lundi 22 septembre 2014

LES POINGS CONTRE LES MURS (Starred Up). Prix du Jury, Prix d'Interprétation (Jack O'Connell) au Festival des Arcs, 2013.

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site bandeannonce.le-bouzin.com

de David McKenzzie. Angleterre. 2013. 1h45. Avec Rupert Friend, Jack O'Connell, Ben Mendelsohn, Sam Spruell.

Sortie salles France: 4 Juin 2014. Angleterre: 21 Mars 2014

Récompenses: Prix du Jury, Prix d'Interprétation Masculine pour Jack O'Connell au Festival de cinéma européen des Arcs, 2013.
Meilleur Acteur de second-rôle pour Ben Mendelsohn au British Independent Film Award, 2013.
Meilleur Acteur pour Jack O'Connell au Festival du film de Dublin, 2014.

FILMOGRAPHIE: David McKenzzie est un réalisateur anglais, né le 10 Mai 1966 à Corbridge.
2002: The Last Great Wilderness. 2003: Young Adam. 2005: Asylum. 2008: My name is Hallam. 2009: Toy Boy. 2010: Perfect Sense. 2011: Rock'n'Love. 2014: Les Poings contre les murs.


Drame carcéral d'un réalisme saisissant dans son univers de claustration dépeint, Les Poings contre les murs relate la difficile insertion d'un mineur au sein d'une prison pour adultes, au moment même où il retrouve son père après de longues années, patriarche aujourd'hui renommé auprès d'une organisation mafieuse ! Film choc d'une intensité névralgique dans le parcours du héros confronté à ses pulsions de haine mais secondé par l'humanisme d'un thérapeute, les Poings contre les murs se réapproprie du film de prison avec l'efficacité d'un script intelligent. Son intérêt résidant également dans les relations de discorde qu'Eric entretient avec son paternel, Neville.


Car pour tenir lieu de leur fierté et aussi pour réfuter la responsabilité de leur échec commun, ils n'auront de cesse de se provoquer et se rejeter la faute avec machisme obstiné. Durant leur cheminement indécis où les épreuves de force ne cessent de les interposer, le cinéaste extériorise également les sentiments de compassion et de tendresse lorsque père et fils sont contraints de s'entraider pour éviter un sort tragique. Frénétique dans les violentes altercations qu'Eric doit déjouer et endurer avec ses rivaux, et pondéré dans les séances de thérapie qu'il tente d'apprivoiser, le film ne cesse de télescoper fureur et accalmie autour de ce personnage en apprentissage. Par l'entremise d'un enseignant lui inculquant le self-control dans cet univers malsain où la violence ne cesse de les opposer à leur instinct primitif. Au centre de ces conflits hargneux, le réalisateur en profite pour dénoncer la corruption carcérale du point de vue de ceux qui la dirige lorsque matons et directeur se compromettent au crime organisé avec certains détenus afin de maquiller un suicide ! Si Les Poings contre les murs véhicule une intense émotion auprès des personnages d'Eric et de Neville, il le doit beaucoup à la décence des interprètes. Littéralement habité par la rage de vaincre, Jack O'Connell trouve le ton juste et la carrure à adopter pour endosser le rôle d'un adolescent stoïque, un écorché vif suicidaire mais peu à peu engagé dans la prudence. Pourvu d'un visage buriné par son passé criminel, Ben Mendelsohn caractérise le paternel en échec parental toujours plus hanté par sa défaite et ses remords avant la rédemption du baroud-d'honneur !


"L'enfer véritable, c'est de cesser d'aimer. Cet état d'enfermement et de solitude correspond à une aliénation profonde de l'identité humaine. L'existence entière devient une prison qui empêche toute relation vraie avec les êtres les plus proches."
Ultra violent dans les corps-à-corps impitoyables et habité par la frénésie d'un délinquant juvénile en initiation, Les Poings contre les Murs dénonce intelligemment la corruption carcérale, la haine que peut extérioriser l'enfermement et la difficile réinsertion qui s'ensuit auprès des détenus livrés à eux-mêmes. A travers le pénible parcours d'Eric et Neville, c'est également une affaire familiale qui nous est contée avec tendresse et dignité humaine. En saluant l'habileté de sa mise en scène autonome et les compositions viscérales de deux pointures viriles: Jack O'Connell et Ben Mendelsohn

Bruno Matéï

vendredi 19 septembre 2014

Mais... Qu'avez-vous fait à Solange ? / Cosa avete fatto a Solange ?

