lundi 1 février 2016

BONE TOMAHAWK. Grand Prix, Gérardmer 2016.

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site standbyformindcontrol.com

de S. Craig Zahler. 2015. U.S.A. 2h12. Avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox, Richard Jenkins, Lili Simmons, Evan Jonigkeit,

Sortie salles U.S: 23 Octobre 2015

FILMOGRAPHIES. Craig Zahler est un réalisateur et scénariste américain né en 1973 à Miami, Floride. 2015: Bone Tomahawk


Hommage:
En jumelant les codes du western et de l'horreur, le néophyte S. Craig Zahler surprend agréablement avec Bone Tomahawk si bien que les membres du Jury de Gérardmer lui décernèrent le Grand Prix. Une odyssée sauvage que vont arpenter un shérif et ces trois acolytes depuis que la femme d'Arthur O'Dwyer et un adjoint de l'ordre ont été kidnappés par des indiens anthropophages. En s'inspirant de deux classiques au genre contradictoire (la Prisonnière du désert et Cannibal Holocaust), Bone Tomohawk bouscule nos habitudes de spectateur immergé malgré lui dans un voyage vers l'enfer où le danger palpable fait irruption sans ménagement. Principalement vers sa seconde partie lorsque le réalisateur exploite sans complexe une poignée d'affrontements gores d'une cruauté inouïe alors que les indiens aux aguets surgissent de leur tanière de manière totalement improvisée !


De par son réalisme cru à la limite du soutenable et ses effets de surprise, la tension engendrée émane du sentiment de stupeur et d'impuissance des victimes avant d'endurer désespérément des souffrances corporelles. Mais bien avant ce déchaînement de violence viscérale d'un autre âge, le cinéaste aura pris soin de nous attacher à la cohésion de nos protagonistes sévèrement châtiés par un concours de circonstances infortunées. Sillonnant les collines du Nouveau-Mexique avec un courage déterminant, ils vont être amenés à réviser leur jugement sur la condition estropiée d'un de leurs camarades, Arthur. Ce dernier ralentissant sa troupe depuis le grave handicap de sa jambe alors qu'il s'évertue de suivre ses comparses afin de retrouver son épouse en vie. Cette situation de survie houleuse s'avère l'un des pivots dramatiques de l'intrigue, Spoil ! sachant que le groupe sera contraint de se diviser Fin du Spoil alors que le danger tangible se rapproche inexorablement. Cette tension sous-jacente découlant de la précarité physique d'Arthur et l'expectative de retrouver les disparus en vie permettent au spectateur de provoquer l'anxiété au sein de leur intimité amicale. Par son rythme languissant ne laissant rien présager des prochains incidents, Bone Tomohawk sème le terrain avec l'habileté sardonique d'embrayer sur une seconde partie horrifique en crescendo. Quasiment exclu de score musical et soutenu du jeu viscéral des comédiens, S. Craig Zahler privilégie un climat réaliste de mystère lattent au sein d'un décorum photogénique (les collines du Nouveau-mexique éclairées d'une photo sépia) auquel la menace hostile se symbolise par le cri primal d'indiens spectraux.


Captivant, angoissant, parfois terrifiant et éprouvant, de par le ressort d'un suspense en ascension, sa dramaturgie sans concession et sa violence jusqu'au-boutiste, Bone Tomohawk nous achemine au survival d'une descente aux enfers sous l'impulsion de comédiens d'une digne densité humaine. 
A réserver néanmoins à un public averti

B.M.

Récompenses:
Festival international du film de Catalogne 2015 : meilleur réalisateur pour S. Craig Zahler et prix « José Luis Guarner » de la critique
Festival international du film fantastique de Gérardmer 2016 : Grand Prix

vendredi 29 janvier 2016

Le Couloir de la Mort / The Evil


"The Evil" de Gus Trikonis. 1978. U.S.A. 1h29. Avec Richard Crenna, Joanna Pettet, Andrew Prine, Lynne Modie, Cassie Yates, George O'Hanlon Jr.

