mercredi 4 décembre 2013

RABID DOGS (les Chiens enragés / Cani arrabbiati)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site midnight.blogcu.com

de Mario Bava. 1974. Italie. 1h36. Avec Riccardo Cucciolla, Don Backy, George Eastman, Lea Lander, Maurice Poli.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Resté dans les tiroirs durant plus de 23 ans pour des problèmes juridiques (la faillite du producteur ayant eut lieu avant la fin du tournage), Rabid Dogs s'exhume de l'oubli en 1996 après que l'actrice du film, Léa Landeler eut racheter les droits. Sommet du polar poisseux rappelant les exactions fielleuses des malfrats de la Rançon de la peur, Rabid Dogs ne manque pas d'audaces pour embarquer son spectateur au sein d'un road movie aride. Après avoir assassiné un convoyeur et dérobé le magot, un trio de malfrats prennent en otage une femme, le conducteur et son fils malade à bord d'une voiture. C'est le début d'une virée cauchemardesque que nos trois otages vont sillonner sur l'autoroute et la province pour le prix de leur survie. Frénétique, sadique et terriblement pervers ! Ces mots me viennent instinctivement à l'esprit pour définir le huis-clos infernal entrepris à travers un périple brut de décoffrage ! Avec ces trognes d'ahuris écervelés puant la sueur et déversant sans répit leur verve railleuse auprès des victimes, Rabid Dogs met en exergue le portrait d'antagonistes médiocres tributaires de leurs bas instincts. 


Huis-clos régi en interne d'une voiture restreinte où la chaleur d'un soleil écrasant épuise un peu plus chacun des passagers, Mario Bava prend le pari de maintenir l'intérêt du spectateur sur l'unique itinéraire d'un réseau routier. Afin de relancer l'intrigue et pour ne pas nous perdre en fil de route, il réussit à enchâsser certains rebondissements intempestifs afin que nos protagonistes puissent s'extirper de la voiture et fréquenter l'intrusion inopinée de certains quidams. En braquant sa caméra de façon permanente sur les visages orduriers de nos malfrats, Maria Bava créé un sentiment de claustration au spectateur, embarqué malgré lui dans l'habitacle d'une voiture où l'insalubrité d'urine, d'alcool et de sang vont polluer l'atmosphère ! Humiliée et violentée, la femme soumise est ici réduite à l'état d'esclave pour endurer nombre de sévices par des machistes incapables de canaliser leurs pulsions psychotiques. Dans cette ambiance de folie perpétuelle, la tension reste soutenue au rythme des vicissitudes que les victimes doivent inlassablement tolérer. Qui plus est, une certaine notion de suspense s'interfère notamment quand à l'achèvement de leur destination routière.  


Oppressant, malsain et dérangeant, Rabid Dogs constitue une épreuve de force immorale dénonçant sans tabous la décadence de la nature humaine. Car ici, la plupart des protagonistes ou quidams que l'on côtoie sont inévitablement dominés par la cupidité et la corruption. Il en émane un road movie erratique rempli d'insolence et de trivialité où le nihilisme des situations atteindra son apogée vers une dernière image insupportable !

Dédicace à Ciné-Bis-Art
04.12.13. 2èx
Bruno Matéï

mardi 3 décembre 2013

L' Année de tous les Dangers / The Year of Living Dangerously

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site mauvais-genres.fr

de Peter Weir. 1982. Australie. 1h55. Avec Mel Gibson, Sigourney Weaver, Linda Hunt, Michael Murphy, Bill Kerr, Noel Ferrier.

Sortie salles France: 1er Juin 1983. Australie: 17 Décembre 1982. U.S: 21 Janvier 1983

Récompense: Oscar du Meilleur second rôle féminin pour Linda Hunt en 1984

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur australien, né le 21 Août 1944, à Sydney, Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris. 1975: Pique-nique à Hanging Rock. 1977: La Dernière Vague. 1981: Gallipoli. 1982: l'Année de tous les Dangers. 1985: Witness. 1986: Mosquito Coast. 1989: Le Cercle des Poètes Disparus. 1990: Green Card. 1993: Etat Second. 1998: The Truman Show. 2003: Master and Commander. 2011: Les Chemins de la Liberté.


Dans la lignée de Salvador, la Déchirure et Under Fire, l'Année de tous les dangers traite des risques du journalisme lorsque le reporter en quête de scoop se retrouve expatrié dans un pays despotique. L'action prend pour cadre l'Indonésie au cours de l'année 1965, juste avant le mouvement du 30 septembre. Guy Hamilton, journaliste australien s'y rend sur place pour nous informer de la situation précaire instaurée auprès d'un peuple affamé et où les enfants malades en sont les premières victimes. En dehors des autres journalistes qui assistent impuissants à la crise, Guy préfère se rapprocher auprès de l'humaniste Billy Kwan, un nain sino-australien. Au cours de son séjour, il rencontre également une assistante anglaise, Jill Bryant, avec qui il entame une relation amoureuse. 


Difficile de retranscrire précisément ses impressions après la projo de l'Année de tous les dangers tant la mise en scène autonome de Peter Weir traite son sujet avec pudeur et subtilité. Il nous transporte au sein d'une aventure humaine où violence et passion s'entrechoquent à travers le cheminement de trois personnages (Guy, Billy et Jill) communément confrontés au désordre politique et à leur propre éthique. Des témoins impuissants d'un conflit social en ascension si bien que la rébellion communiste tente de s'approprier les armes afin de renverser le pouvoir. Avec l'audace courageuse d'un jeune journaliste en quête de scoop, Peter Weir illustre les risques inconsidérés que certains d'entre eux sont prêts à commettre pour leur intérêt professionnel. Sauf qu'en l'occurrence, Guy Hamilton est rattrapé par son amitié avec un correspondant étranger et l'amour pour une diplomate anglaise. Avec une maîtrise affinée, le cinéaste illustre donc la violence (celle de l'autorité de l'armée et de la colère des insurgés) sans une once de sensationnalisme et observe le comportement du trio avec une humanité aussi fébrile que tourmentée. En particulier le cas du jeune Guy Hamilton, partagé entre son devoir de profession et sa raison morale, mais décidant finalement de lâcher prise au scoop escompté en privilégiant son idylle passionnelle. 


