lundi 26 septembre 2011

Les Rats Attaquent / Deadly Eyes / Night Eyes / The Rats


de Robert Clouse. 1982. Canada. 1h27. Avec Sam Groom, Sara Botsford, Scatman Crothers, Cec Linder, Lisa Langlois

Sortie en salles au Canada le 23 Octobre 1982

FILMOGRAPHIE: Robert Clouse est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 mars 1928, décédé le 4 février 1997 à Ashland (Oregon). 1962: The Cadillac. 1964: The Legend of Jimmy Blue Eyes. 1970: La Loi du Talion, Dreams of Glass. 1973: Opération Dragon. 1974: La Ceinture Noire, les 7 Aiguilles d'Or. 1975: New-York ne répond plus. 1977: The Pack. The Amsterdam Kill. 1978: Le Jeu de la Mort. 1979: The London Connection. 1980: Le Chinois. 1981: Force 5. 1982: Les Rats Attaquent. 1985: Gymkata, le parcours de la mort. 1990: China O'Brien. 1991: China O'Brien 2. 1992: Iron Heart.


Robert Clouse est un modeste artisan de la série B avant tout réputé pour deux films de Kung-fu iconisés par Bruce Lee (Opération Dragon, le Jeu de la Mort) et pour une formidable dystopie post-apo New-York ne répond plus (précurseur de Mad-Max 2) restée dans la mémoire de la génération 80. Mais en 1982, il cède au genre horrifique avec une série B réjouissante influencée par les écrits du britannique James Herbert, 1er tome d'une trilogie des rats. Le pitchA Toronto, des grains de maïs contaminés provoquent une mutation chez des rats déterminés à décimer la démographie New-yorkaise. Un  professeur de sport est une experte médicale se concertent pour déjouer la menace ayant envahi la métropole avant de se réfugier dans un métro en inauguration.


Complètement occulté de nos jours, cette série B efficacement gérée et réalisée créa son p'tit effet de frousse dans les rayons des vidéo-clubs des années 80 grâce à ces agressions animales du plus bel effet horrifiant. En l'occurrence, Les Rats Attaquent parvient toujours autant à divertir de par la présence délétère de ces fameux rats de taille génialement saugrenue. Mais ici, point d'effets numériques factices  ici mais des trucages ingénieux empruntés à la morphologie de mammifères canins car costumés d'une fourrure de poils et d'une fausse queue (quand il ne s'agit pas de marionnettes mécaniques filmées en plan serré) auquel nous n'y voyons que du feu (et j'ai revu le film ce soir sur un écran de 2M15). Le scénario dérisoire est certes le point répréhensible puisque Robert Clouse s'attarde sur une charmante idylle entre un professeur, le Dr Kate Dravis et sa jeune enseignante tête à claque car follement amoureuse de lui. Pourtant, aussi niais soit ce trio sentimental, la manière professionnelle dont le réalisateur structure le récit et surtout le caractère franchement attachant des personnages réussissent miraculeusement à retenir l'attention sans une seconde d'ennui. Quant aux scènes cinglantes d'attaques animales, elles sont disposées à intervalle assez métronome quand bien même la violence qui en résulte accorde parfois une certaine sauvagerie avec moult gerbes de sang sur les plaies déchiquetées pour notre plus grand plaisir sadien.


Mais c'est surtout lors de son dernier acte que Les Rats Attaquent adopte une tournure autrement folingue et jubilatoire à travers l'implication dantesque de deux scènes anthologiques imparties au mode "catastrophe". En effet, nos rats redoutablement voraces et hostiles vont investir la salle d'un cinéma de quartier (alors qu'est diffusé face écran le Jeu de la Mort !) et décimer tous les spectateurs en panique ! C'est ensuite vers la rame d'un métro qu'ils se dirigeront afin de dévorer les hôtes d'une inauguration. D'ailleurs, on pense inévitablement au même schéma alarmiste initié par les Dents de la mer lorsque ces personnages hautains et véreux réfutent à croire que l'improbable menace est sur le point de saborder leur projet industriel. Mais le caractère sympathique de nos acteurs de seconde zone (la géniale "garce" Sara Botsford, inoubliable catin de Class 84, Sam Groom - Jeux Mortels - et une pléthore d'illustres séries TV des années 70 et 80) parviennent à rendre immersives leurs mésaventures cauchemardesques que l'on savoure constamment avec un art consommé de la fascination morbide.


Agréablement troussé donc avec ces FX adroits et modestement campé par des comédiens avenants (je craque à nouveau pour le regard à la fois badin et lubrique de la sémillante Sara Botsford), les Rats Attaquent doit sa petite notoriété à la physionomie monstrueuse de ces rats particulièrement voraces, teigneux et incontrôlables (au passage, un bébé y trépasse lors d'un horrifiant prologue plutôt halluciné, même si suggéré !). L'intrusion finale et spectaculaire de deux séquences chocs de grande envergure  achèvent de nous combler auprès de ce savoureux ce produit d'exploitation dénué de prétention. Vivement recommandé aux nostalgiques des années 80 donc si bien qu'à mes yeux il reste l'un des meilleurs spécimens en terme de rats tueurs après d'Origine InconnueSoudain, les Monstres et La Nuit de la Métamorphose

*Bruno Matéï
01.06.22. 5èx
26.09.11.    

jeudi 22 septembre 2011

SERIE NOIRE


d'Alain Corneau. 1979. France. 1h55. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant, Bernard Blier, Jeanne Herviale, Andreas Katsulas, Charlie Farnel, Samuel Mek, Jack Jourdan, Fernand Coquet.

