mardi 20 novembre 2012

DES HOMMES SANS LOI (Lawless)

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site bd-sanctuary.com

de John Hillcoat. 2012. U.S.A. 1h55. Avec Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Jessica Chastain, Gary Oldman, Guy Pearce, Mia Wasikowska, Dane DeHaan, Noah Taylor.

Sortie salles France: 19 Mai 2012 (festival de Cannes). 12 Septembre 2012. U.S: 29 Août 2012

FILMOGRAPHIEJohn Hillcoat est un cinéaste australien, né en 1961 au Queensland
1988: Ghosts... of the Civil Dead
1996: To have and to Hold
2005: The Proposition
2009: La Route
2012: Des Hommes sans loi


En 2009, John Hillcoat s'était fait connaître avec un road movie post-apo d'une grande intensité dramatique. Trois ans plus tard, il change de cadre et de registre pour nous remonter à une lointaine époque. Celle de l'Amérique des années 30 pour l'évocation familiale de gangsters ayant réellement (sur)vécu durant la prohibition. Epaulé par une pléiade de stars notoires livrant des numéros d'acteurs indéfectibles (mentions spéciales pour Guy Pierce, proprement abjecte dans le rôle gouailleur d'un agent vénal, et la présence flegmatique de Tom Hardy dans celui d'un gangster robuste mais loyal), Des Hommes sans Loi est malencontreusement desservi par un scénario sans surprise et prévisible.

En 1931, en Virginie, la famille Bondurant exerce des activités illicites de contrebande pour la revente d'alcool librement interdite. Un nouvel agent spécial du nom de Charly Rakes décide de leur déclarer la guerre après que ceux-ci aient refusés une offre inéquitable de partage des gains. Mais les frères Bondurant, que l'on surnomme les indestructibles, sont prêt à tenir tête à l'entreprise de ce maître chanteur et se battre jusqu'à la mort pour leur orgueil. 


Superbement photographié dans ses nuances solaires et parfois même émaillé d'éclairs de poésie limpide au sein de sa nature bucolique, Des Hommes sans Loi nous retrace la lutte sans merci de trois frères baroudeurs particulièrement obtus pour se mesurer contre l'autorité d'une police véreuse en affiliation avec des gangsters sans vergogne. Avec le talent épidermique d'interprètes à la gueule burinée ou au minois timoré, cette nouvelle chronique d'une famille de paysans en ascension réussit facilement à créer l'attachement face à leur relation fraternelle éprise d'ambition élitiste. Si on se prend immédiatement de sympathie pour le jeune Jack Bondurant (Shia LaBeouf) dans sa bonhomie naïve à daigner devenir un trafiquant aussi notoire qu'Al Capone, la redondance des faibles enjeux alloués à cette inlassable guérilla manque inévitablement de densité dramatique et de sens épique. Et cela en dépit des innocents sacrifiés ! Pour accorder une certaine dimension humaine à l'intrigue éculée, on éprouve tout de même un intérêt progressif à suivre le cheminement hasardeux du jeune Jack, engagé contre son gré dans une vengeance erratique pour prouver sa bravoure. Face à l'autorité du frère aîné Forrest (Tom Hardy), véritable leader pugnace à la vulnérabilité quasi imputrescible, le spectateur éprouve également une fascination virile prédominante. Ajoutez aussi le charme naturel de Maggie (Jessica Chastain) en compagne férue d'affection pour l'aîné, et surtout la présence outrée de l'agent Charlie Rakes (Guy Pearce à contre-emploi !), dans celui d'un agent épouvantablement couard, et vous obtenez l'évocation sanglante d'une fratrie quasi invincible. Par contre, on regrettera la discrète apparition incisive de Gary Oldman en gangster notable intraitable, digne successeur d'Al Capone !


