mardi 30 septembre 2014

L'HORRIBLE DR ORLOF (Gritos en la noche)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Jess Franco. 1962. Espagne. 1h27. Avec Howard Vernon, Conrado San Martin, Diana Lorys, Perla Cristal, Maria Silva, Ricardo Valle, Mara Laso.

Sortie salles France: 1er Octobre 1962. U.S: 7 Octobre 1964. Espagne: 14 Mai 1962

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013.
1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.


Fer de lance de l'âge d'or du fantastique ibérique, l'Horrible Dr Orlof est une déclinaison bisseuse du chef-d'oeuvre de Franju, les Yeux sans Visage. Considéré comme le meilleur film de l'intarissable Jess Franco, l'Horrible Dr Orlof confronte l'hommage direct à la Universal à d'autres références un peu plus récentes (le prélude semble suggérer l'ombre de Jack l'Eventreur avec cette prostituée éméchée divaguant dans une sombre ruelle !) sous une mise en forme vulgarisée d'horreur et d'érotisme. Soigneusement éclairé dans un joli noir et blanc et renforcé de décors gothiques parfois baroques, l'Horrible Dr Orlof possède une patine espagnole aussi particulière que la personnalité excentrique du cinéaste. Afin de redorer la beauté de sa fille défigurée, le Dr Orloff et son domestique Morpho kidnappent des jeunes filles pour expérimenter des greffes de peau. Grâce aux témoignages de certains badauds, la police établit deux portraits robots des potentiels agresseurs quand bien même le collier d'une disparue est retrouvé à proximité d'une rivière.


Illustrant de manière quelque peu fantasque une horreur séculaire avec l'esprit décomplexé de gore timoré et de sexe audacieux (de par la gratuité imposée aux rares scènes de nudité !), l'Horrible Dr Orlof baigne dans une ambiance rétro quasi intemporelle ! Ce sentiment inédit de participer à une épouvante versatile est notamment renforcé par les présences grand-guignolesques d'Orloff et de son acolyte Morpho ! Howard Vernon endossant la défroque du chirurgien avec cabotinage d'orgueil et de vanité tandis que Ricardo Valle adopte le charisme du monstre mutique par le biais d'un regard exorbité. Franchement impressionnant par sa physionomie difforme balafrée d'une cicatrice, ce dernier réussit à insuffler un climat onirico-macabre particulièrement envoûtant autour de ses interventions. Le caractère naïf de l'entreprise est également renforcé par la maladresse des dialogues et de son humour parfois pittoresque (les témoignages des deux marginaux au poste de police) alors que Jess Franco exploite avec sincérité l'illustre trame de Franju dans l'unique but de divertir. La vigueur du récit alternant sans temps morts péripéties horrifiques, investigation et stratégie policière, discorde conjugale (l'épouse d'Orloff répugne de plus en plus son attitude immorale et égotiste) et intervention chirurgicale émane autant de l'efficacité de sa réalisation techniquement soignée.


Classique notoire des années 60 annonçant l'émancipation du Fantastique Espagnol en passe de transgresser la violence horrifique, l'Horrible Dr Orlof est autant un délicieux hommage à l'épouvante archaïque qu'une perle bisseuse où l'insolite prime parmi l'exubérance des meurtriers.

Bruno Matéï
3èx

lundi 29 septembre 2014

MANSION OF THE DOOMED

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Michael Pataki. 1976. U.S.A. 1h22. Avec Richard Basehart, Gloria Grahame, Marilyn Joi, Trish Stewart, Lance Henriksen, Al Ferrara.

Récompense: Prix d'interprétation masculine pour Richard Basehart au Festival du Rex de Paris 1977

FILMOGRAPHIE: Michael Pataki est un acteur, réalisateur et producteur américain, né le 16 Janvier 1938 à Youngstown (Etats-Unis), décédé le 15 Avril 2010 à North Hollywood.
1976: Mansion of the Doomed. 1977: The Hardy Boys (série TV). 1977: Cinderella.


