jeudi 3 décembre 2015

LES VAMPIRES

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site videowatchdog.com

"I Vampiri" de Riccardo Freda et Mario bava. 1956. Italie. 1h22. Avec Gianna Maria Canale, Carlo D'Angelo, Dario Michaelis, Wandisa Guida, Angelo Galassi, Antoine Balpêtré.

Sortie salles France: 27 Novembre 1957

FILMOGRAPHIE: Riccardo Freda (né le 24 février 1909 à Alexandrie, Égypte - mort le 20 décembre 1999 à Rome) est un réalisateur, scénariste et acteur italien. 1942 : Don César de Bazan
1945 : Toute la ville chante. 1946 : L'Aigle noir. 1948 : Les Misérables ou L'Évadé du bagne. 1948 : Le Cavalier mystérieux. 1949 : Le Fils de d'Artagnan. 1951 : La Vengeance de l'aigle noir. 1951 : Trahison. 1953 : Spartacus. 1953 : Les Mosaïques de Ravenne. 1954 : Théodora, impératrice de Byzance. 1956: Le Chateau des amants maudits. 1956 : Les Vampires. 1959 : Caltiki, le monstre immortel. 1960 : Le Géant de Thessalie. 1961 : Les Mongols (coréalisateur). 1961 : Le Géant à la cour de Kublai Khan. 1962 : Sept épées pour le roi. 1962 : Maciste en enfer. 1962 : L'Effroyable secret du docteur Hichcock. 1963 : Le Spectre du professeur Hichcock. 1964 : Les Deux Orphelines. 1964 : Roméo et Juliette. 1965 : L'Aigle de Florence. 1965 : Coplan FX 18 casse tout. 1966 : Roger la Honte. 1967 : Coplan ouvre le feu à Mexico.


Premier film d'horreur italien de l'après-guerre, Les Vampires constitue la réunion de deux talents. Riccardo Freda ayant tourné la première moitié du film sur une durée de 15 jours quand bien même Mario Bava, directeur de la photo et des effets-spéciaux, s'occupa de la seconde partie sur une période de deux jours et demi de tournage suite au départ précipité de son comparse. La faute incombant à l'irascibilité caractérielle de Freda selon les dires de Jean-Pierre Dionnet qu'il fréquenta personnellement (voir interview du Dvd français sorti chez Carlotta). Après le succès de la Hammer, les italiens s'empressent donc d'exploiter à leur tour le filon horrifique emprunté au thème du vampire de manière aussi audacieuse qu'originale. Exit donc le traditionnel vampire aristocrate inlassablement poursuivi par Van Helsing et tous les éléments chers au genre (cape noire, gousses d'ail, crucifix et canines pointues), Freda ayant la judicieuse idée de délocaliser le cadre de son action dans l'époque contemporaine des années 50. Paris, 1956. D'étranges cadavres de jeunes femmes sont découverts dans le fleuve de la Seine. Ces meurtres seraient à l'origine d'un serial-killer surnommé le Vampire ! C'est ensuite l'enlèvement d'une jeune comédienne, Lorrette Robert, que les journaux relayent dans l'affolement. Alors que la police enquête de manière infructueuse, un journaliste tente d'éclaircir cette sordide affaire au moment d'être courtisé par Giselle, nièce de la célèbre duchesse du Grand. 


Ce récit inquiétant alternant disparitions en série, expériences scientifiques et investigation policière parvient à distiller un suspense assez habile grâce à la réalisation soignée de Freda et Bava. Les deux cinéastes parvenant avec une belle homogénéité à transfigurer une scénographie gothique (le château, la crypte souterraine et la chapelle sont rehaussés de plans stylisés d'un onirisme macabre) au coeur d'un contexte contemporain (l'urbanisation parisienne des années 50 même si le film a été tourné en Italie). Cette facture assez débridée se permet en outre de prêter allusion à l'épouvante de la Universal par le biais d'un duo de médecins comparables au mythe du savant fou adepte d'expérimentations occultes. A travers les thèmes indissociables du vampirisme et de la jeunesse éternelle, nos auteurs réussissent donc à renouveler les codes sous l'impulsion d'un antagoniste féminin redoutablement sournois et impudent. Gianna Maria Canale endossant avec charme et tempérament hautain une riche héritière avide d'élégance et de prospérité pour son goût de l'éternelle jeunesse. Outre l'intensité de son caractère aussi lâche que cruel, ses apparitions délétères sont rehaussés des maquillages de Bava lorsque cette dernière se métamorphose en temps réel pour nous laisser dévoiler un faciès décati assez repoussant. Un effet spécial redoutablement astucieux dans sa confection artisanale inspirée de Dr Jekyll et Mr Hyde de Rouben Mamoulian. Les meilleurs moments du film étant régis autour de sa posture perfide à déjouer l'intrusion de ses ennemis au sein du manoir.


