lundi 16 février 2015

A la recherche de Mr Goodbar / Looking for Mr. Goodbar

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

de Richard Brooks. 1977. U.S.A. 2h15. Avec Diane Keaton, Tuesday Weld, William Atherton, Richard Kiley, Richard Gere, Alan Feinstein, Tom Berenger.

Sortie salles France: 29 Mars 1978. U.S: 19 Octobre 1977

FILMOGRAPHIE: Richard Brooks est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier américain, né le 18 Mai 1912 à Philadelphie, décédé le 11 Mars 1992 à Beverly Hills. 1950: Cas de conscience. 1952: Miracle à Tunis. 1952: Bas les masques. 1953: Le Cirque Infernal. 1953: Sergent la Terreur. 1954: Flame and the Flesh. 1954: La Dernière fois que j'ai vu Paris. 1955: Graine de Violence. 1956: La Dernière Chasse. 1956: Le Repas de Noces. 1957: Le Carnaval des Dieux. 1958: Les Frères Karamazov. 1958: La Chatte sur un toit brûlant. 1960: Elmer Gantry le charlatan. 1962: Doux oiseau de jeunesse. 1965: Lord Jim. 1966: Les Professionnels. 1967: De sang-froid. 1969: The Happy Ending. 1971: Dollars. 1975: La Chevauchée Sauvage. 1977: A la recherche de Mr Goodbar. 1982: Meurtres en Direct. 1985: La Fièvre du Jeu.


Drame social illustrant un portrait sans concession de l'émancipation sexuelle de la femme au coeur des années 70, A la recherche de Mr Goodbar témoigne de la dérive d'une enseignante scolaire, Theresa, célibataire inflexible au goût prononcé pour les aventures nocturnes sans lendemain. Issue d'un milieu catholique enseigné par un père castrateur, elle décide aujourd'hui de s'enfuir du cocon familial pour vivre son indépendance. Au fil de ses rencontres sexuelles avec des rupins infidèles, phallocrates et marginaux, elle se laisse mener par un mode de vie toujours plus instable, à l'instar d'une clientèle toujours frustrée à l'idée de la soumettre, et de l'émergence de la cocaïne au sein des clubs branchés. Comédie douce-amère toujours plus variable au fil du cheminement existentiel de l'héroïne et des désaxés qui l'entourent, A la recherche de Mr Goodbar progresse sa trajectoire vers le sillage du drame sociétal à travers les tabous en vogue de l'avortement, de l'homosexualité, du porno sur pellicule et de la révolution sexuelle. 


Avec humour et gravité, Richard Brooks maîtrise le sujet sans apporter de jugement sur la moralité de l'héroïne et met en relief le malaise d'une société fluctuante où les individus les plus névrosés exploitent sans modération leur nouveau vent de liberté. Outre le dynamisme de sa mise en scène au montage inventif faisant parfois preuve de dérision débridée (mettre en image les délires inconscients de l'héroïne lors de ses fantasmes les plus exubérants) et d'une BO entraînante alternant Soul et Disco, le jeu d'acteurs accentue le rythme narratif par leur stature farouche. Ils doivent beaucoup de l'intensité qui émane de leur mainmise à vouloir régir la vie d'Helena. Je pense à la présence galvanisante de Richard Gere dans celui du marginal impudent toujours plus impérieux lors de ses éclairs de violence. Détestable d'orgueil, il invoque la figure du parfait phallocrate englué dans sa paresse et sa médiocrité. Pleine de fraîcheur et d'une élégance longiligne, Dianne Keaton lui partage la vedette en posture d'épicurienne. Une enseignante aussi attachante et studieuse pour la cause d'enfants sourds le jour, que dissolue et toujours plus effarouchée lors de ses nuits lubriques. Une attitude paradoxale d'autant plus édifiante lorsque l'on apprend de sa confidence qu'elle se refuse à enfanter depuis le traumatisme infantile d'une scoliose héréditaire.