Inédit en France, hormis son passage remarqué au Festival du Rex de Paris (Prix d'interprétation masculine pour Richard Basehart !), Mansion of the Doomed est une production Charles Band faisant parti du haut du panier grâce à son interprétation un peu plus convaincante que la traditionnelle et grâce à son ambiance putride issue des seventies, époque à laquelle il fut modestement conçu. A la suite d'un grave accident de voiture qui aura rendu sa fille aveugle, un chirurgien tente de multiples greffes sur des quidams imprudents afin de lui redonner la vue. En attendant le succès de ses expériences, les cobayes énucléés sont parqués dans une geôle au sous-sol de sa demeure. 


Variation putassière des Yeux sans Visage de Franju, Mansion of the Doomed est le portrait type de la série B d'exploitation bâtie sur un pitch éculé uniquement prétexte aux débordements horrifiques. L'histoire répétitive (et parfois incohérente dans l'attitude illogique des meurtriers !) ne cessant de tourner en rond depuis que le chirurgien accumule les kidnappings afin de parfaire la nouvelle intervention chirurgicale parmi la complicité de sa femme. Paradoxalement, ce sentiment de redondance n'est en rien préjudiciable pour l'intérêt du spectateur puisque le réalisateur réussit efficacement à nous faire oublier sa routine par d'habiles rebondissements (la tentative d'enlèvement pratiquée sur une fillette, les deux témoins qui s'ensuivent compromis par la transaction du meurtrier, l'évasion inespérée d'une des prisonnières puis la sédition finale) et l'intrusion de nouveaux protagonistes livrés à la déchéance et à l'impuissance. En prime, le comportement sournois et immoral du couple de meurtriers participe notamment à la progression d'une atmosphère toujours plus malsaine. Car au fil des échecs successifs du praticien, le nombre croissant des victimes afflue au sein d'une prison confinée dans la pénombre. En observant ses exactions expérimentales, le climat glauque s'exacerbe au sein de sa luxueuse demeure, notamment lorsque le réalisateur succède aux conditions de vie miséreuses des prisonniers réduits à l'isolement et à l'esclavage. Epaulé d'effets spéciaux artisanaux de Stan Winston, les visions d'effroi émises sur les victimes impressionnent par l'aspect déliquescent de leur faciès même si les maquillages s'avèrent aujourd'hui perfectibles. A cet égard, la première séquence illustrant l'agression d'un prisonnier auprès de l'épouse du médecin s'avère percutante dans son effet de surprise improvisé et dans l'aspect morbide de l'assaillant réduit à la déchéance humaine. 


Dénué d'ambition dans son format de série B au rabais si ce n'est que de divertir le spectateur avec sincérité et modestie d'une horreur réaliste, Mansion of the Doomed forge la sympathique curiosité largement favorisée par l'aspect poisseux d'un climat étouffant et de freaks réduits à la cécité. A découvrir !

Merci à l'Univers Fantastique de la Science-Fiction
Bruno Matéï

Ci-dessous, une autre critique favorable: http://jeanmarcmicciche.blogspot.fr/2014/09/mansion-of-doomed-prix-dinterpretation.html

vendredi 26 septembre 2014

Cabin Fever

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site vertigofilms.es

d'Eli Roth. 2002. U.S.A. 1h38 (Director's Cut). Avec Rider Strong, James DeBello, Jordan Ladd, Cerina Vincent, Joey Kern, Giuseppe Andrews.

Sortie salles France: 25 Août 2004. U.S: 14 Septembre 2002

FILMOGRAPHIE: Eli Roth est un réalisateur américain, né le 18 Avril 1972 à Boston.
2002: Cabin Fever. 2006: Hostel. 2007: Thanksgiving (faux trailer). 2007: Hostel 2. 2009: Nation's Pride - Stolz der Nation (trailer). 2013: The Green Inferno.