Jalonné de séquences d'action homériques plutôt attractives, John Hillcoat réussit in extremis à insuffler une certaine efficacité dans la narration conventionnelle allouée à l'honneur fraternelle. D'autant plus que la violence extrême émanant des nombreux règlements de compte est exacerbée par une verdeur dérangeante. Correctement mené, Des Hommes sans loi se regarde donc avec un plaisir (coupable ?) perfectible et sa brutalité parfois insupportable renforce la véracité des faits énoncés. Celle d'une époque où la prohibition avait déclenché un vent de terreur et de corruption chez des arrivistes sans déontologie. 

20.11.12
Bruno Matéï


vendredi 16 novembre 2012

A PERDRE LA RAISON. Prix d'interprétation Féminine, Cannes 2012

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Joachim Lafosse. 2012. Belgique. 1h51. Avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim, Stéphane Bissot, Mounia Raoui, Redouane Behache, Baya Belal.

Sortie salles France: 22 Août 2012

Récompense: Prix d'Interprétation Féminine pour Emilie Dequenne, dans la catégorie: Un Certain Regard.

FILMOGRAPHIE: Joachim Lafosse est un cinéaste, scénariste, dramaturge et metteur en scène de théâtre belge, né le 18 Janvier 1975 à Uccle.
2004: Folie Privée
2006: Ca rend heureux
2006: Nue Propriété
2008: Elève Libre
2012: A perdre la Raison


Inspiré d'une sordide affaire d'infanticide survenue en Février 2007, A perdre la raison décrit la lente descente dans la folie d'une mère de famille, épouse de quatre enfants.
Dans un climat austère, pesant et dépressif, le réalisateur belge Joachim Lafosse nous convie à une dérive psychotique vis à vis d'une femme démunie car trop esseulée pour se raccrocher à un soutien psychologique. Epouse d'un marocain impassible subjugué par son travail, Muriel est contrainte de partager sa vie conjugale parmi la présence du père adoptif de Mounir, le médecin Pinget. Au fil des mois, après quelques accrochages intempestifs vis à vis de leur autonomie et de la postérité des enfants, le couple décide de s'exiler au Maroc avec l'accord de Pinget. Pour tenter de soigner sa dépression et sous la recommandation du paternel de Mounir, Murielle part consulter une psychologue. Mais une sévère discorde d'ordre relationnelle contraint la jeune femme à endiguer ses futures séances de thérapie. En perte de repères, étouffée par la présence envahissante de Pinget et ses quatre enfants et délaissée par un mari inexistant, Murielle perd pied et sombre dans la folie. Jusqu'à commettre l'irréparable...


Photographie clinique, atmosphère anxiogène suffocante et hyper réalisme d'une mise en scène acérée impliquent le spectateur de manière sensitive vers une introspection mentale d'une jeune mère de famille névralgique. Le climat tendu entretenu au sein du couple et la relation en demi-teinte qu'ils doivent consentir avec le Dr Pinget rendent leur labeur péniblement inconfortable. Ce sentiment de claustration est d'autant plus lourd à supporter que les interprètes du film, exceptionnels de véracité, exacerbent cette déchéance conjugale en chute libre. Outre les prestances probantes de Niels Arestrup (impressionnant d'ambiguïté dans sa spontanéité affable !) et du surdoué Tahar Rahim (révélé dans le multi-césarisé Un Prophète), une mention particulière est indubitablement impartie à la performance criante de vérité d'Emilie Dequenne (louablement récompensée à Cannes !). Dans une froideur désespérée, elle retransmet avec une acuité neurotique le rôle chétif d'une mère de famille totalement désemparée par son environnement cafardeux dont personne ne semble éprouver une moindre empathie.


Remarquablement mis en scène avec un souci de réalisme proche du docu vérité et dominé par la prestance de trois comédiens époustouflants de conviction, A perdre la raison est un drame familial d'une noirceur et d'un désespoir péniblement supportable. Le climat dérangeant et le malaise diffus que le réalisateur véhicule avec application rendent le film finalement antipathique et beaucoup trop austère. A conseiller avec beaucoup de réserve et prudence.