Efficace et assez captivant pour l'originalité de sa structure narrative où l'enquête policière, les expérimentations médicales et le vampirisme moderne se juxtaposent dans un contexte réaliste, Les Vampires constitue un excellent divertissement que Mario Bava transcende en seconde partie par le biais d'un esthétisme gothique d'une poésie gracile. 

Bruno Matéï

mercredi 2 décembre 2015

L'ENFANT MIROIR

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site paperblog.fr

"The Reflecting Skin" de Philip Ridley. 1990. U.S.A. 1h36. Avec Viggo Mortensen, Lindsay Duncan, Jeremy Cooper, Sheila Moore, Duncan Fraser, David Longworth, Robert Koons.

Sortie salles France: 28 Novembre 1990

FILMOGRAPHIE: Philip Ridley est un réalisateur et scénariste anglais né le 29 Décembre 1964 à Londres. 1990: L'enfant miroir. 1995: Darkly Noon. 2009: Heartless.


Réalisateur aussi discret que peu reconnu, Philip Ridley réalise en 1990 un coup de maître avec l'Enfant Miroir. Un premier long-métrage bougrement ambitieux dans son refus de l'orthodoxie et dans un souci formel à dépeindre un univers atypique, en demi-teinte du conte de fée et du drame horrifique. Empruntant les thèmes de la vieillesse, la mort, la cruauté, le sexe et la perversité, l'Enfant Miroir est une odyssée mélancolique sépulcrale du point de vue d'un bambin moralement perturbé, car livré à lui même depuis la démission parentale. Son père étant suspecté de crime pédophile, sa mère s'appuyant sur une autorité castratrice parfois tyrannique dans ses châtiments expéditifs. Au coeur de l'immensité de champs de blés d'un jaune incandescent, l'action prend pour cadre une bourgade rurale de l'Amérique des années 50. En attendant le retour propice de son frère aîné parti au front, Seth fuit son ennui en s'amusant à des jeux sordides avec ses camarades, à l'instar des sévices infligés sur un crapaud. Témoin de cet acte gratuit, l'une des voisines de la région, Blue Dolphin, se prend de sympathie pour le garçon. Après avoir été invité dans sa demeure et après leur discussion échangée sur des jeux morbides, Seth se persuade que derrière l'apparence blême de cette veuve solitaire se cache un vampire.


Ce pitch tortueux dénué de raison, Philip Ridley l'exploite à la manière d'un conte macabre qu'un jeune gamin fantasme dans sa fragilité autonome. Fasciné par la mort et effrayé à l'idée de voir son frère kidnappé par la "femme", Seth fantasme son existence malingre alors que des cadavres d'enfants sont inexplicablement retrouvés par la population. Dans une mise en scène extrêmement épurée faisant honneur aux plages d'onirisme tantôt féeriques, tantôt morbides, Philip Ridley réinvente le langage cinématographique pour nous accompagner par la main à une expérience métaphysique avec la mort. Abordant les thèmes de la peur de la vieillesse et du trépas du point de vue de l'innocence, L'enfant Miroir s'avère une oeuvre déroutante par son émotion fragile que véhiculent l'enfant et le couple en étreinte, Blue/Cameron. Envoûtant par son climat d'étrangeté solaire et baroque pour le comportement pétulant d'adultes autoritaires envers l'enfant, le réalisateur façonne une succession ininterrompue de situations singulières autour du témoignage équivoque de Seth. Bambin impénétrable lorsqu'il écoute attentivement l'enseignement des adultes avec une posture impassible. Criant de naturel trouble dans son petit corps d'enfant, Jeremy Cooper se fond dans la peau de son personnage parmi l'intensité d'un regard noir où perce une innocence galvaudée. Littéralement transi d'émoi et de fascination durant son cheminement initiatique, le comédien insuffle un humanisme teinté de désespoir dans sa ballade tortueuse avec les anges et la mort.


