mercredi 22 avril 2015

4 de l'Apocalypse / I quattro dell'apocalisse

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Lucio Fulci. 1975. Italie. 1h48 (version non censurée). Avec Fabio Testi, Lynne Frederick, Michael J. Pollard, Harry Baird, Adolfo Lastretti, Tomas Milian.

Sortie salles France: 22 Juin 1983. Italie: 12 Août 1975. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie en salles.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Après s'être déjà prêté au western en 1966 avec l'excellent le Temps du Massacre, Lucio Fulci renoue avec le genre 9 ans plus tard pour nous laisser dériver vers un voyage initiatique (celui de l'espoir), la balade désenchantée d'un quatuor de marginaux livrés à l'errance au sein d'un no man's land. Au fil de leur périple indécis parfois jalonné de rencontres impromptues, telles cette communauté de pèlerins chrétiens ou ces mineurs venus applaudir la naissance du couple, ils finissent par fréquenter malgré eux le mal en personne, un vagabond solitaire sans foi ni loi (Tomas Milian, transi de vice par son regard reptilien !). Western atypique de par son atmosphère indicible où pointe un surréalisme mystique (l'escale dans le village fantôme où Bud se laisse divaguer vers une folie spirituelle) et dans son brassage des genres opposant les éclairs de violence d'une horreur proprement sadique (la fameuse torture de dépeçage et de crucifixion portée sur le corps du shérif vaudra à Fulci de sérieux problèmes avec la censure !), 4 de l'apocalypse ferait office de bad trip s'il n'était pas imprégné de mélancolie parfois poignante. 


Tant auprès de son environnement tristement blafard que nos voyageurs arpentent en se confrontant à la mort la plus injustifiée, que des chansons "flower power" que Lucio Fulci contrebalance avec une émotion élégiaque. Epuisés par les semaines de marche et confrontés à la faim (ils iront jusqu'à se nourrir de rat et de chair humaine !!!), leurs pérégrinations s'attelle au parcours du combattant, épreuve de survie afin d'y dénicher une région plus pacifiste dans ce désert morose où ne règnent que pourriture et désolation. L'empathie accordée à ces quatre marginaux s'avère d'autant plus probante par leur solidarité amicale où l'espoir finira tout de même par percer malgré l'amertume de son épilogue (notamment ce parti-pris de vengeance expéditive). Quand à l'intervention symbolique de l'étranger au look "hippie", la dimension insolite de leur errance s'y renforce en sa présence pernicieuse (il ira jusqu'à droguer ses otages pour mieux les abuser !) et l'immoralité de ces exactions où seul compte le profit.


Ballade entre les tombes
Profondément putride, malsain et perpétuellement malaisant (au point de suffoquer), déroutant, élégiaque et insolite auprès de son atmosphère d'isolement où la naissance et la mort se rabattent sur une idéologie religieuse, mais aussi quelque peu touchant et envoûtant quant à l'excursion entamée par ces laissés pour compte dérivant au seuil des limbes, 4 de l'Apocalypse détonne par sa radicalité tranchée à détourner les codes du genre, notamment pour l'usage cru d'une violence putassière parfois au bord de la nausée. Un western horrifique à réhabiliter d'urgence tant il parvient à nous dépayser au sein de cet univers de décrépitude et à nous attacher parmi la cohésion de ces anti-héros en quête de havre de paix.  

*Bruno Matéï
25.03.22. 4èx

L'avis de Mathias Chaput:
Lucio Fulci est un réalisateur incroyable qui est souvent là où on ne l'attend jamais !

Avec ce "4 de l'apocalypse" (quel titre ! à la fois énigmatique et attisant la curiosité), il délivre un genre en état de déliquescence (le western spaghetti) et le fait éclater par le biais du cinéma fantastique de façon sidérante, imbriquant des touches oniriques presque "felliniennes", le tout avec une intelligence de traitement remarquable !

Le lot de sadismes inhérent au cinéma du Maestro est présent également mais distillé avec la plus grande parcimonie, Fulci se consacrant davantage à un aspect moins populaire qu'ésotérique...