16.11.12
Bruno Matéï

La polémique des intéressés (Source Wikipedia): Bien qu'il n'ait pas vu le film, Bouchaïb Moqadem, le père des enfants de Geneviève Lhermittte, l'a critiqué en le décrivant comme "insulte à la mémoire de mes enfants." Il a ajouté, "J'ai le droit à l'oubli. Cet assassinat et ce massacre gratuit sont inexplicables. Comment peut-on alors l'expliquer avec un artiste ?". Le Dr. Schaar qui a inspiré le personnage joué par Niels Arestrup s'est également indigné par rapport au film, "C'est faire du fric sur cinq cadavres d'enfants". Il estime que Joachim Lafosse "a fait preuve d’un manque d’empathie vis-à-vis des enfants morts et se fout complètement des protagonistes vivants."En mai 2010, les deux intéressés s'étaient déjà vivement opposés à la réalisation du projet et avaient par la suite réclamé un droit de regard sur l'œuvre qui leur a été refusé.


jeudi 15 novembre 2012

L'ARBRE DE NOEL (The Christmas Tree / When Wolves Cry)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site femme-de-sable.skyrock.com

de Terence Young. 1969. Italie/France. 1h48. Avec William Holden, Brook Fuller, Bourvil, Virna Lisi, Madeleine Damien, Friedrich von Ledebur, Mario Féliciani, Michel Thomass, Georges Douking.

Sortie salles France: 15 Octobre 1969

FILMOGRAPHIE: Terence Young est un réalisateur et scénariste britannique, né le 20 Juin 1915 à Shangaï (Chine), décédé le 7 Septembre 1994 à Cannes (France) d'une crise cardiaque.
1946: La Gloire est à eux. 1948: l'Etrange Rendez-vous. 1948: One night with you. 1949: Les Ennemis Amoureux. 1950: Trois des Chars d'Assaut. 1951: La Vallée des Aigles. 1952: The Tall Headlines. 1953: Les Bérets Rouges. 1955: La Princesse d'Eboli. 1955: Les Quatre Plumes Blanches. 1956: Safari. 1956: Zarak le valeureux. 1957: Au bord du Volcan. 1958: La Brigade des Bérets noirs. 1959: Serious Charge. 1960: Les Collants Noirs. 1960: La Blonde et les nus de Soho. 1961: Les Horaces et les Curiaces. 1962: James Bond contre Dr No. 1963: Bons baisers de Russie. 1965: Les Aventures amoureuses de Moll Flanders. 1965: Guerre Secrète. 1965: Opération Tonnerre. 1966: Opération Opium. 1967: Peyrol le boucanier. 1967: La Fantastique Histoire vraie d'Eddie Chapman. 1967: Seule dans la nuit. 1968: Mayerling. 1969: l'Arbre de Noel. 1970: De la Part des Copains. 1971: Soleil Rouge. 1972: Cosa Nostra. 1974: Les Amazones. 1974: The Klansman. 1977: Woo fook. 1979: Liés par le sang. 1981: Inchon. 1983: La Taupe. 1988: Run for your Life.