Jeux Interdits
Etrange, baroque et dérangeant mais d'une beauté gracile capiteuse pour sa flamboyance allouée à l'univers chimérique d'un enfant, l'Enfant Miroir constitue une expérience singulière dans sa palette d'émotions contradictoires oscillant le macabre et la féerie. Un joyau noir beau à en pleurer (les images crépusculaires et incandescentes défilent au rythme d'une partition élégiaque !), une oeuvre sublime et désenchantée sur la quête insoluble de l'amour conférant jeunesse éternelle à l'heureux élu. 

Bruno Matéï
2èx

mardi 1 décembre 2015

CHUTE LIBRE. Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario.

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieposter.com

"Falling Down" de Joel Schumacher. 1993. U.S.A. 1h52. Avec Michael Douglas, Robert Duvall, Barbara Hershey, Tuesday Weld, Rachel Ticotin, Frederic Forrest, Lois Smith.

Sortie salles France: 26 mai 1993. U.S: 26 février 1993

FILMOGRAPHIE: Joel Schumacher est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 29 août 1939 à New York. 1981: The Incredible Shrinking Woman. 1983: SOS Taxi. 1985: St. Elmo's Fire. 1987: Génération perdue. 1989: Cousins. 1990: L'Expérience interdite. 1991: Le Choix d'aimer. 1993: Chute libre. 1994: Le Client. 1995: Batman Forever. 1996: Le Droit de tuer ? 1997: Batman & Robin. 1999: 8 millimètres. 1999: Personne n'est parfait(e). 2000 : Tigerland. 2002: Bad Company. 2002: Phone Game. 2003: Veronica Guerin. 2004: Le Fantôme de l'Opéra. 2007: Le Nombre 23. 2009: Blood Creek. 2010: Twelve. 2011: Effraction.


Réalisateur capable du pire comme du meilleur en de brèves occasions (selon mon avis personnel), Joel Schumacher réalise sans doute un de ses films les plus percutants avec Chute Libre. Une charge virulente contre l'hypocrisie du consumérisme du point de vue erratique d'un ingénieur de la défense tributaire de ses pulsions de revanche sur la société matérialiste. Alors qu'il tente de rejoindre son ex femme au foyer afin de souhaiter dignement l'anniversaire de sa fille, William Foster est en proie au pétage de plomb moral depuis sa condition d'exclu. Que ce soit auprès de son licenciement économique ou de son mariage raté, il décide aujourd'hui de prendre sa revanche sur son existence sinistrée, quand bien même la faune urbaine de citadins marginaux, arrogants ou nantis va déclencher chez lui une explosion de violence en perdition.


Film choc s'il en est pour la violence incontrôlée du sujet névrosé et les thèmes brûlants conférés au racisme et à la cupidité que Joel Schumacher dépeint au travers de seconds-rôles, Chute Libre cultive un jeu de provocations aussi caustiques que jouissives chez le spectateur. S'identifiant pleinement au marasme social et à la fragilité névralgique de cet ex-ingénieur en voie de rébellion, nous parcourons son itinéraire routard avec l'adrénaline au ventre pour ses pulsions destructrices de revanche contre l'autorité. Outre l'intensité des séquences les plus spectaculaires (la prise d'otage dans le Fast-food, l'affrontement sanglant avec le gang des Chicanos) où la dramaturgie des situations se conjugue à l'absurdité d'un comportement irresponsable, Chute Libre est transcendé par la présence symbolique de Michael Douglas. Portant littéralement le film sur ses épaules, l'acteur se taille une carrure schizo aussi fascinante que malsaine dans ses sentiments d'aversion sociale mêlés de dépit amoureux. Ses interventions inopinées et homériques provoquant chez nous une empathie gênée pour sa décision de précipiter l'acte de riposte auprès d'individus matérialistes, voir fétichistes pour le cas le plus pathologique. Sa rencontre exubérante avec un vendeur xénophobe et homophobe s'avérant l'un des moments les plus dérangeants quand on songe au degré de haine que peuvent véhiculer librement des individus primaires dans leur idéologie fasciste.


Avec une ironie caustique pas toujours du meilleur goût (en de brèves occasions) et au-delà de l'inutilité de quelques séquences triviales (la fête d'anniversaire de l'inspecteur Prendergast au sein du commissariat, le portrait caricatural imparti à son épouse dépressive), Joel Schumacher dresse avec Chute Libre l'aigre constat d'une société mercantile engluée dans l'affabulation et l'hypocrisie, quand bien même les plus démunis tentent d'en tirer profit avec une insolence capricieuse (la sollicitation du Sdf gay, ou à moindre échelle, la baignade du gardien et de sa famille chez son riche propriétaire). Il en émane un divertissement aussi efficace qu'inquiétant dans le portrait imparti à l'affable ingénieur, machine de guerre frondeuse engendrée par la suprématie de nos sociétés modernes. 

