mardi 27 novembre 2012

LES REVOLTES DE L'ILE DU DIABLE (Kongen av Bastøy). Amanda 2011 du Meilleur Film Norvégien

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Marius Holst. 2010. Norvège/Pologne/Suède/France. 1h55. Avec Benjamin Hesltad, Trond Nilssen, Stellan Skarsgard, Kristoffer Joner, Trond Nilssen.

Récompense: Amanda 2011 du Meilleur Film Norvégien

Sortie salles France: 23 Novembre 2011. Norvège: 17 Décembre 2010

FILMOGRAPHIE: Marius Holst est un réalisateur, producteur et scénariste norvégien, né en 1965 à Oslo.
1990: Besokstid. 1994: Croix de bois, croix de fer. 1996: Lukten av mann. 1997: 1996: Pust pa meg !
2001: Oyenstikker. 2003: Tito ar dod. 2006: Kjoter (télé-film). 2007: Blodsband. 2010: Les Révoltés de l'île du diable.


Inspiré d'une histoire vraie, Les Révoltés de l'île du Diable retrace les conditions de vie drastiques d'une poignée de délinquants au sein d'un centre de redressement norvégien. Les évènements se déroulent sous un hiver réfrigérant de 1915. Le centre situé à Bastoy est implanté sur une île sous le commandement d'un directeur insidieux et d'un surveillant sadique. Mais l'arrivée d'une forte tête va peu à peu perturber leur hiérarchie et finalement déclencher une insurrection de grande ampleur.
Photo limpide contrastant avec son climat hivernal rigoureux, Les Révoltés de l'île du Diable est un puissant témoignage sur l'endurance de survie autant qu'un réquisitoire contre le despotisme d'une hiérarchie disciplinaire. Le sentiment d'isolement éprouvé au sein de cette île maudite laisse planer une solitude blafarde parmi le séminaire de jeunes désoeuvrés livrés aux pires corvées. Soumis à l'esclavage d'une discipline de fer et desservis par une alimentation précaire, les adolescents les plus arrogants sont notamment livrés à divers sévices corporels et humiliations par l'impassibilité d'un surveillant licencieux. Pour les plus opiniâtres d'entres eux avides d'évasion, l'isolement du cachot ou les travaux forcés pratiqués à proximité d'une forêt pluvieuse sont les punitions exemplaires afin de les dissuader d'une prochaine tentative.


Auscultant les conditions de vie tyranniques que vont subir ces jeunes délinquants durant plusieurs années d'emprisonnement, Marius Holst nous décrit avec un réalisme blafard cette descente aux enfers particulièrement abrupte. Majoritairement interprété par des comédiens débutants criants de vérité, la densité humaine qui émane de ses souffres douleurs nous émeut d'une manière terriblement empathique, d'autant plus qu'un ultime baroud d'honneur va laisser place à une rébellion belliqueuse. C'est en priorité vers la caractérisation de deux adolescents de prime abord contradictoires dans leur personnalité distinct qu'il s'attache à nous décrire leur calvaire mais aussi leur sens de camaraderie avec une affliction rude. En outre, à travers le discours moralisateur du directeur de prison (superbement incarné par un Stellan Skarsgârd castrateur), le réalisateur évoque sa lâcheté et son hypocrisie à oser tolérer un abus sexuel sur mineur sous couvert de bonne conscience. Vibrant témoignage de bravoure, de vaillance et d'honneur, ce portrait d'une adolescence souillée se révèle d'autant plus implacable par son impact effrayant qu'il est réellement inspiré d'évènements réels (comme le témoigne son générique de fin faisant défiler quelques photos d'archives où de vrais prisonniers juvéniles exerçaient des travaux de plantation !).


Elégie d'une fraternité inconsolable entre deux héros déchus, pamphlet contre le totalitarisme et témoignage édifiant sur la cruauté tolérée à de jeunes délinquants, Les Révoltés de l'île du Diable est une épreuve de survie d'une acuité émotionnelle cafardeuse. Son inévitable point d'orgue dramatique alloué au surpassement de soi et à la dignité humaine laisse en mémoire une conclusion amère sur l'intransigeance d'une société impitoyable.

Note subsidiaire: Le centre de détention de Bastøy, créé en 1900, est resté dans une discipline très stricte jusqu'en 1953, puis il est transformé en prison en 1970. Cette prison est maintenant un lieu d'expérimentation pour devenir la « première prison écologique au monde ».

27.11.12
Bruno Matéï 

lundi 26 novembre 2012

L'Etrange Créature du Lac noir (The Creature from the Black Lagoon)

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Jack Arnold. 1954. U.S.A. 1h19. Avec Richard Carlson, Julie Adams, Richard Denning, Antonio Moreno, Nestor Paiva, Whit Bissell, Sydney Mason, Bernie Gozier.

Sortie salles France: 13 Avril 1955. U.S: 5 Mars 1954

FILMOGRAPHIE: Jack Arnold est un réalisateur américain, né le 14 Octobre 1916, décédé le 17 Mars 1992. 1950: With These Hands. 1953: Le Crime de la semaine. 1953: Filles dans la nuit. 1953: Le Météore de la nuit. 1954: l'Etrange Créature du lac noir. 1955: La Revanche de la créature. 1955: Tornade sur la ville. 1955: Tarantula. 1955: Crépuscule Sanglant. 1956: Faux Monnayeurs. 1957: l'Homme qui Rétrécit. 1957: Le Salaire du Diable. 1958: Le Monstre des abîmes. 1958: Madame et son pilote. 1959: Une Balle signé X. 1960: La Souris qui rugissait. 1961: l'Américaine et l'amour. 1964: Pleins phares. 1969: Hello Down There. 1975: The Swiss Conspiracy.


Classique du monster movie des années 50 , l'Etrange Créature du lac noir marqua notamment une génération de cinéphile quand il fut autrefois projeté à la télévision dans le cadre de l'émission d'Eddie Mitchel, la Dernière Séance. Tous les spectateurs s'étaient alors empressés d'acheter une paire de lunette vendue avec le magazine Télé 7 Jours afin de pouvoir bénéficier de l'effet 3D escompté. Ce 19 Octobre 1982 fut donc une première en France pour l'exploitation du relief sur petit écran. Mais en dépit de son succès d'audience inévitable, l'expérience n'a pu être renouvelée, faute de l'inefficacité visuelle des lunettes assujetties aux filtres bleues et rouges. Dans la mouvance de King KongJack Arnold nous concocte un film d'aventures riche en péripéties lorsqu'une créature amphibie sème la terreur auprès de scientifiques partis en expédition amazonienne. En effet, après avoir découvert une main fossilisée, des chercheurs décident d'embarquer à bord d'un bateau pour rejoindre le lagon noir. C'est dans cette mystérieuse lagune qu'ils vont devoir se mesurer à l'hostilité d'un monstre aquatique ! 