Classique télévisuel des fêtes de fin d'année, ce mélodrame conçu par un vétéran du cinéma populaire garde intact son impact émotionnel quand il s'agit de nous faire partager les derniers instants de vie d'un enfant atteint de leucémie. D'après le roman de Michel Bataille, ce réquisitoire contre le péril nucléaire ne peut laisser indifférent face à l'iniquité de la maladie incurable, surtout quand elle décide de s'acharner sur une personne du plus jeune âge. Indubitablement, certains spectateurs réfractaires à ce genre de mélodrame trouveront toujours matière à reprocher sa dramaturgie emphatique. Pourtant, il s'agit ici d'une oeuvre intègre et sensible, réfutant le pathos racoleur, alors que la brutalité de son épilogue irréversible surprend par sa radicalité. Avec les poignantes compositions de William Holden , Virna Lisi, le petit Brook Fuller et l'aisance naturelle de Bourvil (dans un rôle à contre-emploi), Terence Young nous expose un conte de noël bouleversant et désenchanté. Si le discours moralisateur sur les dangers du nucléaire se révèle peut-être un brin caricatural, la leçon de dignité que nous véhicule le réalisateur emporte tout sur son passage pour évoquer avec pudeur la quotidienneté d'une famille unie, délibérée à combler les attentes d'un enfant conscient de sa déveine. Et pour s'accommoder à cette injustice inacceptable, nos protagonistes se réconfortent donc sur l'instant présent de l'existence afin de prodiguer sans modération l'amour qu'un enfant fustigé doit récolter. Profiter pleinement de l'épanouissement en communauté avant de devoir se confronter à la perte de l'être cher. De manière latente, le réalisateur illustre notamment l'angoisse contenue du point de vue de la famille redoutant la fin inéluctable quand bien même le malade, conscient de sa déchéance, est intrinsèquement épris d'une anxiété viscérale.


Sous un climat hivernal rigoureux au confins des fêtes de Noel, Terence Young introduit notamment une nuance poétique teintée de mélancolie lors de la relation fraternelle que Pascal va entretenir avec un couple de loups. Des mammifères sauvages que son père Laurent et Verdun auront décidé de dérober en interne d'un zoo afin d'exaucer un voeu utopiste. Outre son sujet grave alloué au thème de la pathologie incurable et les effets pervers du danger atomique, l'Arbre de Noel doit son acuité émotionnelle à l'harmonie commune de ses interprètes. Dans le rôle de Pascal, le jeune Brook Fuller ne peut qu'émouvoir en tant qu'enfant martyr destiné à mourir. Mais il trouve le juste équilibre à extérioriser une gentillesse spontanée et une maturité responsable sans appuyer sur la corde sensible. Dans celui du comparse prévenant à la bonhomie naturelle, Bourvil surprend par sa sobriété pour transmettre son indignation et sa peine face aux conséquences délétères du péril nucléaire. En maîtresse férue d'amour pour sa nouvelle liaison avec Laurent, la ravissante Virna Lisi entretient une présence discrète à s'isoler volontairement dans son pavillon afin de ne pas perturber l'équilibre de Pascal. Mais une femme avenante pourvue d'un esprit maternel lorsqu'elle décide de rejoindre Pascal et Laurent réfugiés à la maison de campagne pour la veillée de Noel. Enfin, William Holden donen chair à son personnage avec une poignante conviction en homme d'affaires plein de rancoeur pour la bêtise humaine mais féru d'amour pour son enfant. Un paternel altruiste délibéré à le combler avec un florilège de cadeaux tout en lui imputant la tendre compagnie de loups sauvages.


Hormis quelques maladresses et une certaine naïveté lors de certains dialogues, l'Arbre de Noël demeure un mélodrame humble et bouleversant dont l'issue cinglante, tragiquement irréversible, nous ébranle de plein fouet jusqu'au trauma. Soutenu de l'illustre mélodie de Narciso Yepes, ce conte de noël à la mélancolie vulnérable reste une leçon de dignité humaine pour prémunir l'être aimé... Jusqu'au dernier souffle... 

15.11.12. 4èx
@ Bruno

                                          

mercredi 14 novembre 2012

Outland

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site alapoursuitedu7emeart.over-blog.net

de Peter Hyams. 1981. U.S.A. 1h49. Avec Sean Connery, Peter Boyle, Frances Sternhagen, James Sikking, Kika Markham, Clarke Peters, Steven Berkoff.