Soutenu par la vibrante partition de Maurice Jarre et magnifié de la sobriété de ces interprètes, l'Année de tous les dangers laisse une trace indélébile dans l'esprit du spectateur de par son dépaysement imparti à l'Indonésie et pour le lyrisme qui émane des personnages contrariés. Une des oeuvres envoûtantes des années 80 auquel son souffle romanesque nous laisse sur un sentiment d'inachevé face à la postérité d'un peuple martyr prochainement enclin à la violence des combats. Du grand cinéma. 

Note: Le film a été interdit en Indonésie jusqu'en 1999 car il montrait par quel concours de circonstances tumultueux et sanglant le dictateur Soeharto arriva au pouvoir

03.12.13. 2èx
Bruno Matéï

lundi 2 décembre 2013

RENDEZ VOUS AVEC LA PEUR (Night of the demon)

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site catswithoutdogs.blogspot.comde

de Jacques Tourneur. 1957. Angleterre/U.S.A. 1h35. Avec Dana Andrews, Peggy Cummins, Niall MacGinnis, Maurice Denham, Athene Seyler, Liam Redmond, Reginald Beckwith, Ewan Roberts.

Sortie salles Angleterre: 17 Décembre 1957

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Jacques Tourneur est un réalisateur anglais, né le 12 Novembre 1904 à Paris, décédé le 19 Décembre 1977 à Bergerac.
1931: Tout ça ne vaut pas l'amour. 1933: Toto. 1933: Pour être aimé. 1934: Les Filles de la concierge. 1939: Nick Carter, Master Detective. 1942: La Féline. 1943: Vaudou. 1943: L'Homme Leopard. 1944: Jours de gloire. 1944: Angoisse. 1946: Le Passage du Canyon. 1947: La griffe du passé. 1950: La Flèche et le flambeau. 1951: La Flibustière des antilles. 1955: Le juge Thorn fait sa loi. 1957: Rendez vous avec la peur. 1957: Poursuites dans la nuit. 1958: La Cible parfaite. 1959: La Bataille de Marathon. 1960: Passage secret. 1961: Fury river. 1963: Le croque-mort s'en mêle. 1965: La Cité sous la mer.


"Chez Tourneur, la plupart du temps, la victoire est minime, les ombres demeurent, et pratiquement rien n'a été résolu. Les héros (le mot convient mal aux personnages principaux de Tourneur) vivront avec leurs angoisses. Ils auront simplement appris qu'il y a des puissances extérieures, des forces surnaturelles et ils devront en tenir compte". Bertrand Tavernier

Grand classique des années 50, Rendez-vous avec la peur joue la carte du fantastique éthéré sous la houlette d'un spécialiste en la matière, Jacques tourneur. Si son chef-d'oeuvre antécédent, La Féline, avait déjà prouvé son talent leste à suggérer une angoisse diffuse, Rendez-vous avec la peur empreinte le même mode opératoire pour mettre en exergue une réflexion sur la superstition et notre croyance au surnaturel.

Venu participer à une conférence sur la parapsychologie, un éminent psychologue enquête sur les activités occultes du docteur Julian Karswell. Au fil de son investigation, sa rationalité va être mise à épreuve face à une succession d'évènements potentiellement surnaturels. 


Modèle de mise en scène dans l'art et la manière de suggérer l'angoisse, Rendez-vous avec la peur nous confine vers un périple ténébreux au sein d'un univers prisé par la superstition. A travers le témoignage cartésien d'un psychologue réfutant toute idéologie surnaturelle mais confronté à une série d'incidents inexpliqués, le film ne cesse de nous interroger sur nos propres croyances et cette peur innée de l'obscurité. Avec l'habileté du faux-semblant, le réalisateur emploie surtout une démarche psychologique pour nous douter des évènements relatés devant la présence d'un psychologue infaillible. L'angoisse qui en émane n'en est alors que plus trouble et captivante sachant que ce protagoniste saint d'esprit ne peut se laisser persuader par la peur de l'inconnu. A travers son cheminement occulte, Jacques Tourneur nous fait partager son scepticisme devant une série d'épreuves déconcertantes (la tempête de la forêt, la séance de spiritisme) et dangereuses (la poursuite à travers bois, l'attaque du tigre dans la maison du Dr Karswell), tout en insufflant un certain suspense quand au motif d'un fameux parchemin. A l'instar de La Féline ou de Rosemary's Baby, le doute nous reste émis en suspens quand à la réalité des faits exposés. S'agit-il d'hallucinations collectives exprimées par l'auto-suggestion d'esprits fragiles tributaires de leurs affres, ou s'agit-il de phénomènes surnaturels liés à la démonologie d'un monstre griffus ?


"Ne jamais perdre son émerveillement face au monde et à tout ce qu'il contient"
En jouant sur la peur insondable de l'inconnu et des superstitions, Rendez-vous avec la peur nous mêle à une étude personnelle sur la matérialisation du Mal en remettant en cause nos convictions cartésiennes. Il en extrait une oeuvre cauchemardesque délicieusement captivante et inquiétante parce qu'elle ne cesse d'opposer la raison et l'irrationnel avec un sens de persuasion lié à la suggestion !

02.12.13. 2èx
Bruno Matéï

vendredi 29 novembre 2013

Philadelphia Security / Fighting Back

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinesud-affiches.com

de Lewis Teague. 1982. U.S.A. 1h36. Avec Tom Skerritt, Michael Sarrazin, Yaphet Kotto, Patti Lupone, David Rasche, Varona Donna, Angelis Gina, Adam Sherman, Pete Richardson, Pat Cooper.

