de Philip Ridley. 1990. U.S.A. 1h36. Avec Viggo Mortensen, Lindsay Duncan, Jeremy Cooper, Sheila Moore, Duncan Fraser, David Longworth, Robert Koons.
Sortie salles France: 28 Novembre 1990
FILMOGRAPHIE: Philip Ridley est un réalisateur et scénariste anglais né le 29 Décembre 1964 à Londres. 1990: L'enfant miroir. 1995: Darkly Noon. 2009: Heartless.
Réalisateur aussi discret que méconnu, Philip Ridley signe en 1990 un coup de maître avec L’Enfant Miroir. Un premier long-métrage bougrement ambitieux, rétif à l’orthodoxie, tendu vers un formalisme rare pour dépeindre un univers atypique, à mi-chemin entre le conte de fées et le drame horrifique. Empruntant les thèmes de la vieillesse, de la mort, de la cruauté, du sexe et de la perversité, L’Enfant Miroir est une odyssée sépulcrale, mélancolique, vue à hauteur d’un bambin moralement perturbé, livré à lui-même depuis la démission parentale : un père soupçonné de crimes pédophiles, une mère régnant par une autorité castratrice, tyrannique jusque dans ses châtiments expéditifs.
Synopsis: Au cœur de l'immensité des champs de blé, d’un jaune incandescent, l’action s’ancre dans une bourgade rurale de l’Amérique des années 50. En attendant le retour salvateur de son frère aîné, parti au front, Seth fuit l’ennui dans des jeux sordides avec ses camarades — comme ce supplice infligé à un crapaud. Témoin de cet acte gratuit, une voisine étrange, Blue Dolphin, se prend d’intérêt pour l’enfant. Invitée dans sa demeure, après un échange autour de jeux morbides, Seth se persuade que, derrière la pâleur spectrale de cette veuve solitaire, se cache un vampire.
Ce pitch tortueux, dénué de raison, Ridley l’aborde à la manière d’un conte macabre, rêvé, fantasmé par un enfant fragile et esseulé. Fasciné par la mort, hanté par l’idée que son frère soit kidnappé par « la femme », Seth déforme son monde malingre, alors que des cadavres d’enfants sont mystérieusement découverts. Dans une mise en scène épurée, baignée d’onirisme — tantôt féerique, tantôt morbide —, Philip Ridley réinvente le langage cinématographique pour nous mener, main dans la main, vers une expérience métaphysique de la mort.
Abordant la peur de vieillir et du trépas à travers le prisme de l’innocence, L’Enfant Miroir déroute par l’émotion fragile qu’il distille, à travers l’enfant et le couple en étreinte, Blue/Cameron. Envoûtant par son étrangeté solaire, baroque, pour le comportement pétulant d’adultes autoritaires envers l’enfant, Ridley construit une succession de scènes singulières autour du témoignage équivoque de Seth — bambin impénétrable, impassible lorsqu’il écoute les adultes.
Criant de naturel trouble dans son petit corps d’enfant, Jeremy Cooper incarne son personnage avec une intensité rare : un regard noir traversé d’une innocence galvaudée. Littéralement transi d’émoi et de fascination dans ce cheminement initiatique, il insuffle un humanisme teinté de désespoir dans sa ballade tortueuse avec les anges et la mort.
Jeux Interdits
Étrange, baroque, dérangeant, mais d’une beauté capiteuse, gracile, flamboyante — L’Enfant Miroir est une expérience unique, tiraillée entre macabre et féerie. Un joyau noir, beau à en pleurer (ces images crépusculaires et incandescentes qui défilent au rythme d’une partition élégiaque !), une œuvre sublime et désenchantée sur la quête insoluble de l’amour, seule promesse d’une jeunesse éternelle pour l’élu.
Bruno
10.05.25. 3èx. Vost
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