Sortie en salles en France le 25 Avril 1979. U.S. 25 Juin 1982.

FILMOGRAPHIE: Alain Corneau est un réalisateur français né le 7 aout 1943 à Meung sur Loire (Loiret), décédé dans la nuit du Dimanche 29 au Lundi 30 Aout 2010 à Paris.
1974: France société anonyme, 1976: Police Python 357, 1977: La Menace, 1979: Série Noire, 1981: Le Choix des Armes, 1984: Fort Saganne, 1986: Le Môme, 1989: Nocturne Indien, 1991: Tous les Matins du Monde, 1995: Le Nouveau Monde, 1997: Le Cousin, 2000: Le Prince du Pacifique, 2002: Stupeur et tremblements, 2005: Les Mots Bleus, 2007: Le Deuxième Souffle, 2010: Crime d'Amour.


Après deux mémorables polars, Alain Corneau porte à l'écran en 1979 le roman de l'américain Jim Thompson paru dans la collection "série noire", sous le titre Des Cliques et des Claques. S'il n'a rencontré qu'un demi-succès d'estime (890 578 entrées au compteur), ce chef-d'oeuvre porté par le talent halluciné de Patrick Dewaere va entraîner au fil des années une réputation de classique impérissable. Franck Poupart est un représentant de commerce incapable de boucler ses fins de mois, faute d'un patron sans scrupule. Vivant dans un foyer précaire en compagnie d'une femme délaissée, il rencontre au hasard de sa clientèle une sexagénaire cohabitant avec sa nièce de 16 ans, Mona. Cette jeune fille est une prostituée aigrie contraint de racoler contre l'autorité de sa tante. Ils tombent communément amoureux. Un jour, elle lui dévoile que la mégère camoufle sous son toit les économies d'une grosse somme d'argent. Ensemble, ils décident de comploter un traquenard pour la dérober.


Alain Corneau, plus inspiré que jamais, nous entraîne ici dans une sordide descente aux enfers sur fond de misère sociale. Ce profil d'un quidam paumé et désoeuvré nous éprouve durant près de 2 heures lors d'une implacable série noire à l'atmosphère dépressive difficilement respirable. Car on nous dresse ici le portrait pathétique d'un homme au bord de la crise de nerf, un sociopathe au confins de la folie humaine car rongé par l'amertume, la morosité de son environnement insalubre, le désespoir de perdurer une existence toujours plus nécrosée. Conscient de sa défaite sociale défavorisée par un patron intransigeant, et lucide de son incapacité à redresser sa situation conjugale, Franck est sur le point d'exploser les barrières de sa moralité pour se laisser dériver vers le meurtre crapuleux. Fantasmant une vie plus autonome et harmonieuse en compagnie d'une mineur mutique de 16 ans, ils vont préméditer un double homicide afin de soutirer une grosse somme d'argent à une rombière. Avec la fausse complicité d'un acolyte d'origine étrangère, Franck décide de se servir de son ami inculte pour mieux feindre sa pitoyable combine et ainsi se déculpabiliser de l'achèvement des odieux crimes.


Baignant dans une ambiance glauque et poisseuse, Serie Noire nous imprègne viscéralement de son environnement en décrépitude à proximité d'une banlieue parisienne engluée par la montée du chômage et de la délinquance. Avec ce portrait jusqu'au-boutiste d'un badaud misérable davantage insidieux et lâche, ce polar rugueux parfois caustique (l'humour tacite provoque parfois l'hilarité) transcende l'illustration d'un fait divers crapuleux de par la déshumanisation d'un acteur de génie, Patrick Dewaere. Un monstre sacré proprement habité par son personnage de marginal erratique à la limite de la démence. Toute la narration s'orientant sur sa dimension psychologique tributaire d'une déchéance sociale miséreuse. L'acteur transi de sentiment misanthrope nous dévoilant ouvertement un festival de gestuelle et mimiques engagées sur l'insolence et l'impertinence d'une crise identitaire. Secondé par Marie Trintignant, l'actrice se fond dans la peau d'une potiche à la mine aussi renfrognée que timorée mais peu à peu éprise d'amour. Myriam Boyer se révèle touchante à endosser le rôle d'une épouse mal aimée incapable d'assumer son statut conjugal de bonne à tout faire ! Enfin, en patron véreux exécrable, Bernard Blier exacerbe à merveille son caractère cynique d'exploiter sans modération un ouvrier en perdition.

                                     

Traversé de célèbres tubes pop des années 70, mis en scène avec souci d'authenticité et transcendé par la prestance écorchée vive de Patrick Dewaere, Série Noire s'achemine au chef-d'oeuvre pour nous noyer dans une misère humaine en décrépitude. Le tableau sinistrosé d'un marginal annihilé par le système. L'un des portraits (humains) les plus durs et cruels que nous ait enfanté le cinéma français. 

A Patrick...

22.09.11
Bruno Matéï


mardi 20 septembre 2011

THE THING


de John Carpenter. 1982. U.S.A. 1h49. Avec Kurt Russel, Wilford Brimley, David Clennon, Keith David, T.K Carter, Richard A. Dysart.