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Massimo Dallamano. 1972. Italie. 1h46 (version intégrale). Avec Fabio Testi, Cristina Galbo, Karin Baal, Joachim Fuchsberger, Günther Stoll, Claudia Butenuth, Camille Keaton. 

Sortie salles France: 1er Mars 1973 (Int - 18 ans). Italie: 23 Mars 1972.

FILMOGRAPHIE: Massimo Dallamano est un réalisateur et directeur de la photo Italien, ex-assistant de Sergio Leone, né le 17 avril 1917, mort le 4 novembre 1976 des suites d'un accident de voiture.
1969: La Vénus en Fourrure, 1972: Mais qu'avez-vous fait à Solange ? 1973: Piège pour un tueur, 1974, Innocence et désir, La Lame Infernale, 1975: Emilie, l'enfant des Ténèbres, 1976: Section de choc


Avertissement ! Il est préférable de lire cette chronique après avoir vu le film, son thème central étant un indice capital pour la révélation de l'intrigue !

Pour son second long-métrage, Massimo Dallamano frappe un grand coup dans le paysage du Giallo avec l'un de ses titres les plus emblématiques: Mais... qu'avez-vous fait à Solange ? Réalisé à l'orée des années 70, le film ose aborder le tabou de l'avortement sous couvert d'un thriller aussi vénéneux que pervers. Le pitch annonce déjà la couleur d'une infidélité transgressive lorsqu'un professeur renommé, Enrico Rosseni (Fabio Testi, tout en élégance virile !), entame depuis quelques temps une liaison  extraconjugale avec l'une des élèves mineures de son école catholique. Par un idyllique dimanche après-midi, alors que le couple roucoule dans la campagne, sa compagne est témoin d'un meurtre crapuleux. Celui d'une étudiante assassinée d'un coup de couteau dans le vagin. Quelques jours plus tard, par l'entremise de ses cauchemars, elle réussit à distinguer l'apparence peu commune du tueur dans une soutane de curé. Alors qu'un autre crime vient d'être perpétré, Enrico décide de mener seul son enquête. Mais les accusations se portent rapidement contre lui depuis qu'il a égaré un stylo sur les lieux du premier homicide. Thriller séminal comme seuls les italiens ont le secret, Mais qu'avez-vous fait à Solange ? joue la carte du suspense et du mystère avec une efficacité implacable !


De par sa construction affûtée alternant meurtres sordides (dont une impressionnante noyade dans une baignoire filmée en caméra subjective) et érotisme naturaliste (une assemblée de filles dévoilent leur nudité sous la douche de l'école quand bien même un voyeur est entrain de les zyeuter !) avec une efficacité métronome. Outre l'aspect captivant d'une enquête minutieusement menée par notre héros, l'intérêt émane également du titre du film en question et de la présence éventuelle de Solange si elle était en vie ? Ainsi, en brassant les thèmes du voyeurisme, du viol, de la frustration et de la perversité, Massimo Dallamano traite de l'émancipation sexuelle du point de vue de jeunes étudiantes au sein d'un institut catholique, alors qu'un enseignant infidèle se permet de courtiser avec l'une d'elles. Faute d'une doctrine puritaine inscrite dans l'abstinence, certaines auront donc décidé de former une communauté secrète afin de s'épanouir dans les bras des garçons à la sortie des cours. Si le film distille un parfum malsain plutôt dérangeant, c'est dans la culpabilité effrontée des ces lycéennes se livrant sans tabous à diverses expériences sexuelles (lesbianisme, orgie, etc...). Quand bien même l'ombre d'un tueur les traque sans relâche en les purifiant d'une lame de couteau dans l'entrecuisse. Emaillé de fausses pistes, d'indices scrupuleux (comme celui de la virginité d'Elisabeth ou des têtes d'épingles que certaines filles préservent) et de personnages interlopes, le film consolide au final une sordide histoire de traumatisme imparti à l'avortement. Bien que l'on devine facilement l'identité du tueur lors de sa dernière partie, le suspense exponentiel poursuit sa trajectoire lorsqu'il s'agit de lever le voile sur le douloureux passé de Solange mais aussi d'en expliquer les raisons vindicatives du coupable. 