Sortie salles France: 15 Juillet 1981

FILMOGRAPHIE: Gus Trikonis est un acteur, danseur et réalisateur américain, né à Manhattan (New York) le 21 novembre 1937. 1997: Insel der Furcht1991: The Great Pretender. 1985 Délit de fuite (TV Movie).  1985 Midas Valley (TV Movie). 1985 Malice in Wonderland (TV Movie). 1983 First Affair (TV Movie). 1983 Dempsey (TV Movie). 1983 Pris au piège. 1982 Miss All-American Beauty (TV Movie). 1981 Twirl (TV Movie). 1981: Ca passe ou ça casse. 1981 Elvis and the Beauty Queen (TV Movie). 1980 Touched by Love. 1979: She's Dressed to Kill (TV Movie).  1979 The Last Convertible (TV Mini-Series) (part 3). 1979 The Darker Side of Terror (TV Movie). 1978 Le couloir de la mort. 1977 Moonshine County Express. 1976 The Student Body. 1976 Nashville Girl. 1975 The Swinging Barmaids. 1975 Supercock. 1969 Five the Hard Way.


Hit Vhs des années 80 sous l'étendard étoilé d'Hollywood Video, Le Couloir de la mort fit autant les beaux jours des rats des vidéos que ceux des cinéphiles lors de sa ressortie en salles au début des années 80. J'en suis d'ailleurs la preuve même puisque après l'avoir loué, je me rendis un samedi après-midi dans mon ciné du coin afin de m'y replonger avec ferveur ! Pure série B d'exploitation surfant sur la vague des demeures hantées, Le Couloir de la Mort ne prétend pas révolutionner le genre avec son intrigue éculée dénuée de surprises (hormis un final délirant à la limite du grotesque selon l'humeur du jour) car entièrement bâtie sur le caractère spectaculaires des séquences chocs. Epaulé d'effets spéciaux artisanaux souvent soignés et efficaces, les mises à mort qui empiètent le récit font preuve d'un réalisme parfois étonnant, à l'instar de cette main découpée à la scie circulaire, de l'éjection d'un corps dans les airs ou du viol d'une afro ballottée par l'entité invisible. Le pitch nous ressasse donc sur la période d'un week-end la réunion d'une dizaine de personnes au sein d'un manoir scellé depuis 25 ans. Alors que le gardien devait s'y présenter dès leur arrivée, ce dernier fit les frais d'un inexplicable incendie dans la cave de la bâtisse (seul, le spectateur sera témoin de son agonie).


A travers cette séquence assez cruelle, on peut déjà relever l'aura feutrée de son atmosphère gothique lorsque ce dernier inspecte les lieux vétustes avec l'appréhension d'avoir entendu des bruits suspicieux. Passé ce prologue particulièrement ombrageux, nos hôtes vont vite s'opposer aux manifestations surnaturelles de la demeure sans pouvoir s'échapper de l'intérieur. Un à un, ils feront face aux estocades d'une force démoniaque jusqu'à ce que leur mort s'ensuive. Nanti d'un rythme haletant n'accordant aucun répit pour les péripéties diaboliques, le Couloir de la Mort parvient à distraire le spectateur embarqué dans un train fantôme où l'esbroufe reste le pivot alimentaire. En prime de ces effets spectaculaires bien troussés, la caractérisation attachante des personnages parvient réellement à nous impliquer dans leur désarroi, et ce, en dépit du comportement naïf, voir parfois incohérent de certains protagonistes. Tant par la prestance affirmée de Richard Grenna en psychologue rationnel réfutant toute théorie surnaturelle, que par les seconds-rôles s'efforçant maladroitement à contredire la présence du mal. Hormis cette lacune comportementale, le Couloir de la Mort captive facilement le spectateur par le biais d'un charme Bis irrésistible, notamment grâce au savoir-faire du réalisateur s'efforçant de distiller une ambiance démoniaque parfois tangible. Quant au final incongru laissant apparaître le diable en personne sous l'influence fantaisiste de Victor Buono, le climat fantasmagorique qui s'y dégage ose se démarquer de la conformité à travers la scénographie d'un au-delà limpide ! Le spectateur dépaysé étant partagé entre fascination et sourire amusé, notamment parmi l'appui d'un fantôme charitable lors de son dernier clin d'oeil.