Premier essai derrière la caméra d'Eli Roth, Cabin fever est un hommage aux séries B gores inspiré ici d'une maladie que le réalisateur eut lui même traité. Le Psoriasis (également prénommé "gale" par nos ancêtres) étant une maladie de la peau se caractérisant par, je cite: "des lésions rouges et squameuses du cuir chevelu, des genoux et des coudes, associés à une atteinte des ongles". Dans certains cas, il peut également atteindre les articulations du malade. Cette pathologie d'origine inconnue ne s'avère pas contagieuse et il n'existe à ce jour aucun traitement pour en guérir bien qu'un palliatif permet d'en réguler son évolution. C'est donc à partir de cette affection dermatologique qu'Eli Roth bâti son intrigue et y exploite l'outrance à renfort de visions horrifiantes de corps estropiés rongés de l'intérieur. Le pitch reprend le canevas traditionnel de jeunes teenagers partis rejoindre une cabane de location au milieu d'un bois. Un soir, ils sont importunés par un vagabond atteint d'une étrange fièvre leur suppliant de lui porter assistance. Seulement l'inconnu est dans un état physique si repoussant qu'ils décident de s'en débarrasser. Trop tard, l'infection s'est déjà infiltrée parmi eux et chacun leur tour ils vont sombrer dans une déchéance physique moribonde. 


Endossé par des comédiens juvéniles de seconde zone, Cabin fever souffre inévitablement d'une psychologie rudimentaire à travers leurs comportements aussi crétins qu'irresponsables. Là où le bas blesse un peu c'est qu'un manque d'empathie s'y fait parfois ressentir dans leur situation de détresse et d'impuissance face au danger infectieux. Qui plus est, la première partie laborieuse prend son temps à planter l'intrigue dans leur flânerie imposée, tel ce feux de camp qu'ils s'improvisent autour de marshmallow parmi un invité surprise, ou encore cette chasse à l'écureuil, quand bien même la caricature assénée à certains d'entre eux finit par agacer ! Je songe principalement au blagueur potache ne pouvant s'empêcher de se comporter tel un pitre écervelé dans ses défis inconscients. C'est donc à mi-parcours qu'Eli Roth embraye l'action à dose de péripéties et rebondissements sanglants où nos héros vont devoir communément mesurer leur courage et leur loyauté pour tenter de survivre mais aussi invoquer de l'aide. Pour renforcer le caractère alarmiste de leur détresse, un groupe de rednecks revanchards a également décidé de leur faire la peau depuis la disparition de leur confrère (la première victime qui était intervenue chez nos teenagers). Efficacement troussées car menées sur un rythme alerte, ses incidents s'enchaînent de manière métronome en insistant en intermittence sur les visions abominables de corps infectées par le virus, et ce en dépit de la clarté d'un gore trop imberbe si j'ose dire lors de certaines scènes chocs largement perfectibles. Alors que vers d'autres séquences autrement réalistes, Eli Roth se prend un plaisir sardonique à exacerber l'horreur viscérale lorsque la peau et la chair des souffre-douleurs laisse entrevoir des plaies déchiquetées (d'un rouge beaucoup trop clair une fois de plus !)


Produit d'exploitation destiné avant tout aux ados, Cabin Fever fonctionne assez efficacement dans sa seconde partie fertile en poursuites, rixes sanglantes et visions horrifiques de corps mutilés. Si la sympathie l'emporte finalement, notamment auprès de son attachant 1er acte quant à la complicité amicale des teenagers, il ne laisse pas non plus un souvenir impérissable en dépit de l'évidente bonne volonté du réalisateur d'alterner humour noir et horreur trash dans un esprit décomplexé émaillé de blagues potaches. 

* Bruno
12.03.11
26.09.14
21.10.22. 4èx


jeudi 25 septembre 2014

MAPS TO THE STARS. Prix d'Interprétation Féminine, Julianne Moore, Cannes 2014

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinecomca.com

de David Cronenberg. 2014. Canada/U.S.A/Allemagne/France. 1h51. Avec Julianne Moore, Mia Wasikowska, John Cusack, Robert Pattinson, Olivia Williams, Sarah Gadon, Evan Bird.