Il n'a pas choisi la facilité et son métrage risque de déconcerter les aficionados de Sergio Leone ou des westerns transalpins qui florissaient entre 1965 et 1970, la singularité de "4 de l'apocalypse" réside justement dans sa manière de ne rien faire comme ses prédécesseurs, transgressant les conventions et ouvrant à l'extrême les perspectives et les possibilités, que ce soit au niveau des décors que du scénario !

Les gunfights avec impacts de balle saignants n'arrivent qu'au prologue pour que l'action pure et dure laisse place à l'investigation et au voyage, voyage au bout d'un enfer que les personnages vont prendre en pleine face, la faim, le froid, la douleur seront bien retranscrits et l'ignoble aura lieu jusqu'à une séquence de cannibalisme qui provoquera l'effroi !

Au niveau de l'interprétation, Testi est littéralement habité par son rôle, Milian est incroyable de folie et de sadisme, et on retrouve même la trogne patibulaire de Donald "Zombie Holocaust" O' Brien en shériff...

Il y a un atypisme fulgurant dans "4 de l'apocalypse" que l'on ne retrouve nulle part ailleurs et qui en fait son intérêt et sa qualité, loin de tous les stéréotypes habituels...

Fulci a frappé très fort et ce western hors normes restera inoubliable car novateur !

Véritable coup de pied dans la fourmilière, il possède une aura si singulière qu'il s'avère inimitable, témoignant de la force exceptionnelle qu'avait Fulci pour donner sa "touch'" dans ses films...

Note: 10/10

                                        

mardi 21 avril 2015

Schizo

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Pete Walker. 1976. Angleterre. 1h49. Avec Lynne Frederick, John Leyton, Stephanie Beacham, John Fraser, Jack Watson.

Sortie salles 11 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Pete Walker est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né en 1939 à Brighton. 1968: l'Ecole du sexe, For men only, 1970: Cool, c'est Carol, 1971: Man of violence, Die Screaming, Marianne, 1972: Quatre dimensions de Greta, le Théâtre de l'angoisse, 1973: Tiffany Jones, 1974: Flagellations, Frightmare, 1976: Mortelles Confessions, Schizo, 1978: Hallucinations, 1979: Home Before Midnight, 1983: House of the long shadows.


Modeste production du réalisateur Pete Walker, petit artisan d'un cinéma horrifique british dénué de prétention, à l'instar des sympathiques productions d'exploitation de Norman J. WarrenSchizo se fit connaître auprès des vidéophiles grâce à sa Vhs éditée chez Warner Home Video. Ainsi, s'il essuya un certain succès dans ce format aujourd'hui vermoulu, si bien qu'il s'agit probablement de son oeuvre la plus populaire parmi l'excellent Hallucinations, sa faible renommée auprès des critiques l'empêcha toutefois d'accéder au classique du psycho-killer, faute à une intrigue plutôt mal construite il est vrai auprès de sa thématique de la schizophrénie faisant référence à Psychose d'Hitchcock. Le PitchAlors que Samantha se marie, un étrange individu se rend à ces noces avec la volonté de la tourmenter. Perpétuellement épiée par ce dernier, elle commence à prendre panique lorsqu'elle croit reconnaître en lui le meurtrier de sa mère sauvagement assassinée durant son enfance. 


Jouant avec les codes du thriller horrifique dans sa plus conventionnelle expression avec son lot de clichés rebattus, Pete Walker accumule maladresses techniques (montage parfois dégingandé, faux-raccords, intervention d'un technicien en arrière plan d'un miroir) / narratives et redondances sans sourciller de par sa volonté infatigable de retarder l'éventuelle agression puis de nous convaincre que le potentiel tueur est lancé aux trousses de notre frêle héroïne. Le problème, c'est qu'au bout de 20/30 minutes on devine aisément que ce dernier, particulièrement cabotin, ne pourrait être l'auteur de ces exactions à venir tant il accumule brimades et intimidation avec une apathie un peu trop ombrageuse, voire parfois grotesque (ses grimaces derrière la vitre pour terroriser sa victime). L'intronisation du suspense étant désamorcée par ce profil inexpressif et d'un arc narratif aux faibles ressorts dramatiques. Quand bien même la psychologie superficielle (mais heureusement attachante) des protagonistes enfonce un peu plus cette série B au rayon de la Bisserie bonnard. Loin d'être désagréable donc auprès de sa modeste efficacité et de son attachante naïveté à valoriser la contrariété des protagonistes au fil d'un climat gentiment inquiétant, le second acte narratif épouse d'autant mieux un parti-pris autrement haletant et complaisant à travers la prolifération des meurtres sanguinolents que l'entourage de l'héroïne subit de plein fouet. Sans compter la révélation stridente d'un flash-back traumatique, meilleure séquence horrifique du métrage auprès de son aura poisseuse, vulgaire (langage cru à l'appui), couillue (mais chut !), insolente. 