Plaisir innocent du samedi soir au travers d'une série B sans prétention, le Couloir de la mort n'a rien perdu de son charme naïf à tenter de provoquer l'angoisse parmi l'efficacité de séquences-chocs et la saveur vintage d'une atmosphère délétère souvent persuasive. Outre l'intégrité de son auteur à façonner un pur divertissement horrifique, ajoutez la spontanéité communicative des comédiens de seconde zone et vous obtenez un petit classique du genre, aussi mineur soit-il.  

B.M
5èx
29.01.16
25.02.11


jeudi 28 janvier 2016

THE ASPHYX (l'esprit de la mort)

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmscoremonthly.com

"Spirit of the dead / L'Esprit de la Mort" de Peter Newbrook. 1972. U.S.A. 1h39. Avec Robert Stephens , Robert Powell , Jane Lapotaire , Alex Scott , Ralph Arliss.

Sortie salles U.S: Février 1973

FILMOGRAPHIE: Peter Newbrook est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 29 Juin 1920, décédé le 19 Juin 2009 à Norwich (Angleterre). Il est l'unique metteur en scène de The Asphyx.


Perle maudite inédite en salles dans l'hexagone mais exhumée de l'oubli par l'éditeur (en berne) Neo Publishing, The Asphyx traite de l'immortalité avec une audace et une originalité sans égales. Dans une ambiance gothique proche d'un Hammer Film, cet ovni horrifique tire parti de son pouvoir vénéneux grâce à la fantaisie de son concept singulier surfant sur une réflexion spirituelle et la soif d'une jeunesse insatiable. En 1875, un scientifique épaulé de son adjoint tentent des expériences occultes en prenant en photo des personnes sur le point de mourir. Par le biais d'une tâche noire inscrite sur la pellicule, Sir Hugo Cunningham pense avoir démasqué le Asphyx. Un esprit de la mort qui, selon une légende grecque, s'emparerait de notre âme au moment de trépasser. Fascinés par cette stupéfiante découverte, nos apprentis sorciers élaborent une machine capable de capturer l'asphyx afin de permettre à la victime mise en cause de se libérer du trépas et ainsi accéder à l'immortalité. 


Ce scénario saugrenu émaillé de rebondissements décapants s'avère d'une redoutable efficacité sous l'impulsion impétueuse de comédiens s'en donnant à coeur joie dans leur utopie immorale. En dépit d'une mise en scène académique, Peter Newbrook parvient pour son unique réalisation à fasciner le spectateur impliqué dans une épreuve scientifique aussi passionnante que débridée. La scénographie minimaliste du huis-clos permettant d'autant mieux de nous familiariser avec nos protagonistes confinés dans leur laboratoire victorien. Multipliant leurs expériences morbides auprès d'un mammifère puis ensuite avec des cobayes humains, nos compères se retrouvent en proie à leur obsession divine afin de permettre à l'homme d'accéder à l'immortalité sur terre. Si les effets cheap peuvent prêter à sourire quant aux diverses apparitions de l'Asphyx, sa résultante visuelle s'avère si incongrue et hallucinée que le spectateur parvient sans difficulté à croire à l'improbable lorsque l'entité parvient à s'animer sous les effets d'un faisceau de projecteur tout en exclamant un braillement primal ! Qui plus est, la spontanéité pétulante des comédiens (second point majeur après sa densité narrative) parvient sans retenue à nous convaincre de leurs expériences avec l'au-delà parmi l'appui d'un appareil photo et d'une caméra.


Par sa dimension visuelle aussi fantaisiste qu'hallucinée, The Asphyx décuple son pouvoir de fascination par l'entremise d'un scénario atypique et le brio d'interprètes totalement impliqués dans leur fonction insidieuse de savants fous. Honteusement méconnue et oubliée (bien que certains spécialistes le sacralisent comme l'un des films essentiels des années 70 !), cette merveille d'insolence macabre redore ses lettres de noblesse au terme "culte". 

Un grand merci au regretté Neo...

B.M 

mercredi 27 janvier 2016

THE DANISH GIRL. Queer Lion à la Mostra de Venise 2015.

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site actu-film.com

de Tom Hooper. 2015. U.S.A/Angleterre/Allemagne. 2h00. Avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Matthias Schoenaerts, Ben Whishaw, Amber Heard, Sebastian Koch

Sortie salles France : 20 janvier 2016. U.S: 27 Novembre 2015

FILMOGRAPHIE: Thomas George « Tom » Hooper est un réalisateur britannique, né le 1er octobre 1972 à Londres. 2004 : Red Dust. 2009 : The Damned United. 2010 : Le Discours d'un roi. 2012 : Les Misérables. 2016 : The Danish Girl.