Témoignage caustique de la liberté sexuelle des années 70 où les plus marginaux se laissent vaincre par leur insouciance alors que d'autres continuent de se morfondre dans le déni d'identité (l'homosexualité refoulée de Gary), A la recherche de Mr Goodbar intensifie l'empathie dans le portrait douloureux alloué à une enseignante sur la corde raide. Captivant, insolent et toujours plus ombrageux au fil de son cheminement erratique, l'épilogue effroyable (âme sensibles s'abstenir !) enfonce le clou dans son constat sordide d'une émancipation sacrifiée. Une oeuvre puissante inoubliable. 

Bruno
2èx


samedi 14 février 2015

TUSK

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site screenrant.com

de Kevin Smith. 2014. U.S.A. 1h42. Avec Justin Long, Michael Parks, Génesis Rodriguez, Haley Joel Osment, Johnny Depp, Matthew Shively.

Sortie France directement en Dvd: 11 Mars 2015. U.S: 19 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE: Kevin Smith est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain né le 2 Août 1970 à Red Bank, dans le New-Jersey (Etats-Unis).
1994: Clerks, 1995: Les Glandeurs, 1997: Méprise Multiple, 1999: Dogma, 2001: Jay et Bob contre-attaquent. 2004: Père et Fille. 2006: Clercks 2. 2008: Zack et Miri font un porno. 2010: Top Cops. 2011: Red State. 2014: Tusk.


« Je ne cherche pas à faire mon Kubrick, bordel. Je parle de faire un film avec un putain de gars dans un costume de Morse. Pour la faire courte, c’est juste dingue à quel point nous sommes malgré tout proche de faire quelque chose de vraiment bon ! »
Kevin Smith


Directement sorti en Dvd, Tusk s'inspire de l'épisode The Walrus and The Carpenter créée par Smith lors d'une série de Podcast. C'est suite à l'annonce improbable d'un auditeur (en guise de colocation, proposer à un étudiant d'endosser le costume d'un morse et se comporter à la manière de l'animal durant 2h journalières) que Kevin Smith décide d'emprunter ce challenge sans complexe du ridicule. Le pitch en deux mots: Un médecin misanthrope frappé du ciboulot décide de kidnapper un jeune podcasteur pour le transfigurer en véritable Morse et parfaire sa revanche sur la nature humaine !


Un concept sardonique sans doute influencé par la farce scabreuse, The Human Centipède ( délire assumé d'une redoutable efficacité et d'un sens aiguisé de suggestion dans son dosage humour noir/horreur crapoteuse !), Kevin Smith tentant d'émuler provocation malsaine et satire morbide pour mieux nous brimer. Seulement, par le biais d'une intrigue superficielle dénuée de surprises et d'un suspense timoré autour de la situation alarmiste de la victime, le sarcasme escompté fait grise mine. La faute incombant en premier lieu à des situations potaches jamais drôles, des seconds-rôles excentriques perfectibles (Johnny Depp amuse gentiment la galerie dans une défroque pittoresque d'investigateur à l'accent québécois ) et surtout un sens de dérision macabre désamorcé d'une aura malsaine trop lourde. De par la situation inhumaine d'un étudiant réduit à une masse difforme de Pinnipède humain, de l'intolérance impartie au savant sadique et plaisantin et du climat poisseux régi autour d'eux car trop dérangeant pour égayer la séquestration. Sur ce point, et pour l'expérience horrifique infligée, Tusk s'avère une vraie réussite tant il exploite avec ultra réalisme des séquences chocs bâties sur l'humiliation psychologique et la torture physique. Une manière goguenarde d'ausculter le comportement humain du point de vue d'un animal hybride bientôt motivé par l'instinct de survie. La considération personnelle du serial-killer, porte-parole de la cause animale, s'avère aussi intéressante dans sa réflexion établie sur la nature humaine (l'homme n'est qu'un loup tributaire de ses instincts de survie, de supériorité et de perversité !) et engendre au final l'expiation du savant afin de se pardonner à lui même son manque de dignité (Michael Parks s'avérant remarquable dans la peau du tortionnaire hanté par son ancienne condition de souffre-douleur et le remord d'un sacrifice).


