jeudi 22 septembre 2011

SERIE NOIRE


d'Alain Corneau. 1979. France. 1h55. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant, Bernard Blier, Jeanne Herviale, Andreas Katsulas, Charlie Farnel, Samuel Mek, Jack Jourdan, Fernand Coquet.

Sortie en salles en France le 25 Avril 1979. U.S. 25 Juin 1982.

FILMOGRAPHIE: Alain Corneau est un réalisateur français né le 7 aout 1943 à Meung sur Loire (Loiret), décédé dans la nuit du Dimanche 29 au Lundi 30 Aout 2010 à Paris.
1974: France société anonyme, 1976: Police Python 357, 1977: La Menace, 1979: Série Noire, 1981: Le Choix des Armes, 1984: Fort Saganne, 1986: Le Môme, 1989: Nocturne Indien, 1991: Tous les Matins du Monde, 1995: Le Nouveau Monde, 1997: Le Cousin, 2000: Le Prince du Pacifique, 2002: Stupeur et tremblements, 2005: Les Mots Bleus, 2007: Le Deuxième Souffle, 2010: Crime d'Amour.


Après deux mémorables polars, Alain Corneau porte à l'écran en 1979 le roman de l'américain Jim Thompson paru dans la collection "série noire", sous le titre Des Cliques et des Claques. S'il n'a rencontré qu'un demi-succès d'estime (890 578 entrées au compteur), ce chef-d'oeuvre porté par le talent halluciné de Patrick Dewaere va entraîner au fil des années une réputation de classique impérissable. Franck Poupart est un représentant de commerce incapable de boucler ses fins de mois, faute d'un patron sans scrupule. Vivant dans un foyer précaire en compagnie d'une femme délaissée, il rencontre au hasard de sa clientèle une sexagénaire cohabitant avec sa nièce de 16 ans, Mona. Cette jeune fille est une prostituée aigrie contraint de racoler contre l'autorité de sa tante. Ils tombent communément amoureux. Un jour, elle lui dévoile que la mégère camoufle sous son toit les économies d'une grosse somme d'argent. Ensemble, ils décident de comploter un traquenard pour la dérober.


Alain Corneau, plus inspiré que jamais, nous entraîne ici dans une sordide descente aux enfers sur fond de misère sociale. Ce profil d'un quidam paumé et désoeuvré nous éprouve durant près de 2 heures lors d'une implacable série noire à l'atmosphère dépressive difficilement respirable. Car on nous dresse ici le portrait pathétique d'un homme au bord de la crise de nerf, un sociopathe au confins de la folie humaine car rongé par l'amertume, la morosité de son environnement insalubre, le désespoir de perdurer une existence toujours plus nécrosée. Conscient de sa défaite sociale défavorisée par un patron intransigeant, et lucide de son incapacité à redresser sa situation conjugale, Franck est sur le point d'exploser les barrières de sa moralité pour se laisser dériver vers le meurtre crapuleux. Fantasmant une vie plus autonome et harmonieuse en compagnie d'une mineur mutique de 16 ans, ils vont préméditer un double homicide afin de soutirer une grosse somme d'argent à une rombière. Avec la fausse complicité d'un acolyte d'origine étrangère, Franck décide de se servir de son ami inculte pour mieux feindre sa pitoyable combine et ainsi se déculpabiliser de l'achèvement des odieux crimes.