Dédicace à Franck Gossard
Bruno Matéï

lundi 30 novembre 2015

THE HARVEST

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de John Mc Naughton. 2013. U.S.A. 1h48. Avec Michael Shannon, Samantha Morton, Natasha Calis, Charlie Tahan, Peter Fonda, Leslie Lyles.

Sortie salles: INEDIT

FILMOGRAPHIE: John Mc Naughton est un réalisateur américain, né le 13 Janvier 1950 à Chicago.
1984: Dealers in Death. 1986: Henry, portrait d'un serial killer. 1991: Sex, drugs, Rock and Roll. 1991: The Borrower. 1993: Mad Dog and Glory. 1996: Normal Life. 1998: Sexcrimes. 2000: Condo Painting. 2001: Speaking of sex. 2004: Redliners. 2009: Backstabbers. 2013: The Harvest.


Révélé par Henry, portrait d'un serial-killer, John Mc Naughton renoue de manière plus édulcorée avec le genre horrifique avec The Harvest. Un thriller à suspense où se télescope habilement le drame psychologique lorsqu'une famille dysfonctionnelle s'efforce de préserver la santé de leur jeune fils paraplégique. Mais l'arrivée fortuite d'une jeune voisine soucieuse du sort de l'adolescent va semer le désordre au sein de leur cellule familiale. Un pitch facilement séduisant dans la manière leste dont John Mc Naughton juxtapose le thriller et le drame avec un sens du suspense calibré.


La condition estropiée d'Andy, l'humanisme fragile des parents et la suspicion de leurs comportements permettant au spectateur de s'y identifier avec une compassion interrogative. Eprouvant une inévitable empathie pour le sort d'Andy atteint de grave paralysie, le cinéaste nous confronte à son désarroi moral et physique (il est un fan de baseball) parmi le témoignage d'une jeune voisine, élément perturbateur car témoin-clef de circonstances aussi malchanceuses que profitables quant à la condition précaire d'Andy. En dépit de la fluidité de son intrigue soigneusement charpentée dosant avec juste mesure rebondissements et revirements surprenants, The Harvest tire-parti de son intensité dans la présence dépouillée des comédiens. Outre le plaisir de retrouver Michael Shannon (Take Shelter) dans celui du paternel équivoque, Samantha Morton en mère castratrice ou encore l'apparition annexe de Peter Fonda en grand-père avenant, la prestance de la néophyte Natasha Calis (découverte dans Possédée) leur vole presque la vedette tant elle apporte beaucoup de tension à la progression de l'énigme en porte à faux. Endossant de manière expressive une investigatrice juvénile aussi craintive que burnée, la comédienne oscille sentiments d'amitié, d'anxiété et de courage avec une sobre vigueur pour le sort de son compagnon d'infortune.


Thriller à suspense impeccablement soutenu parmi l'ossature de son intrigue et l'implication enjouée de comédiens pleins de tempérament, The Harvest aborde les thématiques de l'amour maternel, la maltraitance infantile et de la perte de l'être cher avec une dimension humaine davantage erratique. Une manière horrifique d'alimenter les frissons sous alibi d'un cheminement narratif aussi inopiné qu'efficace. Excellent. 

Bruno Matéï


vendredi 27 novembre 2015

Rocky. Oscar du Meilleur Film, 1977.

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de John G. Alvidsen. 1976. U.S.A. 2h00. Avec Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young, Carl Weathers, Burgess Meredith, Thayer David, Joe Spinell

Sortie salles France: 25 Mars 1977. U.S: 3 Décembre 1976

FILMOGRAPHIE: John Guilbert Avildsen est un réalisateur américain né le 21 décembre 1935 à Oak Park, en banlieue de Chicago dans l'Illinois. 1969 : Turn on to Love (en). 1970 : Guess What We Learned in School Today? 1970 : Joe, c'est aussi l'Amérique. 1971 : Cry Uncle! 1972 : Okay Bill. 1972 : Sauvez le tigre. 1975 : W.W. and the Dixie Dancekings. 1976 : Rocky. 1978 : Slow Dancing in the Big City. 1980 : La Formule. 1981 : Les Voisins. 1984 : Karaté Kid. 1986 : Karaté Kid : Le Moment de vérité 2. 1987: Happy New Year. 1988 : Et si on le gardait ? 1989 : Karaté Kid 3 (The Karate Kid, Part III). 1989 : Lean on Me. 1990 : Rocky 5. 1992 : La Puissance de l'ange. 1994 : 8 secondes. 1999 : Inferno.