A vouloir concourir sur les traces du génial The Human Centipède, Kevin Smith rate le coche sur le chemin de la dérision morbide, l'horreur poisseuse monopolisant l'absurdité du propos jusqu'au malaise viscéral pour peu que l'on soit sensible à l'agonie exponentielle d'un animal sans défense. Un délire macabre en demi-teinte donc, car faussement pittoresque et assez déconcertant, à l'instar de son épilogue ridicule lorsque Kevin Smith continue maladroitement de surfer sur l'humour grinçant et l'empathie poignante ! Mais l'expérience horrifique, éprouvante et parfois insupportable, fait des étincelles et saura largement contenter les amateurs d'ambiance licencieuse. 

Bruno Matéï




jeudi 12 février 2015

MAXIMUM OVERDRIVE

                                                                              Photo empruntée sur Google, incombant au site papystreaming.com

de Stephen King. 1986. U.S.A. 1h38. Avec Emilio Estevez, Pat Hingle, Laura Harrington, Yeardley Smith, John Short, Ellen McElduff, J.C. Quinn.

Sortie salles France: 25 novembre 1987. U.S: 25 juillet 1986

FILMOGRAPHIE: Stephen King est un écrivain et réalisateur américain, né le 21 Septembre 1947 à Portland, dans le Maine des Etats-Unis.
1986: Maximum Overdrive


"Le 19 Juin 1987, à 9h47 du matin, la Terre a traversé la trajectoire de la comète Rhéa-M. Selon les calculs astronomiques, la planète restera dans l'influence de la queue de cette comète pendant exactement 8 Jours, 5 heures, 29 minutes et 23 secondes."

Echec public et commercial lors de sa sortie (il rapporta 7 430 000 dollars pour un budget de 9 000 000 !), Maximum Overdrive pâtit de la réputation de son auteur, Stephen King, écrivain de littérature mondialement célébré pour ses écrits fantastiques souvent inscrits dans la modernité de notre quotidien. Planqué derrière la caméra pour la première fois de sa carrière sous la houlette du producteur Dino De Laurentiis, il se réapproprie une de ses nouvelles de Danse Macabre pour mettre en scène une série B maladroite (réalisation, montage sporadiques !) dénuée de surprise malgré un postulat de départ alléchant et la trogne sympathique d'acteurs de seconde zone (Emilio Estevez monopolise la tête d'affiche en porte-drapeau altruiste). A la suite du passage d'une comète autour de la terre, toutes nos machines industrielles se transforment en arme de destruction incontrôlée avec comme unique fonction de nous annihiler. Durant plusieurs jours, une poignée de rescapés d'un relais routier va tenter de survivre contre l'autorité de poids-lourds erratiques.



Démarrant sur les chapeaux de roue avec une succession d'incidents techniques aussi inventifs que jouissifs (le distributeur de banque et de boisson, l'ouverture du point-levis, le couteau électrique), Maximum Overdrive débute en fanfare lorsque les machines déréglées s'unifient pour perpétrer des exactions improbables sous influence extra-terrestre. Alternant humour noir et action spectaculaire, le récit redouble d'audace et d'insolence (citadins écrabouillés par des véhicules à moteur, marmot écrasé par un rouleau compresseur, chien retrouvé la gueule déchiquetée par le jouet d'une voiture électrique) à mettre en valeur des situations alertes où nombre de quidams vont sévèrement trinquer ! Durant 45 minutes, Stephen King réussit avec assez d'efficacité à miser sur l'enchevêtrement de ces situations de panique à renfort de poursuites automobiles, explosions dantesques et agressions sanglantes. Là ou la machine va s'enrayer, c'est lorsque l'action se confine paresseusement en interne du relais pour adopter une démarche de routine beaucoup moins attractive. De par les échanges amoureux impartis au couple de héros, de l'impériosité mesquine du tenancier sans vergogne et des bavardages inutiles entamés entre une clientèle superficielle. Quand à la stratégie adoptée par Bill (traverser les tuyaux d'écoulement avec l'appui d'un bénévole pour secourir une éventuelle victime située à l'autre bout du relais), elle s'avère finalement peu haletante dans sa coordination et peu intense pour l'enjeu humain, même si la découverte d'un gamin débrouillard va relancer quelques péripéties héroïques. Dénué de surprises, Stephen King tente donc de pallier la maigreur de son intrigue par des séquences d'actions souvent spectaculaires (à l'instar de son final - à la limite du ridicule - lorsque nos rescapés sont contraints de faire le plein sous l'allégeance des poids-lourds) et d'autant mieux scandées par le hard-rock électrique du groupe AC/DC ! Quand à l'attitude pugnace du héros sombrant peu à peu dans une dépression passagère, Stephen King n'apporte aucune empathie ni densité pour l'évolution soudaine de son comportement hors d'haleine !