Exclusivement réservé à la génération 80, Schizo ne pourra aujourd'hui que contenter d'un oeil à la fois ludique et amusé les nostalgique de cette époque révolue si bien que la sincérité (empotée) du réalisateur croyant dur comme fer à son sujet déviant n'est point à remettre en cause pour son amour immodéré du sous-genre: le psycho-killer apparu sur nos écrans au milieu des Seventies.  

*Bruno
5èx. Vo

lundi 20 avril 2015

L'EMMUREE VIVANTE (Sette note in nero)

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site caveofcult.co.uk

de Lucio Fulci. 1977. Italie. 1h35. Avec Jennifer O'Neill, Gabriele Ferzetti, Marc Porel, Gianni Garko.

Sortie salles Italie: 10 Août 1977

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996.
1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Echec commercial lors de sa sortie malgré l'enthousiasme favorable des critiques, l'Emmurée Vivante s'allouait pourtant d'une certaine originalité à exploiter les codes du giallo à partir d'un argument surnaturel, la prescience. Au moment de traverser sous plusieurs ponts en véhicule, Virginia Ducci renoue avec sa clairvoyance pour entrevoir des fragments d'indices vis à vis d'un homicide crapuleux, une victime emmurée vivante. Arrivée dans l'ancienne demeure de son mari, elle reconnait le même endroit familier préalablement identifiée durant ses visions. Intriguée par la ressemblance frappante du mur de salon et motivée par son intuition, elle s'empresse de l'abattre à coups de pioche pour y découvrir le cadavre d'un squelette. 


Conjuguant l'investigation policière avec l'inconscient surnaturel d'une femme médium, l'Emmurée Vivante agence adroitement ces genres afin de consolider un suspense exponentiel convergeant vers une dernière partie aussi haletante qu'anxiogène. Sur ce dernier point, on peut saluer la maîtrise technique à laquelle Fulci fignole une longue course-poursuite entamée entre l'héroïne et le potentiel tueur à travers les bâtiments gothiques d'une chapelle et de demeures vétustes. Epaulé d'un score ombrageux et d'une mélodie entêtante de Franco Bixio, Fabio Frizzi et Vince Tempera, cette traque de longue haleine s'imprègne d'une atmosphère d'angoisse diffuse par le biais d'une héroïne en proie à l'affres de la survie. Jouant avec les indices en trompe l'oeil et l'éventail des faux coupables, Lucio Fulci cultive notre attention pour l'ossature d'une intrigue charpentée bâtie sur une énigme aussi nébuleuse que sournoise. L'identité d'un squelette et celui d'un suspect à la démarche boiteuse, la valeur notoire d'un tableau, un miroir brisé et le visage ensanglanté d'une sexagénaire s'avérant les vecteurs du puzzle à reconstituer sous l'impulsion de notre héroïne et d'un adjoint en paranormal. Par le biais de ces indices scrupuleux émanant d'une démarche irrationnelle de prémonition, Fulci les exploitent avec un sens trompeur du faux-semblant. 


Epaulé de la facture solide de comédiens au charisme buriné et surtout dominé par la présence vénéneuse de Jennifer O'Neill (son regard azur nous magnétise à chacune de ses interventions !), l'Emmurée Vivante empreinte le profil du giallo parmi le pivot surnaturel d'une prescience, de manière également à mettre en appui un poème sur la relativité du temps. Un thriller machiavélique dont l'atmosphère latine participe autant à son pouvoir d'inquiétude !