Oscars du Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Montage, Rocky reçut un succès planétaire à travers le monde (même si en France le nombre d'entrées fut timoré) pour marquer à jamais plusieurs générations de spectateurs éblouis par le récit initiatique d'un boxeur de seconde zone hanté par l'esprit de revanche. Un symbole du "rêve américain" dans sa détermination, sa philosophie, sa labeur et son courage à prouver aux yeux du monde qu'il n'est point un loser comme le sous-entend son passé perfectible. Par le biais de ce personnage marginal inscrit dans la fragilité humaine et la volonté de transcender son train de vie précaire, Rocky révéla aux yeux du public la future égérie du cinéma d'action moderne, Sylvester Stallone. L'acteur, littéralement habité par son statut symbolique, laissant libre court à ses sentiments contradictoires de constance, d'endurance et d'angoisse de l'échec avec un humanisme romantique. A l'instar de l'idylle entamée avec Adrian que John G. Alvidsen dépeint avec beaucoup d'humilité. Tourné en seulement 28 jours avec un budget de 1 075 000 dollars, le film en rapporta 225 000 000 $ aux quatre coins du monde alors que son thème, Gonna Fly Now, composé par Bill Conti accèdera à la première place du Billboard Hot 100 du 2 au 8 Juillet 1977. D'après un scénario entièrement écrit par Sylvester Stallone, le film suit donc le parcours initiatique d'un boxer ayant l'opportunité de prouver ses atouts en affrontant un champion du monde de poids lourds le jour du bicentenaire.


Ainsi, avec une émotion emplie de tendresse pour ces personnages, John G. Alvidsen brosse les portraits intimes de prolétaires conscients de leur statut besogneux car hantés par la peur de l'échec, la désillusion et l'hésitation d'affronter leur propre vie. Je songe surtout à Paulie Pennino, l'ami de Rocky, boucher bourru désespéré à l'idée de perdurer sa profession, quand bien même sa soeur introvertie Adrian, occupe une place de vendeuse en animalerie avec une discrétion timorée. Par le biais de ce duo atone, Rocky va tenter d'y apporter une touche d'optimisme et de s'y faire une place empathique en courtisant de prime abord Adrian (ce qui nous vaut des scènes romantiques d'une pudeur émotionnelle souvent poignante). Ces personnages de désoeuvrés truffés de fragilité dans leur condition d'exclu, John G. Alvidsen les filment avec une sobre dignité. Quand bien même le personnage secondaire de Mickey, manager grincheux subitement épris d'empathie pour l'ambition de Rocky, intervient pour contrer l'angoisse de l'échec. Par conséquent, à travers les contradictions du manque de confiance et du dépassement de soi, le parcours personnel de Rocky n'est pas de remporter la victoire pour le trophée d'une ceinture mais de résister au combat, tenir la distance, marquer la cadence de l'endurance afin de tenir tête à son adversaire jusqu'au dernier round. Ce qui donne lieu à un combat final d'une intensité émotionnelle ardue de par l'appétence morale de notre boxeur délibéré à parvenir jusqu'au bout de son dessein avec une fulgurante résignation.


A travers les plages intimistes d'une romance inscrite dans la candeur des sentiments, et par l'initiation morale d'un boxeur avide de revanche sur sa condition lambda, Rocky nous offre une leçon de vie et d'obstination avec une vibrante acuité émotionnelle. Outre le caractère attachant de ces laissés pour compte que les comédiens endossent avec une spontanéité somme toute fragile, Rocky enivre les coeurs sous l'impulsion héroïque d'une légende de cinéma: Sylvester Stallone. Un grand moment de cinéma, une odyssée de l'espoir et du courage par le travail de l'endurance, et ce doublé d'un noble hommage à la pratique controversée de la boxe. 