Avec un pitch aussi original que prometteur dénonçant la prolifération de nos technologies modernes (ici, une menace extra-terrestre aiguillant nos propres machines pour nous enrayer !) et l'autorité d'un illustre écrivain passé derrière la caméra, Maximum Overdrive avait de sérieux atouts pour combler l'attente du spectateur. Mal exploité, sans surprises et parfois grotesque, mais récupéré par le fun de scènes homériques ou sanglantes et la bonhomie attachante d'acteurs cabotins, il reste aujourd'hui un plaisir coupable aussi décomplexé que sympathique.

Bruno Matéï  

mercredi 11 février 2015

SAMBA

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site inthemoodlemag.com

de Eric Toledano et Olivier Nakache. 2014. France. 2h00. Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izïa Higelin, Youngar Fall, Isaka Sawadogo, Hélène Vincent.

Sortie salles France: 15 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et acteur français, né à Suresnes le 14 Avril 1973. Il travaille souvent en coréalisation avec Eric Toledano. Il est le frère de l'actrice Géraldine Nakache.
Eric Tolédano est un réalisateur, scénariste, acteur et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille régulièrement avec Olivier Nakache sur l'écriture et la réalisation de longs-métrages.
2005: Je préfère qu'on reste amis... 2006: Nos jours heureux. 2009: Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014: Samba


Trois ans après le phénomène Intouchables, le duo Eric Toledano/Olivier Nakache renoue avec la comédie sociale sans se laisser influencer par la facilité de la déclinaison. Samba privilégiant les rapports amoureux entre un jeune sénégalais en situation irrégulière et une cadre dépressive en voie de convalescence. Cumulant les p'tits boulots et le travail au noir, Samba est contraint d'exercer l'illégalité, notamment en falsifiant de faux papiers, afin de tenter de se faire une place dans une France gagnée par le chômage et l'immigration de masse. Avec l'appui d'un comparse arabe également en situation illégale, il va tenter de conquérir le coeur d'Alice tout en essayant de se construire une vie sociale décente.


Si la nouvelle présence d'Omar Sy et le retour du duo gagnant Toledano/Nakache laissait craindre une resucée d'Intouchables, ces derniers sont loin de s'être laissés distraire par leur notoriété pour bâtir une nouvelle comédie dramatique axée sur la condition précaire des sans-papiers. Si l'aspect irrésistiblement comique de leur précédent succès avait su faire preuve de subtilité pour traiter également avec émotion poignante l'inattendue complicité entre un aristocrate paraplégique et un jeune délinquant, Samba change littéralement de registre pour s'orienter plutôt vers la romance et la cocasserie de situations intimistes inscrites dans le cadre d'un quotidien blafard. Bien que le rythme de la narration pâti parfois de légers signes d'essoufflement, la bonhomie attachante des personnages en quête d'insertion sociale et de fondation amoureuse, et la sincérité des cinéastes à ne pas les confiner dans le misérabilisme ou le sentimentalisme, réussissent à combiner une aventure humaine inscrite dans les instants de tendresse, d'amitié (Tahar Rahim prêtant sa confiance avec une spontanéité expansive dans celui de l'acolyte serviable !) et d'appréhension pour l'exclusion. Outre la posture naturelle d'un Omar Sy plein de doute et de précarité dans sa fonction clandestine d'immigré (un rôle à contre-emploi du boute-en-train d'Intouchables), Samba est également illuminé par la personnalité fragile de Charlotte Gainsbourg. Endossant la position timorée d'une cadre supérieure aujourd'hui reconvertie en bénévolat chez les sans-papiers, l'actrice dégage une sensualité prude dans la suavité de ses sentiments. A travers leur complicité fébrile sans cesse repoussée par l'hésitation, Samba transmet non sans fioriture leurs vicissitudes humaines parmi le réalisme de confrontations tantôt cocasses, tantôt dramatiques, à l'instar de son final poignant où perce une émotion douloureuse.