Sortie en salles en France le 3 Novembre 1982. U.S: 25 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward

                                       

Un an après le crépusculaire New-York 1997, John Carpenter enrôle à nouveau son acteur fétiche Kurt Russel pour l'objet d'un remake de La Chose d'un autre monde. Le terme "remake" est d'ailleurs un peu galvaudé puisque cette version réactualisée se révèle la plus fidèle au court récit originel de John W. Campbell (Who Goes there ?). Echec public lors de sa discrète sortie en salles en 1982, The Thing s'est taillé au fil des décennies une réputation de chef-d'oeuvre du fantastique moderne, au même titre que d'autres classiques comme Alien, Shining ou Carrie. Une oeuvre avant-gardiste (son bide commercial imbitable en sait quelque chose !) amorçant une trilogie sur l'Apocalypse, dont Prince des Ténèbres et l'Antre de la Folie en seront les futurs héritiers. Antarctique, 1982. Dans une station de recherche scientifique logée par des ricains, un chien de traîneau vient y trouver refuge après avoir été pourchassé par une équipe de norvégiens. Après une rixe mortelle entre les deux équipes de chercheurs, deux des compagnons américains investissent leur camp laissé à l'abandon. Sur place, ils découvrent un corps congelé et décident de le ramener à leur refuge pour l'autopsier. Pendant ce temps, l'animal est emprisonné dans une cage parmi la présence d'autres chiens. Rapidement, un métamorphe s'extrait du corps du canidé pour investir la chair des autres mammifères.

                                  

Sommet de terreur aussi palpable que sous-jacente, The Thing est un huis-clos implacable auquel un groupe de scientifique éreintés vont user de subterfuge et constance pour tenter de démasquer lequel d'entre eux est physiquement investi d'une chose extra-terrestre. Dès le magnifique préambule se déroulant dans de vastes dunes enneigées, l'inquiétude s'accapare de nos héros susceptibles, témoins malgré eux d'une chasse au loup perpétrée par des norvégiens. Après que nos héros se soient loyalement défendus contre des balles perdues, ils décident d'aller jeter un oeil au camp antagoniste situé à proximité de leur office. Carpenter distille au compte goutte un sentiment lattent d'inquiétude et de mystère à la vue de la découverte de divers cadavres congelés par la température climatique et dans un état inexplicablement décomposé. Le thème lancinant d'Ennio Morricone accentue à la perfection ce sentiment hostile d'une menace indicible s'infiltrant dans les corps étrangers. C'est avec la première agression de la chose extirpée du corps du chien de traîneau et retrouvée par nos protagonistes que l'affolement va s'improviser dans leur quotidien. Ce qui scotche littéralement le spectateur émane notamment de la qualité optimale d'effets spéciaux prodiges élaborés par l'illustre Rob Bottin. Sans outre-mesure d'épater la galerie avec un quelconque prétexte grand-guignolesque, cette scène saugrenue impressionne autant qu'elle nous éprouve par son intensité émotionnelle. Tant et si bien que les trucages mécaniques sidérant de réalisme sont filmés en temps réel ! Du jamais vu pour l'époque !


D'autres évènements vont décupler les métamorphoses incongrues endossées par "la Chose" lors d'une lente descente aux enfers fondée sur la psychose et le délire de persécution. Une dégénérescence psychologique est soumise à chacun de nos héros pris en otage par cette entité. Le doute, la paranoïa, la folie et la crainte de trépasser vont instinctivement s'approprier de leur moral au coeur de leur cocon réfrigérant ! Reste donc à savoir qui est qui ? Quel est le prochain à subir le viol de la chose incessamment déterminée à annihiler toute présence humaine sur cette contrée polaire ! Un test sanguin prescrit pour chacun des membres de l'expédition leur est obligatoirement soumis afin de disculper ou condamner au grand jour le sujet potentiellement contaminé. Ce moment de vérité fatidique devient sous la caméra assidue de Carpenter un moment oppressant à la tension quasi insupportable ! Et les effets-spéciaux toujours plus renversants de rivaliser d'ingéniosité dans l'art de confectionner une créature hybride pour ses inlassables mutations organiques. Et ce sans jamais verser dans la gratuité, le ridicule ou la gaudriole ! La sobriété des interprètes tous remarquables d'austérité circonspecte nous mène par le bout du nez, à savoir quel est la prochaine victime apte à subir les sévices corporels de la chose toujours plus mesquine ! Kurt Russel menant la danse en leader opiniâtre sans héroïsme pédant puisque coupable d'avoir involontairement causé la mort d'un de ses acolytes. Accoutré d'une barbe et d'un parqua imperméable, notre chercheur chevronné s'alloue d'un flegme et d'une anxiété parano afin de tenter de débusquer la nouvelle victime contaminée.


Ne faites confiance à personne !
Jeu de massacre transcendant le sentiment épidermique de la paranoïa, épreuve de survie insolente conférée à une poignée d'individus interlopes, The Thing constitue un sommet anxiogène à travers les motivations perfides de l'homme opposé à son pire ennemi: lui même !  Pour parachever, le caractère innovant des FX façonnés par Rob Bottin sont aptes à entrer dans la légende des images de cauchemar les plus improbables du 7è art.

* Bruno

P.S: Toute personne avide de redécouvrir ce monument se doit de posséder la magnifique édition Blu-ray sortie il y a quelques années chez Universal ! L'image immaculée s'avérant proprement fastueuse ! Une expérience viscérale qui laisse pantois et qui permet de savourer le film comme au premier visionnage !