Suspense lattent, exotisme et frissons ludiques sont les ingrédients inhérents d'un succès si mondialement célébré à travers le monde que deux autres suites furent rapidement mises en chantier. Bien entendu, si l'aspect effrayant de la créature peut aujourd'hui prêter à sourire, son pouvoir de fascination qu'il véhicule à travers son apparence mi-humaine, mi-amphibie, ainsi que la qualité des effets-spéciaux confectionnées à l'aide d'un costume en mousse de caoutchouc, n'ont rien perdu de sa poésie formelle. A l'instar de King-Kong, Jack Arnold accorde notamment une certaine empathie pour l'amertume esseulée du monstre, subitement épris d'affection pour Kay Lawrence, la jeune femme du Dr Reed. En outre, à travers le profil arrogant d'un rival mégalo (le Dr Mark Williams), il met en exergue l'avidité de l'homme délibéré à capturer une espèce inconnue pour son ego et sa quête métaphysique sur l'origine de l'univers. Il confronte par ailleurs l'intrusion désinvolte de chercheurs notables au sein d'un environnement sauvage où la nature était en parfaite harmonie.  Au fil des nombreuses estocades improvisées par la créature toujours plus coriace, la vigueur de la mise en scène s'impartie d'un rythme davantage haletant lorsque nos héros bloqués en interne de la lagune seront contraints de se défaire d'un barrage pour retrouver la liberté.


De par sa jolie photo monochrome, la dextérité d'une réalisation efficace, le talent de ses interprètes et surtout le magnétisme inquiétant du monstre amphibien, l'Etrange créature du Lac noir perdure son pouvoir attractif avec un charme naïf irrépressible. 

*Bruno
26.11.12

vendredi 23 novembre 2012

TROIS NOISETTES POUR CENDRILLON (Tri orísky pro Popelku)

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site niagara.sk

de Vaclav Vorlicek. 1973. Tchécoslovaquie/RDA. 1h22. Avec Libuse Safrankova, Pavel Travnicek, Carola Braunbock, Rolf Hoppe, Karin Lesch, Dana Hlavacova, Jan Libicek, Vitezslav Jandak, Jaroslav Drbohlav, Vladimir Mensik.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE (wikipedia): Vaclav Vorlicek est un réalisateur tchèque, né le 3 Juin 1930 à Prague.
Il joue un rôle important dans le succès de l'industrie cinématographique tchèque dans les domaines de conte de fées et la comédie. Après une formation à la Faculté du film de l'académie tchèque des arts musicaux entre 1951 et 1956, il a travaillé pour les Studios Barrandov comme réalisateur et scénariste. Surtout dans les années 1980, il produit de nombreux films pour enfants. Vorlíček à travaillé ensemble avec le scénariste et écrivain Milos Macourek pendant de nombreuses années.1973: Trois Noisettes pour Cendrillon


Enième adaptation du conte de Charles Perrault mais aussi des Frères Grimm, Trois Noisettes pour Cendrillon est la version tchèque d'un spécialiste de films pour enfants. Classique télévisuel des soirées d'hiver en Europe Centrale, cette fantaisie féerique reprend l'histoire de Cendrillon sous une forme plus espiègle par l'impertinence de sa propre égérie.

Fille de ferme, Cendrillon est la bonne à tout faire sous l'allégeance d'une mégère opiniâtre et de sa soeur railleuse. Un jour, en se promenant dans les bois avec son cheval blanc, elle fait la rencontre d'un prince escorté de deux de fidèles comparses. Après avoir entamé un jeu de brimade, le couple se sépare mais se retrouve un peu plus tard lors d'une chasse à l'épervier. Grâce au pouvoir magique de trois noisettes que l'un de ses amis lui aura offert, Cendrillon va pouvoir se vêtir en robe de princesse afin d'assister à la soirée d'un bal organisé. Sous l'autorité de son père souverain, le prince est contraint de choisir la femme de sa vie parmi l'assemblée des invitées. 


Au sein de vaste étendues enneigées d'une nature pastel, Trois Noisettes pour Cendrillon est d'abord un enchantement visuel par l'aura gracile d'une forêt florissante. Avec le charme et la volupté d'une jeune fille assujettie à la méchanceté de sa belle-mère et de sa soeur, ce conte idyllique nous retrace son destin singulier par la grâce d'une légende métaphorique sur l'alchimie amoureuse. Romance enchanteresse, comédie pittoresque et fantaisie féerique allouée aux prestiges de certains animaux (pigeons, hibou et cheval blanc) sont les ingrédients usuels d'une oeuvre modeste principalement focalisée sur le charme de ses interprètes. La beauté candide de cette nouvelle Cendrillon inspire immédiatement l'attachement auprès du public tant son aisance naturelle réussit à nous véhiculer une gentille impertinence en dépit de sa condition d'esclave. Tandis que la naïveté d'un prince indécis et la méchanceté d'une mégère dédaigneuse vont être au centre d'une requête pour un enjeu sentimental. C'est finalement la découverte d'une chaussure égarée qui permettra aux deux amants de s'unifier après avoir déjouer l'affabulation d'une mégère risible. Ce destin inespéré octroyé à deux amants amoureux nous illustre donc avec lyrisme l'exaltation du sacre du mariage, en dépit de la distinction de leur souche sociale.


Pittoresque, frivole et enchanteur, Trois Noisettes pour Cendrillon renoue avec le charme et la fraîcheur de sa légende inoxydable. Avec le tempérament fougueux de ses interprètes complices, sa comptine musicale entêtante et son esthétisme naturel originaire d'Europe Centrale, cette rareté introuvable saura convaincre sans peine tous les amoureux de contes et légendes enfouis depuis notre tendre enfance. Un cadeau de noël inestimable car devenu une relique au pays français, malgré une communauté de fans indéfectibles. 

Un grand merci à l'Univers Fantastique de la Science-Fiction
23.11.12
Bruno Matéï

                                          

jeudi 22 novembre 2012

Killer Joe

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de William Friedkin. 2012. U.S.A. 1h42. Avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Thomas Haden Church, Gina Gershon, Juno Temple, Marc Macaulay.

Sortie salles France: 2 Septembre 2012. U.S: 27 Juillet 2012

FILMOGRAPHIEWilliam Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.