Sortie salles France: 21 Mai 2014

Récompense: Prix d'Interprétation Féminine pour Julianne Moore au Festival de Cannes, 2014.

FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014: Maps to the Stars.


Après deux oeuvres auteurisantes plutôt discutables, David Cronenberg nous revient en grande pompe avec cette satire corrosive sur l'envers d'Hollywood, peinture acide du star-system auquel une poignée d'engeances vont se soumettre à leurs pires névroses. Toxicomanie, inceste, perversion et folie font parti du trouble quotidien des Weiss, compromis par ailleurs par un secret de famille inavouable. 


Alors que leur fils de 13 ans tente vainement de se réapproprier un rôle important dans une suite à succès, sa soeur Agatha refait surface après son internement en psychiatrie, faute d'une pathologie pyromane. Eprise d'affection pour un chauffeur de limousine en quête de célébrité, elle réussit à rapprocher Havana Segrand pour obtenir un emploi d'assistante. Cette actrice sur le déclin hantée par la mort de sa mère, ancienne gloire du grand écran, postule pour un premier rôle afin de la concurrencer. Tous ces personnages insidieux habités par la cupidité et la mégalomanie vont se croiser et se fréquenter jusqu'à ce que leurs démons ne les convergent au point de non-retour. Baignant dans l'ironie caustique de leur comportement débauché où luxure, drogue, aliénation et inceste les plongent dans une perpétuelle paranoïa, Maps to the Stars s'édifie en farce d'un mauvais goût aussi assumé que délectable. Dans la caricature véreuse assénée aux stars d'Hollywood rendues capricieuses de leur richesse et leur assistanat mais toujours plus férues de renommée. En alchimiste du malaise, David Cronenberg renoue avec les climats éthérés de certaines de ses oeuvres pour distiller au compte-goutte un sentiment de gêne qui ira crescendo au fil de la descente psychotique de certains personnages. Illustrant également l'artifice de soirées branchées où l'on cause de projets infructueux, de sexe et scatologie avec un langage trivial, les personnages se complaisent dans l'outrance afin de pallier leur impitoyable solitude. La peur de l'échec, de devenir un Has-been du jour au lendemain les poussent également à raviver leur démon intérieur dans leur condition d'enfants capricieux coexistants dans l'illusion. 


Affreux, sales et méchants !
A travers sa galerie pathétique de monstres issus de l'industrie d'Hollywood, David Cronenberg lève le voile sur la gangrène de la célébrité avec un humour au vitriol profondément dérangeant. Son climat de malaise reptilien gravitant progressivement autour des personnages au fil de leur cheminement névrotique. Outre l'utilisation subtile d'une bande-son envoûtante et la qualité indiscutable de l'interprétation extravagante, on retiendra surtout la performance viscérale de Julianne Moore dans un rôle équivoque d'actrice hantée par l'inceste et l'anonymat. Une oeuvre aussi vénéneuse et malsaine que le poison de la popularité.

Dédicace à Daniel Aprin
Bruno Matéï


mercredi 24 septembre 2014

Le Fantôme de l'Opéra / The Phantom of the Opera

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site www31horrorscom.blogspot.com

de Terence Fisher. 1962. Angleterre. 1h24. Avec Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza, Michael Gough, Thorley Walters, Ian Wilson.

Sortie salles France: 23 Février 1963. U.S: 15 Août 1962. Angleterre: 25 Juin 1962