Mélodrame inspiré de l'histoire vraie de Lili Elbe, premier cobaye masculin à avoir subi une opération chirurgicale pour un changement de sexe ("chirurgie de réassignation sexuelle" nommeront les thérapeutes !), The Danish Girl aborde le thème du transgenre (confusion de l'identité sexuelle) avec pudeur d'émotion dans son refus de pathos, Spoil ! et ce en dépit de la tournure inopinée du dénouement dramatique Fin du Spoil. Par le biais de son profil psychologique singulier prônant notamment un hymne à la féminité, Tom Hooper transfigure une leçon de tolérance et d'amour du point de vue de l'épouse délaissée qu'endosse brillamment Alicia Vikander.


Cette dernière insufflant avec humanisme vaillant une grande dignité pour son sens de l'empathie, de la considération et de la passion pour la condition pathologique de son mari. Alors que certains médecins et psychiatres conservateurs diagnostiquerons le sort de leur patient d'homosexualité ou de maladie mentale (la schizophrénie), Gerda ne cessera de respecter sa nouvelle raison d'être et de soutenir son choix ardu avec constance et tendresse intarissables. Car au-delà de l'introspection poignante établie sur l'ambivalence morale de Lili, partagé entre sa peur de perdre l'être aimé, le désir viscéral de changer de corps et la crainte de se prêter à une chirurgie novatrice, The Danish Girl cultive une magnifique histoire d'amour autour de leur solidarité indéfectible. Situé à l'aube des années 30, la reconstitution soignée et les sublimes décors contrastent à merveille avec la quotidienneté intime de Lili et Gerda. Cette dernière exerçant dans son foyer la profession de peintre pendant que son mari lui sert de modèle en adoptant le rôle d'un travesti. Se focalisant sur leur rapports intimes à travers des discordes conjugales et une irrésistible cohésion amoureuse The Danish Girl distille une émotion prude sous l'impulsion de deux comédiens en émoi. Eddie Redmayne se fondant dans la peau du transsexuel avec une séduction naturelle et une ambiguïté de personnalité souvent bouleversantes.


Abordant sans racolage les tabous du transgenre et de l'homophobie autour d'une histoire d'amour pleine de passion et de tolérance, Tom Hooper nous offre un témoignage digne sur le droit à la différence du point de vue du premier patient à s'être prêté à la chirurgie de réattribution sexuelle. Outre le brio de sa mise en scène à la forme esthétisante (photo et éclairages limpides pour transfigurer la reconstitution historique des années 30), le film doit beaucoup de sa poésie et de son intensité dramatique grâce au duo magnanime Eddie Redmayne/Alicia Vikander (celle-ci volant quasiment la vedette à son acolyte au travers d'un superbe portrait de femme constante !).

B.M

mardi 26 janvier 2016

BEASTS OF NO NATION

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site goldposter.com

de Cary Joji Fukunaga. 2015. U.S.A. 2h16. Avec Abraham Attah, Idris Elba, Emmanuel Nii Adom Quaye, Ama K. Abebrese, Richard Pepple, Francis Weddey, Opeyemi Fagbohungbe, Andrew Adote.

Sortie salles France: INEDIT. U.S: 16 Octobre 2015

FILMOGRAPHIECary Joji Fukunaga est un réalisateur américain, né le 10 juillet 1977 à Oakland en Californie. 2009: Sin Nombre. 2011: Jane Eyre. 2012: Sleepwalking in the Rift. 2015: Beasts of No Nation.


Inédit en salles en France et directement sorti en VOD, Beasts of no nation relate avec un réalisme documenté le conditionnement d'un enfant en machine à tuer au coeur d'une guerre civile Africaine. Enrôlé par un commandant drastique dirigeant de main de fer son armée rebelle, le jeune Agu s'embourbe rapidement dans un univers de violence barbare après avoir été séparé de sa mère puis témoin du massacre de sa famille. Par l'alibi de la vengeance, son leader en profite pour l'initier à l'apprentissage de l'autorité, du combat et des armes avant de le mettre à l'épreuve du rituel criminel. Cette innocence déflorée, Agu l'endure avec courage et détermination d'une vendetta avant de saisir la manoeuvre de son mentor, gourou sans vergogne exploitant son armée dans un but égotiste.