Depuis Traqué et Bug, William Friedkin semble retrouver son insolence et sa verve subversive pour nous replonger avec masochisme dans l'univers insondable d'antagonistes névrosés. Et son p'tit dernier, Killer Joe, ne déroge pas à la règle. Il enfonce même le clou dans la putasserie crapuleuse pour mieux parfaire une intrigue criminelle au vitriol. Le pitch: Une famille de péquenots décide de se débarrasser de l'ex mégère maternelle afin de toucher la prime d'assurance vie qu'ils se partageront entre eux. Pour ce faire, il demandent l'aide de Joe, un flic tellement véreux qu'il accomplit parfois de sales besognes meurtrières en guise de gain. Mais rien ne se déroulera comme prévu...


Farce macabre fustigeant une famille de pieds nickelés sous l'allégeance d'un flicard psychopathe, Killer Joe constitue un chemin de croix que l'on ne voit pas venir de prime abord par son classicisme éprouvé. Illustrant avec une dérision caustique une galerie de personnages tous plus méprisables, lâches et ridicules, William Friedkin nous entraîne dans une drôle de sarabande autour d'une conjuration sordide. Un amant flâneur, un fiston dealer de drogue à la petite semaine, une belle mère infidèle et une soeur rétrograde caractérisent la famille dysfonctionnelle dans toute son ignominie pour le compte de leur cupidité. Ainsi, avec l'entraide d'un flic malhonnête, flegmatique et adroit, William Friedkin se prend un malin plaisir à nous décrire cet antagoniste d'une façon ordinaire de prime abord. Jusqu'au moment où cet individu zélé décide de courtiser la soeur potiche en guise de caution si bien que la famille fauchée ne peut se résoudre à lui payer d'avance la somme de 25 000 dollars. S'ensuit une séquence de drague aménagée sous l'influence tranquille de Joe totalement fasciné par la beauté pastel de la jeune vierge étourdie. L'étrange malaise sous-jacent entretenu lors du strip nous est pourtant décrite d'une manière presque sereine à travers les échanges fascinés de regards timorés. Mais la prestance hermétique de Joe semble nous suggérer que cet homme sans scrupule est capable de se complaire dans la perversité, d'autant plus que la jeune fille s'avère ramolli du ciboulot.


Faisons place ensuite aux déconvenues avec une bande de dealers revanchards. Chris, démuni du moindre gain, semble sombrer dans une impasse et envisage peut-être de faire marche arrière pour le sort inévitable de sa mère. C'est à ce moment irréversible que les revirements saugrenus vont fulminer au sein de la famille lorsqu'un subterfuge dérisoire remettra tout en question. Cette dernière partie intempestive culmine sa déchéance morale vers un bain de sang grotesque à la folie paroxystique contagieuse. Les séquences de violence et d'humiliations atteignant ici des sommets d'intensité dramatique insupportables. D'autant plus que l'ambiance nauséeuse est décuplée par un réalisme poisseux découlant des exactions castratrices d'un Joe étrangement peinard. Et on peut dire qu'à ce niveau, l'interprétation incisive de Matthew McConaughey atteint des sommets de perversité tacite/ explicite tant le comédien insuffle à son personnage désaxé une aura hermétique glaciale. 


Les Charognards
Caustique, étrangement déstabilisant et nihiliste de par sa description déshumanisée d'une famille de nigauds couards, Killer Joe est un bad trip venimeux. Un film noir tentaculaire compromis à la provocation d'un Friedkin plus indocile que jamais dans son état d'esprit forcené. Le climat hermétique trouble et sournois nous entraînant dans une descente aux enfers, un jeu de massacre où la bassesse humaine atteint des sommets de cynisme. 

*Bruno Matéï
25.04.22
22.11.12

RécompenseSouris d'or à la Mostra de Venise, 2011

mercredi 21 novembre 2012

LES BETES DU SUD SAUVAGE (Beasts of the Southern Wild). Grand Prix à Sundance 2012.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site thethirdray.com

de Benh Zeitlin. 2012. U.S.A. 1h32. Avec Quvenzhané Wallis, Dwight Henry, Levy Easterly, Lowell Landes, Pamela Harper, Gina Montana.

Sortie salles France: 12 Décembre 2012. U.S: 20 Janvier 2012 (à Sundance). 27 Juin 2012 (nationale)

FILMOGRAPHIE: Benh Zeitlin est un réalisateur, scénariste, compositeur américain, né à New-York.
2012: Les bêtes du Sud Sauvage


Comment entamer une critique concrète après avoir vécu un tel moment de grâce ! Ou plutôt comment se remettre d'un feu d'artifice aussi flamboyant, vortex d'émotions où la notion de réalité se transcende par la chimère d'un conte existentiel ! Sortir de la projo des Bêtes du sud sauvage est une houleuse gageure tant le réalisateur est parvenu à nous immerger de façon sensitive dans l'introspection utopique d'une fillette de 6 ans. Car d'une imagination sans égale, son vocabulaire créatif et visionnaire nous extériorise des instants épiques sur le destin des aurochs, ou autrement prodigieux de par la présence fantasmatique de sa reine mère. Originaire du Bayou de Louisiane, Hushpuppy vit en précarité avec son père autoritaire dans une cabane décharnée. Un jour, un désastre écologique les contraint de fuir leur contrée reculée. Sur leur chemin d'une morne rivière, des aides humanitaires leur prêtent main forte au moment même où le paternel semble souffrir d'une grave pathologie. Démunie mais débordante de foi et de bravoure que son père lui inculqua sévèrement, Hushpuppy part à la recherche de sa mère disparue mais aussi à la reconquête d'une terre nouvelle.


Adapté d'une pièce de théâtre écrite par Lucy Alibar et incarné par des comédiens non professionnels époustouflants de candeur humaniste, la première oeuvre de Benh Zeitlin demeure un hymne universel, un témoignage vibrant sur l'exclusion des défavorisés. Ainsi, à travers sa réalisation vertigineuse auscultant la beauté (détaillée) de la nature et sa faune primitive, le réalisateur illusionniste improvise des instants de grâce, de moments fastes de poésie candide à travers les yeux d'une fillette en quête identitaire. Observant avec minutie le monde sauvage qui l'entoure de par sa mentalité florissante, le périple de Hushpuppy constitue un récit initiatique jalonné d'aventures humaines parmi son ethnie revenue à l'état primitif. Faute d'une société égocentrique évoluant dans une technologie avancée, Ben Zeitlin nous retrace donc l'existence de ces pèlerins du Sud sauvage livrés à leur propre autonomie car écartés de la pollution des urbanisations. Parqués dans des taudis insalubres où l'alcool coule à flot, ces hommes et ces femmes désoeuvrés n'ont pourtant rien perdu de leur dignité et de leur bravoure afin de survivre dans un milieu hostile où les mammifères, poissons et crustacés s'avèrent une offrande en guise de nutrition. Avec dureté mais aussi une infinie tendresse, les Bêtes du sud sauvage nous transfigure à terme l'histoire d'amour entre une oracle infantile et son père castrateur, destinés à s'affronter pour mieux s'accepter et s'y chérir.