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville. 1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Echec commercial lors de sa sortie, le Fantôme de l'opéra eut sans doute dérouté le spectateur de par son climat austère particulièrement déroutant il faut avouer. En prime, Terence Fisher adapte le roman de Gaston Leroux de manière personnelle si bien que la romance impartie entre le fantôme et la cantatrice est ici occultée au profit d'une vengeance latente. Ce parti-pris anticonformiste frustra sans doute une majorité du public qui s'attendait à une représentation fidèle du bouquin. Or, sous la houlette d'un maître du Fantastique, le Fantôme de l'Opéra s'avère toutefois une grande tragédie sur la passion artistique, en l'occurrence celle de l'opéra et de sa composition musicale que le professeur Petrie eut studieusement écrit durant plus de 10 ans. Incité à vendre sa création auprès d'un directeur d'opéra mégalo, il se fera usurper son travail d'une frauduleuse signature. Fou de colère, Petrie s'empresse alors de brûler les publications de son texte dans l'atelier d'imprimerie mais se brûle gravement le visage avec de l'acide nitrique. Par chance, il réussit à plonger dans un fleuve pour y rejoindre les égouts avec l'aide d'un vagabond. Délibéré à accomplir sa vengeance auprès du directeur mais aussi à parfaire son numéro d'opéra, il hante les loges administratives afin de sélectionner sa cantatrice ayant l'opportunité de chantonner son texte. 


Sous couvert de climat fantastique où plane l'ombre d'un fantôme au coeur d'un amphithéâtre, Terence Fisher suggère d'abord sa présence par des chuchotements qu'il souffle derrière les loges des cantatrices. Une manière anxiogène d'imposer son autorité uniquement motivée par le choix d'une artiste mais aussi par le besoin de vengeance et de reconnaissance. L'incarnation fantaisiste du fantôme n'est donc ici qu'une allégorie car elle se rapproche explicitement du monstre difforme dont le visage est ici protégé d'un masque. Par ailleurs, la densité du récit émane de son esprit torturé en mal de notoriété, ses ambitions artistiques n'ayant jamais pu être reconnues auprès du public. Ce sentiment d'impuissance et d'injustice atteindra son apogée lorsque Fisher nous relate par le biais du flash-back la transaction artistique de Petrie avec Ambrose et les conséquences désastreuses qui s'ensuivront passée la trahison. Au niveau des rapports intimes du fantôme et de la cantatrice confinés dans le sous-sol des égouts, on est également surpris de sa cruauté autoritaire puisque n'hésitant pas à gifler sa muse à plusieurs reprises afin de la forcer à peaufiner sa voix. Or, avec l'indulgence de cette dernière et celui du producteur d'opéra ayant finalement découvert sa planque, le fantôme réussira à exaucer son rêve pour découvrir en tant que "spectateur" sa représentation lyrique d'une pièce de Jeanne d'Arc ! Une mise en abîme, un final emphatique enfin émotif, de par l'intensité du numéro musical chantonné par la cantatrice que par le témoignage poignant du fantôme, garant privilège de son ultime chef-d'oeuvre, quand bien même son sacrifice fera écho d'une rédemption.


Déroutant par son climat sévère et son rythme langoureux mais transcendé par la force du récit et la conviction des comédiens (Michael Gough excelle dans son personnage détestable de Lord égotiste, Herbert Lom exprime une émotion subtile sous son masque plâtreux et la jeune Heather Sears étonne dans sa discrétion naturelle !), Le Fantôme de l'Opéra s'avère peut-être la plus baroque des transpositions pour mettre en appui l'amour de l'art plutôt que la romance des coeurs. En résulte une production Hammer inhabituelle sollicitant une certaine exigence de la part du public de par son aspect hétérodoxe, son refus de facilité, de fioriture, d'intensité romantique. D'où ce manque d'émotions et de vigueur tout le long du récit, et c'est bien dommage car le chef-d'oeuvre fut à deux doigts de se concrétiser.  

*Bruno
13.10.23. 3èx

mardi 23 septembre 2014

Retour vers le Futur 3 / Back to the Future Part III

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site craftbeertasters.wordpress.com

de Robert Zemeckis. 1990. U.S.A. 1h58. Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Mary Steenburgen, Thomas F. Wilson, Lea Thompson, James Tolkan, Elisabeth Shue.

Sortie salles France: 18 Juillet 1990. U.S: 25 Mai 1990

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight.