Sortie salles: 21 Mai 1982 (Int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Lewis Teague est un réalisateur, monteur, directeur photo et acteur américain, né le 8 mars 1938 à Brooklyn, New-York, Etats-Unis. 1974: Dirty O'Neil. 1979: The Lady in red. 1980: L'Incroyable Alligator, 1982: Philadelphia Security. 1983: Cujo. 1985: Cat's Eye. 1985: Le Diamant du Nil. 1989: Collision Course. 1990: Navy seals: les meilleurs. 1991: Wedlock.


Habile faiseur de séries B à qui l'on doit entre autre l'excellente adaptation de Stephen King, Cujo, un des meilleurs films d'agression canine, Lewis Teague réalise en 1982 un film d'auto-défense aussi curieux que percutant, dans la mouvance d'Un Justicier dans la villeVigilante et du Droit de tuer.

Le Pitch: Un paisible épicier décide de fonder un comité de vigilance suite à l'agression brutale de sa femme et de sa mère par des voyous. Sa popularité prend une telle ampleur que les médias s'emparent du phénomène. Alors que la police semble dans une impasse pour tenter de le condamner, la politique s'en mêle à son tour afin de l'inciter à se présenter aux prochaines élections. 

Film d'action très efficacement mené porté à bout de bras par la persuasion expressive de Tom Skerritt (sans conteste possible le rôle de sa vie), Philadelphia Security réexploite le concept de la légitime défense par l'entremise d'une milice avec une ambiguïté sciemment dérangeante. 


Si bien que durant le cheminement expéditif de ce héros vindicatif épaulé de sbires particulièrement violents le réalisateur dénonce en filigrane leurs (ex)actions illégales de comportements brutaux où la violence ne fait qu'engendrer une riposte encore plus nauséeuse. En prime, le discours sur le problème de l'insécurité grandissante n'apporte au final que peu de solution (en dépit du nettoyage à sec d'un parc public à nouveau tranquille), si ce n'est que de faire sombrer notre redresseur de tort dans la criminalité comme le souligne son glaçant épilogue aussi amer que malaisant. Quand bien même après nombre de bravoures et ripostes aussi irresponsables qu'irréfléchies, la notoriété de celui-ci est récupérée par l'enthousiasme d'une population désarmée ainsi que par l'influence d'une politique véreuse ne comptant toutefois que sur leur propre intérêt pour accéder à la victoire. Or, Philadelphia Security se permet d'être d'autant plus réaliste qu'il fait appel à un certain aspect docu-vérité auprès de l'évolution morale de notre justicier se perdant peu à peu dans une riposte expéditive tranchée, auprès de son climat urbain tout à fait crédible et auprès de sa violence parfois brutale qui émane au sein des 2 camps adverses (il fut d'ailleurs interdit aux - de 18 ans chez nous). Notamment en se reportant sur sa version originale sous-titrée que je recommande chaudement tant la version française ne possède pas cette même vigueur, cette même aura documentée pour rendre compte de la dégénérescence de cette jungle urbaine soumise à toutes les violences gratuites.


Profondément attachant auprès de son casting taillé sur mesure, ludique par son action en roue libre et bénéficiant du savoir-faire de Lewis Teague auprès de sa mise en scène aussi soignée que musclée, Philadelphia Security évoque avec intelligence et efficacité le problème houleux de l'auto-défense en dénonçant les conséquences d'une riposte en herbe dénuée ici de prise de conscience, de responsabilité et de remise en question pour le profil animal de John d'Angelo. Un modeste commerçant peu à peu gagné par le goût du sang afin de parvenir à la tranquillité de sa famille et de son quartier. 
A revoir d'urgence, notamment faute de son invisibilité. 

*Bruno
21.11.23. 5èx
29.11.13. 

jeudi 28 novembre 2013

LA HORDE (Prix du Jury Syfy au Festival de Gérardmer, 2010)

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site nerdalors.fr

de Yannick Dahan et Benjamin Rocher. 2009. France. 1h33. Avec Claude Perron, Jean-Pierre Martins, Eriq Ebouaney, Yves Pignot, Doudou Masta, Jo Prestia.

Sortie salles France: 10 Février 2010

Récompense: Prix du jury Syfy à Gérardmer, 2010

FILMOGRAPHIE: Yannick Dahan est un journaliste, critique de cinéma, réalisateur et scénariste français. 2009: La Horde
Benjamin Rocher est un réalisateur français. 2009: La Horde. 2012: Les Prophétionnels (documentaire)


Je ne vais pas revenir sur les critiques assassines qu'ont fait preuve Benjamin Rocher et l'intarissable Yannick Dahan mais plutôt délivrer mon ressenti d'un second visionnage pour ce divertissement bisseux plein de bruit et de fureur. C'est d'abord le casting éclectique justement approprié qui stimule l'aventure parmi la présence d'acteurs virils comme on en voit peu dans le paysage français. Confronter notamment un comédien notoire issue de l'ancienne génération (le vétéran Yves Pignot) à la nouvelle classe de comédiens en herbe démontre que notre duo de réalisateurs souhaitait rassembler des têtes forts en gueule spécialement sélectionnées pour leur charisme buriné ! Le pitch de départ plutôt linéaire s'avère également des plus efficaces. Dans un immeuble d'HLM, une bande de flics vindicatifs vont devoir s'allier avec le gang de malfrats qu'ils combattaient afin de se défendre de la menace externe d'une légion de zombie. Piégés à l'intérieur des appartements, ils vont tenter par tous les moyens de se protéger de leurs agresseurs mais aussi tenter de s'échapper afin de regagner la ville.