Âpre, ultra violent, malsain, nauséeux, Cary Joji Fukunaga n'y va pas par quatre chemin pour décrier l'animosité primitive d'une guerre civile parmi l'appui d'enfants martyrs aveuglés par la haine et le sang. Voyage au bout des ténèbres, odyssée funèbre d'où plane les effluves de macchabées fraîchement assassinés ou putréfiés par le soleil, Beasts of no nation nous retranscrit avec vigueur dramatique l'introspection meurtrie d'un enfant orphelin, témoin de massacres en règle sous l'allégeance d'un dictateur obnubilé par le pouvoir. Idris Elba endossant avec sobriété un rôle perfide où la manigance de ces stratégies bellicistes Spoiler ! finit mener sa troupe vers la déroute fin du Spoiler. Poignant et bouleversant pour la dérive sanguinaire de ces enfants endoctrinés à la déchéance criminelle, Beasts of no nation ne nous laisse peu de répit pour manifester de leur déliquescence morale à exterminer sans fléchir femmes et enfants parmi la complicité tantôt indulgente d'Agu. Par un vibrant monologue alternant ses sentiments d'espoir et de désespoir face à sa foi divine, Agu devient un adulte aguerri apte à discerner la monstruosité qui vient de naître en lui. Ce message d'espoir intenté à sa parcelle d'humanité tend à rassurer sur sa destinée galvaudée parmi son souvenir traumatique d'une guerre d'un autre âge. Outre l'esthétisme crépusculaire de ces affrontements chaotiques épargnés de vainqueurs, le film gagne en intensité sous l'impulsion équivoque du jeune Abraham Attah. Ce dernier se fondant dans la peau d'un soldat infantile derrière un regard impassible peu à peu rattrapé par le regain de conscience.


Dur et sans concession car d'un réalisme parfois éprouvant pour le cheminement criminel de cette génération sacrifiée, Beasts of no nation laisse un goût de souffre dans la bouche lorsqu'il fait écho aux exactions barbares du djihadisme terroriste (Boko Haram en tête !). Poignant et bouleversant parmi le témoignage de ces enfants de la honte, l'absurdité de la guerre nous est ici illustrée sous son aspect le plus sordide lorsque ces derniers sont prêts à payer de leur âme pour se soumettre à l'idéologie la plus extrémiste. Hanté par le score envoûtant de Dan Romer, il en émane un vibrant plaidoyer contre la haine infantile dont on ne sort pas indemne... 

B.M

Récompenses: Mostra de Venise 2015 : Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir pour Abraham Attah.
National Board of Review Awards 2015 : Meilleur espoir pour Abraham Attah.

lundi 25 janvier 2016

UNE JOURNEE PARTICULIERE. César du Meilleur Film Etranger, 1978.

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Una giornata particolare" d'Ettore Scola. 1977. Italie/Canada. 1h45. Avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni, John Vernon, Françoise Berd, Vittorio Guerrieri, Alessandra Mussolin

Sortie salles France: 7 Septembre 1977. Italie: 12 Août 1977

FILMOGRAPHIE: Ettore Scola est un réalisateur et scénariste italien, né le 10 Mai 1931 à Trevico, province d'Avellino en Campanie.
1964: Parlons Femmes. 1965: Belfagor le Magnifique. 1968: Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? 1969: Le Commissaire Pepe. 1970: Drame de la Jalousie. 1972: La Plus belle soirée de ma vie. 1973: Voyage dans le Fiat-Nam. 1974: Nous nous sommes tant aimés. 1976: Affreux, sales et méchants. 1977: Bonsoir Mesdames et Messieurs. 1977: Une Journée Particulière. 1978: Les Nouveaux Monstres. 1980: La Terrasse. 1981: Passion d'Amour. 1982: La Nuit de Varennes. 1983: Le Bal. 1985: Macaroni. 1987: La Famille. 1988: Splendor. 1989: Quelle heure est-il ? 1990: Le Voyage du Capitaine Fracasse. 1993: Mario, Maria, Mario. 1995: Le Roman d'un jeune homme pauvre. 1998: Le Dîner. 2001: Concurrence Déloyale. 2003: Gente di Roma.