Réalisé dans la foulée du précédent volet, Retour vers le Futur 3 renoue étonnamment avec les grands espaces de l'ouest américain lorsque Marty et Doc se retrouvent cette fois-ci projetés à l'époque du XIXè siècle. Mais souvenez vous un peu ! Après que la foudre frappa la voiture à explorer le temps, Doc s'était retrouvé propulsé en 1885. Délibéré à le ramener en 1985, Marty, toujours coincé en 1955, proposait au double de Doc d'emprunter sa voiture pour retourner dans le passé afin de récupérer son ami. Mais avant d'engager son nouveau périple et pour corser l'affaire, une pierre tombale indiquait que Doc sera assassiné par le bandit "Molosse" Tannen (un ancêtre de Biff Tannen) avant le 27 Octobre 1885. Ainsi, afin d'accéder au futur de 1985 et d'empêcher l'assassinat, une nouvelle course contre la montre est empruntée par nos acolytes, quand bien même une fuite de carburant de leur véhicule va les contraindre d'élaborer une stratégie de recours avec l'intervention d'une locomotive à vapeur ! Dernier volet d'une trilogie au succès tant mérité, Retour vers le Futur 3 ne change pas la recette infaillible humour/action dans cette nouvelle aventure bondissante aussi homérique que pittoresque. Bourré de clins d'oeil et d'hommages appuyés aux classiques du genre, le dépaysement est rendu encore plus extravagant auprès du genre du Western semi-parodique. 


Un concept toutefois alloué à l'acteur Michael J. Fox lorsque le cinéaste lui suggéra dans quelle époque il aimerait situer l'action afin d'y clôturer son dernier chapitre ! Toujours aussi téméraires et pleins d'enthousiasme, nos deux héros vont une nouvelle fois redoubler de bravoure et d'inventivité pour s'extraire de leur époque à l'aide d'une locomotive customisée tout en déjouant le défi de leur ennemi intarissable, Biff Tannen ! Enfin plutôt un ancêtre tout aussi couard, irascible et teigneux puisque délibéré à provoquer en duel le jeune McFly. La encore, l'acteur Thomas F. Wilson crève l'écran dans son rôle sardonique de gangster inculte habité par l'orgueil d'une soif de vaincre. Surnommé en l'occurrence Clint Eastwood, (nom emprunté à son héros préféré de westerns), Michael J. Fox jubile à l'idée de se fondre dans la peau d'un petit cow-boy toujours aussi finaud pour battre la lâcheté de "Molosse". Quand au Doc, il est cette fois-ci frappé par Cupidon depuis sa romance abordée avec la belle Clara, institutrice étrangère qu'il sauva d'un accident mortel de chariot bâché. Et pour parachever de manière aussi effrénée que périlleuse, Robert Zemeckis clôt l'aventure avec une échappée en voiture propulsée par une locomotive que nos héros achemineront à destination d'un pont pour traverser le temps ! Une scène d'anthologie remarquablement virtuose dans sa géométrie du montage cumulant incidents aléatoires lorsque nos héros tentent péniblement d'embarquer dans leur véhicule lancé à plus de 80 miles !


Drôle, spectaculaire et attendrissant, Retour vers le Futur 3 ne déçoit pas même si le concept spatio-temporel semble avoir utilisé toutes ses ressources. Mené sans répit avec l'aimable spontanéité de comédiens intarissables et rythmé du score formidablement épique d'Alan Silvestri, la trilogie s'achève avec le pincement au coeur de quitter nos héros iconiques de notre adolescence. Une offrande miraculeuse que le maître du divertissement, Robert Zemeckis, aura immortalisé de son empreinte alchimique ! 

Bruno Matéï
3èx

La critique de Retour vers le Futur: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/retour-vers-le-futur-back-to-futur.html
La critique de Retour vers le Futur 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/retour-vers-le-futur-2-back-to-

lundi 22 septembre 2014

LES POINGS CONTRE LES MURS (Starred Up). Prix du Jury, Prix d'Interprétation (Jack O'Connell) au Festival des Arcs, 2013.

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site bandeannonce.le-bouzin.com

de David McKenzzie. Angleterre. 2013. 1h45. Avec Rupert Friend, Jack O'Connell, Ben Mendelsohn, Sam Spruell.