Dédicace à Stéphane Passoni.
*Bruno

jeudi 26 novembre 2015

LA PLUIE DU DIABLE

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site hollywood70.com

"The Devil's Rain" de Robert Fuest. 1975. U.S.A/Mexique. 1h30. Avec Ernest Borgnine, Tom Skerritt, Joan Prather, Eddie Albert, William Shatner, Ida Lupino, Woody Chambliss, Keenan Wynn, Claudio Brook, Erika Carlsson, George Sawaya, John Travolta

Sortie salles France: 27 juillet 1977. U.S: Juillet 1975.

FILMOGRAPHIE: Robert Fuest est un réalisateur et scénariste anglais, né le 30 Septembre 1927 à Londres, décédé le 21 Mars 2012.
1967: Just like a Woman. 1970: And soon the Darkness. 1970: Les Hauts de Hurlevent. 1971: L'Abominable Dr Phibes. 1972: Le Retour du Dr Phibes. 1973: Les Décimales du Futur. 1975: La Pluie du Diable. 1977: Three Dangerous Ladies. 1980: Revenge of the Stepford Wives (télé-film). 1981: The Big Stuffed Dog (télé-film). 1982: Aphrodite.


Relativement peu connu du public et oublié des cinéphiles, La Pluie du Diable fait office d'ovni horrifique pour sa thématique empruntée au satanisme auquel son esthétisme funéraire fait tout le sel d'une narration assez superficielle. Sa réussite formelle émanant de son ambiance ombrageuse particulièrement palpable au sein d'un village fantôme abritant une secte d'adorateurs du diable. En dépit de son scénario linéaire plutôt redondant et sans véritable surprise (si ce n'est la découverte du réceptacle des âmes maudites), La Pluie du Diable parvient néanmoins à entretenir l'intérêt grâce à la cristallisation de cette atmosphère insolite implantée en plein désert californien. Quand bien même des suppôts encapuchonnés récitent leur prière dans une église désaffectée après avoir dédié leur âme auprès de leur gourou. Enlaidis d'un visage tuméfié et de yeux énucléés, Robert Fuest y apporte une touche d'originalité pour leur physionomie difforme si bien que si la pluie venait à s'abattre sur eux, leurs corps s'y liquéfieraient jusqu'à former une mare gélatineuse sur le sol !


Récompensé du Prix des Meilleurs Effets Spéciaux au festival du Rex, ses séquences chocs s'avèrent assez convaincantes pour impressionner (et amuser) le spectateur, témoin contemplatif d'un spectacle d'épouvante assez délirant. Principalement lors de son final explosif auquel un orage purificateur va venir y semer la zizanie alors que l'église se retrouve assiégée par les flammes ! Epaulé d'une partition dissonante et d'une photo sépia mortuaire (horizon picturale d'une nature crépusculaire à l'appui), le film fait preuve d'une volonté expérimentale à nous immerger dans les manigances occultes d'une secte multipliant les sacrifices humains afin d'asseoir leur suprématie. L'intrigue se focalisant sur le patrimoine d'une famille maudite auquel l'un des membres, Jonathan Corbis, aura juré de se venger après avoir été condamné au bûcher. 300 siècles plus tard, par on ne sait quel miracle, ce dernier réapparaît d'entre les morts pour perdurer sa doctrine sataniste auprès de ses disciples en ascension. Mais pour parfaire son dessein et y sacrifier les âmes, il doit être en possession d'un précieux livre qu'un de ces ancêtres sauvegarde secrètement. Une intrigue parfois confuse qui ne passionne guère mais qui parvient néanmoins à convaincre par le biais d'une distribution impliquée (on y croise le vétéran Ernest Borgnine, Tom SkerrittWilliam Shatner et même John Travolta lors d'une apparition furtive !) tout en conférant une certaine empathie au sort précaire de la famille Preston. Pour l'anecdote, aussi étonnante que troublante, et afin de renforcer la véracité des faits diaboliques, Anton Szandor LaVey, créateur de l'Eglise de Satan édifiée en 1966, fut consultant et figurant durant les scènes des divers rituels.


En dépit d'une intrigue sommaire plutôt répétitive et d'un suspense à court de carburant, La Pluie du Diable puise son charme formel et son intérêt ludique dans la cristallisation d'une atmosphère démoniaque littéralement ensorcelante. Il en émane une sympathique série B, efficace, baroque et parfois même impressionnante pour la parenthèse des scènes-chocs, une expérience sataniste aussi convaincante dans sa description emphatique d'un séminaire macabre.   