Le berceau de la vie
Conte métaphysique, cantique à l'écologie, initiation à l'apprentissage, réflexion mystique sur l'instinct primitif entre l'homme et l'animal, histoire d'amour paternelle, Les Bêtes du sud sauvages est une élégie existentielle déployant une féerie formelle touchée par la virginité. D'une sensibilité à fleur de peau donc auprès d'une pudeur viscérale, le parcours lyrique de Hushpuppy se décline en souffle romanesque. Le poème existentiel d'une sauvageonne hurlant sa foi afin d'y prôner la pureté de la nature. Plus qu'un chef-d'oeuvre, une leçon d'humanisme, une commémoration à notre instinct de survie, une rage de vivre inébranlable, un crève coeur scandé d'une mélodie prude où l'illusion du 7è art n'eut jamais été aussi fastueuse qu'au sein de son parti-pris émotionnel (filmé à hauteur d'hommes une pléthore de thèmes universels où amour, faune et flore y sont en harmonie). Un retour au source en somme, vers nos propres origines ancestrales...

La critique de mon ami Gilles Rolland : http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-les-betes-du-sud-sauvage

Dédicace à Alexandra Louvet et Sylvain Blanchard
21.11.12
Bruno 

RécompensesGrand Prix du Jury au Festival de Deauville, 2012
Prix de la révélation Cartier au Festival de Deauville, 2012
Grand Prix du Jury à Benh Zeitlin au Festival du film de Sundance
Caméra d'Or au Festival de Cannes, 2012
Prix FIPRESCI décerné par le jury d'Un certain regard au Festival de Cannes, 2012
Prix du Jury oecuménique (mention spéciale) au Festival de Cannes, 2012
Prix Regard Jeune au Festival de Cannes, 2012
Prix du Meilleur Premier Film au Festival International du film de Stockholm


mardi 20 novembre 2012

DES HOMMES SANS LOI (Lawless)

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site bd-sanctuary.com

de John Hillcoat. 2012. U.S.A. 1h55. Avec Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Jessica Chastain, Gary Oldman, Guy Pearce, Mia Wasikowska, Dane DeHaan, Noah Taylor.

Sortie salles France: 19 Mai 2012 (festival de Cannes). 12 Septembre 2012. U.S: 29 Août 2012

FILMOGRAPHIEJohn Hillcoat est un cinéaste australien, né en 1961 au Queensland
1988: Ghosts... of the Civil Dead
1996: To have and to Hold
2005: The Proposition
2009: La Route
2012: Des Hommes sans loi


En 2009, John Hillcoat s'était fait connaître avec un road movie post-apo d'une grande intensité dramatique. Trois ans plus tard, il change de cadre et de registre pour nous remonter à une lointaine époque. Celle de l'Amérique des années 30 pour l'évocation familiale de gangsters ayant réellement (sur)vécu durant la prohibition. Epaulé par une pléiade de stars notoires livrant des numéros d'acteurs indéfectibles (mentions spéciales pour Guy Pierce, proprement abjecte dans le rôle gouailleur d'un agent vénal, et la présence flegmatique de Tom Hardy dans celui d'un gangster robuste mais loyal), Des Hommes sans Loi est malencontreusement desservi par un scénario sans surprise et prévisible.

En 1931, en Virginie, la famille Bondurant exerce des activités illicites de contrebande pour la revente d'alcool librement interdite. Un nouvel agent spécial du nom de Charly Rakes décide de leur déclarer la guerre après que ceux-ci aient refusés une offre inéquitable de partage des gains. Mais les frères Bondurant, que l'on surnomme les indestructibles, sont prêt à tenir tête à l'entreprise de ce maître chanteur et se battre jusqu'à la mort pour leur orgueil. 


Superbement photographié dans ses nuances solaires et parfois même émaillé d'éclairs de poésie limpide au sein de sa nature bucolique, Des Hommes sans Loi nous retrace la lutte sans merci de trois frères baroudeurs particulièrement obtus pour se mesurer contre l'autorité d'une police véreuse en affiliation avec des gangsters sans vergogne. Avec le talent épidermique d'interprètes à la gueule burinée ou au minois timoré, cette nouvelle chronique d'une famille de paysans en ascension réussit facilement à créer l'attachement face à leur relation fraternelle éprise d'ambition élitiste. Si on se prend immédiatement de sympathie pour le jeune Jack Bondurant (Shia LaBeouf) dans sa bonhomie naïve à daigner devenir un trafiquant aussi notoire qu'Al Capone, la redondance des faibles enjeux alloués à cette inlassable guérilla manque inévitablement de densité dramatique et de sens épique. Et cela en dépit des innocents sacrifiés ! Pour accorder une certaine dimension humaine à l'intrigue éculée, on éprouve tout de même un intérêt progressif à suivre le cheminement hasardeux du jeune Jack, engagé contre son gré dans une vengeance erratique pour prouver sa bravoure. Face à l'autorité du frère aîné Forrest (Tom Hardy), véritable leader pugnace à la vulnérabilité quasi imputrescible, le spectateur éprouve également une fascination virile prédominante. Ajoutez aussi le charme naturel de Maggie (Jessica Chastain) en compagne férue d'affection pour l'aîné, et surtout la présence outrée de l'agent Charlie Rakes (Guy Pearce à contre-emploi !), dans celui d'un agent épouvantablement couard, et vous obtenez l'évocation sanglante d'une fratrie quasi invincible. Par contre, on regrettera la discrète apparition incisive de Gary Oldman en gangster notable intraitable, digne successeur d'Al Capone !


Jalonné de séquences d'action homériques plutôt attractives, John Hillcoat réussit in extremis à insuffler une certaine efficacité dans la narration conventionnelle allouée à l'honneur fraternelle. D'autant plus que la violence extrême émanant des nombreux règlements de compte est exacerbée par une verdeur dérangeante. Correctement mené, Des Hommes sans loi se regarde donc avec un plaisir (coupable ?) perfectible et sa brutalité parfois insupportable renforce la véracité des faits énoncés. Celle d'une époque où la prohibition avait déclenché un vent de terreur et de corruption chez des arrivistes sans déontologie. 

20.11.12
Bruno Matéï


vendredi 16 novembre 2012

A PERDRE LA RAISON. Prix d'interprétation Féminine, Cannes 2012

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Joachim Lafosse. 2012. Belgique. 1h51. Avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim, Stéphane Bissot, Mounia Raoui, Redouane Behache, Baya Belal.