Retenue, réalisme et sincérité sont les maîtres mots du duo Toledano/Nakache d'avoir su illustrer avec légèreté la rédemption amoureuse d'un sénégalais sans papier avec une notable dépressive, tout en portant témoignage à la difficile insertion de ces immigrés souvent contraints de frauder pour se faire une maigre place dans l'hexagone. Outre la simplicité des séquences intimistes et d'autres plus enjouées (la soirée dansante improvisée sur un tube de reggae !), la participation harmonieuse des comédiens accordent sans outrance leur soutien au récit initiatique de Samba, notamment lors de petits instants de poésie !

Bruno Matéï 



mardi 10 février 2015

HOUSEBOUND. Grand Prix, NIFF 2014, Prix du Public, FEFFS 2014.

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site addictedtohorrormovies.com

de Gerard Johnstone. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h49. Avec Morgana O'Reilly, Rima Te Wiata, Glen-Paul Waru, Cameron Rhodes, Ross Harper, Ryan Lampp.

Sortie salles Nouvelle-Zélande: 4 Septembre 2014. U.S: 17 Octobre 2014

Récompenses: Grand Prix au NIFFF 2014 et du Prix du Public au FEFFS 2014,

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnstone est un réalisateur et scénariste néo-zélandais,
2008/09: The jaquie brown diaries (Serie TV). 2014: Housebound 


Inédit en salles en France malgré son Grand Prix décerné au Niff et son Prix du Public attribué au Feffs, Housebound est une production néo-zélandaise détonante dans son télescopage de comédie pittoresque, thriller criminel et horreur gothique. Inscrit dans la débrouillardise cérébrale grâce à l'ossature d'une intrigue riche en rebondissements impromptus (si on fait fi de petites incohérences), Housebound fait office d'attraction foraine, notamment par l'énergie communicative que les protagonistes insufflent avec une dérision percutante. Après le braquage raté d'un distributeur de banque, la jeune délinquante Kylie est contrainte d'accepter la sentence du bracelet électronique pour retourner chez sa mère durant 8 mois de détention. Alors qu'elle surprends cette dernière déclarer à la radio que sa maison est hantée, Kylie va personnellement se rendre à l'évidence que d'étranges phénomènes inexpliqués intentent à la tranquillité familiale. 


Modeste entreprise érigée sous le moule de la série B, Housebound renoue avec l'éclat des premières oeuvres bricolées, de par sa sincérité indéniable pour le(s) genre(s) et ses trouvailles retorses privilégiant revirements en estocade plutôt que l'esbroufe racoleuse. Grâce à l'habileté de son scénario échevelé (même si sa première demi-heure marque certains signes d'essoufflement !) et la fougue héroïque de personnages aussi décalés que maladroits, le cheminement narratif ne cesse de nous surprendre par l'entremise du simulacre, du subterfuge, du retournement de situation et du faux coupable. Utilisant les codes éculés de la demeure hantée et ceux du thriller criminel (à savoir les exactions d'un éventuel serial-killer !), Housebound réussit à dépoussiérer les genres dans un esprit aussi pittoresque que dramatique (son final réussit même à provoquer une véritable émotion lorsque l'héroïne se retrouve confrontée à sa caricature par l'entremise de dessins !). Sans déflorer d'indices sur l'investigation surnaturelle impartie entre celle-ci et son agent de probation, le film exploite judicieusement le faux-semblant pour mieux nous surprendre dans une mosaïque de situations toujours plus cartoonesques (la dernière partie s'avérant effrénée par son lot de courses-poursuites meurtrières et chausse-trappes !). Soulignant en sous-texte social le rôle pédagogique des parents lorsqu'un mineur est confronté à la révolte de sa solitude, Gerard Johnstone utilise l'alibi du divertissement afin de mettre en exergue l'initiation à la tolérance et l'estime de soi lorsqu'une marginale en quête de vérité s'accorde sagacité et bravoure (parmi l'appui de sa mère !) afin d'éclaircir l'incompréhension.


