de par son pitch minimaliste, Les Guerriers du Bronx 2 ravira les amateurs de Z rital grâce à son action belliqueuse hyperbolique et ses têtes familières de seconde zone (Henry Silva en tête). 

* Bruno
2èx
                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"1990: I guerrieri del Bronx" de Enzo G. Castellari. 1982. Italie. 1h30. Avec Stefania Girolami, Marco Di Gregorio, Vic Morrow, Christopher Connelly, Fred Williamson, "Betty" Elisabetta Dessy

Sortie salles France: 17 Novembre 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEEnzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Sorti en pleine mouvance du Post-Nuke initié par Mad-max 1 et 2Les Guerriers de la Nuit et New-York 1997les Guerriers du Bronx constitue l'un des célèbres ersatz transalpins des années 80 que les vidéophiles se sont empressés de louer au video du coin. Série Z bricolée avec les moyens du bord dans ses carrières désaffectées d'un New-York dystopique, les Guerriers du Bronx s'inspire largement du chef-d'oeuvre de John Carpenter. Sauf qu'ici, et pour varier la donne, les rôles et situations sont inversés au profit d'un ennemi sanguinaire implanté dans le territoire interdit, le royaume des Riders ! Dans le sens où un exterminateur sans vergogne est chargé de retrouver en vie Anne, la jeune héritière d'une corporation d'armement réfugiée dans le quartier interdit depuis l'influence de magnats véreux. Seulement, ce dernier n'hésite pas à assassiner de sang froid les quidams marginaux empiétant son chemin. C'est dans cette zone réputée mortelle qu'Anne établit la rencontre de Trash et de son équipe motorisée. Des loubards livrés à eux mêmes bien que subordonnés à l'autorité de l'Ogre, un leader afro à l'enseigne du quartier du Bronx. Afin de sauver la vie de cette fugitive, Trash et ses compagnons décident d'invoquer l'aide de l'Ogre depuis les exactions criminelles de Hammer, l'exterminateur.


Ce scénario aussi inepte qu'improbable sorti d'une bande dessinée fauchée parvient modestement à nous divertir dans son lot de stratégies guerrières, trahison et confrontations physiques que nos anti-héros perpétuent vaillamment pour un enjeu humain. En pompant notamment sur l'autre modèle susdit (les Guerriers de la Nuit), pour la panoplie exubérante des clans barbares (principalement les "Zombies" affublés d'une combinaison de Hockey), les Guerriers du Bronx illustre de manière triviale les pérégrinations belliqueuses de ces anti-héros dont Trash s'avère le porte parole le plus loyal. C'est également au niveau des engins motorisés (le crane encastré au creux du guidon de chaque bécane) et des acteurs cabotins, aussi attachants qu'impayables dans leur posture inexpressive (la présence atone de Trash et de ses mercenaires ressemblent à s'y méprendre au groupe Village People !), que le film parvient à amuser, réparties machistes à l'appui ! Sa narration redondante culminant enfin avec générosité vers un affrontement épique entre forces de l'ordre et mercenaires lors d'une guérilla urbaine étonnamment pessimiste !


Série Z d'action futuriste soutenue par l'excentricité des personnages grotesques et par le surréalisme de situations ineptes, Les Guerriers du Bronx traduit avec une sobre efficacité une fantaisie débridée sous l'impulsion de pugilats infantiles hérités d'un épisode de San Ku Kai ! Grâce à la sincérité de son auteur et le jeu outrancier des acteurs de seconde zone, ce nanar d'exploitation laisse en mémoire un divertissement assez plaisant dans sa facture bisseuse typiquement transalpine.

* Bruno