En rendant hommage à Assaut, Zombie et tout un pan du cinéma Bis, Benjamin Rocher et Yannick Dahan ont décidé en toute modestie (budget restreint oblige) de divertir un public friand d'action décérébrée et d'horreur qui tâche. Avec le tempérament furibond de ces anti-héros aux méthodes expéditives et la vigueur de zombies dégénérés, la Horde est conçu à l'instar d'un tour de montagne russe auquel une poignée de survivants n'aura de cesse de se déplacer d'un étage à un autre pour les combattre et accéder timidement vers une issue de secours. La brutalité violente des altercations qui en résulte illustre bien les motivations radicales de nos deux réalisateurs, clairement délibérés à proposer un divertissement méchant dénué de moralité (tous les protagonistes, flics compris, sont des réactionnaires ne comptant que sur leur indépendance) et où les éclaboussures de sang vont abondamment tapisser les mur de béton. Seul compte ici la loi du plus fort (aucune indulgence pour les retardataires en porte-à-faux !), même si les deux camps adverses auront décidé de s'unifier pour augmenter leur chance de survie. Aux différents conflits de discorde s'oppose notamment un retournement de situation dans la division du groupe (au détour d'une offensive avec les zombies, Aurore va se retrouver séparée avec l'intermédiaire d'un de ces partenaires). Enfin, pour dédramatiser l'intrigue d'une touche ironique, l'arrivée improvisée d'un nouveau venu va venir égayer la troupe. Un sexagénaire bedonnant sévèrement impétueux qui n'hésitera pas à dézinguer à la sulfateuse tous les contaminés qui empiéteront son chemin. Au rythme efficacement soutenu, La Horde va finalement augmenter l'intensité haletante des rixes pour converger vers un point d'orgue destroy ultra jouissif ! A l'image singulière (et très bisseuse !) de ce survivant encerclé par des zombies sur le capot d'une voiture, et de les combattre fougueusement flingues et machette à la main !


Avec la dérision de ces dialogues incisifs, le tempérament fort en gueule de ces anti-héros (où la femme occupe une place de choix !) et le rythme toujours plus échevelé de l'action, la Horde s'érige en plaisir coupable fun et décomplexé. Un B movie hargneux à l'ultra violence irascible et à l'énergie communicative. Le divertissement idéal du samedi soir à privilégier entre amis, le pack de bières à la main ! 

Note subsidiaire: En dépit de son échec commercial et critique, La Horde s'est exporté avec succès en Angleterre, en Italie et au Japon

28.11.13. 2èx
Bruno Matéï

mercredi 27 novembre 2013

LA FOIRE DES TENEBRES (Something Wicked This Way Comes)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Jack Clayton. 1983. Angleterre. 1h35. Avec Jason Robards, Jonathan Pryce, Diane Ladd, Royal Dano, Vidal Peterson, Shawn Carson, Mary Grace Canfield, Richard Davalos.

Sortie salles: 29 Avril 1983

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni).
1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Produit au début des années 80 par la célèbre firme Walt Disney, à l'époque où ils souhaitaient se démarquer du produit familial standard en privilégiant des récits plus sombres et adultes (les Yeux de la forêt), La Foire des Ténèbres est notamment la réunion de deux auteurs prodiges, Jack Clayton et Ray Bradbury. D'après le roman éponyme du célèbre écrivain, le réalisateur anglais le transpose ici avec un charme nostalgique évident de par sa reconstitution archaïque d'une fête foraine chargée de mystères ! A l'instar d'un conte infantile, le film relate l'arrivée d'une bien étrange foire au coeur d'un petit village de l'Illinois. Deux enfants inséparables, Jim et Will, y font la rencontre de Mr Dark, un sombre dandy capable de matérialiser nos rêves d'antan. Depuis son intrusion et celle de sa troupe, d'étranges évènements portent atteintes à la vie des citadins. Persécutés à leur tour, Jim et Will vont tenter d'avertir le père de ce dernier que la population encourt un grave danger. Echec commercial lors de sa sortie officielle, la Foire des Ténèbres eut la déveine de ne pas rencontrer son public sans doute rebuté par l'aspect austère de son climat hermétique. Pour autant, ce conte pour adultes s'avère véritablement intriguant à travers son cheminement cauchemardesque, et ce en nous proposant un récit original des plus fascinants chez la caractérisation perfide d'antagonistes atypiques.


C'est d'abord la conviction de sa distribution (Jason Robards et Jonathan Price s'affrontent à la manière charismatique de gentlemens avisés !) qui nous permet d'adhérer à cette étrange carrousel de l'étrange où un être démoniaque s'est insinué dans l'intimité des citadins afin de les asservir. Pour cela, il s'approprie de leurs rêves les plus inaccessibles et envieux en leur donnant l'illusion de renouer avec un bonheur passéiste. Ce cadeau empoisonné, Mr Dark leur élabore sans vergogne afin de se nourrir de leurs cauchemars et de leurs peurs les plus noires. Par l'entremise de deux enfants avides de curiosité, et d'un père sclérosé réfutant la vieillesse, la Foire des Ténèbres nous convie à une lutte sempiternelle entre les forces du Bien et du Mal. Qui plus est, la caractérisation humaine de ces personnages est d'autant mieux traitée afin de souligner une réflexion sur l'usure du temps, l'amertume de la vieillesse et nos regrets insolubles. Si bien qu'ici, et d'une manière hétérodoxe, l'héroïsme est établi du point de vue d'un sexagénaire rongé par la contrariété d'un acte de bravoure qu'il n'eut pu braver. Alors que les enfants, en pleine défiance avec les démons, vont finalement s'acheminer vers une virée initiatique de par leur mauvaise posture ! Cette expérience avec les forces démoniaques leur permettra donc d'accéder à la rédemption et au dépassement de soi en extériorisant une idéologie optimiste (le fait de positiver et de songer au bonheur permet de rompre les liens destructeurs du Mal). Emaillé de séquences oniriques (les agissements de l'envoûtante sorcière de verre, le labyrinthe du temps) ou cauchemardesques (la dégénérescence corporelle de Mr Dark au sein du carrousel), la Foire des Ténèbres déroute le spectateur avec un sens retors de l'illusion, à l'instar de sa séquence de claustration viscérale (l'invasion des mygales rampants dans la chambre des enfants !).