Conjuguant avec brio, et dans une facture gothique, les éléments de comédie, d'horreur et de thriller, Housebound sait également maîtriser un suspense exponentiel par l'appui d'un montage vigoureux et la structure débridée d'une intrigue soumise à l'audace des protagonistes. Il en émane un divertissement décoiffant, véritable pochette-surprise d'une satire imposée à la discorde familiale et l'apprentissage de la confiance. 

Bruno Matéï


lundi 9 février 2015

HONEYMOON

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site rhinoshorror.com

de Leigh Janiak. 2014. U.S.A. 1h27. Avec Rose Leslie, Harry Treadaway, Ben Huber, Hanna Brown

Sortie US uniquement en Vod: 12 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE:  Leigh Janiak est un réalisateur et scénariste américain.
2014: Honeymoon


Première réalisation de Leigh Janiak après sa sélection officielle à Gérardmer 2015, Honeymoon relate la lune de miel d'un couple d'amoureux dans un chalet champêtre. En plein milieu de la nuit, Paul surprend sa compagne Bea égarée dans la forêt. Prétextant une crise de somnambulisme, le couple tente d'oublier cet étrange incident. Mais au fil des jours, Paul commence à suspecter l'humeur versatile de son épouse, notamment ses pertes de mémoire inexpliquées. 


Production indépendante au budget minimaliste et constitué essentiellement de deux acteurs (si on épargne le 1er quart-d'heure !), Leigh Janiak emprunte la voie du huis-clos à partir d'un concept horrifique subtilement amené et à l'intersection de la science-fiction (les flashs de lumières aveuglantes que Paul observe de la fenêtre de sa chambre en cours de nuit !). Accordant toute son importance à la caractérisation humaine des deux protagonistes, Honeymoon puise sa force dans la remise en question du couple d'amoureux pris à parti avec une situation improbable et ne cessant de se contredire pour la quête de vérité. S'attardant dans un premier temps à surligner leur rapport affectueux dans des moments intimistes de tendresse et de vivacité, nous nous éprenons inévitablement de compassion avant que leur déchéance morale ne viennent nous tourmenter par leur discorde quotidienne toujours plus fébrile. Autour des ces rapports houleux, un climat anxiogène se fait toujours plus pesant lorsque Paul va rapidement déceler que le comportement farouche de son épouse risque de nuire à son état mental (notamment sa défaillance cognitive). Grâce au jeu naturel des comédiens alternant la fraîcheur de leur complicité et la contraction de la méfiance, l'intrigue suggère une inquiétude toujours plus tangible au fil de péripéties de plus en plus pessimistes. Tout l'intérêt résidant dans son suspense progressif et le climat oppressant d'observer méticuleusement leur déchéance morale face à une énigme inexpliquée. En prime, par le biais du refus du happy-end et un désir jusqu'au-boutiste de confronter ces amants au seuil de la folie, le point d'orgue, cauchemardesque et viscéral (une séquence malsaine pourrait d'ailleurs évoquer aux fans du genre un moment anthologique d'X-tro, sans compter son image finale !) risquera d'en dérouter plus un. 


En dépit d'un final irrésolu laissé en suspens (une manière autrement audacieuse d'entretenir le mystère !) et risquant de diviser une partie du public, Honeymoon s'avère suffisamment captivant, anxiogène et cauchemardesque par l'esthétisme de sa nature en demi-teinte (sérénité et opacité de la flore se confondent pour perdre nos repères !), et surtout par sa subtile mise en scène préconisant l'intensité d'un jeu d'acteurs inscrits dans la fougue des sentiments et l'emprise paranoïaque. Une découverte intéressante, honnête échantillon d'un Fantastique éthéré. 

Remerciement à Jacques Coupienne
Bruno Matéï


vendredi 6 février 2015

LE MANOIR DE LA TERREUR (The Blancheville Monster - Horror Castle - Horror - Demoniac)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

d'Alberto De Martino. 1963. Italie/Espagne. 1h27. Avec Gérard Tichy, Leo Anchoriz, Ombretta Colli, Helga Liné, Iran Eory, Vanni Materassi, Francisco Moran.