Bruno 
07.01.24. Vistf. 4èx

vendredi 17 avril 2015

LA FAMILLE BELIER

                                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Eric Lartigau. 2014. France. 1h45. Avec Louane Emera, Karin Viard, françois Damiens, Eric Elmosnino, Roxane Duran.

Sortie salles France: 17 Décembre 2014

FILMOGRAPHIE: Eric Lartigau est un réalisateur français né en 1964.
2003: Mais qui a tué Pamela Rose ? 2006: Un Ticket pour l'Espace. 2006: Prête-moi ta main. 2010:! L'Homme qui voulait vivre sa vie. 2012: Les Infidèles (segment Lolita). 2014: La Famille Bélier



Enorme succès au box-office français ayant cumulé 7 336 297 entrées, remise du César du Meilleur Espoir Féminin à Louane Emera, La Famille Bélier est la nouvelle comédie familiale célébrée en grande pompe par la majorité de nos critiques. Traitant du handicap de la surdité et du mutisme chez une famille de métayers normands, l'intrigue oppose le cheminement indécis de la fille aînée entendante lorsque son professeur de musique lui propose de postuler pour un concours de chant. Peu sûr d'elle, contrariée par une discorde sentimentale et démotivée par la réticence de ses parents (ils sont incessamment privés de ses performances vocales), Paula est sur le point de renoncer quand bien même son instituteur va tenter de lui prouver sa capacité à braver la gageure.


Moment d'émotion et de simplicité dans sa leçon d'apprentissage impartie à la confiance en soi et à la constance, plaidoyer pour le droit à la différence en faveur des sourds (Rodolphe Bélier se présentant aux élections municipales pour prouver ses compétences politiques en dépit de son mutisme), la Famille Bélier relate le parcours initiatique d'une adolescente en crise identitaire devant le témoignage de parents bouleversés par son indépendance d'un choix professionnel. En évitant intelligemment toute forme de pathos et sans sombrer dans le misérabilisme pour la caricature adressée à cette famille de sourds coexistants en harmonie malgré leur privation d'audition, Eric Lartigau nous brode un joli conte sur l'accomplissement de soi, notamment par le biais soudé de cette cohésion parentale. Alternant instants pittoresques, balades musicales, moments de tendresse et querelles intermittentes dans les rapports familiaux puis l'émoi amoureux, la Famille Bélier célèbre avec sincérité souvent poignante les valeurs de l'amour sous un engouement libertaire. Outre l'humilité des comédiens formé par le trio Karin Viard François Damiens / Lucas Gelber, le film repose surtout sur la révélation Louane Emera. Bluffante de naturel dans sa fonction candide d'adolescente timorée mais pétillante de spontanéité et de volonté de fuir sa peur, la jeune actrice dégage une palette d'émotions souvent intenses dans sa faculté à nous susciter ses interrogations et son anxiété du passage à l'âge adulte.


Pittoresque, tendre, émouvant et parfois bouleversant, à l'instar de son point d'orgue incandescent régi autour d'une chanson de Sardou (préparez les mouchoirs pour cet immense moment d'émotion !), La Famille Bélier fait intelligemment preuve d'humilité pour dépeindre avec sensibilité le destin d'une famille de prolétaires en crise filiale mais réconciliés par leur esprit de fraternité, d'amour et de tolérance. Outre la bonhomie attachante des illustres comédiens et de certains seconds-rôles (en professeur de chant castrateur, Eric Elmosnino évite pourtant la caricature dans son tempérament endurant), c'est la présence lumineuse de Louane Emera qui crève l'écran et fera chavirer le coeur des plus sensibles !

Bruno Matéï



jeudi 16 avril 2015

Génération Protéus / Demon Seed

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieposter.com

de Donald Cammell. 1977. U.S.A. 1h34. Avec Julie Christie, Fritz Weaver, Gerrit Graham, Berry Kroeger, Lisa Lu, Larry J. Blake, John O'Leary.