Bercé par la musique timorée d'Ennio Morricone et mis en scène avec un soin esthétique épuré comme de coutume chez nos cinéastes transalpins, notamment dans la manière gracile d'y filmer ses sublimes italiennes ou dans son onirisme morbide (le premier homicide se dévoile en plein jour sous un rayon de soleil bucolique !), Mais qu'avez-vous fait à Solange ? dégage un trouble parfum de soufre et de perversité face à la responsabilité d'un catholicisme préjudiciable réfractaire à l'avortement (en Italie, il ne sera légalisé qu'à partir de 1978). 

P.S: copie HD splendide chez le Chat qui fume.

*Bruno
4èx

jeudi 18 septembre 2014

THE HOMESMAN

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site chronicart.com

de Tommy Lee Jones. 2014. U.S.A. 1h57. Avec Tommy Lee Jones, Hilary Swank, Hailee Steinfeld, William Fichtner, Meryl Streep, David Dencik, James Spader.

Sortie salles France: 18 Mai 2014. U.S: 3 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Tommy Lee Jones est un réalisateur et acteur américain, né le 15 Septembre 1946 à San Saba, Texas.
1995: les Derniers Pionniers (télé-film). 2011: The Sunset Limited (télé-film). 2005: Trois Enterrements. 2014: The Homesman.


Pour son second long métrage, Tommy Lee Jones rempile avec le western iconoclaste au ton encore plus acide et désenchanté que son précédent coup de maître, 3 Enterrements. En 1854, Mary Bee Cudy, jeune femme esseulée en quête amoureuse, se porte volontaire pour escorter trois épouses atteintes de folie vers une paroisse . Sur son chemin, elle fait l'étrange rencontre d'un marginal sur le point d'être pendu mais décide de le sauver in extremis. Après leur accord de transaction, ils décident d'entreprendre le voyage ensemble. 


Dans la lignée de Missouri Breaks pour son humour au vitriol, l'esprit décalé des personnages et le caractère insolite des situations, The Homesman nous relate l'étrange relation amicale d'un couple contradictoire mais dont leur périple va les amener à mieux se connaître et se considérer. Avec une subtile provocation, le cinéaste nous dépeint le profil d'une femme courageuse dans sa volonté de rassurer son existence solitaire en prêtant main forte au pasteur du village. Dévalorisée par la population et conspuée par les hommes pour son physique anodin, Mary se résigne néanmoins à devenir utile aux yeux des autres tout en ayant l'espoir prochain de se marier avec le premier venu. Outre sa force de caractère d'escorter dangereusement trois épouses azimutées et sa dignité de ne pas se laisser miner par le désespoir, c'est également le portrait d'une femme trop fragile que le cinéaste nous suggère Spoiler !!! au moment même où un évènement cinglant chamboulera son compagnon de route fin du Spoiler. Emaillé d'incidents impromptus et de situations pittoresques tournant au vinaigre, Tommy Lee Jones déconcerte le spectateur dans sa structure narrative aléatoire où la plupart des personnages machistes sont influencés par l'intolérance, l'individualité et l'égoïsme. Dur et cruel dans son refus de concession pour le cheminement de nos héros puis dans leur relation affective qu'ils se partagent difficilement, The Homesman finit subitement par inverser les rôles au moment le plus inopportun. Ce brusque revirement annonce la seconde partie du film pour s'intéresser de plus près à l'introspection de George, anti-héros bourru préalablement cupide mais rattrapé par sa morale et le remord lorsqu'un évènement tragique le bouleversera à jamais.