Drame psychologique prenant pour cadre le huis-clos d'un appartement autour des rapports indécis d'un couple en quête d'amour, une Journée particulière relate le destin infortuné de ses amants esseulés durant l'époque du fascisme Italien. Epouse et mère de 6 enfants résidant dans un vieil immeuble, Antonietta s'occupe de ses tâches ménagères quand bien même ces derniers et son mari se préparent à participer à la parade militaire au cours duquel Hitler est venu se déplacer à Rome afin de rencontrer Mussolini. Alors que son oiseau domestique vient de s'échapper de sa cage, elle aperçoit en face de son immeuble l'un de ses voisins à proximité de l'animal. Elle décide de frapper à sa porte pour lui invoquer de l'aide. C'est à ce moment aléatoire que les deux inconnus entament une sympathique conversation avant d'apprendre à se connaître et d'y délivrer leur orientation sexuelle.


Prenant pour thèmes le fascisme et l'homosexualité à l'aube de la seconde guerre mondiale, Une Journée particulière y dénonce l'intolérance, le machisme, la haine et la peur de la différence sous l'impulsion contrariée d'un couple en questionnement conjugal. Antonietta vouant un amour subitement fougueux pour son voisin, Gabriele, un homosexuel viré de son poste de présentateur radio depuis ses révélations sexuelles. Durant leurs rapports amicaux jalonnés d'intempéries, ces derniers ne vont pas tarder à se livrer des confidences intimes depuis leur condition soumise d'une existence conservatrice. Epaulé d'une photo sépia afin de renforcer le climat blafard du quartier précaire dans lequel ils évoluent parmi l'indiscrétion d'une commère fasciste, Une journée particulière insuffle une atmosphère versatile autour du couple inconciliable au rythme lassant d'une fanfare militaire perçue à travers la radio. Leur romance impossible et leurs pulsions de révolte provoquant une certaine ambiguïté chez la posture tourmentée de Gabriele, au moment où la conclusion glaçante nous révélera pour quel motif celui-ci s'était résigné Spoiler ! à ne pas perdurer leur relation sentimentale Fin du Spoiler. Si le monstre sacré Marcello Mastroianni délivre un jeu aussi dépouillé qu'intense dans son regard songeur et ses clameurs de victime molestée, Sophia Loren illumine l'écran par sa présence prude où la douceur sensuelle se chevauche parmi l'amertume du désarroi dans sa fonction d'épouse esseulée, faute du machisme d'un époux ingrat. Toute l'intensité du film reposant sur leurs rapports contradictoires, équivoques et désespérés autour d'un apprentissage amoureux.


D'un réalisme étouffant impulsé par le brio de sa mise en scène sans fard et d'une pudeur saisissante pour la prestance incandescente du couple Mastrioanni/Sophia Loren, Une journée particulière traduit une émotion finalement bouleversante pour mettre en exergue les états d'âme meurtris d'une romance impossible. Une oeuvre marquante d'un pessimisme sans échappatoire au moment où les mentalités fascistes se complaisent dans une parade musicale afin de glorifier l'obscurantisme. 

Dédicace à Rebecca Lord
B.M

Récompenses:
National Board of Review 1977 : prix du meilleur film étranger.
César du meilleur film étranger 1978.
David di Donatello 1978 :
David di Donatello du meilleur réalisateur à Ettore Scola,
David di Donatello de la meilleure actrice principale à Sophia Loren.
Globe d'or 1978 :
Globe d'or du meilleur film à Ettore Scola,
Globe d'or du meilleur acteur à Marcello Mastroianni,
Globe d'or de la meilleure actrice à Sophia Loren.
Golden Globes 1978 : Golden Globe du meilleur film en langue étrangère.
Ruban d'argent (Syndicat national des journalistes cinématographiques italiens) 1978 :
Ruban d'argent de la meilleure actrice à Sophia Loren,
Ruban d'argent du meilleur scénario à Maurizio Costanzo, Ruggero Maccari et Ettore Scola,
Ruban d'argent de la meilleure musique de film à Armando Trovajoli.
Mostra de Venise 2014 : « Venezia Classici » du meilleur film restauré pour Ettore Scola.

vendredi 22 janvier 2016

COURS, LOLA, COURS

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site traileraddict.com

"Lola rennt" de Tom Tykwer. 1998. Allemagne. 1h21. Avec Franka Potente, Moritz Bleibtreu, Herbert Knaup, Nina Petri, Armin Rohde, Joachim Król

Sortie salles France: 7 avril 1999. U.S: 18 juin 1999. Allemagne: 20 Août 1998.