Sortie salles France: 22 Août 2012

Récompense: Prix d'Interprétation Féminine pour Emilie Dequenne, dans la catégorie: Un Certain Regard.

FILMOGRAPHIE: Joachim Lafosse est un cinéaste, scénariste, dramaturge et metteur en scène de théâtre belge, né le 18 Janvier 1975 à Uccle.
2004: Folie Privée
2006: Ca rend heureux
2006: Nue Propriété
2008: Elève Libre
2012: A perdre la Raison


Inspiré d'une sordide affaire d'infanticide survenue en Février 2007, A perdre la raison décrit la lente descente dans la folie d'une mère de famille, épouse de quatre enfants.
Dans un climat austère, pesant et dépressif, le réalisateur belge Joachim Lafosse nous convie à une dérive psychotique vis à vis d'une femme démunie car trop esseulée pour se raccrocher à un soutien psychologique. Epouse d'un marocain impassible subjugué par son travail, Muriel est contrainte de partager sa vie conjugale parmi la présence du père adoptif de Mounir, le médecin Pinget. Au fil des mois, après quelques accrochages intempestifs vis à vis de leur autonomie et de la postérité des enfants, le couple décide de s'exiler au Maroc avec l'accord de Pinget. Pour tenter de soigner sa dépression et sous la recommandation du paternel de Mounir, Murielle part consulter une psychologue. Mais une sévère discorde d'ordre relationnelle contraint la jeune femme à endiguer ses futures séances de thérapie. En perte de repères, étouffée par la présence envahissante de Pinget et ses quatre enfants et délaissée par un mari inexistant, Murielle perd pied et sombre dans la folie. Jusqu'à commettre l'irréparable...


Photographie clinique, atmosphère anxiogène suffocante et hyper réalisme d'une mise en scène acérée impliquent le spectateur de manière sensitive vers une introspection mentale d'une jeune mère de famille névralgique. Le climat tendu entretenu au sein du couple et la relation en demi-teinte qu'ils doivent consentir avec le Dr Pinget rendent leur labeur péniblement inconfortable. Ce sentiment de claustration est d'autant plus lourd à supporter que les interprètes du film, exceptionnels de véracité, exacerbent cette déchéance conjugale en chute libre. Outre les prestances probantes de Niels Arestrup (impressionnant d'ambiguïté dans sa spontanéité affable !) et du surdoué Tahar Rahim (révélé dans le multi-césarisé Un Prophète), une mention particulière est indubitablement impartie à la performance criante de vérité d'Emilie Dequenne (louablement récompensée à Cannes !). Dans une froideur désespérée, elle retransmet avec une acuité neurotique le rôle chétif d'une mère de famille totalement désemparée par son environnement cafardeux dont personne ne semble éprouver une moindre empathie.


Remarquablement mis en scène avec un souci de réalisme proche du docu vérité et dominé par la prestance de trois comédiens époustouflants de conviction, A perdre la raison est un drame familial d'une noirceur et d'un désespoir péniblement supportable. Le climat dérangeant et le malaise diffus que le réalisateur véhicule avec application rendent le film finalement antipathique et beaucoup trop austère. A conseiller avec beaucoup de réserve et prudence.

16.11.12
Bruno Matéï

La polémique des intéressés (Source Wikipedia): Bien qu'il n'ait pas vu le film, Bouchaïb Moqadem, le père des enfants de Geneviève Lhermittte, l'a critiqué en le décrivant comme "insulte à la mémoire de mes enfants." Il a ajouté, "J'ai le droit à l'oubli. Cet assassinat et ce massacre gratuit sont inexplicables. Comment peut-on alors l'expliquer avec un artiste ?". Le Dr. Schaar qui a inspiré le personnage joué par Niels Arestrup s'est également indigné par rapport au film, "C'est faire du fric sur cinq cadavres d'enfants". Il estime que Joachim Lafosse "a fait preuve d’un manque d’empathie vis-à-vis des enfants morts et se fout complètement des protagonistes vivants."En mai 2010, les deux intéressés s'étaient déjà vivement opposés à la réalisation du projet et avaient par la suite réclamé un droit de regard sur l'œuvre qui leur a été refusé.


jeudi 15 novembre 2012

L'ARBRE DE NOEL (The Christmas Tree / When Wolves Cry)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site femme-de-sable.skyrock.com

de Terence Young. 1969. Italie/France. 1h48. Avec William Holden, Brook Fuller, Bourvil, Virna Lisi, Madeleine Damien, Friedrich von Ledebur, Mario Féliciani, Michel Thomass, Georges Douking.

Sortie salles France: 15 Octobre 1969

FILMOGRAPHIE: Terence Young est un réalisateur et scénariste britannique, né le 20 Juin 1915 à Shangaï (Chine), décédé le 7 Septembre 1994 à Cannes (France) d'une crise cardiaque.
1946: La Gloire est à eux. 1948: l'Etrange Rendez-vous. 1948: One night with you. 1949: Les Ennemis Amoureux. 1950: Trois des Chars d'Assaut. 1951: La Vallée des Aigles. 1952: The Tall Headlines. 1953: Les Bérets Rouges. 1955: La Princesse d'Eboli. 1955: Les Quatre Plumes Blanches. 1956: Safari. 1956: Zarak le valeureux. 1957: Au bord du Volcan. 1958: La Brigade des Bérets noirs. 1959: Serious Charge. 1960: Les Collants Noirs. 1960: La Blonde et les nus de Soho. 1961: Les Horaces et les Curiaces. 1962: James Bond contre Dr No. 1963: Bons baisers de Russie. 1965: Les Aventures amoureuses de Moll Flanders. 1965: Guerre Secrète. 1965: Opération Tonnerre. 1966: Opération Opium. 1967: Peyrol le boucanier. 1967: La Fantastique Histoire vraie d'Eddie Chapman. 1967: Seule dans la nuit. 1968: Mayerling. 1969: l'Arbre de Noel. 1970: De la Part des Copains. 1971: Soleil Rouge. 1972: Cosa Nostra. 1974: Les Amazones. 1974: The Klansman. 1977: Woo fook. 1979: Liés par le sang. 1981: Inchon. 1983: La Taupe. 1988: Run for your Life.