Sortie salles France: 4 Juin 2014. Angleterre: 21 Mars 2014

Récompenses: Prix du Jury, Prix d'Interprétation Masculine pour Jack O'Connell au Festival de cinéma européen des Arcs, 2013.
Meilleur Acteur de second-rôle pour Ben Mendelsohn au British Independent Film Award, 2013.
Meilleur Acteur pour Jack O'Connell au Festival du film de Dublin, 2014.

FILMOGRAPHIE: David McKenzzie est un réalisateur anglais, né le 10 Mai 1966 à Corbridge.
2002: The Last Great Wilderness. 2003: Young Adam. 2005: Asylum. 2008: My name is Hallam. 2009: Toy Boy. 2010: Perfect Sense. 2011: Rock'n'Love. 2014: Les Poings contre les murs.


Drame carcéral d'un réalisme saisissant dans son univers de claustration dépeint, Les Poings contre les murs relate la difficile insertion d'un mineur au sein d'une prison pour adultes, au moment même où il retrouve son père après de longues années, patriarche aujourd'hui renommé auprès d'une organisation mafieuse ! Film choc d'une intensité névralgique dans le parcours du héros confronté à ses pulsions de haine mais secondé par l'humanisme d'un thérapeute, les Poings contre les murs se réapproprie du film de prison avec l'efficacité d'un script intelligent. Son intérêt résidant également dans les relations de discorde qu'Eric entretient avec son paternel, Neville.


Car pour tenir lieu de leur fierté et aussi pour réfuter la responsabilité de leur échec commun, ils n'auront de cesse de se provoquer et se rejeter la faute avec machisme obstiné. Durant leur cheminement indécis où les épreuves de force ne cessent de les interposer, le cinéaste extériorise également les sentiments de compassion et de tendresse lorsque père et fils sont contraints de s'entraider pour éviter un sort tragique. Frénétique dans les violentes altercations qu'Eric doit déjouer et endurer avec ses rivaux, et pondéré dans les séances de thérapie qu'il tente d'apprivoiser, le film ne cesse de télescoper fureur et accalmie autour de ce personnage en apprentissage. Par l'entremise d'un enseignant lui inculquant le self-control dans cet univers malsain où la violence ne cesse de les opposer à leur instinct primitif. Au centre de ces conflits hargneux, le réalisateur en profite pour dénoncer la corruption carcérale du point de vue de ceux qui la dirige lorsque matons et directeur se compromettent au crime organisé avec certains détenus afin de maquiller un suicide ! Si Les Poings contre les murs véhicule une intense émotion auprès des personnages d'Eric et de Neville, il le doit beaucoup à la décence des interprètes. Littéralement habité par la rage de vaincre, Jack O'Connell trouve le ton juste et la carrure à adopter pour endosser le rôle d'un adolescent stoïque, un écorché vif suicidaire mais peu à peu engagé dans la prudence. Pourvu d'un visage buriné par son passé criminel, Ben Mendelsohn caractérise le paternel en échec parental toujours plus hanté par sa défaite et ses remords avant la rédemption du baroud-d'honneur !


"L'enfer véritable, c'est de cesser d'aimer. Cet état d'enfermement et de solitude correspond à une aliénation profonde de l'identité humaine. L'existence entière devient une prison qui empêche toute relation vraie avec les êtres les plus proches."
Ultra violent dans les corps-à-corps impitoyables et habité par la frénésie d'un délinquant juvénile en initiation, Les Poings contre les Murs dénonce intelligemment la corruption carcérale, la haine que peut extérioriser l'enfermement et la difficile réinsertion qui s'ensuit auprès des détenus livrés à eux-mêmes. A travers le pénible parcours d'Eric et Neville, c'est également une affaire familiale qui nous est contée avec tendresse et dignité humaine. En saluant l'habileté de sa mise en scène autonome et les compositions viscérales de deux pointures viriles: Jack O'Connell et Ben Mendelsohn

Bruno Matéï