Sortie salles France: 8 Février 1978

FILMOGRAPHIE: Donald Cammell est un réalisateur écossais, né le 17 Janvier 1934, décédé le 24 Avril 1996. 1968: Performance (co-réalisé avec Nicolas Roeg). 1977: Génération Proteus. 1987: White of the Eye. 1995: Wild Side.


Réalisateur méconnu uniquement responsable de 4 longs-métrages puis déshérité d'un destin tristement tragique (il se suicida d'une balle dans la tête après une grave dépression et des problèmes familiaux), Donald Cammell réalise en 1977 son film le plus connu auprès des fantasticophiles, Génération Proteus. Un film d'anticipation à connotation horrifique préfigurant Alien, Saturn 3la Galaxie de la Terreur et Inseminoïd dans son brassage audacieux des genres. Pour les nostalgiques de l'époque, on peut aussi rappeler qu'il fit les beaux jours de l'émission scientifique, l'Avenir du Futur lors d'une diffusion le lundi 23 Mars 1981 dans le cadre de sa thématique accordée aux "ordinateurs doués de raison". Si aujourd'hui, Génération Proteus est malencontreusement occulté des cinéphiles au profit d'autres classiques notoires, il reste une excellente curiosité particulièrement déroutante, un ovni tirant parti de son étrangeté et de son originalité dans l'ossature d'un scénario aussi improbable que délirant. Ainsi, en dépit d'une réalisation académique, du jeu cabotin des comédiens et d'une première demi-heure un tantinet laborieuse, le cheminement de l'intrigue en mode huis-clos s'avère pour autant stimulant. 


Imaginez donc la conception révolutionnaire d'un ordinateur supra intelligent délibéré à séquestrer à distance l'épouse du créateur scientifique au sein de sa demeure familiale afin de l'enfanter et accéder à l'immortalité. Ce pitch insensé multipliant agressions domestiques (la maison high-tech étant entièrement sous contrôle électronique et mécanique de Proteus !), intrusions de visiteurs inopportuns et expériences médicales en vue d'une procréation réussit tout de même à rendre crédible les motivations de l'ordinateur doué de parole. Entièrement soumise à son allégeance, Susan est donc contrainte de subir maltraitances physiques et sexuelles afin de parfaire la naissance d'un enfant hybride prochainement apte à dominer le monde (Akira n'est pas loin !). Pour un peu, et avec ironie, on pourrait aussi suggérer que Donald Cammell préfigura la saga Terminator et tous ces thrillers alarmistes auquel l'ordinateur doué d'intelligence artificielle s'empressa de supplanter l'homme afin d'y prendre sa place. Par le biais de trucages artisanaux, on est également surpris de l'aspect convaincant de certaines séquences spectaculaires, à l'instar de la morphologie cuivreuse du nouveau-né ou lorsque Proteus réussit à se matérialiser sous la structure amovible d'un losange métallique capable d'alpaguer ses proies (petit effet gore à l'appui lorsqu'un quidam finit décapité au creux du quadrilatère !). 


Pourvu d'une ambiance horrifico-baroque et d'un suspense assez soutenu dans la situation de claustration que l'héroïne impuissante est contrainte de tolérer, Génération Proteus réussit à divertir et à inquiéter sur les dérives de nos technologies modernes. Particulièrement la robotisation auquel l'informatique s'avère la matrice responsable ! A redécouvrir donc d'un oeil aussi attentif et curieux qu'amusé, le point d'orgue halluciné valant notamment son pesant de cacahuètes.

Bruno Matéï
24/05/2011
16/04/2015
3èx

mercredi 15 avril 2015

MAY. Prix "Première", Gérardmer 2003.

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site kinobomba.net

de Lucky Mc Kee. 2002. U.S.A. 1h34. Avec Angela Bettis, Jeremy Sisto, Anna Faris, James Duval, Nichole Hiltz, Kevin Gage, Merle Kennedy, Chandler Hecht, Norwood Cheek, Rachel David, Roxanne Day...

Sortie en salles en France le 10 Mars 2004. U.S: 6 Juin 2003.