Classique télévisuel des fêtes de fin d'année, ce mélodrame conçu par un vétéran du cinéma populaire garde intact son impact émotionnel quand il s'agit de nous faire partager les derniers instants de vie d'un enfant atteint de leucémie. D'après le roman de Michel Bataille, ce réquisitoire contre le péril nucléaire ne peut laisser indifférent face à l'iniquité de la maladie incurable, surtout quand elle décide de s'acharner sur une personne du plus jeune âge. Indubitablement, certains spectateurs réfractaires à ce genre de mélodrame trouveront toujours matière à reprocher sa dramaturgie emphatique. Pourtant, il s'agit ici d'une oeuvre intègre et sensible, réfutant le pathos racoleur, alors que la brutalité de son épilogue irréversible surprend par sa radicalité. Avec les poignantes compositions de William Holden , Virna Lisi, le petit Brook Fuller et l'aisance naturelle de Bourvil (dans un rôle à contre-emploi), Terence Young nous expose un conte de noël bouleversant et désenchanté. Si le discours moralisateur sur les dangers du nucléaire se révèle peut-être un brin caricatural, la leçon de dignité que nous véhicule le réalisateur emporte tout sur son passage pour évoquer avec pudeur la quotidienneté d'une famille unie, délibérée à combler les attentes d'un enfant conscient de sa déveine. Et pour s'accommoder à cette injustice inacceptable, nos protagonistes se réconfortent donc sur l'instant présent de l'existence afin de prodiguer sans modération l'amour qu'un enfant fustigé doit récolter. Profiter pleinement de l'épanouissement en communauté avant de devoir se confronter à la perte de l'être cher. De manière latente, le réalisateur illustre notamment l'angoisse contenue du point de vue de la famille redoutant la fin inéluctable quand bien même le malade, conscient de sa déchéance, est intrinsèquement épris d'une anxiété viscérale.


Sous un climat hivernal rigoureux au confins des fêtes de Noel, Terence Young introduit notamment une nuance poétique teintée de mélancolie lors de la relation fraternelle que Pascal va entretenir avec un couple de loups. Des mammifères sauvages que son père Laurent et Verdun auront décidé de dérober en interne d'un zoo afin d'exaucer un voeu utopiste. Outre son sujet grave alloué au thème de la pathologie incurable et les effets pervers du danger atomique, l'Arbre de Noel doit son acuité émotionnelle à l'harmonie commune de ses interprètes. Dans le rôle de Pascal, le jeune Brook Fuller ne peut qu'émouvoir en tant qu'enfant martyr destiné à mourir. Mais il trouve le juste équilibre à extérioriser une gentillesse spontanée et une maturité responsable sans appuyer sur la corde sensible. Dans celui du comparse prévenant à la bonhomie naturelle, Bourvil surprend par sa sobriété pour transmettre son indignation et sa peine face aux conséquences délétères du péril nucléaire. En maîtresse férue d'amour pour sa nouvelle liaison avec Laurent, la ravissante Virna Lisi entretient une présence discrète à s'isoler volontairement dans son pavillon afin de ne pas perturber l'équilibre de Pascal. Mais une femme avenante pourvue d'un esprit maternel lorsqu'elle décide de rejoindre Pascal et Laurent réfugiés à la maison de campagne pour la veillée de Noel. Enfin, William Holden donen chair à son personnage avec une poignante conviction en homme d'affaires plein de rancoeur pour la bêtise humaine mais féru d'amour pour son enfant. Un paternel altruiste délibéré à le combler avec un florilège de cadeaux tout en lui imputant la tendre compagnie de loups sauvages.


Hormis quelques maladresses et une certaine naïveté lors de certains dialogues, l'Arbre de Noël demeure un mélodrame humble et bouleversant dont l'issue cinglante, tragiquement irréversible, nous ébranle de plein fouet jusqu'au trauma. Soutenu de l'illustre mélodie de Narciso Yepes, ce conte de noël à la mélancolie vulnérable reste une leçon de dignité humaine pour prémunir l'être aimé... Jusqu'au dernier souffle... 

15.11.12. 4èx
@ Bruno

                                          

mercredi 14 novembre 2012

Outland

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site alapoursuitedu7emeart.over-blog.net

de Peter Hyams. 1981. U.S.A. 1h49. Avec Sean Connery, Peter Boyle, Frances Sternhagen, James Sikking, Kika Markham, Clarke Peters, Steven Berkoff.

Sortie salles France: 2 Septembre 1981. U.S: 22 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Peter Hyams est un réalisateur et scénariste américain, né le 26 Juillet 1943 à New-York (Etats-Unis). 1974: Les Casseurs de Gang. 1974: Our Time. 1976: Peeper. 1978: Capricorn One. 1979: Guerre et Passion. 1981: Outland. 1983: La Nuit des Juges. 1985: 2010. 1986: Deux Flics à Chicago. 1988: Presidio. 1990: Le Seul Témoin. 1992: Stay Tuned. 1994: Timecop. 1995: Mort Subite. 1997: Relic. 1999: La Fin des Temps. 2001: D'Artagnan. 2005: A Sound of Thunder. 2009: Présumé Coupable. 2013: Enemies Closer. 


"Sur la planète Jupiter, des hommes travaillent. La mort aussi..."
Inspiré du Train sifflera trois fois, Outland est un western futuriste dont l'action est délocalisée sur une station minière de Jupiter. Le pitch: Sur place, un nouveau shérif fédéral est recruté pour le maintien de l'ordre pendant que les ouvriers exécutent leur tâche de chantier. Mais une série d'incidents meurtriers vont l'interpeller pour l'orienter vers un démantèlement de trafic de drogue. Le régisseur de ce réseau de métamphétamine décide alors d'envoyer des tueurs pour le supprimer. A travers ce scénario simpliste, Peter Hyams exploite parfaitement l'originalité de ces décors industriels érigés sous une colonie minière en confrontant son héros flegmatique vers un survival intense auprès de son sens du suspense en ascension. Outland, c'est d'abord une immersion totale sur une planète hostile dont le climat étouffant et opaque s'apprivoise naturellement dans l'esprit du spectateur. C'est ensuite une course contre la montre magistralement dirigée et dominée par la prestance du monstre sacré, Sean connery à la sobriété infaillible. Seul contre tous (même si assisté d'une médecin légiste caractérielle), l'homme indéfectible dans ses valeurs devra user de subterfuge et vaillance afin de contrecarrer ses adversaires. 