Sortie Salles Italie: 6 Juin 1963. Espagne: 18 Mai 1964.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Alberto De Martino est un réalisateur et scénariste italien, né le 12 Juin 1929 à Rome.
1962: Les 7 Gladiateurs. 1963: Persée l'Invincible. 1963: Le Manoir de la Terreur. 1964: Le Triomphe d'Hercule. 1964: Les 7 Invincibles. 1966: Django tire le premier. 1967: Opération frère Cadet. 1968: Rome contre Chicago. 1969: Perversion. 1972: Le Nouveau Bosse de la Mafia. 1974: L'Antéchrist. 1977: Holocaust 2000


Inédit en salles en France mais sorti en Vhs au début des années 80 sous le titre Demoniac, Le Manoir de la terreur est ce que l'on peut citer une "perle gothique" du cinéma transalpin que l'éditeur Artus Films nous fait l'honneur d'exhumer via une édition Dvd de qualité. Prévenons tout de suite les amateurs néophytes de ne pas confondre avec le sympathique nanar Le Manoir de la Terreur réalisé en 1981 par Andréa Bianchi, puisqu'en l'occurrence il s'agit d'une oeuvre préalablement tournée en 1963 sous l'égide du vénérable Alberto De Martino (l'Antéchrist, Holocaust 2000). Accompagné de son ami, Emily part rendre visite à son frère auquel il est devenu propriétaire d'un château depuis la mort accidentelle de son père lors d'un incendie. Sur place, outre l'accueil froid de son confrère, elle établit la rencontre suspicieuse du majordome, de la gouvernante et du nouveau praticien. Un soir, des hurlements se font écho dans la nuit ! Son père serait finalement en vie secrètement caché dans l'enceinte du château, quand bien même Emilie va se retrouver confrontée au sacrifice pour le compte d'une prédiction ! 


Véritable bijou du Bis Gothique injustement méconnu et déconsidéré à son époque, Le Manoir de la Terreur fait la part belle à l'univers d'Edgar Allan Poe par son atmosphère lugubre ensorcelante régie autour de monuments historiques, et pour certains thèmes judicieux exploités au cinéma de cette époque (je pense particulièrement à Roger Corman pour La Chute de la Maison Usher et à L'Enterré Vivant). Transfiguré par un superbe noir et blanc contrastant avec l'architecture du manoir situé à proximité d'une abbaye en ruine et d'une chapelle, la nature environnante est également à l'appel pour nous enivrer dans sa facture étrangement poétique (à l'instar de cette forêt décharnée ou des songes obsédants fantasmés par Emilie !). Avec une volonté de styliser le cadre gothique, Alberto De Martino y compose parfois des tableaux d'un onirisme enchanteur (Emilie, hypnotisée par le monstre, traverse durant la nuit, telle un fantôme vêtu de blanc, une allée du château pour rejoindre l'abbaye et y contempler sa tombe !). Outre l'intensité de son climat ombrageux auquel le film baigne avec volupté, Le Manoir de la Terreur est rehaussé d'une intrigue criminelle machiavélique brouillant les pistes à souhait pour mieux nous égarer dans un dédale de faux coupables et simulacres. Alberto De Martino se délectant à nous manipuler dans la caractérisation insidieuse de protagonistes cachottiers tout en utilisant les ressorts dramatiques de victimes tourmentées et molestées. Alors que durant sa dernière partie davantage oppressante, les rôles vont subitement s'inverser pour enfin lever le voile sur le véritable traître et percer le mystère entourant la prophétie des Blackford. 


Sobrement interprété par des comédiens au charisme aristocratique jusqu'aux moindres seconds-rôles (je ne suis pas prêt d'oublier la posture rigide et le regard reptilien de la gouvernante endossée par Helga Liné) et réalisé avec brio dans l'esthétisme gothique d'un noir et blanc immaculé, Le Manoir de la Terreur se permet surtout de fignoler un suspense retors autour d'une conspiration habilement détournée ! Un des plus beaux trésors de la bannière Artus Films et sans nul doute un des meilleurs films de son auteur. 

Remerciement à Artus Films
Bruno Matéï