Bruno Matéï
3èx

Récompenses: Prix du meilleur second rôle féminin pour Ida Lupino, par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 1976.
Prix des meilleurs effets spéciaux, lors du sixième festival du film fantastique de Paris en 1977.


mardi 24 novembre 2015

Y A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION ?

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site board.dailyflix.net

"Airplane" de Jim Abrahams, David Zucker, Jerry Zucker. 1980. U.S.A. 1h25. Avec Robert Hays, Julie Hagerty, Lloyd Bridges, Leslie Nielsen, Robert Stack, Peter Graves, Kareem Abdul-Ja.

Sortie salles France: 24 septembre 1980. U.S: 2 juillet 1980

FILMOGRAPHIE: Les ZAZ est un trio de réalisateurs, scénaristes et producteurs américains que représentent les frères Zucker (David Zucker et Jerry Zucker) et Jim Abrahams. 1977 : Hamburger film sandwich. 1980 : Y a-t-il un pilote dans l'avion ? 1982 : Série télévisée Police Squad. 1984: Top secret ! 1986: Y a-t-il quelqu'un pour tuer ma femme ? 1988: Y a-t-il un flic pour sauver la reine ? 1991: Y a-t-il un flic pour sauver le président ? 1994: Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ?


Précurseur de la parodie survoltée dans laquelle chaque gag fuse en moyenne toutes les 10 secondes, Y a-t-il un pilote dans l'avion ? ébranla le public et la critique des années 80 peu habitués à fréquenter une comédie aussi désopilante. Pastichant les films catastrophes des Seventies, particulièrement A l'heure zéro et la série des Airport, cette comédie frénétique assura la notoriété d'un trio de réalisateurs surnommé ZAZ alors qu'il s'agissait de leur second long métrage. Le pitchA destination de Chicago, les passagers et pilotes d'un avion sont victimes d'une intoxication alimentaire provenant du poisson avarié. Après avoir installé le pilote automatique, un praticien et une éminente hôtesse, Elaine Dickison, suggèrent l'aide d'un éventuel pilote parmi les voyageurs. C'est là qu'intervient Ted Striker, l'ancien petit ami d'Elaine embarqué à bord depuis qu'il tente en ultime recours de la reconquérir. C'est le début d'une nuit de panique qu'endurera tout l'équipage alors que Ted tentera par tous les moyens d'imposer un atterrissage forcé aux supérieurs de la tour de contrôle.


Pratiquant sans modération l'humour nonsensique et l'hyperbole afin de surenchérir un suspense catastrophiste gagné par l'hilarité, Y a-t-il un pilote dans l'avion ? fait preuve d'une insolence effrontée sous l'impulsion de personnages tous plus erratiques les uns les autres. Les gags visuels autant que verbaux fusant tous azimuts pour alterner éclats de rire et sourires radieux aux moments les moins frappadingues. Car si tout n'est pas du meilleur goût, la bonne humeur qui émane des comédiens en roue libre et le déchaînement d'idées absurdes et grotesques défilant au rythme d'une progression dramatique parviennent à pallier l'inégalité des situations débridées. Outre l'irrésistible cocasserie qu'insufflent chacun des seconds-rôles impliqués dans un contexte d'extrême danger, le récit est dominé par la présence saugrenue de Robert Hays, incarnant avec un naturel volontairement empoté un pilote faillible en initiation héroïque. Dépeignant en sous intrigue sa romance avec l'hôtesse de l'air, Julie Hagerty lui partage la vedette avec un charme aussi innocent que sémillant, à l'image de sa silhouette filiforme discrètement sensuelle. Ce duo improbable partagé entre les instincts de survie et de reconquête amoureuse parvient à nous familiariser dans la simplicité d'une complicité amiteuse bientôt rattrapée par le regain de tendresse. De cette romance en ascension émane une entraide folingue quand bien même de multiples flashback vont venir nous rappeler de quelle manière à pu débuter leur accointance. A savoir, sur la piste d'une danse disco faisant référence parodique à la Fièvre du Samedi soir !


Huis-clos de tous les dangers où les catastrophes les plus incongrues se déchaînent sans répit à bord d'un avion animé par l'hystérie collective, Y a-t'il un pilote dans l'avion ? n'a pas volé sa réputation de comédie culte tant la verve insolente du trio ZAZ fait des étincelles sous l'impulsion de gags et clins d'oeil aussi givrés que décomplexés. 

Bruno Matéï
3èx