Western hétérodoxe n'ayant de cesse de nous dérouter dans sa galerie de personnages mesquins et dans sa progression dramatique intempestive, The Homesman se porte en témoignage pour les laissés pour compte déconsidérés par la société, quand bien même la place de la femme est souvent mise en retrait. Dominé par les prestations poignantes d'Hilary Swank et de Tommy Lee Jones, cette initiation au respect d'autrui bouleverse d'émotion avec une ironie particulièrement cruelle dans les rapports du couple. On en sort donc la gorge nouée jusqu'aux larmes de l'expiation.

Bruno Matéï 

mercredi 17 septembre 2014

Nosferatu, Fantôme de la Nuit / Nosferatu: Phantom der Nacht

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

de Werner Herzog. 1979. France/Allemagne. 1h47. Avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Walter Ladengast, Dan van Husen, Jan Groth, Carsten Bodinus, Martje Grohmann, Rijk de Gooyer.

Sortie salles France: 17 Janvier 1979. Allemagne: Février 1979

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand né le 05.09.42 à Munich (Allemagne). Il est parfois surnommé par certains critiques comme le "cinéaste de l'impossible" en raison de ses tournages risqués et chaotiques, sans compter sa relation irritable avec son acteur fétiche Klaus Kinski. 1968: Signes de vie. 1970: Les nains aussi ont commencé petits. 1972: Aguirre, la colère de Dieu. 1974: L'Enigme de Kaspar Hauser. 1976: Coeur de Verre. 1977: La Ballade de Bruno. 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit. 1979: Woyzeck. 1982: Fitzcarraldo. 1984: Le Pays où rêvent les fourmis vertes. 1987: Cobra Verde. 1991: Cerro Torre, le cri de la roche. 1992: Leçons de ténèbre. 2001: Invincible. 2005: The Wild blue Yonder. 2006: Rescue Dawn. 2009: Bad Lieutenant. 2009: Dans l'oeil d'un tueur.


Remake du chef-d'oeuvre muet de Murnau, Nosferatu est la vision toute personnelle d'un autre cinéaste de génie, Werner Herzog. Porté par l'interprétation magnétique du grand Klaus Kinski, littéralement pénétré par la disgrâce à travers son regard morbide, cette nouvelle version impose un regard naturaliste au personnage, le comte s'avérant ici rongé par le spleen d'une existence pauvrement solitaire. Le pitchAu XIXè siècle, Joanathan Harker se rend dans les Carpathes pour rencontrer Dracula afin de lui faire signer la vente d'une demeure. Mais il est loin de se douter que sous le nom de ce noble comte se cache un misérable vampire. D'une beauté plastique fulgurante, autant par ses éclairages expressionnistes qu'à travers sa photo limpide, Nosferatu, Fantôme de la nuit est une invitation à l'évasion, un voyage au bout du crépuscule, une incursion dans l'âme torturée d'un vampire sclérosé. Dracula étant aujourd'hui condamné à supporter le poids des siècles lors d'une nonchalance aigrie, faute de son isolement dans un château en ruines où les enfants de la nuit (les loups) implorent son désespoir ! Imprégné de lyrisme de par la posture hantée des personnages déambulant comme dans un rêve, Werner Herzog façonne autour de leur errance un recueil d'images picturales touchées par la grâce. 


A l'instar de ses chutes d'eau et des montagnes rocailleuses que Jonathan Harker franchit, tel un baroudeur tranquille, ou de cette plage automnale lorsque Lucy s'y hasarde afin d'y contempler l'horizon. C'est donc l'illustration d'un univers onirique que nous retransmet le cinéaste avant son passage funeste, Nosferatu transmettant la peste du rat sur la population après son périple maritime ! Avec audace et originalité, le cinéaste se réapproprie du mythe en remaniant le caractère des personnages iconiques évoluant autour du non-mort. Tant auprès du portrait de Jonathan Harker, victime passive gagnée par l'amnésie, de sa fidèle épouse contrairement motivée à s'opposer au Mal ou de Van Helsing, chasseur de vampire décati dépassé par les évènements ! Outre le soin formel imparti à une mise en scène extrêmement appliquée, Nosferatu est inévitablement transcendé du score envoûtant de Popol Vuh et des interprétations hallucinées d'Isabelle Adjani et de Klaus Kinski. Ce dernier endossant la posture longiligne d'un vampire chafouin miné par sa condition d'immortel. Pourvu d'un regard frigide car obsédé par la mort et la vue du sang, l'acteur se fond dans son personnage avec une élégance sépulcrale. Quand à Isabelle Adjani, elle lui partage la vedette avec une grâce autrement ténue à travers sa beauté opaline et son émotion candide lors de ses expressions apeurées rattrapées par l'ambition de vaincre le Mal.