Scandé d'une partition opulente de James Orner, du charisme gandin de ces interprètes et d'un esthétisme délicieusement archaïque, La Foire des Ténèbres peut aujourd'hui accéder à la renommée qu'il aurait dû mériter. Avec le recul, c'est également l'occasion de se rendre compte que l'usure du temps abordée dans le film n'a entachée aucune emprise sur l'entreprise de Clayton ! Je dirais même qu'à contrario, et peut-être avec la complicité alchimique de Mr Dark, la Foire des Ténèbres s'est aujourd'hui converti au rajeunissement ! 

27.11.13. 3èx
B-M

mardi 26 novembre 2013

COLORADO (La Resa dei conti)

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site az-movies.centerblog.ne

de Sergio Sollima. 1966. Italie/Espagne. 1h50. Avec Tomas Milian, Lee Van Cleef, Luisa Rivelli, Fernando Sancho, Nieves Navarro.

Sortie salles France: 4 Juin 1969. Espagne: 29 Novembre 1966

FILMOGRAPHIE: Sergio Sollima est un réalisateur et scénariste italien, né le 17 Avril 1921 à Rome.
1965: Agente 3 S 3 passaporto per l'inferno. 1966: Agente 3 S 3 massacro al sole. 1966: Requiem per un agente segreto. 1966: Colorado. 1967: Le Dernier face à face. 1968: Saludos Hombre. 1970: La Cité de la violence. 1973: Revolver. 1976: Le Corsaire Noir.


Premier volet d'une trilogie, Colorado est le western auquel collaborèrent durant 3 années successives le réalisateur Sergio Sollima et l'acteur caméléon Tomas Milian. Moins connu que Le Dernier face à face et Saludos Hombre et peu diffusé à la TV, ce grand classique refait aujourd'hui surface sous la bannière de Wild Side Video en version haute définition !


Influencé par l'inattendu succès de Pour une poignée de dollars, Sergio Sollima livre avec Colorado un western spaghetti diablement ironique dans son florilège de rebondissements impromptus. A travers l'escapade inlassable d'un illustre chasseur de prime délibéré à mettre la main sur un potentiel tueur d'enfants, Sergio Sollima établit surtout une étude caractérielle de deux personnages contradictoires mais mutuellement impressionnés par leur sens de bravoure et de perspicacité. Car en jouant sur le faux semblant d'un malfrat inculte mais redoutablement rusé, le réalisateur ne cesse de nous interroger sur sa culpabilité d'autant plus que ce dernier ne cesse de se dépêtrer de ses ennuis avec une audace cynique. Pour incarner ce rôle de malfrat licencieux peu banal dans le paysage du western, Tomas Milian rivalise de raillerie, mesquinerie et subterfuge afin de ridiculiser son ennemi juré redresseur de tort. Avec son regard reptilien impassible, Lee Van Cleef endosse la responsabilité de l'honnête chasseur de prime, partagé entre la décision de s'associer avec un propriétaire cupide pour la construction d'une ligne de chemin de fer et celui de pourchasser sans relâche l'odieux assassin. Au fil de cette narration habilement charpentée mettant en exergue actions et bévues fortuites, Sergio Sollima étudie les rapports de force qui unit ces deux antagonistes tout en remettant en cause le manque de preuves tangibles que l'homme de loi se doit de témoigner.
Cette traque intrépide menée à travers le désert du Texas jusqu'à la frontière du Mexique culmine son point de chute vers l'itinéraire d'une nouvelle chasse à l'homme encore plus déloyale après avoir divulgué la véritable identité du meurtrier.


En dénonçant la corruption et la xénophobie chez une justice arbitraire (les villageois mexicains molestés n'ont également aucune considération), Sergio Sollima immortalise surtout le portrait peu commun d'un duo d'ennemis intraitables mais rattrapés par leur instinct de survie et d'équité. Soutenu par la partition lyrique d'Ennio Morricone, Colorado met notamment en lumière les vastes étendues d'un désert aride dérangé par une traque des plus perfides !

26.11.13
Bruno Matéï

    lundi 25 novembre 2013

    LE PROFESSIONNEL

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotions.com

    de Georges Lautner. 1981. France. 1h48. Avec Jean Paul Belmondo, Jean Desailly, Robert Hossein, Cyrielle Claire, Marie-Christine Descouard, Elisabeth Margoni, Jean-Louis Richard, Michel Beaune, Bernard-Pierre Donnadieu.

    Sortie salles France: 21 Octobre 1981

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Georges Lautner est un réalisateur et scénariste français, né le 24 Janvier 1926 à Nice, décédé le 22 Novembre 2013 à Paris. 1958: la Môme aux boutons. 1959: Marche ou crève. 1962: L'Oeil du monocle. 1963: Les Tontons flingueurs. 1963: Des Pissenlits par la racine. 1964: Le Monocle rit jaune. 1964: Les Barbouzes. 1966: Ne nous fâchons pas. 1967: Le Grande sauterelle. 1968: Le Pacha. 1969: Sur la route de Salina. 1970: Laisse aller, c'est une valse. 1971: Il était une fois un flic. 1972: Quelques messieurs trop tranquilles. 1973: La Valise. 1974: Les Seins de glace. 1975: Pas ce problème ! 1976: On aura tout vu. 1977: Mort d'un pourri. 1978: Ils sont fous ces sorciers. 1979: Flic ou voyou. 1980: Le Guignolo. 1981: Est-ce bien raisonnable ? 1981: Le Professionnel. 1984: Joyeuse Pâques. 1984: Le Cowboy. 1985: La cage aux folles 3. 1986: La vie dissolue de Gérard Floque. 1988: La Maison Assassinée. 1989: Présumé dangereux. 1991: Triplex. 1991: Room service. 1992: l'Inconnu dans la maison.