Sortie salles France: 2 Septembre 1981. U.S: 22 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Peter Hyams est un réalisateur et scénariste américain, né le 26 Juillet 1943 à New-York (Etats-Unis). 1974: Les Casseurs de Gang. 1974: Our Time. 1976: Peeper. 1978: Capricorn One. 1979: Guerre et Passion. 1981: Outland. 1983: La Nuit des Juges. 1985: 2010. 1986: Deux Flics à Chicago. 1988: Presidio. 1990: Le Seul Témoin. 1992: Stay Tuned. 1994: Timecop. 1995: Mort Subite. 1997: Relic. 1999: La Fin des Temps. 2001: D'Artagnan. 2005: A Sound of Thunder. 2009: Présumé Coupable. 2013: Enemies Closer. 


"Sur la planète Jupiter, des hommes travaillent. La mort aussi..."
Inspiré du Train sifflera trois fois, Outland est un western futuriste dont l'action est délocalisée sur une station minière de Jupiter. Le pitch: Sur place, un nouveau shérif fédéral est recruté pour le maintien de l'ordre pendant que les ouvriers exécutent leur tâche de chantier. Mais une série d'incidents meurtriers vont l'interpeller pour l'orienter vers un démantèlement de trafic de drogue. Le régisseur de ce réseau de métamphétamine décide alors d'envoyer des tueurs pour le supprimer. A travers ce scénario simpliste, Peter Hyams exploite parfaitement l'originalité de ces décors industriels érigés sous une colonie minière en confrontant son héros flegmatique vers un survival intense auprès de son sens du suspense en ascension. Outland, c'est d'abord une immersion totale sur une planète hostile dont le climat étouffant et opaque s'apprivoise naturellement dans l'esprit du spectateur. C'est ensuite une course contre la montre magistralement dirigée et dominée par la prestance du monstre sacré, Sean connery à la sobriété infaillible. Seul contre tous (même si assisté d'une médecin légiste caractérielle), l'homme indéfectible dans ses valeurs devra user de subterfuge et vaillance afin de contrecarrer ses adversaires. 


La densité du récit est notamment impartie à la dimension psychologique de ce personnage intègre, délibéré à retrousser ses manches depuis que ses alliés ont démissionné par preuve de lâcheté. Démuni et dubitatif (sans parler d'une contrariété conjugale aussi poignante qu'attachante !) mais pourvu d'un héroïsme digne pour honorer sa déontologie, Outland transcende le portrait d'un shérif partagé entre sa crainte d'échouer et sa hargne de vaincre. En pourfendeur, Peter Hyams préfigure également l'avènement de la drogue infiltrée au sein de l'entreprise pour mettre en exergue l'exploitation des prolétaires par ces entrepreneurs sans scrupule où le souci de rentabilité prime. Là où des mains d'oeuvre éreintées par un labeur de longue haleine s'approvisionnent en substance illicite afin de pouvoir tenir le coup et ainsi décupler le chiffre d'affaires. La dernière demi-heure particulièrement fertile en péripéties spectaculaires utilise judicieusement le décompte d'un compte à rebours présageant les duels à venir. Tandis que les décors grandioses confinés vers les remparts externes de la station impressionnent par leur réalisme à la fois dantesque et géométrique. L'action impartie aux altercations ne faisant jamais preuve d'outrance en incitant au vertige lorsque notre héros, affublé d'une combinaison, doit s'agripper sur un chantier électrifiée pour tenter de déjouer les assassins confinés en interne de la station.


Dominé par la présence virile d'un Sean Connery pugnace mais humainement indécis à travers son choix cornélien, Outland est un solide western galactique à l'esthétisme hermétique et à l'efficacité narrative redoutable. En outre, il transcende sans esbroufe le portrait d'un héros inscrit dans la probité mais seul contre tous pour attester de la lâcheté de l'homme jamais avare de corruption, même dans l'espace. Un classique toujours aussi magnétique captivant.

*Eric Binford
16.08.21. 5èx
14.11.12.                     

mardi 13 novembre 2012

INSIDE (La Cara Oculta)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

d'Andrés Baiz. 2011. Espagne/Colombie. 1h37. Avec Martina Garcia, Quim Gutiérrez, Clara Lago

Sortie salles France: 4 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Andrés Baiz est un réalisateur, monteur, scénariste et producteur espagnol, né le
2000: Payaso Hijueputa. 2006: Penumbra. 2007: Satanas. 2007: Hoguera. 2008: Passing By. 2009: Love Film Festival. 2011: Inside.


«Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux.» Henri Georges Clouzot.

Passé inaperçu lors de sa discrète sortie dans l'hexagone, Inside est un thriller hitchcockien particulièrement machiavélique et bien ficelé. A travers la relation amoureuse d'un potentiel coureur de jupon suspecté par la police d'être l'auteur de la disparition de sa petite amie, Andrés Baiz débute sa conspiration de manière orthodoxe. L'amant en question est un séduisant chef d'orchestre délibéré à bâcler furtivement son deuil sentimental dans les bras d'une autre conquête féminine, Fabiana. Installée dans sa demeure bourgeoise, la jeune fille ne va pas tarder à être témoin d'étranges phénomènes en interne de la salle de bain. Un bourdonnement se fait écho dans la bouche du lavabo, une eau limpide laisse un sillage au contact inexplicable d'une vibration, alors que le jet de la douche s'élève subitement à une température ardente ! S'agit-il d'une apparition surnaturelle ? Adrian est-il le responsable de ces étranges anomalies et surtout a t'il assassiné son ancienne petite amie ? Bien qu'une enquête sous-jacente suit son court par deux inspecteurs de routine, un astucieux flash-back inopiné nous est divulgué pour mieux comprendre la relation conjugale qu'Andrian entretenait avec son idylle antécédente. Cette réminiscence est illustrée du point de vue d'un seul personnage pour nous dévoiler un rebondissement incongru vis à vis d'une configuration d'un lieu de la demeure (clef à l'appui !).


En jouant de prime abord sur le folklore surnaturel de la hantise, Andrés Baiz renchérit son intrigue indocile au bénéfice d'une soudaine preuve en privilégiant un suspense en crescendo dans la claustration d'un huis-clos bicéphale. ATTENTION SPOILER !!! Sur les thèmes de la jalousie, la suspicion, la rancune et la vengeance, le réalisateur confronte ses personnages féminins à leurs instincts égoïstes les plus pervers pour tenter de s'approprier un amant potentiellement infidèle.
A sa première demi-heure conventionnelle, Inside se révèle ensuite sous un aspect plus détonant dans sa confection d'une machine à suspense implacable. Cette rivalité insidieuse entre deux femmes pugnaces nous illustre avec masochisme un diabolique jeu de miroir au cours duquel leur égotisme intrinsèque va sérieusement compromettre leur autonomie. L'épilogue d'une cruelle ironie dans l'inversion des rôles impartis redouble de perversité sournoise pour extérioriser une rancoeur vindicative. Une manière pernicieuse d'autant plus furibonde que l'amant infidèle sera confronté à une riposte fortuite et devra tenter de découvrir l'utilité d'une clef énigmatique. FIN DU SPOILER


Les Diaboliques 
Dominé par la sobriété des comédiens juvéniles, jouissif en diable dans cette rivalité à double tranchant et davantage tendu par sa claustration imposée, Inside est un excellent thriller utilisant à bon escient le vase clos d'une demeure hantée par le spectre nazi.

P.S: Evitez à tous prix la bande annonce explicite dénuée de scrupule !

13.11.12
Bruno Matéï

lundi 12 novembre 2012

LOOPER

                                     Photo empruntée sur google, appartenant au site cinemateaser.com

de Rian Johnson. 2012. U.S.A. 1h58. Avec Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Bruce Willis, Paul Dano, Pierce Gagnon, Piper Perabo, Noah Segan, Jeff Daniels.