20.09.11.    4

                                    

lundi 19 septembre 2011

LE GAMIN AU VELO. Grand Prix au Festival de Cannes 2011.


de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne. 2011. France. 1h27. Avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier, Olivier Gourmet, Fabrizio Rongione, Egon Di Mateo.
Sortie en salles en France 18 Mai 2011

FILMOGRAPHIE: Jean-Pierre et Luc Dardenne sont des frères réalisateurs belges. Jean-Pierre est né le 21 Avril 1951 à Engis et Luc est né le 10 mars 1954 aux Awirs.
1987: Falsch, 1992: Je pense à vous, 1996: La Promesse, 1999: Rosetta, 2002: Le Fils, 2005: l'Enfant, 2008: Le Silence de Lorna, 2011: Le Gamin au Vélo.


12 ans après la Palme d'Or de Rosetta, drame social ayant révélé au grand public la débutante Emilie Dequenne (Prix d'interprétation à Cannes), les frères Dardenne renouent avec la jeunesse galvaudée sur fond de précarité sociale avec le douloureux portrait d'un enfant abdiqué par son père, Le Gamin à Vélo


Dans la lignée du cinéma de Truffaut et des 400 coups, le Gamin au vélo décrit avec un souci d'authenticité le portrait chétif d'un jeune garçon de 12 ans, incapable d'assumer sa nouvelle vie improvisée dans un foyer d'abandon, en l'attente d'une éventuelle famille d'accueil. C'est suite à une démission parentale engagée par son père que l'adolescent en quête de reconnaissance affective s'engage inlassablement à retrouver les traces de celui-ci incapable d'endosser ses responsabilités civiles. Dès lors, l'errance de ce jeune gamin multipliant les évasions et les crises de violence va voir son destin chamboulé lorsqu'il va faire la rencontre impromptue d'une femme prête à l'accepter pour l'héberger chaque week-end. C'est après avoir retrouvé les traces de son père, foncièrement délibéré à ne plus envisager de l'élever, que Cyril va s'apercevoir du lien familial rompu. Avec son vélo, il déambule quotidiennement dans les quartiers de sa nouvelle cité, à proximité de la demeure de Samantha, jusqu'au jour où suite à une altercation avec un jeune lascard, Cyril va faire la connaissance désobligée d'un dealer réputé par son influence perfide.

                                    

Réalisé sans fioriture et entièrement voué à ses personnages tourmentés débordant d'humanité, les frères Dardenne nous retranscrivent ici sans pathos le douloureux profil d'un enfant désuni, lâchement abandonné par sa propre famille. Le cheminement incertain de cet enfant sauvage, à deux doigts de sombrer dans le drame le plus pénal va démontrer comment un gosse livré à lui même peut facilement sombrer dans la délinquance quand l'amour, l'engagement familial et l'éducation parentale ont été exemptés de son équilibre psychologique et affectif. Ou quand la colère, la révolte et la haine alimentés par le sentiment d'injustice nous entraînent instinctivement vers la fréquentation marginale des laissés pour compte. Le jeune Thomas Doret réussit avec un naturel vigoureux à provoquer l'empathie dans son refus de se plier aux règles des autorités après avoir été banni du coeur de son père. Cette quête désespérée de fuir aveuglément les sentiers de la perdition d'une enfance démunie le mènera vers le danger le plus répréhensible. A moins qu'un adulte responsable ne réussisse in extremis à le rappeler à la raison. Lumineuse et pétillante, Cécile de France aura la difficile tâche d'apporter le soutien nécessaire et l'amour salvateur pour prouver à Cyril que sa vie peut néanmoins être un nouveau départ pour sa postérité.

Réalisé avec autorité, vérité prude et refus de mièvrerie, Le Gamin au Vélo est un drame poignant sur l'enfance fustigée d'une démission parentale. Un portrait en demi-teinte d'un jeune ado humilié, implacablement condamné à renouer avec de nouveaux liens pour pouvoir reconstruire un semblant de famille et cristalliser un avenir fructueux. L'interprétation pleine de justesse de nos deux comédiens impliqués dans une relation conflictuelle contribuant pour beaucoup à la puissance dramatique de cette oeuvre aussi fragile que candide.

19.09.11
Bruno Matéï

vendredi 16 septembre 2011

La Guerre des Etoiles (Star wars : episode IV - A New Hope)


de Georges Lucas. 1977. U.S.A. 2h04. Avec Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher, Peter Cushing, Alec Guinness, Anthony Daniels, Kenny Baker, Peter Mayhew.

Sortie en salles en France le 19 Octobre 1977. U.S: 25 Mai 1977

FILMOGRAPHIE: George Walton Lucas, Junior est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 14 Mai 1944 à Modesto, en Californie. 1971: THX 1138. 1973: American Graffiti. 1977: La Guerre des Etoiles. 1999: La menace Fantôme. 2002: L'Attaque des Clones. 2008: La Revanche des Siths