Chef-d'oeuvre du film de vampire naturaliste ne ressemblant à nul autre, Nosferatu, Fantôme de la nuit s'édifie en odyssée funeste de par ses thèmes de la nonchalance, de l'élégie et du désespoir existentiel. Tant auprès de l'ultime périple du vampire en perdition, faute de sa condition d'immortel déchue, que de la nouvelle relève imparti à son suppléant si bien qu'Herzog privilégie un parti-pris inopinément nihiliste lors de sa conclusion d'un onirisme spatial ! Une oeuvre intime picturale donc, chemin de croix inscrit dans la langueur et la nonchalance auprès de ce vampire léthargique dénué de ressort afin d'endiguer sa besogne immortelle. Car au bout de son désespoir, il reste peut-être quelque part un espoir sentimental pour le soustraire à l'abime.

*Bruno Matéï
13.08.02
28.09.10
17.09.14. 
18.03.22. 5èx

mardi 16 septembre 2014

IN FEAR

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site horror-movies.ca

de Jeremy Lovering. 2013. Angleterre. 1h25. Avec Iain de Caestecker, Alice Englert, Allen Leech.

Sortie salles Angleterre: 16 Novembre 2013

FILMOGRAPHIE:  Jeremy Lovering est un réalisateur et scénariste anglais.
2003: Killing Hitler (Documentaire). 2004: Sex and Lies (télé-film). 2008: Le Choix de Jane (télé-film).  In Fear


Habitué aux séries TV et télé-films, Jeremy Lovering passe enfin au long métrage cinéma avec In Fear, un film d'angoisse orienté sur le climat d'une forêt crépusculaire qu'un couple en véhicule traverse indéfiniment. Après s'être échangé quelques mots sur le net, Tom et Lucy se rencontrent et décident de rejoindre un festival de musique. Ayant réservé une chambre d'hôtel, ils doivent emprunter une forêt pour y accéder. Mais leur itinéraire routier les mènent à une destination sans fin. 


A partir d'un pitch intrigant hérité d'un épisode de la 4è Dimension (et déjà abordé par Richard Marquand lors d'une séquence-clef de Psychose, phase 3), In Fear tente de distiller suspense et frissons lorsqu'un couple égaré est contraint de tourner en rond au sein d'une végétation hostile. En essayant de jouer avec les nerfs du spectateur, le réalisateur tisse une étrange intrigue majoritairement bâtie sur l'inquiétude et l'appréhension de nos protagonistes. Car sujets à divers incidents inexpliqués et brimades d'individu(s) planqué(s) dans l'obscurité d'un bois, Tom et Lucy n'auront de cesse d'expérimenter leur courage pour affronter la peur de l'inconnu. Qui peut donc en vouloir à ce jeune couple sans histoires, quel est l'intérêt de les traquer sans répit avec une raillerie insolente et pour quelle raison la route empruntée ne les dirigent qu'à leur point de départ ? Si la bonne intention du réalisateur est de privilégier l'atmosphère opaque d'une scénographie forestière et la claustration du huis-clos en interne d'une voiture, la redondance de l'intrigue finit par nous lasser, faute de rebondissements quasi inexistants et de personnages à la prestance perfectible. Pourtant, on sent bien une volonté des comédiens d'insuffler de la densité à leur fonction de victime pourchassée rapidement déconcertée par des évènements nonsensiques. Mais leur comportement apeuré parfois sujet à l'état de panique ainsi que leur faible audace à repousser l'antagoniste manquent cruellement de conviction pour nous convaincre de leur calvaire. Si deux, trois séquences parviennent à nous soutirer un sentiment d'oppression (principalement la première demi-heure jouant habilement de la peur du noir !), le cheminement prosaïque qu'empruntent nos héros s'avère d'autant plus rébarbatif que la résolution de leur harcèlement s'achève en queue de poisson !