FILMOGRAPHIELucky Mc Kee est un réalisateur américain né le 1er Novembre 1975 à Jenny Lind (Californie). 2002: All Cheerleaders Die (court). May. 2006: Master of Horror (un épisode). The Woods. 2008: Red. Blue Like You. 2011: The Woman.


« La tristesse assèche le cœur de qui n'a plus de larmes pour pleurer. »
Première réalisation et coup de maître du débutant Lucky Mc KeeMay n'aura laissé personne indifférent dans les festivals où il fut projeté et en dépit de sa sortie confidentielle en salles. May est une infirmière introvertie, jeune employée dans un cabinet vétérinaire. Solitaire et refoulée dès son enfance à cause d'un léger strabisme, elle n'a que pour seule compagnie une poupée. Cette dernière étant confinée à l'intérieur d'une boite de verre auquel May lui confesse quotidiennement ses états-d'âme, ses désirs ainsi que ses éclats de colère. Livrant également sa bonhomie à de jeunes enfants aveugles, sa vie va soudainement basculer lorsqu'elle aborde par le fruit du hasard un charmant inconnu. Outre le brio technique de son auteur particulièrement assidu à illustrer non sans onirisme (meurtres stylisés à l'appui !) le cheminement schizophrène d'une fille noyée dans sa solitude, le magnétisme trouble qu'Angela Bettis extériorise doit beaucoup à l'intensité fragile qui irrigue les pores du scénario. Un magnifique portrait de femme meurtrie d'où pointe l'exutoire de l'automutilation, une interprétation à fleur de peau que l'actrice endosse dans sa posture filiforme de petit bout de femme avide d'amour et de reconnaissance.


De prime abord timide mais pétillante pour affronter l'accointance d'un inconnu puis finalement écorchée vive lorsque cette défaite sentimentale va lui rappeler l'injustice de sa différence aux yeux des autres (son fétichisme pour les mains, sa relation intime avec sa poupée, son attirance pour le macabre et l'indifférence que la mort lui représente), May symbolise en sa discrète présence les souffres-douleurs de l'exclusion, de la marginalité et de la solitude. Qui plus est, la trahison d'une amie lesbienne et l'incident de sa poupée démembrée finissent un peu plus par l'isoler dans une rancoeur punitive au point de confectionner elle-même un nouvel ami de chair et de sang. Variation moderne de Frankenstein où la Fiancée se morfond dans une détresse psychotique avant d'endosser le rôle fantasque du Docteur, plaidoyer pour le droit à la différence dans sa condition de femme soumise en perte identitaire (car isolée de toute présence amicale depuis son enfance, en dépit des poupées décorant sa chambre, en particulier celle offerte par sa mère en démission parentale), May transcende avec une grande sensibilité une histoire d'amour fou où seule la mort peut éclipser la souffrance.


Magnifique portrait de femme désabusée de son inépuisable solitude et d'un échec amoureux, May emprunte finalement le sentier tortueux du slasher en confrontant la passion d'un cinéphile (le compagnon de May est un mordu d'Argento !) avec la relation ambiguë d'une asociale trop vulnérable pour être désirée. Il en émane un drame psychologique d'une sensibilité ardue, un bouleversant poème funèbre sur l'isolement de l'âme et la quête éperdue du besoin d'être aimé.

*Bruno 
3èx
14/06/10. 2
15/04/15. 3

Récompenses: Prix du Meilleur Scénario et Meilleure Actrice (Angela Bettis) au Festival du film de Catalogne 2002. Corbeau d'Argent de la meilleure actrice (Angela Bettis) au Festival du film Fantastique de Bruxelles en 2003. Prix Première au festival de Gérardmer en 2003. Prix du Meilleur Film, Meilleur Scénario et Meilleure Actrice (Angela Bettis) au cours de la semaine du film Fantastique de Malaga en 2003.


mardi 14 avril 2015

JOHN RAMBO (Rambo)

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixshark.com

de Sylvester Stallone. 2008. Allemagne/U.S.A. 1h31. Avec Sylvester Stallone, Julie Benz, Paul Schulze, Graham McTavish, Matthew Marsden, Reynaldo Gallegos.