    Enorme succès en France (il totalise 5 243 511 entrées !) mais aussi au delà de nos frontières (en Allemagne il dépasse les 3 millions !), Le Professionnel a marqué toute une génération de spectateurs et forgé la réputation d'un acteur charismatique au naturel spontané. Film d'action populaire réalisé par un spécialiste du genre et réunissant pour la troisième fois le tandem Lautner/Bébel, Le professionnel n'a aujourd'hui rien perdu de son capital séducteur, à l'instar de l'inoubliable score d'Ennio Morricone: Chi Mai ! Tiré du roman, Mort d'une bête à la peau fragile de Patrick Alexander, le film nous relate la vengeance d'un émissaire qui était chargé d'abattre un président dictateur au Malagawi. Vendu par les services secrets français, il est finalement condamné au bagne par les autorités africaines. Deux ans plus tard, avec l'aide d'un complice, Joss Beaumont réussit à s'échapper et rentre à paris pour régler ses comptes. Réalisé avec savoir-faire et efficacement structuré, Le Professionnel est le modèle symptomatique du spectacle populaire alliant avec symétrie humour et action. Sur ce dernier point, il est à noter qu'au passage d'une course poursuite une cascade fut entièrement supervisée par le spécialiste en la matière, Rémy Julienne.


    Outre la gestion d'un rythme sans faille et de son intrigue bien huilée multipliant rebondissements et revirement dramatique (son final inopiné reste sacrément audacieux pour délaisser le public !), le film doit aussi sa réussite grâce à sa galerie de protagonistes aussi couards qu'insidieux. Sévèrement malmenés par un professionnel véloce, ils vont tenter par tous les moyens de l'abattre afin d'occulter une machination ministérielle. Au sous-texte politique, et avec une belle ironie, Georges Lautner n'hésite pas à égratigner l'hypocrisie de nos ministres français à travers leurs relations diplomatiques auprès de l'état africain, tout en ridiculisant notamment le comportement lubrique d'un dictateur entaché d'une catin ! Dans celui de l'agent secret reconverti en transfuge, Jean Paul Belmondo reste fidèle à son image de séducteur mastard déployant une verve goguenarde (dialogues incisifs d'Audiard à l'appui !) et subterfuges afin de railler ses adversaires. Sa bonhomie extrêmement sympathique, son aisance naturelle et son charisme viril prouvent que l'acteur reste une icône du cinéma d'action dans le paysage hexagonal.


    Combinant adroitement humour et action, parfois même lors des moments cruciaux (le duel entre Robert Hossein et Bébel est subitement dédramatisé par l'intervention d'un badaud nickelé !) et scandé des larges épaules de Bébelle Professionnel ne démérite pas son statut de classique populaire. Sublimé d'un thème élégiaque entêtant et agrémenté du charme (polisson) de ces actrices, on garde pour autant la gorge nouée face à l'aigreur de l'épilogue inopinément tragique. 

    A Georges Lautner
    25.11.13. 3èx
    Bruno Matéï

    samedi 23 novembre 2013

    L'ATTENTAT

     
                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Ziad Doueiri. 2012. France/Belgique/Qatar/Belgique. 1h44. Avec Ali Suliman, Evgenia Dodina, Reymonde Amsellem, Dvir Benedek, Uri Gavriel, Ruba Salameh.

    Récompense: Etoile d'Or au Festival du film de Marrakech

    Sortie salles France: 29 Mai 2013

    FILMOGRAPHIE: Ziad Doueiri est un réalisateur et scénariste arabe.
    1998: West Beyrouth. 2004: Lila dit ça. 2012: L'Attentat


    "Comment a t'elle pu un jour mettre une ceinture d'explosifs et se faire exploser au milieu d'un restaurant ? comment ?"
    Je pense que les terroristes ne comprennent pas vraiment ce qui leur arrive.
    Quelque chose change dans leur cerveau et ils ne sont plus les mêmes.
    Ca peut arriver à n'importe qui, ça peut te tomber dessus comme une tuile ou te ronger de l'intérieur
    et après tu ne vois plus le monde de la même façon.
    T'attends juste le moment de franchir le pas !


    Sur un thème d'actualité brûlant, l'attentat-suicide chez les kamikazes compromis au conflit israélo-palestinien, le réalisateur Ziad Doueri livre un drame bouleversant en évitant l'écueil de la morale ou de l'apologie. Avec une profonde humanité, il nous retranscrit le cheminement désespéré d'un éminent médecin, en quête de vérité pour tenter de comprendre l'exaction d'un attentat commis par sa propre femme. Responsable de la mort innocente de 11 victimes dans un restaurant de Tel Aviv, cette jeune palestinienne semblait auparavant une femme équilibrée dénuée d'une quelconque haine intégriste. C'est ce que le film nous remémore avec l'alternance de flash-back où le couple était en harmonie amoureuse. Avec humilité et sensibilité aiguë, L'Attentat s'attache notamment à dépeindre le mal-être de deux patries en guerre, incapables de trouver une solution pacifique à leur problème. Avec sa réalisation limpide dénué de logorrhée inutiles, le film prend aux tripes dans son sens de la dignité et tente de nous expliquer les motivations morales qui ont pu conduire un kamikaze à perpétrer un acte aussi lâche. En évitant les clichés usuels du manichéisme, le réalisateur insiste surtout à mettre en avant la dimension humaine du mari perplexe et de sa femme révoltée, témoin malgré elle du résultat d'un génocide à Jenine, et donc intérieurement rongée par son accablement et sa honte. Face à cette rancœur inconsolable ne lui reste plus qu'adouber sa loi du talion, c'est à dire agir en tant que martyr afin de venger l'honneur de sa patrie et le sacrifice des innocents.   


    "Nous ne sommes pas des fanatiques ni des islamistes, nous sommes un peuple qui se bat par tous les moyens pour retrouver sa dignité"
    Mis en scène avec une incroyable pudeur et filmant ses personnages tourmentés au plus près de leur sentiments, L'Attentat s'accapare de notre éthique avec une rare puissance émotionnelle pour établir un regard nouveau sur l'expression des Kamikazes. Face au thème brûlant si brillamment illustré, le fait qu'il n'apporte aucune solution pour panser la haine des peuples nous implique personnellement dans un sentiment de désespoir et d'injustice. Au-delà de souligner l'humilité de ces personnages meurtris, l'Attentat n'oublie pas pour autant de transcender une déchirante histoire d'amour où l'amertume de sa conclusion risque de vous chavirer vers un collapse inconsolable.