A vouloir privilégier intelligemment la suggestion de l'angoisse et l'atmosphère nocturne d'une forêt propice à l'embrigadement, In Fear se laisse prendre au piège de sa vacuité narrative, faute d'une intrigue décousue rapidement dénuée de tension et de personnages ternes dans leur fonction de cobayes asservis.

Bruno Matéï 

lundi 15 septembre 2014

Retour vers le Futur 2 / Back to the Future Part II

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site bestofthe80s.wordpress.com

de Robert Zemeckis. 1989. U.S.A. 1h47. Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Thomas F. Wilson, Lea Thompson, Jeffrey Weissman, James Tolkan, Elisabeth Shue.

Sortie salles France: 20 Décembre 1989. U.S: 22 Novembre 1989

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight.


Alors que Robert Zemeckis n'eut pu prévoir d'y tourner une séquelle à Retour vers le futur, son gros succès commercial le contraint de se raviser puis de convaincre les producteurs de rempiler quatre ans plus tard avec une suite qui en engendra aussi une troisième ! Le pitchAprès avoir réussi à modifier le destin de ses parents, Marty Mc FLy et Doc doivent aujourd'hui se projeter dans le futur pour sauver de la prison le fils de Marty. Si leur mission est rapidement achevée, Mc Fly va néanmoins commettre une grave erreur lorsqu'il décide d'emporter un almanach détaillant toutes les victoires sportives de 1950 à 2000. Sous la consigne de Doc, il décide finalement de s'en séparer en le jetant dans une poubelle. Témoin de la scène, le vieux Biff Tannen (leur ennemi juré !) s'en empare et dérobe la voiture à voyager dans le temps pour en modifier son propre destin. Beaucoup plus haletante et endiablée, cette suite multiplie péripéties et rebondissements avec l'efficacité d'une trouvaille lucrative, un calendrier sportif que Doc et Marty doivent impérativement récupérer pour éviter la dictature de Biff Tannen. 


Et si le film s'avère encore plus ludique que son modèle, il le doit beaucoup au tempérament gouailleur de l'acteur Thomas F. Wilson incarnant avec plus de présence la posture d'un milliardaire véreux habité par l'omnipotence. D'un naturel inné dans son attitude impétueuse et ses caprices colériques, il en volerait presque la vedette à nos héros ! Une nouvelle fois, les ingrédients du premier opus oscillant humour et action autour des époques du futur et du passé sont parfaitement exploités et innovent également en terme d'univers exubérant de par la technologie high-tech de 2015 ! A l'instar du fameux skateboard volant (l'"hoverboard" !) que notre héros emprunte en dernier ressort pour devancer ses poursuivants, ce qui nous vaut une poursuite débridée à travers rues. Emaillé d'habiles clins d'oeil à l'intrigue du précédant opus, Robert Zemeckis se prend malin plaisir à lui rendre hommage si bien que nos héros se retrouvent à nouveau dans la même situation du 12 Novembre 1955 pour sauver leur destinée d'une apocalypse. Afin de mettre la main sur l'almanach de Biff, ils vont donc user de stratagèmes (et de bourdes que Marty accumulera lors d'un concours de circonstances infortunées) mais aussi éviter de rencontrer leur double qui pourrait engendrer l'inévitable paradoxe temporel ! 