Sortie salles France: 31 Octobre 2012.  U.S: 28 Septembre 2012

FILMOGRAPHIE: Rian Johnson est un réalisateur et scénariste américain, né le 17 Décembre 1973 dans le Maryland (Etats-Unis).
2005: Brick
2008: Une Arnaque presque parfaite
2012: Looper


Succès surprise de cette fin d'année, le troisième long-métrage de Rian Johnson est un récit d'anticipation érigé sur une boucle spatio-temporelle. En 2044, le looper, un tueur à gages, est chargé d'assassiner des quidams envoyés du futur par une organisation secrète. Un jour, il retombe sur son double, plus âgé de 30 ans, qui réussit à lui échapper. Joe va tout tenter pour le retrouver au péril de sa vie. Récit de science-fiction dialectique illustrant avec modestie un monde futuriste aléatoire (comme le soulignait par exemple Bienvenu à Gattaca)Looper doit son mérite à la structure narrative d'un scénario aussi finaud et original que confus et passionnant. Sans daigner dévoiler les multiplies rebondissements qui jalonnent l'intrigue, cette série B lestement pensée possède l'atout majeur de nous surprendre au fil de son cheminement sinueux. Parmi l'ambiance en demi-teinte d'une société futuriste totalitaire, un tueur à gages doit combattre son double pour sauver sa propre vie. A contrario, cette réplique plus âgée de 30 ans va tout envisager pour convaincre le looper que sa future destinée amoureuse est mortellement compromise par son supérieur doués de pouvoirs télékinésiques.


Le but de leur mission est donc de retrouver dans l'heure actuelle l'enfant prodige prochainement proclamé le Rainmaker. Ce fameux leader recrutant des loopers du passé pour supprimer les témoins gênants du futur envoyés dans une machine spatio temporelle. On n'en dira pas plus pour l'intrigue savamment charpentée afin d'en préserver toute sa richesse, mais sachez que Looper ne cesse de surprendre dans son contexte temporel, notamment grâce aux attitudes équivoques de nos protagonistes. Cette complexité humaine chargée de doutes et de craintes, impartie à la moralité juvénile de Joe, renforçant l'aspect dramatique du sujet. Cette densité d'un enjeu alarmiste liée à la postérité d'un enfant est décuplée vers son point d'orgue fortuit, engendrant par la même occasion une belle allégorie sur l'éducation parentale Spoiler !!! ainsi qu'une leçon de dignité sur le sens du sacrifice. Fin du Spoiler. Non exempt de cocasserie subtile et de clins d'oeil allusifs à la saga Terminator, Looper fourmille de péripéties haletantes sans toutefois charger la donne dans l'esbroufe explosive. Sur ce dernier point, nombre de spectateurs qui s'attendaient au blockbuster estampillé "Bruce Willis" pourraient être déçus par son aspect dépouillé. Privilégiant plutôt le suspense lattent ainsi qu'une caractérisation de personnages interlopes impliqués dans une traque rivale, Rian Johnson traite de l'enjeu l'humain face à sa filiation lorsqu'une personne est délibéré à prémunir ce qu'il a de plus cher au monde.


Dans une réalisation inventive d'une grande sobriété (les gunfights spectaculaires sont parfois audacieusement édulcorés par la technique du hors-champ !), Looper est une ellipse vertigineuse
culminant vers un final clairvoyant. Emaillé de plages de poésie surnaturelle (les expériences fulminantes de l'enfant chorégraphiées en slow motion) et désincarné d'un environnement aseptisé, Looper transcende (sans fioriture) la prise de conscience d'un orphelin épris d'altruisme dans son cheminement rédempteur.  

12.11.12
Bruno Matéï

vendredi 9 novembre 2012

TRANSAMERICA EXPRESS (Silver Streak)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Arthur Hiller. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Gene Wilder, Richard Pryor, Patrick McGoohan, Ned Beatty, Clifton James, Fred Willard, Len Birman.