    Un grand merci à Pascal Frezzato
    23.11.13
    Bruno Matéï
                                    

    vendredi 22 novembre 2013

    La Baie Sanglante / Reazione a catena / Ecologia del delitto

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site 50ansdecinema.wordpress.com

    de Mario Bava. 1971. Italie. 1h24. Avec Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rosati, Chris Avram, Leopoldo Trieste, Laura Betti.

    Sortie salles France: 22 Mars 1973. Italie: 1971

    FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).il va inventer 13 manières de tuer


    Véritable chef-d'oeuvre du néo giallo, avant-coureur du psycho-killer dont Sean S. Cunninghan reprendra le concept de manière autrement triviale (Vendredi 13), la Baie Sanglante supporte le poids des décennies de par son pouvoir de fascination érigé sous une nature automnale, théâtre macabre d'une hécatombe meurtrière. Le pitchAprès le meurtre d'une comtesse et de son époux, leur fils et deux couples sans vergogne vont tenter de s'emparer de leur propriété située à proximité d'une baie. A partir d'un scénario machiavélique alignant une succession de meurtres d'un gore assez cru, Mario Bava redouble d'efficacité afin d'illustrer le jeu de massacre d'une poignée d'antagonistes aussi cupides que véreux dans leur requête d'une vaste propriété. Ce qui frappe d'emblée quand on se replonge dans les eaux troubles de La Baie Sanglante, c'est le contraste saisissant impartie à la beauté rassurante de la nature et la cruauté des meurtres outranciers qui en découle (zooms insistants sur les plaies entaillées).


    Car face aux agissements putanesques de personnages cyniques s'entretuant pour l'acquisition d'un lieu touristique, Mario Bava y dépeint une métaphore sur le respect de l'écologie. Comme si la baie semblait éprise de rancoeur et d'imprécation face à l'attitude désinvolte de ces étrangers. Car en bafouant ce lac par leurs exactions sanglantes ainsi qu'un viol pour le transformer en station balnéaire (voire, une plaque de béton !), la baie semble observer leur mépris avec mélancolie (score élégiaque à l'appui). Ainsi, au coeur de ce pathétique conflit entre amants bornés, et pour rajouter le côté disproportionné de ce massacre organisé, quatre jeunes ados vont pénétrer par effraction dans la propriété puis faire les frais de leur curiosité après la découverte d'un noyé. Ce scénario implacable toujours plus jouissif dans les stratégies perfides émises par nos énergumènes, Mario Bava le dirige avec une maestria géométrique et un sens visuel sépia (et azuré pour les séquences de nuit) qui laisse pantois d'admiration (tout du moins en Blu-ray). La poésie macabre de ses images oniriques ou morbides demeure d'autant plus envoûtante auprès d'un jeu nuancé de lumière sensuelle pour nous susciter une trouble émotion. Et ce jusqu'à l'ironie délibérément grotesque d'un épilogue tristement dérisoire, score primesautier à l'appui.


    Ecologie du délit. 
    Au score inoubliable de Stelvio Cipriani qui enveloppe le récit et à la mise en scène stylisée de Bava, La Baie Sanglante s'édifie en pierre angulaire du cinéma d'horreur où l'audace gore se compromet à l'élégance d'un érotisme macabre. L'efficacité cinglante de son scénario impliquant une galerie assez pitoyable d'antagonistes rustres exacerbant sans répit son pouvoir émotionnel chargé de dérision caustique anti capitaliste. Une oeuvre d'art au sens le plus épuré à redécouvrir d'urgence tant son trouble pouvoir de fascination nous hante l'esprit avec plaisir masochiste inextinguible. 

    *Bruno
    22.11.13. 
    20.02.24. 7èx. VF car version anglaise doublée



    jeudi 21 novembre 2013

    TERREUR DANS LE SHANGAI EXPRESS (Horror Express / Pánico en el Transiberiano)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site ohmygore.com

    de Eugenio Martin. 1972. Angleterre/Espagne. 1h30. Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Alberto de Mendoza, Silvia Tortosa, Julio Pena, Helga Line, Telly Savallas.

    Récompense: Médaille CEC en 1972 au Festival International de Catalogne, à Sitges.

    FILMOGRAPHIE: Eugenio Martin est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1925 à Grenade.
    1965: L'uomo di Toledo. 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1969: La vida sigue igual. 1971: Les 4 Mercenaires d'El Paso. 1972: Terreur dans le Shangaï express. 1973: La Chica del Molino Rojo.


    Bisserie ibérique bien connue des cinéphiles des années 80 puisque le film sortit au prémices de la VHS, Terreur dans le Shangaï Express allie harmonieusement science-fiction et épouvante d'après un pitch inspiré de The ThingEn chine, un paléontologue fait la stupéfiante découverte d'un fossile mi-humain, mi-singe. Il décide de le rapatrier à Moscou en empruntant le train. Mais à bord, une série de morts mystérieuses commence à ébranler les passagers, les victimes étant retrouvées aveugles. 