La densité du récit est notamment impartie à la dimension psychologique de ce personnage intègre, délibéré à retrousser ses manches depuis que ses alliés ont démissionné par preuve de lâcheté. Démuni et dubitatif (sans parler d'une contrariété conjugale aussi poignante qu'attachante !) mais pourvu d'un héroïsme digne pour honorer sa déontologie, Outland transcende le portrait d'un shérif partagé entre sa crainte d'échouer et sa hargne de vaincre. En pourfendeur, Peter Hyams préfigure également l'avènement de la drogue infiltrée au sein de l'entreprise pour mettre en exergue l'exploitation des prolétaires par ces entrepreneurs sans scrupule où le souci de rentabilité prime. Là où des mains d'oeuvre éreintées par un labeur de longue haleine s'approvisionnent en substance illicite afin de pouvoir tenir le coup et ainsi décupler le chiffre d'affaires. La dernière demi-heure particulièrement fertile en péripéties spectaculaires utilise judicieusement le décompte d'un compte à rebours présageant les duels à venir. Tandis que les décors grandioses confinés vers les remparts externes de la station impressionnent par leur réalisme à la fois dantesque et géométrique. L'action impartie aux altercations ne faisant jamais preuve d'outrance en incitant au vertige lorsque notre héros, affublé d'une combinaison, doit s'agripper sur un chantier électrifiée pour tenter de déjouer les assassins confinés en interne de la station.


Dominé par la présence virile d'un Sean Connery pugnace mais humainement indécis à travers son choix cornélien, Outland est un solide western galactique à l'esthétisme hermétique et à l'efficacité narrative redoutable. En outre, il transcende sans esbroufe le portrait d'un héros inscrit dans la probité mais seul contre tous pour attester de la lâcheté de l'homme jamais avare de corruption, même dans l'espace. Un classique toujours aussi magnétique captivant.

*Eric Binford
16.08.21. 5èx
14.11.12.                     

mardi 13 novembre 2012

INSIDE (La Cara Oculta)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

d'Andrés Baiz. 2011. Espagne/Colombie. 1h37. Avec Martina Garcia, Quim Gutiérrez, Clara Lago

Sortie salles France: 4 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Andrés Baiz est un réalisateur, monteur, scénariste et producteur espagnol, né le
2000: Payaso Hijueputa. 2006: Penumbra. 2007: Satanas. 2007: Hoguera. 2008: Passing By. 2009: Love Film Festival. 2011: Inside.


«Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux.» Henri Georges Clouzot.

Passé inaperçu lors de sa discrète sortie dans l'hexagone, Inside est un thriller hitchcockien particulièrement machiavélique et bien ficelé. A travers la relation amoureuse d'un potentiel coureur de jupon suspecté par la police d'être l'auteur de la disparition de sa petite amie, Andrés Baiz débute sa conspiration de manière orthodoxe. L'amant en question est un séduisant chef d'orchestre délibéré à bâcler furtivement son deuil sentimental dans les bras d'une autre conquête féminine, Fabiana. Installée dans sa demeure bourgeoise, la jeune fille ne va pas tarder à être témoin d'étranges phénomènes en interne de la salle de bain. Un bourdonnement se fait écho dans la bouche du lavabo, une eau limpide laisse un sillage au contact inexplicable d'une vibration, alors que le jet de la douche s'élève subitement à une température ardente ! S'agit-il d'une apparition surnaturelle ? Adrian est-il le responsable de ces étranges anomalies et surtout a t'il assassiné son ancienne petite amie ? Bien qu'une enquête sous-jacente suit son court par deux inspecteurs de routine, un astucieux flash-back inopiné nous est divulgué pour mieux comprendre la relation conjugale qu'Andrian entretenait avec son idylle antécédente. Cette réminiscence est illustrée du point de vue d'un seul personnage pour nous dévoiler un rebondissement incongru vis à vis d'une configuration d'un lieu de la demeure (clef à l'appui !).


En jouant de prime abord sur le folklore surnaturel de la hantise, Andrés Baiz renchérit son intrigue indocile au bénéfice d'une soudaine preuve en privilégiant un suspense en crescendo dans la claustration d'un huis-clos bicéphale. ATTENTION SPOILER !!! Sur les thèmes de la jalousie, la suspicion, la rancune et la vengeance, le réalisateur confronte ses personnages féminins à leurs instincts égoïstes les plus pervers pour tenter de s'approprier un amant potentiellement infidèle.
A sa première demi-heure conventionnelle, Inside se révèle ensuite sous un aspect plus détonant dans sa confection d'une machine à suspense implacable. Cette rivalité insidieuse entre deux femmes pugnaces nous illustre avec masochisme un diabolique jeu de miroir au cours duquel leur égotisme intrinsèque va sérieusement compromettre leur autonomie. L'épilogue d'une cruelle ironie dans l'inversion des rôles impartis redouble de perversité sournoise pour extérioriser une rancoeur vindicative. Une manière pernicieuse d'autant plus furibonde que l'amant infidèle sera confronté à une riposte fortuite et devra tenter de découvrir l'utilité d'une clef énigmatique. FIN DU SPOILER


Les Diaboliques 
Dominé par la sobriété des comédiens juvéniles, jouissif en diable dans cette rivalité à double tranchant et davantage tendu par sa claustration imposée, Inside est un excellent thriller utilisant à bon escient le vase clos d'une demeure hantée par le spectre nazi.

P.S: Evitez à tous prix la bande annonce explicite dénuée de scrupule !

13.11.12
Bruno Matéï

lundi 12 novembre 2012

LOOPER

                                     Photo empruntée sur google, appartenant au site cinemateaser.com

de Rian Johnson. 2012. U.S.A. 1h58. Avec Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Bruce Willis, Paul Dano, Pierce Gagnon, Piper Perabo, Noah Segan, Jeff Daniels.

Sortie salles France: 31 Octobre 2012.  U.S: 28 Septembre 2012

FILMOGRAPHIE: Rian Johnson est un réalisateur et scénariste américain, né le 17 Décembre 1973 dans le Maryland (Etats-Unis).
2005: Brick
2008: Une Arnaque presque parfaite
2012: Looper


Succès surprise de cette fin d'année, le troisième long-métrage de Rian Johnson est un récit d'anticipation érigé sur une boucle spatio-temporelle. En 2044, le looper, un tueur à gages, est chargé d'assassiner des quidams envoyés du futur par une organisation secrète. Un jour, il retombe sur son double, plus âgé de 30 ans, qui réussit à lui échapper. Joe va tout tenter pour le retrouver au péril de sa vie. Récit de science-fiction dialectique illustrant avec modestie un monde futuriste aléatoire (comme le soulignait par exemple Bienvenu à Gattaca)Looper doit son mérite à la structure narrative d'un scénario aussi finaud et original que confus et passionnant. Sans daigner dévoiler les multiplies rebondissements qui jalonnent l'intrigue, cette série B lestement pensée possède l'atout majeur de nous surprendre au fil de son cheminement sinueux. Parmi l'ambiance en demi-teinte d'une société futuriste totalitaire, un tueur à gages doit combattre son double pour sauver sa propre vie. A contrario, cette réplique plus âgée de 30 ans va tout envisager pour convaincre le looper que sa future destinée amoureuse est mortellement compromise par son supérieur doués de pouvoirs télékinésiques.