Terriblement fun et jouissif, drôle et rondement mené, Retour vers le Futur 2 se targue même de dépasser son modèle en terme de rythme et d'invention d'où l'énergie communicative de nos héros continue de s'en donner à coeur joie afin d'y déjouer l'intarissable Biff Tanner ! Un régal de chaque instant. 
2èx

jeudi 11 septembre 2014

LA TOMBE DE LIGEIA (The Tomb of Ligeia)

                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Roger Corman. 1965. U.S.A. 1h21. Avec Vincent Price, Elizabeth Shepherd, John Westbrook, Derek Francis, Oliver Johnston, Richard Vernon.

Sortie salles France: 18 Décembre 1968. U.S: 20 Janvier 1965

FILMOGRAPHIE: Roger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: Le Masque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: La Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


"Les frontières de la vie et de la mort ne peuvent être au mieux qu'indécises et vagues. Qui dira l'endroit où s'arrête l'une et où commence l'autre ?". Poe.
Huitième et dernière adaptation d'un récit d'Edgar Poe chez Corman, la Tombe de Ligeia est sans doute son oeuvre la plus subtile et aboutie en matière de stylisme et d'énigme tortueuse où l'amour fou s'harmonise avec la hantise d'une possession morbide. Alors qu'il vient de perdre son épouse Ligeia, Verden Fell reste persuadé qu'elle est encore en vie puisque sa ferme volonté était de surpasser la mort par sa passion pour l'existence. Quelques jours après son enterrement, il rencontre une charmante inconnue ressemblant étrangement à sa défunte, Lady Rowena. Une étrange relation naît entre eux sachant que Verden adopte un comportement des plus versatile. 


D'une beauté plastique singulière dans son univers gothique d'abbaye en ruine et de sculptures égyptiennes ornant une des pièces du château, La Tombe de Ligeia se pare d'une ambition baroque pour nous séduire. Etrange et inquiétant, l'atmosphère que Roger Corman façonne assidûment s'avère d'une sensualité morbide autour de la présence d'une nouvelle épouse victime de persécutions. Que ce soit parmi l'hostilité d'un chat redoutablement agressif, du comportement interlope de son amant ou de l'aura invisible de Ligeia. Si le rythme latent du récit peut rebuter certains spectateurs, son cheminement narratif laisse planer un suspense sous-jacent où le sentiment d'inquiétude est subtilement diffus par l'entremise de Rowena. En empruntant les thèmes de l'amour, de la folie, de la réincarnation, de la vie et de la mort, le cinéaste nous conte un magnifique poème sur le refus de mourir et la peur de l'oubli du point de vue du défunt. Ligeia est-elle revenue d'entre les morts pour persécuter la nouvelle maîtresse de son ancien époux, Rowena en est-elle sa réincarnation ou s'agit-il d'une horrible machination ? La vérité cinglante éclatera lors d'un final mémorable car truffé de rebondissements et savamment pensé, là où le pouvoir de l'amour et celui de la mort fricotent communément parmi l'allégeance d'un chat et parmi la démence d'une victime. Affublé d'une paire de lunettes noires car trop sensible à la lumière du jour, Vincent Price adopte une posture extravagante et ne cesse de jouer avec l'ambiguïté de son caractère lunatique. Victime ou coupable, son interprétation s'avère autrement plus raffinée que celles du Masque de la mort rouge et de la Chute de la maison Usher. Secondé par Elizabeth Shepherd, elle lui partage la vedette avec une élégance candide en traînant d'un pas hésitant une silhouette soyeuse au sein du château. A eux deux, ils forment un tandem plutôt austère dans leur ligne de conduite nébuleuse et leur relation d'affection en voie de perdition. 


Cette fascination exercée par le pouvoir du mal et la hantise de la mort, La Tombe de Ligeia l'exploite avec suggestion et intelligence d'un scénario retors. D'un esthétisme aussi baroque que fulgurant, il s'agit sans doute de l'oeuvre la plus trouble dans la carrière de Corman pour son surnaturel éthéré où la vie et la mort ne cessent de se disputer la mise.

Dédicace à Berangere Soustre De Condat-Rabourdin
Bruno Matéï
3èx

La critique du Masque de la mort rouge: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/10/le-masque-de-la-mort-rouge-masque-of.html
La critique de la Chute de la maison Usher: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-chute-de-la-maison-usher-house-of.html