    Série B modeste aux moyens minimalistes mais transcendée d'une imagination sans borne et le talent de ces illustres interprètes (Christopher Lee et Peter Cushing se partagent la vedette avec un habituel snobisme alors que Telly Savallas cabotine en cosaque castrateur !), Terreur dans le Shangaï-Express joue la carte du divertissement efficient avec énormément de charme. C'est de prime abord l'aspect débridé des motivations de la créature ainsi que sa physionomie rubigineuse qui fascinent le spectateur. Car sous son apparence glauque et velue se cache un extra-terrestre exilé sur terre depuis des millions d'années. Son but: nous annihiler par l'intelligence de notre cerveau en l'absorbant pour se nourrir de nos connaissances. Par son regard rutilant, elle hypnotise chacune de ses victimes jusqu'à ce que leurs yeux ensanglantés soient rendus aveugles ! En prime, à l'instar de La Chose, et pour mieux détourner l'attention de ces ennemis, elle possède la faculté d'usurper les corps humains par le simple esprit de sa pensée. Ce pitch génialement improbable, Eugenio Martin le trousse avec une ironie macabre (à l'instar de l'intégriste insidieux prêt à corrompre son âme pour le prix de la vérité !) et un sens de l'action horrifique fertile en rebondissements. D'autant plus que le lieu de claustration s'avère bien choisi afin d'y diluer l'angoisse. Car à bord du Shangaï-express, depuis que les cadavres pleuvent, la paranoïa se distille peu à peu auprès des passagers et ne cessent d'interroger un duo de scientifiques à l'affût. D'ailleurs, au fil de leur investigation pour démystifier l'objectif de la chose, ils iront de découvertes en révélations (comme le fait que la mémoire de la chose est uniquement confinée à l'intérieur de l'oeil !). Enfin, pour parachever, le réalisateur culmine vers une issue catastrophiste (déraillement ferroviaire à l'appui !) où les morts récalcitrants vont se relever pour importuner les vivants !


    Le Monstre aux yeux rouges
    Nanti d'un scénario fantasque multipliant les idées extravagantes et campé par des vétérans notoires issus de l'horreur vétuste, Terreur dans le Shangaï-Express épouse un cachet bisseux parmi le soin de maquillages modestes mais qualitatifs et de l'originalité d'une mélodie entêtante. Son esprit iconoclaste d'allier science-fiction alarmiste et horreur cheap au sein d'une scénographie inédite renforcent le caractère débridé d'une série B bonnard aujourd'hui considérée comme culte. Et c'est à ne rater sous aucun prétexte. 

    21.11.13. 4èx
    Bruno Dussart

    mercredi 20 novembre 2013

    LA PORTE DU PARADIS (Heaven's Gate)

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    de Michael Cimino. 1980. 3h37 (Director's Cut). Avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, Jeff Bridges, John Hurt, Sam Waterston, Richard Masur, Brad Dourif, David Mansfield, Terry O'Quinn.

    Sortie salles U.S: 19 Novembre 1980

    FILMOGRAPHIE: Michael Cimino est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 février 1939 à New-York.
    1974: Le Canardeur. 1978: Voyage au bout de l'enfer. 1980: La Porte du Paradis. 1985: L'Année du Dragon. 1987: Le Sicilien. 1990: La Maison des Otages. 1996: The Sunchaser. 2007: Chacun son cinéma - segment No Translation Needed.


    Chef-d'oeuvre maudit du cinéma hollywoodien, de par son échec cinglant qui valut la faillite de United Artists, La Porte du paradis renaît aujourd'hui par le support du blu-ray dans une version director's cut entièrement supervisée par son réalisateur.

    Retraçant un triste épisode de l'histoire américaine après la guerre de sécession (la bataille du comté de Johnson de 1890 qui opposa des mercenaires contre des immigrants d'Europe de l'Est), Michael Cimino démonte les mécanismes de la guerre sous l'insurrection de ces expatriés, condamnés à être exécutés pour anarchisme et vol chez les propriétaires de bétail. Au coeur de ce conflit sanglant, un shérif aigri et un mercenaire raciste vont participer à cette sédition tout en se disputant l'amour d'une tenancière de bordel.


    Fresque monumentale d'une durée excessive de 3h37, La porte du Paradis est un western romanesque d'une ampleur démesurée dans le déploiement de ses moyens faisant intervenir des milliers de figurants au sein de paysages immaculés. Souffle épique et lyrique se côtoient avec le sens ambitieux d'une mise en scène circonspecte prenant son temps à élucider un épisode peu glorieux de l'ouest américain. Outre le fait de dénoncer une Amérique fasciste et xénophobe, hostile à tout étranger venu s'exiler sur leur patrie, Michael Cimino s'intéresse surtout à dépeindre les tourments d'un trio romanesque impliqué dans une situation politique qui leur échappe. De par leur divergence morale (Nathan est un tueur exerçant pour le syndicat des éleveurs alors que son acolyte James est prêt à défendre les démunis) et leur fragilité humaine (leur rancoeur compromise par l'infidélité amoureuse), le réalisateur décrypte leur remise en cause avec une acuité prude. Par la faute d'une idylle indécise, ces deux acolytes vont finalement se mesurer à leur aplomb pour la sauvegarde d'une catin depuis que cette dernière est consignée sur la liste noire des 125 immigrants (elle est coupable de rameuter sa clientèle étrangère contre du bétail volé). Alors que James se morfond dans la peine et tente de digérer sa rupture amoureuse, Nathan va peu à peu renoncer à ses activités de mercenaire réactionnaire afin de prémunir celle qu'il aime ! A sa réflexion sempiternelle apposée sur l'aboutissement de la guerre, Michael Cimino dépeint surtout l'état d'âme de personnages complexes asservis par un enjeu belliqueux et compromis par une romance en perdition. Il traite notamment de la vieillesse qui s'étiole inexorablement, du regret du temps passé alors que le chagrin d'un homme est engendré par le dépit amoureux.


    Autant en emporte le vent
    D'une intensité émotionnelle bouleversante et jalonné de batailles homériques hallucinantes de virtuosité, La Porte du Paradis sublime la romance de trois amants inconsolables, embourbés dans la barbarie d'une guerre inéquitable. A travers une page sordide de l'expansion d'une bourgeoisie ricaine, ce western contemplatif célèbre le courage et confine au vertige de la tragédie pour le sacrifice émis aux martyrs du chaos ! 
    Un monument en état de grâce, à l'image des ses illustres comédiens transis d'humanisme versatile, déchirant et inoubliable !

    20.11.13
    Bruno Matéï