Deux ans après le triomphe des Dents de la mer qui aura terrorisé des millions de spectateurs (et baigneurs masochistes), un second blockbuster hollywoodien va venir bouleverser le paysage cinématographique avec l'entreprise d'une saga érigée juqu'à présent en 6 volets par George Lucas.
Titre légendaire, La Guerre des Etoiles ou plus familièrement Star Wars est un pur divertissement familial apte à séduire les spectateurs de 7 à 77 ans. Cette énorme production ambitieuse est une forme de réactualisation des Chevaliers de la Table Ronde et de la légende d'Oedipe si on soulève les rapports funestes entre Luke Skywalker et Dark Vador. Bénéficiant d'effets-spéciaux révolutionnaires pour l'époque, ce space opéra flamboyant maintes fois copié (mais surpassé par l'Empire contre-attaque !) reste en l'occurrence un fabuleux spectacle enchanteur au pouvoir de fascination aussi persuasif. Il y a bien longtemps, dans une galaxie très lointaine... Une guerre civile éclate entre l'empire galactique et des insurgés téméraires. Capturé par l'armée de Dark Vador, la princesse Leia Organa se voit contraint de divulguer les plans volés de l'Etoile Noire. Réussissant malgré tout à les confier à son droïde R2-D2, elle lui demande de les remettre au Jedi Obi-Wan Kenobi. C'est le jeune Luke Skywalker, après avoir acheté à bon prix le droide et son complice C-3PO, qui va devoir s'unir avec Obi Wan, le trafiquant Han Solo et Chewbacca pour faire communément preuve de courage et d'effort à tenter de libérer la princesse et ainsi annihiler la station de l'empire.


Spectacle visuel à couper le souffle affiliant la féerie poétique, l'action belliqueuse hérité du film de guerre, de l'aventure, du western et du jeu vidéo, La Guerre des Etoiles est une fabuleuse épopée sur le combat sempiternel du Bien et du Mal. En immortalisant une poignée de héros bien spécifiques dans leur physionomie singulière et leur complicité fantaisiste épaulée de deux droïdes et d'un homme singe mutique, l'équipée engagée de Luke Skywalker, Han Solo et Obi Wan peut débuter ! Georges Lucas établit dans un premier temps chronologique la connexion entre ces personnages vaillants voués à combattre un empire maléfique régi par le diabolique et ténébreux Dark Vador. Avec naïveté infantile pleine d'entrain, de cocasserie docile et de charme poétique, c'est de prime abord les droïdes R2-D2 et son acolyte C-3PO qui attisent la sympathie du spectateur facilement amusé. Baignant dans un univers de voie lactée, et par intermittence dans la familiarité d'un globe terrestre, nous sommes particulièrement curieux et distraits de voir évoluer ces robots livrés à eux-mêmes car échoués sur la contrée de Tatooine. C'est ensuite avec le jeune fermier Luke Skywalker que nous allons prendre fugacement connaissance puis enfin de Obi Wan Kenobi, maître à penser du pouvoir mystique de la Force innée en chaque chevalier Jedi. C'est dans l'ambiance insolite et débridée d'un saloon futuriste regroupant des ethnies éclectiques, comme ce bestiaire de mutants extra-terrestres venus de toutes contrées, que nos comparses vont établir un périlleux compromis avec le marginal Han Solo afin d'unir leur force et mieux concrétiser leur divine mission.


C'est après cette cohésion fusionnelle bâtie sur l'union fraternelle que la seconde partie, capitale pour les enjeux factuels du devenir de l'humanité, va pouvoir enfin faire preuve de bravoure et courage à combattre l'antagoniste quand nos aventuriers de l'espace auront réussi à pénétrer en interne de l'empire de Dark Vador. Action chevronnée maniée au sabre et aux armes lasers sont déployés pour riposter face à l'armée engagée de Dark Vader arborant une multitude de figurants costumés en armure des temps modernes d'un blanc clinquant immaculé. Après avoir sauvé la radieuse princesse Leia et évacuer l'enceinte de la station mécréante, le point d'orgue présagé va culminer son apogée dans une impressionnante course poursuite à travers la galaxie. Un combat aérien de vaisseaux spatiaux élancés à travers l'espace sidéral vont s'interposer pour défendre leur cause et combattre farouchement l'antagoniste hostile (la préservation de l'étoile noire pour l'armée de Vador et sa destruction radicale pour les insurgés pugnaces). Les effets-spéciaux prodigieux, lointainement inspirés des fameux combats d'aviation entrepris durant notre historique seconde guerre mondiale, restent encore aujourd'hui bluffants et superbement chorégraphiés.  Outre la bonhomie attachante des comédiens Harrison Ford, Mark Hamill, Carrie Fisher, Alex Guiness, Anthony Daniels (C-3PO), Kenny Baker (R2-D2) et Peter Mayhew (le grand Wookie poilu), la guerre des étoiles accentue sa dimension épique et ombrageuse envers deux illustres interprètes entrés dans la légende. L'immense Peter Cushing, Grand Moff de l'Empire à la trogne famélique, impassible et dictatoriale affilié à Sebastian Shaw incarnant Dark Vador, icône maléfique sombrement camouflé de noir, à l'esprit perfide beaucoup plus hermétique dans les prochains épisodes à venir.


Spectacle foisonnant haut en couleurs scandé par l'inoubliable score de John Williams, film d'aventures intersidéral doté d'une véritable profondeur mystique (la force instinctive de l'âme apte à réfréner ses doutes pour transcender ses affres), La Guerre des Etoiles est un classique intemporel destiné à séduire et émerveiller dans un alliage d'émotions aussi fougueuses qu'exaltantes. Alloué d'un budget de 11 millions de dollars, son épopée fertile en péripéties ne cède jamais à l'artillerie cinglante de la gratuité et retrouve dans sa modernité insolite le souffle épique, romanesque des films d'aventures d'antan.