FILMOGRAPHIE: Tom Tykwerest un réalisateur, scénariste, producteur et compositeur allemand, né le 23 mai 1965 à Wuppertal. 1994 : Maria la maléfique. 1997 : Les Rêveurs. 1998 : Cours, Lola, cours. 2000 : La Princesse et le Guerrier. 2002 : Heaven. 2006 : Le Parfum. 2009: L'Enquête. 2010 : Drei. 2012 : Cloud Atlas: coréalisateur, scénariste, producteur et compositeur. 2015 : A Hologram for the King.


"Nous ne cesserons pas notre exploration, et au terme de notre quête nous arriverons là d'où nous étions partis et nous connaîtrons ce lieu pour la première fois. Après le match, c'est avant le match !"

Véritable film culte au sens étymologique du terme, Cours, Lola, Cours est une petite production allemande carburant à l'adrénaline d'une course désespérée contre la montre. Alors que Manni devait remettre la somme de 100 000 Mark à un trafiquant de voiture, un clochard parvient à lui dérober au sein d'un compartiment ferroviaire. Appelée à la rescousse, son amie Lola s'efforce de dégoter la même cagnotte auprès de son père banquier en un temps record de 20 mns, auquel cas les supérieurs de Manni le liquideraient. Mais l'improvisation d'une série d'incidents majeurs vont inciter Lola à repenser sa situation alarmiste avec une persistance impavide. 


Scindé en trois parties afin de permettre à l'héroïne d'y renouveler sa destinée malchanceuse par des diverses stratégies financières, Tom Tykwer rivalise d'inventivité et de vigueur pour transfigurer une traque homérique aux pas cadencés d'une joggeuse sortie d'une bande dessinée. De par sa stature pétulante et son hurlement perçant, sa tenue vestimentaire criarde et sa chevelure rouge que la série TV Alias s'empressera plus tard de singer. Ultra jouissif dans sa forme débridée où la mise en scène stylisée multiplie les trouvailles surréalistes et décalées (notamment l'intrusion de séquences d'animation et de flashforwards assénés à la destinée de certains figurants), Cours-Lola, cours, ne cesse de renouveler l'action par le biais d'une succession de vicissitudes hasardeuses et de personnages extravagants inscrits dans l'entêtement. Eloge à la constance, au courage de vaincre l'échec et à l'aptitude à croire en son étoile, l'intrigue cultive habilement des réflexions philosophiques et spirituelles (la réincarnation) sous l'impulsion d'une héroïne en phase de questionnement existentiel (toutes les séquences intimistes érigées autour de la postérité de son couple). Véritable romance passionnelle où l'amour salvateur pourrait sauvegarder leur destin marginal, Cours, Lola, Cours traite surtout des conséquences dramatiques ou heureuses du choix de nos actes les plus anodins sur notre quotidienneté. Emprunt de lyrisme, d'humour décalé et d'émotion oppressante par l'entremise d'une course à pied émaillée de soubresauts, le film dégage une énergie survoltée au rythme d'une musique techno métronomique.


Ovni clipesque d'une compétition sur bitume découpée en 3 actes, Cours, Lola, Cours déborde de fougue et d'insolence à ironiser sur une situation alerte au fil d'une réflexion sur l'absurdité existentielle. Au delà de la maîtrise de sa mise en scène fulgurante, l'intrigue décomplexée est également transcendée par la révélation Franka Potente endossant avec une expression viscérale (cri strident à l'appui !), la fragilité d'une anti-héroïne motivée par la gagne et la force de ses sentiments. Un méga trip ultra efficace à dévorer sans modération !

B.M
22.01.16 (4èx)
26.08.01

Récompenses: Prix du film allemand 1999 : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur second rôle féminin pour Nina Petri, meilleur second rôle masculin pour Herbert Knaup, prix du public pour le film de l'année et pour Franka Potente en tant que meilleure actrice.