Baignant dans une ambiance glauque et poisseuse, Serie Noire nous imprègne viscéralement de son environnement en décrépitude à proximité d'une banlieue parisienne engluée par la montée du chômage et de la délinquance. Avec ce portrait jusqu'au-boutiste d'un badaud misérable davantage insidieux et lâche, ce polar rugueux parfois caustique (l'humour tacite provoque parfois l'hilarité) transcende l'illustration d'un fait divers crapuleux de par la déshumanisation d'un acteur de génie, Patrick Dewaere. Un monstre sacré proprement habité par son personnage de marginal erratique à la limite de la démence. Toute la narration s'orientant sur sa dimension psychologique tributaire d'une déchéance sociale miséreuse. L'acteur transi de sentiment misanthrope nous dévoilant ouvertement un festival de gestuelle et mimiques engagées sur l'insolence et l'impertinence d'une crise identitaire. Secondé par Marie Trintignant, l'actrice se fond dans la peau d'une potiche à la mine aussi renfrognée que timorée mais peu à peu éprise d'amour. Myriam Boyer se révèle touchante à endosser le rôle d'une épouse mal aimée incapable d'assumer son statut conjugal de bonne à tout faire ! Enfin, en patron véreux exécrable, Bernard Blier exacerbe à merveille son caractère cynique d'exploiter sans modération un ouvrier en perdition.

                                     

Traversé de célèbres tubes pop des années 70, mis en scène avec souci d'authenticité et transcendé par la prestance écorchée vive de Patrick Dewaere, Série Noire s'achemine au chef-d'oeuvre pour nous noyer dans une misère humaine en décrépitude. Le tableau sinistrosé d'un marginal annihilé par le système. L'un des portraits (humains) les plus durs et cruels que nous ait enfanté le cinéma français. 

A Patrick...

22.09.11
Bruno Matéï


4 commentaires:

  1. Pour moi, l'un des derniers grands films français. Thompson revu par Corneau au meilleur de son inspiration, qui ose lâcher Dewaere sans filet - c'est à dire, de l'aveu même du cinéaste, dans des séquences où l'improvisation est reine - flanqué du géant international Andreas Katsulas. C'est du cinoche rare, baffe dans la gueule, jouissif à tous les degrés. Dans un univers gris pourri, un gars médiocre coincé dans une vie merdeuse à Ici-Nulle part sur Gogues s'amourache d'une lolita autiste, prostituée par une vieille tante ignoble et vénale... Il n'y avait presque que Thompson pour écrire ça. La négation désabusée du bien être, de l'espoir rose dondon, du vomis publicitaire, des lendemains qui chantent sous influence, de toute forme d'ambition ridicule. Un monde sans Dieu saturé de variété pop qui tente vulgairement de nous convaincre du contraire. Noir est le Thompson. Noir est le roman. Corneau en rajoute une couche avec le grand Patrick comme impossible rébellion survoltée et qui gesticule à vide. L'anthologie marque chaque situation comme quasiment chaque réplique. Plus c'est sordide, plus c'est méchant, plus c'est drôle... De ces drôleries crispantes que seuls les grands artistes sont capables de faire ressentir à l'habitant du fauteuil. Et Tikidès..? Hein ? Tikidès ?

    "Tu chies dans la colle, Tikidès, mon pote !"

    Un chef-d’œuvre, "Série Noire"..? Yes, sir!

    Mona... Ma p'tite Mona...

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  2. Je l'ai revu il y a une paire de mois et je n'ai toujours pas accroché.
    La seule présence de Deweare à motivé la révision de
    ce film. Il pourrait joué un rôle de vendeur de string à Kaboul ou un coiffeur astronaute que je regarderai cet électron libre investir ces personnages avec délectation.

    L'affiche du film annonce la couleur et tient ses promesses, mais le scénario était trop mince à mon gout et je m'y ennui chaque fois de côté là.
    Bizarrement J'ai une synapse qui vient de broyer un neurone ( il m'en reste un peu) et me fait rapprocher
    ce film à " Henry " …De loin je vous l'accorde…. Etrange réminiscences corticales d'un bulbe fatigué..
    sans aucun doute.

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  3. @ Bruno
    Mon ordi a lâché peu de temps après avoir pondu le commentaire ! J'te jure ! Enfin, j'ai piqué çui-ci à la vioque de Mona !
    Merci, l'ami Bruno.

    @ lirandel
    What?!!! Heureusement que tu m'as bien fait marrer avec ton vendeur de string à Kaboul !

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