Dédicace à Luke (Skywlaker) Mars
16.09.11
Bruno 
                                          

DISTINCTIONS:
1977: Saturn AwardsMeilleur film de science-fiction ; Meilleur acteur : Mark Hamill ; Meilleure actrice : Carrie Fisher ; Meilleur acteur dans un second rôle : Alec Guiness ; Meilleure réalisation : George Lucas ex-æquo avec Steven Spielberg pour Rencontres du troisième type; Meilleur scénario : George Lucas ; Meilleurs costumes : John Mollo ; Meilleur maquillage : Stuart Freeborn et Rick Baker ; Meilleurs effets spéciaux : John Dykstra et John Stears ; Meilleure musique : John Williams (récompensé également pour Rencontres du troisième type).

Los Angeles Film Critics Association Awards :
Meilleur film ;
Meilleure musique : John Williams.
1978: Oscars 1978 : Meilleure direction artistique : John Barry, Norman Reynolds, Leslie Dilley et Roger Christian ;Meilleurs costumes : John Mollo ; Meilleur montage : Paul Hirsch, Marcia Lucas et Richard Chew ; Meilleurs effets visuels : John Dykstra, John Stears, Richard Edlund, Grant McCune et Robert Blalack ; Meilleur son : Don MacDougall, Ray West, Bob Minkler et Derek Ball ; Meilleure musique originale : John Williams ; Oscar pour une performance spéciale : Ben Burtt pour les effets sonores (création des voix d'extraterrestres, robots et créatures).
Golden Globe de la meilleure musique de film : John Williams
Golden Screen du meilleur film
Grammy Award du meilleur album de musique de film : John Williams
Hochi Film Award du meilleur film étranger
Prix Hugo du meilleur film dramatique
Film préféré des américains lors des People's Choice Awards
Prix spécial de la part de la Science Fiction and Fantasy Writers of America
1979: BAFTA : Meilleur son : DonMacDougall, Ray West, Bob Minkler, Derek Ball, Sam Shaw, Robert R. Rutledge, Gordon Davidson, Gene Corso, Michael Minkler, Les Fresholtz, Richard Portman et Ben Burtt. Anthony Asquith Award de la meilleure musique de film : John Williams
Evening Standard British Film Awards :
Meilleur film;
Meilleur acteur : Alec Guiness.
Kinema Junpo Award du meilleur film étranger décerné par les lecteurs de la revue.
1989: Le film a été sélectionné par le National Film Preservation Board pour figurer dans le National Film Registry.
1997: Le film a reçu un prix spécial pour son 20e anniversaire de la part de l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur.
                     

jeudi 15 septembre 2011

LE CERCLE DES POETES DISPARUS (Dead Poets Society). César du Meilleur Film Etranger en 1990. Oscar du Meilleur Scénario en 1989.


de Peter Weir. 1989. U.S.A. 2h08. Avec Robin Williams, Robert Sean Leonard, Ethan Hawke, Josh Charles, Gale Hansen, Dylan Kussman, Allelon Ruggiero, James Waterston, Norman Lloyd, Kurtwood Smith.

Sortie en salles en France le 17 Janvier 1990. U.S: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur et producteur australien né le 21 Août 1944 à Sydney en Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris, 1975: Pique-nique à Hanging Rock, 1977: La Dernière Vague, 1981: Gallipoli, 1982: l'Année de tous les Dangers, 1985: Witness, 1986: Mosquito Coast, 1989: Le Cercle des Poètes Disparus, 1990: Green Card, 1993: Etat Second, 1998: The Truman Show, 2003: Master and Commander, 2011: Les Chemins de la Liberté.


C'est dans ses rêves que l'homme trouve la liberté
Gros succès public et critique lors de sa sortie en 1989, Le Cercle des Poètes Disparus aura su toucher des millions de spectateurs par sa puissance émotionnelle et son immuable éthique sur l'autonomie des êtres aptes à se transcender pour savourer l'instant suprême du moment présent.
Par l'entremise d'un scénario remarquable et de comédiens vigoureux pleins de fraicheur et de fragilité, Peter Weir a appliqué une leçon de vie, un classique inoxydable conçu pour réveiller les consciences timorées qui n'osent canaliser et surtout transcender leurs affres de l'angoisse.

En 1959, dans une stricte académie universitaire de renom, de jeunes étudiants vont faire la rencontre singulière de leur nouveau professeur de lettre anglaise, M. Keating. Cet homme anticonformiste, passionné par l'art de l'enseignement va inculquer à ses novices élèves le fluide du bonheur retrouvé,  la liberté d'accomplir ses rêves en admettant que l'instant présent est une offrande d'une richesse universelle ! 


On ne lit pas ni écrit de la poésie parce que c'est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l'humanité.
S'il y a un film capable de réveiller les consciences, de modifier le destin de notre existence et celle des générations à venir, c'est bien ce cercle ouvert des poètes conquérants. Une confrérie estudiantine soudainement éprise de l'envie d'arborer la vie, d'embrasser avec fougue ce miracle de l'existence par l'entremise d'un professeur habité par l'amour de l'initiation. Celle de permettre à ces jeunes débutants de pouvoir s'extérioriser et d'exprimer librement leurs désirs secrets les plus passionnels.
Comme le prouve le tableau représentant d'illustres ancêtres de jeunes étudiants à la physionomie pleine d'aplomb, ces nouveaux élèves vont furtivement se résoudre à se prendre en main, se jouer de la découverte d'un nouvel univers autrement distinct et de quelle manière épurée le monde en ébullition peut devenir autrement plus fantasmatique par la poésie des vers. Une précieuse doctrine transcendant notre aura terrestre ou l'art d'apprendre et s'épanouir en osant affronter son propre destin. Par la fantaisie du rêve et l'audace désinhibée, M. Keating va déclencher auprès de ces étudiants l'étincelle de l'optimisme. Par la ténuité des mots aptes à convertir l'évolution épique de l'épopée humaine, ce capitaine romantique va leur prouver que l'individualité de chaque être renferme un potentiel d'exception.