Sortie salles France: 6 Février 2008. U.S: 25 Janvier 2008

FILMOGRAPHIE: Sylvester Stallone est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 6 Juillet 1946 à New-York.
1978: La Taverne de l'Enfer. 1979: Rocky 2, la Revanche. 1982: Rocky 3, l'Oeil du Tigre. 1983: Staying Alive. 1985: Rocky 4. 2006: Rocky Balboa. 2008: John Rambo. 2010: Expendables: Unité Spéciale.


Après avoir brillamment clôturé la saga Rocky avec Rocky Balboa, Sylvester Stallone, acteur et cinéaste, décide d'en faire de même pour la trilogie Rambo, 20 ans après le semi-échec du 3è épisode. Renouant un peu avec l'état d'esprit du premier film pour la dimension humaniste du vétéran replié sur lui même (on le retrouve reclus en Thailande entrain de chasser les cobras pour les vendre à un dresseur), John Rambo s'engage tout de même à renouer avec la voie du spectacle homérique à grand renfort d'ultra-violence jusqu'au-boutiste. C'est bien simple, jamais un film de guerre n'était allé aussi loin dans la barbarie pour dénoncer les horreurs du pays le plus totalitaire au monde (la Birmanie reste en guerre depuis plus de 60 ans en dépit de l'indifférence des médias !) et pour nous divertir de scènes d'action décoiffantes à l'efficacité optimale. Un peu comme si Rambo 2, la mission s'était incidemment retrouvé la tête plongée dans une bassine de vitriol ! Exit donc la caricature d'une bande dessinée décérébrée apte à divertir son public de 7 à 77 ans, Stallone misant sur l'ultra réalisme d'un contexte de guerre animé par l'emprise de la folie et de la haine.


A l'instar des exactions crapuleuses (et parfois diaboliquement inventives) quotidiennement perpétrées par les soldats birmans sur une population précaire d'où aucun enfant n'est épargné (Stallone refusant même le hors-champs dans ses séquences les plus innommables !). Outre le caractère poignant des états d'âme torturés de Rambo à nouveau compromis par son sens du devoir à rempiler une mission à haut risque (sauver la vie d'un groupe de missionnaires religieux pris en otage dans un village), John Rambo assume le spectacle épique d'un film de guerre habité par la frénésie de la violence. Qu'elle soit purement gratuite du point de vue des soldats Birmans ou justifiée du côté des mercenaires héroïques notamment impliqués dans une cause de survie. Dans ce maelstrom d'images apocalyptiques d'où s'extrait une sauvagerie à l'instinct primitif (Rambo arrachant de ses mains la gorge d'un geôlier !), l'intrigue conjugue mission d'infiltration, stratégies d'attaques et de défense et survival de dernier ressort avec une vigueur imperturbable ! Son pouvoir de fascination, son réalisme immersif et son sens jouissif de l'action explosive étant notamment véhiculés par l'autorité iconique de notre baroudeur une fois de plus contraint de reprendre les armes pour se donner une raison d'exister (celle de sauver la vie de son équipe et des missionnaires, en particulier un couple religieux). Et par cette occasion quasi suicidaire retrouver son blason de héros face à la considération des survivants puis peut-être renouer avec sa paix intérieure.


Un spectacle monstrueux, à feu et à sang.
Pur divertissement d'action belliqueuse où les bravoures anthologiques se succèdent à une cadence effrénée, John Rambo réussit néanmoins à justifier sa barbarie graphique (corps déchiquetés, broyés, explosés, décapités, éventrés !) pour dénoncer le contexte historique de la dictature Birmane (le film reste chez eux officiellement interdit en salles et en video au risque d'encourir 10 ans de prison ou la perpétuité pour ceux qui en braveraient le règlement). Rehaussé du score intense de Brian Tyler et de la célèbre reprise de Jerry Goldmisth, Sylvester Stallone en profite pour redorer la stature écorchée de sa machine à tuer, à l'instar de son épilogue bouleversant auquel Rambo renoue avec la civilisation de sa patrie.

Rambo: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/rambo-first-blood.html
Rambo 2: http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/rambo-2-la-mission-rambo-first-blood.html

Bruno Matéï
(2èx)