mercredi 17 septembre 2014

Nosferatu, Fantôme de la Nuit / Nosferatu: Phantom der Nacht

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

de Werner Herzog. 1979. France/Allemagne. 1h47. Avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Walter Ladengast, Dan van Husen, Jan Groth, Carsten Bodinus, Martje Grohmann, Rijk de Gooyer.

Sortie salles France: 17 Janvier 1979. Allemagne: Février 1979

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand né le 05.09.42 à Munich (Allemagne). Il est parfois surnommé par certains critiques comme le "cinéaste de l'impossible" en raison de ses tournages risqués et chaotiques, sans compter sa relation irritable avec son acteur fétiche Klaus Kinski. 1968: Signes de vie. 1970: Les nains aussi ont commencé petits. 1972: Aguirre, la colère de Dieu. 1974: L'Enigme de Kaspar Hauser. 1976: Coeur de Verre. 1977: La Ballade de Bruno. 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit. 1979: Woyzeck. 1982: Fitzcarraldo. 1984: Le Pays où rêvent les fourmis vertes. 1987: Cobra Verde. 1991: Cerro Torre, le cri de la roche. 1992: Leçons de ténèbre. 2001: Invincible. 2005: The Wild blue Yonder. 2006: Rescue Dawn. 2009: Bad Lieutenant. 2009: Dans l'oeil d'un tueur.


Remake du chef-d'oeuvre muet de Murnau, Nosferatu est la vision toute personnelle d'un autre cinéaste de génie, Werner Herzog. Porté par l'interprétation magnétique du grand Klaus Kinski, littéralement pénétré par la disgrâce à travers son regard morbide, cette nouvelle version impose un regard naturaliste au personnage, le comte s'avérant ici rongé par le spleen d'une existence pauvrement solitaire. Le pitchAu XIXè siècle, Joanathan Harker se rend dans les Carpathes pour rencontrer Dracula afin de lui faire signer la vente d'une demeure. Mais il est loin de se douter que sous le nom de ce noble comte se cache un misérable vampire. D'une beauté plastique fulgurante, autant par ses éclairages expressionnistes qu'à travers sa photo limpide, Nosferatu, Fantôme de la nuit est une invitation à l'évasion, un voyage au bout du crépuscule, une incursion dans l'âme torturée d'un vampire sclérosé. Dracula étant aujourd'hui condamné à supporter le poids des siècles lors d'une nonchalance aigrie, faute de son isolement dans un château en ruines où les enfants de la nuit (les loups) implorent son désespoir ! Imprégné de lyrisme de par la posture hantée des personnages déambulant comme dans un rêve, Werner Herzog façonne autour de leur errance un recueil d'images picturales touchées par la grâce. 


A l'instar de ses chutes d'eau et des montagnes rocailleuses que Jonathan Harker franchit, tel un baroudeur tranquille, ou de cette plage automnale lorsque Lucy s'y hasarde afin d'y contempler l'horizon. C'est donc l'illustration d'un univers onirique que nous retransmet le cinéaste avant son passage funeste, Nosferatu transmettant la peste du rat sur la population après son périple maritime ! Avec audace et originalité, le cinéaste se réapproprie du mythe en remaniant le caractère des personnages iconiques évoluant autour du non-mort. Tant auprès du portrait de Jonathan Harker, victime passive gagnée par l'amnésie, de sa fidèle épouse contrairement motivée à s'opposer au Mal ou de Van Helsing, chasseur de vampire décati dépassé par les évènements ! Outre le soin formel imparti à une mise en scène extrêmement appliquée, Nosferatu est inévitablement transcendé du score envoûtant de Popol Vuh et des interprétations hallucinées d'Isabelle Adjani et de Klaus Kinski. Ce dernier endossant la posture longiligne d'un vampire chafouin miné par sa condition d'immortel. Pourvu d'un regard frigide car obsédé par la mort et la vue du sang, l'acteur se fond dans son personnage avec une élégance sépulcrale. Quand à Isabelle Adjani, elle lui partage la vedette avec une grâce autrement ténue à travers sa beauté opaline et son émotion candide lors de ses expressions apeurées rattrapées par l'ambition de vaincre le Mal.


Chef-d'oeuvre du film de vampire naturaliste ne ressemblant à nul autre, Nosferatu, Fantôme de la nuit s'édifie en odyssée funeste de par ses thèmes de la nonchalance, de l'élégie et du désespoir existentiel. Tant auprès de l'ultime périple du vampire en perdition, faute de sa condition d'immortel déchue, que de la nouvelle relève imparti à son suppléant si bien qu'Herzog privilégie un parti-pris inopinément nihiliste lors de sa conclusion d'un onirisme spatial ! Une oeuvre intime picturale donc, chemin de croix inscrit dans la langueur et la nonchalance auprès de ce vampire léthargique dénué de ressort afin d'endiguer sa besogne immortelle. Car au bout de son désespoir, il reste peut-être quelque part un espoir sentimental pour le soustraire à l'abime.

*Bruno Matéï
13.08.02
28.09.10
17.09.14. 
18.03.22. 5èx

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