Mais l'intransigeance égoïste d'un père de famille drastique et conservateur va totalement bouleverser et chambouler la spontanéité de nos poètes offensés quand le fils de celui-ci, passionné par le théâtre et le jeu de la comédie va désespérément se sacrifier afin de bannir une vie professionnelle antinomique qu'il n'envisageait pas. Ce suicide tragique va inévitablement réveiller la suprématie des conformistes bien pensants, leur intolérance de l'écoute de l'autre, le refus de commuter les règles de l'enseignement régi depuis des siècles par une opiniâtre discipline de fer. Dès lors, le professeur le plus équilibré, indulgeant et salutaire subira les conséquences déloyales de cette innocence meurtrie, avant que les poètes prodiges ne lui rendent un ultime hommage en guise de reconnaissance salutaire.


Robin Williams endosse peut-être ici l'un de ses meilleurs rôles, du moins l'un de ces plus sobres et mesurés dans son aisance innée, sa bonhomie instinctive à prodiguer sa philosophie existentielle auprès d'un groupe d'étudiants en pleine crise identitaire. Robert Sean Leonard est sans doute la révélation du film tant il retranscrit à merveille sa passion de s'épanouir et concrétiser son espoir d'exercer la profession artistique de la comédie vers le théâtre. Fustigé par un paternel austère extrêmement rigoureux, son destin mortuaire va cruellement bouleverser la donne. Un père tout aussi flagellé et déchu à jamais par la mort de son fils dans son iniquité de lui avoir obstruer et briser son nouveau destin immolé. Le jeune Ethan Hawke apporte également une poignante dimension humaine, une fragilité chétive dans celui d'un étudiant introverti, trop timide pour affirmer ses idées et ainsi affronter ses adversaires en pleine reconversion identitaire. Il provoque dans le fameux épilogue une digne empathie en osant entreprendre courageusement un dernier hommage à son professeur limogé de ses fonctions, en s'élevant droit devant sur sa table scolaire, comme le feront chacun de ses camarades. 


La vie est un songe, tout n'est que de vaine apparence. C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
Ode à l'apprentissage de sa foi et ses intimes convictions, hymne à la vie et la liberté d'expression, déclaration d'amour à l'incantation de la poésie gracile, réquisitoire contre l'intolérance, les conformités et le conservatisme, Le Cercle des Poètes Disparus est tout cela à la fois et beaucoup plus encore. Un magnifique récit initiatique sur la quête rédemptrice d'accepter sa personnalité intrinsèque et de banir son inhibition au profit d'affronter les richesses extérieures. Celui d'un univers sensoriel où chaque être humain est une denrée atypique et où les mots inhérents restent les maîtres à penser afin de révolutionner ce qui nous entoure.

A Pascal...

15.09.11
Bruno Matéï

Distinctions:
1989: Oscar du Meilleur Scénario Original pour Tom Schulman.
Meilleur film, meilleure musique originale pour Maurice Jarre aux British Academy Awards.
1990: César du Meilleur Film Etranger.
Meilleur Film Etranger, Prix David di Donatello
Meilleur film Etranger au Joseph Plateau Awards
Meilleur Film Etranger au Ruban d'Argent.

                                        

mardi 13 septembre 2011

Opera. Uncut Version (1h47).


de Dario Argento. 1987. Italie. 1h47. Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi Tassoni, Antonella Vitale, William McNamara, Barbara Cupisti.

Sortie salles France: 8 Octobre 1989. Italie: 19 Décembre 1987

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Deux ans après l'onirisme limpide du splendide Phenomena, Dario Argento renoue en 1987 avec le Neo Giallo depuis Ténèbres pour l'inventivité des meurtres explicites ainsi que la virtuosité d'expérimentations formellement alambiquées. Echec public et critique lors de sa discrète sortie puisque directement passé par la case Dvd chez nous (en dépit d'une discrète projo salles), l'étrange Opera  s'avère d'une flamboyance esthétique à damner à saint. Surtout après l'avoir redécouvert en format HD grâce à l'éditeur Le Chat qui Fume si bien que nous avons affaire ici à un tout autre métrage de par son format scope et sa version intégrale (en privilégiant selon moi le doublage italien avec l'intervention d'Argento en voix-off à 2 reprises vers le final). Le pitchAvant la représentation de Macbeth de Verdi, une diva est incidemment renversée par une voiture. Betty, jeune cantatrice timorée, est appelée à la remplacer pour endosser son rôle majeur. Mais durant le spectacle, un incident technique a lieu au troisième étage de l'amphithéâtre. Quelques instants après la représentation, un homme retrouvé mort est découvert sur les lieux de l'accident. C'est le début d'une série de meurtres sanglants perpétrés par un mystérieux tueur face au témoignage candide de la jeune Betty prise en otage à observer sans relâche ces crimes sauvages. Ainsi donc, Opéra amorce son spectacle épuré dans la demeure circulaire d'un luxueux amphithéâtre auquel une novice cantatrice y interprète le rôle d'une diva dans Macbeth. La réalisation résolument inspirée d'Argento s'appropriant de l'espace de façon aussi bien fluide qu'acrobatique lors de ses amples mouvements de caméra tributaires du plan séquence vertigineux ! Le concert appuyé d'une voix aigue et scandé de la partition classique de Verdi demeure d'une élégance affinée au moment même où un meurtre liminaire aura lieu, avec en toile de fond un décor baroque crépusculaire où planent de véritables corbeaux !


