mercredi 19 septembre 2018

BEAU-PERE. Prix du Meilleur Film Etranger, Critics Awards 1982.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Bertrand Blier. 1981. France. 2h04. Avec Patrick Dewaere, Ariel Besse, Maurice Ronet, Geneviève Mnich, Maurice Risch, Nathalie Baye, Nicole Garcia, Macha Méril.

Sortie salles France: 16 Septembre 1981 (Int - 13 ans)

FILMOGRAPHIEBertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.


Relatant sans aucune trivialité la relation scabreuse entre une ado de 14 ans et son beau-père trentenaire suite au décès précipité de son épouse, Beau-père bouleverse nos sens et notre morale sous l'impulsion d'un duo de comédiens transis d'émoi amoureux. Bertrand Blier, auteur sulfureux émérite abordant ici le thème de l'hébéphilie avec autant de pudeur que d'audace inouïe dans son désir jusqu'au-boutiste, frontal, de nous confronter à une improbable histoire d'amour entre un adulte et une ado consentante. Si bien qu'en l'occurrence, la prémices du désir émane de Marion littéralement enivrée par sa passion viscérale pour son beau-père alors que celui-ci s'efforcera (de prime abord) de repousser ses avances dans sa responsabilité adulte et paternelle. Sans jamais juger le comportement si amoral de ses personnages ou de nous faire la morale du bien-penseur, Bertrand Blier nous plonge dans leur vertige amoureux avec une intensité dramatique parfois éprouvante, eu égard de l'immoralité de leur liaison interdite et de l'issue en demi-teinte de son cruel dénouement.


Et donc à travers la difficulté de gérer la perte de l'être aimé, l'auteur nous radiographie avec tact, dérision (les dialogues inventifs s'avèrent parfois grinçants au point de provoquer quelques rires nerveux !) et beaucoup de pudeur la plongée intimiste du duo familial dans l'emprise des sentiments, faute de leur fragilité esseulée et de leur désarroi existentiel (d'autant plus que Rémi est au chômage en dépit de son métier de pianiste à ses heures perdues). Au-delà de son climat aussi bien dérangeant que perturbant à travers un huis-clos clairsemé à la fois étouffant et rustique (l'appartement puis la maison de campagne en second acte), Beau-père est illuminé par la force d'expression de Patrick Dewaere (le plus grand acteur français selon mon jugement de valeur) en beau-père paumé et indécis, voir névrosé, pour autant rempli d'affection, d'amour et de bienveillance pour sa belle-fille. Quand à Ariel Besse, on reste ébahi par sa performance naturelle très audacieuse à exhiber son plus simple appareil en ado pubère en proie au désir corporel et sentimental. Douce, fragile, flegmatique et d'autant plus si innocente, Marion ne parvient pas à refréner ses pulsions sexuelles et sentimentales en dépit de sa sagesse, sa compréhension Spoil ! à laisser Rémi s'autoriser une adultère potentiellement rédemptrice. Fin du Spoil. Bref, ce duo inoubliable plongé dans leur stricte solitude nous laisse finalement dans une drôle d'impression morale, une ambiguïté émotionnelle mêlée d'échec, d'amertume et de libération.


Folle romance paraphile proprement vertigineuse, voire même limite sensorielle dans la retranscription vériste des sentiments (et des corps) mis à nu face caméra, Beau-père fait office d'expérience émotionnelle sensiblement scabreuse dans sa manière radicale de nous bouleverser la raison (avec toutefois une subtile pudeur) auprès d'un amour condamnable. Magnifique dans la fragilité expressive des amants mais aussi perturbant dans leur tendresse irraisonnée, on en sort finalement transformé passée sa conclusion aussi bien amère qu'équivoque. Si bien que personne, spectateur compris, ne semble en sortir indemne...
Pour public averti.

* Bruno

Boston Society of Film Critics Awards 1982 : Prix du meilleur film étranger

Note (Wikipedia): Bertrand Blier précise que l'affiche n'est pas celle qui avait été choisie à l'origine. Le producteur aurait imposé la version (plus sulfureuse) que l'on connaît à son insu. Ce qui a nuit au film et à la jeune actrice si bien qu'il y a eu un "procès" à ce sujet.

Le point de vue de Mathias Chaput:
« Beau-père » traite d’un sujet douloureux et délicat, très peu exploité au cinéma, du moins de cette façon, la pédophilie, mais Blier est malin et sensible, ici aucune outrance ni vulgarité mais une succession de saynètes simples dans des décors épurés et un jeu d’acteur respectueux et pudique…
Dewaere est habité par son rôle comme dans la plupart de ses films et la jeune Ariel Besse étonnante de professionnalisme et d’intelligence, il faut un grand courage pour endosser son personnage loin des lolitas décérébrées que l’on avait l’habitude de voir, elle représente Marion, le personnage central du métrage, celle par qui tout arrive, c’est elle le vecteur de l’intrigue et de cette histoire d’amour quasi impossible mais rendue attachante par un Blier au firmament…
Les seconds rôles sont à la fois distants et proches de Rémi, notamment le contrebassiste et son épouse ou les deux femmes qui apparaissent au début et au final du film (Nicole Garcia et Nathalie Baye, la veuve qui ouvrira les yeux de Dewaere et par conséquent le sauvera de sa relation folle avec Marion)…
L’escapade à Courchevel permet de confirmer l’amour fou entre Rémi et Marion, tour à tour passionné et d’une tentation quasi irréelle, Blier pose sa caméra et laisse aller ses personnages dans une lente mais efficiente love story insolite qui pourra encore de nos jours paraître déplacée voire illégale mais « Beau-père » n’est jamais un film obscène ou pédophile dans le sens « pornographique » du terme, c’est plus un drame passionnel où gravitent des protagonistes paumés et sans repères…
Le repère, justement, aussi bien pour le spectateur que pour Rémi, c’est Marion ; Rémi a tout perdu, sa femme, son travail de pianiste, il vit dans un environnement délétère qui n’a que peu de sens pour lui, et dès qu’il intègre le fait que Marion est amoureuse de lui, sa vie change mais heureusement pour la bienséance, de façon partielle et éphémère…
Ce n’est que lorsque sa raison regagne sa place et la rencontre avec Nathalie Baye que sa conscience reprend ses droits et qu’il retombe sur ses pieds…
Finement joué et assumé totalement par Bertrand Blier, « Beau-père » est une œuvre dérangeante mais à l’histoire suffisamment bien ficelée qui évolue en flux tendu par son côté scabreux mais qui demeure le témoignage d’un très bon cinéma, osé et talentueux…
Il faut être ouvert cinématographiquement pour le visionner mais « Beau-père » est une grande performance dramatique, à contre-courant du cinéma traditionnel, Blier a une nouvelle fois entrepris un pari risqué qu’il a gagné haut la main…
C’est le genre de metteurs en scène qui rend honneur au cinéma hexagonal, nous nous devons de le souligner…

Note : 9/10

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