Sortie salles France: 24 Août 1977 (1ère diffusion TV TF1: 15 Novembre 1981)

FILMOGRAPHIE: Arthur Hiller est un réalisateur et acteur canadien, né le 22 Novembre 1923 à Edmonton, Alberta (Canada). 
1955: Police des plaines. 1964: Les Jeux de l'amour et de la guerre. 1965: Promise her Anything. 1966: Tobrouk, commando pour l'enfer. 1966: Les Plaisirs de Pénélope. 1967: The Tiger Makes out. 1970: Escapade à New-York. 1970: Love Story. 1971: Plaza suite. 1971: L'Hôpital. 1972: l'Homme de la manche. 1975: The Man in the Glass Booth. 1976: Transamerica Express. 1979: Ne tirez pas sur le dentiste. 1979: Morsures. 1981: Making Love. 1982: Avec les compliments de l'auteur. 1987: Une Chance pas croyable. 1989: Pas nous, pas nous. 1990: Filofax. 1992: The Babe. 1997: An Alan Smithee Film.


Réalisateur éclectique qui aura touché à tous les genres mais aussi apporté sa contribution à diverses séries TV (la Famille Adams, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente), Arthur Hiller nous livre en 1976 l'un de ses meilleurs films avec Transamerica Express. Condensé d'action et de suspense, de romance et de comédie mais aussi de catastrophe vers son point d'orgue alerte, cet hommage facétieux aux intrigues hitchcockiennes constitue un divertissement de choix mené sur un rythme effréné ! Avec l'abattage de deux acteurs impayables à la complicité commune (Gene Wilder en gaffeur valeureux et Richard Pryor en cleptomane au grand coeur !), Transamerica Express nous entraîne dans une improbable course poursuite en interne ferroviaire et à proximité de contrées rurales. A bord du Transamerica, George Caldwell, pélerin sans histoire, tombe subitement amoureux d'une jeune secrétaire avant d'être le témoin aléatoire d'un meurtre. Rapidement, les dangereux criminels décident de l'évincer du train afin qu'il ne découvre leur subterfuge à subtiliser un professeur d'art par leur sosie. Pugnace à contrecarrer la manigance des malfaiteurs, George va tenter par tous les moyens d'avertir la police avant de se retrouver suspecté.


Avec l'élaboration d'un scénario solide ne cessant de rebondir parmi une série d'incidents fortuits, cette fantaisie endiablée multiplie les péripéties avec une dextérité peu commune. Avant tout érigé sous la légèreté de la comédie hilarante, le réalisateur ponctue son cheminement narratif de gags irrésistibles (George se maquillant le visage de cirage noir pour éviter que la police ne le reconnaisse, le flic amateur de séries TV incapable de comprendre qui est l'auteur des meurtres, George éjecté du train à trois reprises mais pourvu d'aubaine insensée pour pouvoir remonter à bord !). Mais Arthur Hiller nous conçoit notamment un récit policier ordonné alternant rixes explosives dans ses échanges de tirs entre gangsters et flics et exactions meurtrières pour les individus encombrants. Avec une vigueur et une bonne humeur fringante, Transamerica Express trouve le juste équilibre à affilier ses genres disparates. En prime, la romance allouée entre nos deux amants et son suspense progressiste culminant un dernier enjeu alarmiste vers le principe catastrophiste comblent le spectateur sans jamais faire preuve d'esbroufe inutile. L'intrigue savamment charpentée éludant la moindre digression pour, à contrario, crédibiliser au possible les vicissitudes de nos protagonistes inlassablement pourchassés.


Formidablement manoeuvré par un trio de complices extrêmement attachants (Wilder/Pryor/Beatty) et d'une engeance notable (le génialement pisse-froid Patrick McGoohan !), Transamerica Express est un modèle de loufoquerie mâtiné d'haletant suspense ! Et pour conclure de manière pétulante, son point d'orgue irréversible surprend et impressionne avec l'acuité spectaculaire d'un crash ferroviaire. En résulte un divertissement hybride incroyablement fougueux dans les genres lestement codifiés. Une totale réussite !

09.11.12. 4èx
BM