Par conséquent, Argento prouve avec cet épatant prologue qu'il n'a rien perdu de sa rigueur formelle et de son inventivité pour y gérer un univers flamboyant sous le mode liturgique du crime toléré par un monomane. Et pour ajouter une certaine ambiguïté à l'intrigue détonante, ce dernier exploitera à bon escient le témoignage de corbeaux impliqué dans l'action ainsi qu'une curieuse séquence de rêve fantasmé par l'héroïne lors de ses réminiscences. Et donc, à travers ce songe obscur, diverses tortures y sont perpétrées sur une femme soumise (elle est allongée sur un lit) par un individu masqué. Ces exactions sadiques causées sur elle étant établies du point de vue voyeuriste d'une femme complice et d'une fillette outrageusement prise en otage. Passé ce suspicieux cauchemar torturé, le second meurtre sera commis dans un appartement auquel Betty et un amant de passage y sont confinés. Tout le génie créatif de l'art criminel d'Argento explose à nouveau lors de cette séquence anthologique au cours duquel notre protagoniste est contrainte de contempler un crime face à ces yeux écarquillés. Pour cause, par un ingénieux système délétère, le criminel aura apposé deux rangées d'aiguilles sur du ruban adhésif afin de les plaquer sous chaque oeil exorbité de l'héroïne entravée. De manière à ce que ses paupières ne puissent jamais s'obstruer au risque d'écorcher ses pupilles prises en otage par les aiguilles filiformes. Au passage, le second meurtre asséné au couteau sur le compagnon de Betty est sans doute le passage le plus brutal et sanglant du film. Argento utilisant à nouveau toute sa maestria technique pour impressionner avec une cruauté fertile son abominable homicide occasionné par un tueur machiavéliquement pervers (le couteau acéré pénétrant dans la gorge du témoin pour ressortir ensuite par la cavité buccale au travers de sa dentition !). Spectacle morbide assuré en bonne et due forme donc, qui plus est d'une singularité à toute épreuve ! 


Quelques instants plus tard, un autre crime cinglant aura bien lieu lorsqu'une balle de revolver transpercera l'oeil d'une victime cloîtrée sur l'orifice d'une serrure de porte ! Toutes ses séquences mises en scène avec un art consommé du brio technique demeurant ébouriffantes et jamais gratuites au sein d'une intrigue équivoque peu à peu intelligible. Captivant et déroutant d'après l'ambition expérimentale d'Argento tentant de se renouveler à travers un argument sado-maso de psycho-killer redoutable, Opera nous entraine dans un tourbillon de séquences vertigineuses où la misogynie est à nouveau abordée avec un brin d'originalité pour les étroits rapports du tueur et de la victime. Ainsi, de par sa fulgurance formelle omniprésente (superbe photo opaque à l'appui), Opéra trouble, inquiète, magnétise, dérange, séduit de par sa poésie épurée d'images morbides en constante mutabilité. C'est d'ailleurs sans nul doute l'une des oeuvres les plus maîtrisées du maître d'un point de vue technique sachant qu'il demeure ici en roue libre à exploiter sa caméra de toutes les manières alambiquées possibles et inimaginables. La musique hybride alternant le classique occidental de Verdi et la violence hard-rock renforçant l'aspect déroutant de l'entreprise, à l'instar de son onirisme féérique intervenant subitement lors de l'épilogue et faisant écho au splendide Phenomena (en tenant compte notamment de la beauté ténue de l'actrice soudainement candide passés les éclairs cuisants de sauvagerie !). Et ce de manière crédible, en accord avec le dénouement de l'intrigue criminelle. Enfin, l'idée incongrue de plonger l'univers emphatique de l'opéra au sein d'un psycho-killer franc-tireur converge au spectacle vu nulle part ailleurs. Tant et si bien qu'Opera semble aujourd'hui encore plus percutant et fascinant qu'autrefois de par sa densité émotionnelle aussi diaphane qu'attirante que l'actrice principale (décriée à l'époque) renforce à travers son jeu de fragilité virginale. C'est dire si à l'époque il était en avance sur son temps pour proposer à son public fétichiste un spectacle innovant dénué d'artifices grossiers ou éculés et encore moins de prétention auteurisante (même s'il s'agit bien d'un véritable film d'auteur !). Argento, intègre, motivant et passionné, prouvant une ultime fois son amour pour un cinéma d'horreur créatif, réelle expérience d'une beauté morbide sans égale à vivre en communauté de fans.  


Ouvre les Yeux.
Opera est donc peut-être le dernier grand film du maestro à redécouvrir fissa dans sa version HD immaculée tant il semble renaître sous un jour plus neuf, ouvert et radieux. Pour se faire, nous ne remercierons jamais assez la contribution passionnelle du Chat qui fume.
  
*Eric Binford
09.07.21. 5èx
13.09.11.