Le but de leur mission est donc de retrouver dans l'heure actuelle l'enfant prodige prochainement proclamé le Rainmaker. Ce fameux leader recrutant des loopers du passé pour supprimer les témoins gênants du futur envoyés dans une machine spatio temporelle. On n'en dira pas plus pour l'intrigue savamment charpentée afin d'en préserver toute sa richesse, mais sachez que Looper ne cesse de surprendre dans son contexte temporel, notamment grâce aux attitudes équivoques de nos protagonistes. Cette complexité humaine chargée de doutes et de craintes, impartie à la moralité juvénile de Joe, renforçant l'aspect dramatique du sujet. Cette densité d'un enjeu alarmiste liée à la postérité d'un enfant est décuplée vers son point d'orgue fortuit, engendrant par la même occasion une belle allégorie sur l'éducation parentale Spoiler !!! ainsi qu'une leçon de dignité sur le sens du sacrifice. Fin du Spoiler. Non exempt de cocasserie subtile et de clins d'oeil allusifs à la saga Terminator, Looper fourmille de péripéties haletantes sans toutefois charger la donne dans l'esbroufe explosive. Sur ce dernier point, nombre de spectateurs qui s'attendaient au blockbuster estampillé "Bruce Willis" pourraient être déçus par son aspect dépouillé. Privilégiant plutôt le suspense lattent ainsi qu'une caractérisation de personnages interlopes impliqués dans une traque rivale, Rian Johnson traite de l'enjeu l'humain face à sa filiation lorsqu'une personne est délibéré à prémunir ce qu'il a de plus cher au monde.


Dans une réalisation inventive d'une grande sobriété (les gunfights spectaculaires sont parfois audacieusement édulcorés par la technique du hors-champ !), Looper est une ellipse vertigineuse
culminant vers un final clairvoyant. Emaillé de plages de poésie surnaturelle (les expériences fulminantes de l'enfant chorégraphiées en slow motion) et désincarné d'un environnement aseptisé, Looper transcende (sans fioriture) la prise de conscience d'un orphelin épris d'altruisme dans son cheminement rédempteur.  

12.11.12
Bruno Matéï

vendredi 9 novembre 2012

TRANSAMERICA EXPRESS (Silver Streak)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Arthur Hiller. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Gene Wilder, Richard Pryor, Patrick McGoohan, Ned Beatty, Clifton James, Fred Willard, Len Birman.

Sortie salles France: 24 Août 1977 (1ère diffusion TV TF1: 15 Novembre 1981)

FILMOGRAPHIE: Arthur Hiller est un réalisateur et acteur canadien, né le 22 Novembre 1923 à Edmonton, Alberta (Canada). 
1955: Police des plaines. 1964: Les Jeux de l'amour et de la guerre. 1965: Promise her Anything. 1966: Tobrouk, commando pour l'enfer. 1966: Les Plaisirs de Pénélope. 1967: The Tiger Makes out. 1970: Escapade à New-York. 1970: Love Story. 1971: Plaza suite. 1971: L'Hôpital. 1972: l'Homme de la manche. 1975: The Man in the Glass Booth. 1976: Transamerica Express. 1979: Ne tirez pas sur le dentiste. 1979: Morsures. 1981: Making Love. 1982: Avec les compliments de l'auteur. 1987: Une Chance pas croyable. 1989: Pas nous, pas nous. 1990: Filofax. 1992: The Babe. 1997: An Alan Smithee Film.


Réalisateur éclectique qui aura touché à tous les genres mais aussi apporté sa contribution à diverses séries TV (la Famille Adams, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente), Arthur Hiller nous livre en 1976 l'un de ses meilleurs films avec Transamerica Express. Condensé d'action et de suspense, de romance et de comédie mais aussi de catastrophe vers son point d'orgue alerte, cet hommage facétieux aux intrigues hitchcockiennes constitue un divertissement de choix mené sur un rythme effréné ! Avec l'abattage de deux acteurs impayables à la complicité commune (Gene Wilder en gaffeur valeureux et Richard Pryor en cleptomane au grand coeur !), Transamerica Express nous entraîne dans une improbable course poursuite en interne ferroviaire et à proximité de contrées rurales. A bord du Transamerica, George Caldwell, pélerin sans histoire, tombe subitement amoureux d'une jeune secrétaire avant d'être le témoin aléatoire d'un meurtre. Rapidement, les dangereux criminels décident de l'évincer du train afin qu'il ne découvre leur subterfuge à subtiliser un professeur d'art par leur sosie. Pugnace à contrecarrer la manigance des malfaiteurs, George va tenter par tous les moyens d'avertir la police avant de se retrouver suspecté.


Avec l'élaboration d'un scénario solide ne cessant de rebondir parmi une série d'incidents fortuits, cette fantaisie endiablée multiplie les péripéties avec une dextérité peu commune. Avant tout érigé sous la légèreté de la comédie hilarante, le réalisateur ponctue son cheminement narratif de gags irrésistibles (George se maquillant le visage de cirage noir pour éviter que la police ne le reconnaisse, le flic amateur de séries TV incapable de comprendre qui est l'auteur des meurtres, George éjecté du train à trois reprises mais pourvu d'aubaine insensée pour pouvoir remonter à bord !). Mais Arthur Hiller nous conçoit notamment un récit policier ordonné alternant rixes explosives dans ses échanges de tirs entre gangsters et flics et exactions meurtrières pour les individus encombrants. Avec une vigueur et une bonne humeur fringante, Transamerica Express trouve le juste équilibre à affilier ses genres disparates. En prime, la romance allouée entre nos deux amants et son suspense progressiste culminant un dernier enjeu alarmiste vers le principe catastrophiste comblent le spectateur sans jamais faire preuve d'esbroufe inutile. L'intrigue savamment charpentée éludant la moindre digression pour, à contrario, crédibiliser au possible les vicissitudes de nos protagonistes inlassablement pourchassés.


Formidablement manoeuvré par un trio de complices extrêmement attachants (Wilder/Pryor/Beatty) et d'une engeance notable (le génialement pisse-froid Patrick McGoohan !), Transamerica Express est un modèle de loufoquerie mâtiné d'haletant suspense ! Et pour conclure de manière pétulante, son point d'orgue irréversible surprend et impressionne avec l'acuité spectaculaire d'un crash ferroviaire. En résulte un divertissement hybride incroyablement fougueux dans les genres lestement codifiés. Une totale réussite !

09.11.12. 4èx
BM