mercredi 13 décembre 2017

UNE EPOQUE FORMIDABLE

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsbonheur.com

de Gérard Jugnot. 1991. France. 1h36. Avec Gérard Jugnot, Richard Bohringer, Victoria Abril, Ticky Holgado, Chick Ortega, Roland Blanche, Éric Prat.

Sortie salles France: 19 Juin 1991

FILMOGRAPHIEGérard Jugnot est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur français, né le 4 mai 1951 à Paris en France. 1984 : Pinot simple flic. 1985 : Scout toujours... 1988 : Sans peur et sans reproche. 1991: Une époque formidable. 1994 : 3000 scénarios contre un virus : La Pharmacie. 1994 : Casque bleu. 1996 : Fallait pas !... 2000 : Meilleur Espoir féminin. 2002 : Monsieur Batignole. 2005 : Boudu. 2009 : Rose et Noir. 2017 : C'est beau la vie quand on y pense.


Première incursion dans la comédie dramatique en tant qu'acteur et réalisateur après s'être prêté à  trois comédies populaires, Gérard Jugnot surprend étonnamment avec Une Epoque formidable. Prenant pour thèmes la crise du chômage (ciblant toutes les couches sociales), la démission parentale et la misère humaine du point de vue des "sans domicile fixe", Une Epoque formidable (titre on ne peut mieux idoine par son esprit caustique !) ne sombre jamais dans le misérabilisme et la sinistrose pour susciter une poignante émotion. A contrario, Jugnot, acteur spontané et réalisateur affûté, gageant sur le ton cocasse des situations marginales afin d'y alléger sa dramaturgie politiquement incorrecte. Cadre dans une entreprise, Michel Berthier est mis à la porte du jour au lendemain. Honteux de son limogeage, il l'occulte à son épouse au moment même où une violente dispute éclate entre eux. Pétri d'orgueil et de colère impulsive, il finit par quitter son foyer. Au fil de ses errances urbaines, il tombe sur un quatuor d'attachants clochards pour autant peu recommandables. 


Evitant agréablement les clichés du pathos, de la caricature et des situations convenues, Gérard Jugnot opte pour l'anticonformisme dans sa peinture sociétale d'SDF sur la corde raide. Celle de leur refuge (presque inévitable) vers la délinquance étonnamment décrite dans un leste dosage de réalisme (quasi documenté), de pincée de poésie et de dérision. Michel sombrant dans la spirale de la maraude, du mensonge, du subterfuge et du cambriolage sous l'autorité insolente et individualiste de ses compagnons orphelins. A l'instar du toubib contestataire que Richard Borhinger incarne avec une ferveur, une verve et une esprit finaud de par sa personnalité ambivalente (puisque pétri de rage et de haine pour l'injustice et l'inégalité sociales !). Ce dernier trahissant son nouvel acolyte Michel au moment d'un gros coup, et ce sans pour autant susciter un soupçon de remord. Incessamment impliqués pour l'enjeu de survie, ce n'est qu'au fil de leurs pérégrinations urbaines qu'entraide et fraternité vont pouvoir fusionner au coeur d'une jungle hétéroclite. La classe bourgeoise, les médias (avides de sensationnalisme), quelques flics et commerçants n'accordant que peu de crédit ou d'empathie à ces recalés de la prospérité. Michel et ses comparses s'épaulant pour réapprendre à (sur)vivre dans une modeste (pour ne pas dire minimaliste) simplicité et avec un sens de la débrouille aventureux. 


Mené sur un rythme trépidant au fil d'un cheminement narratif regorgeant de péripéties et rebondissements parfois dramatiques (mais jamais surchargés), Une Epoque Formidable oscille brillamment cocasserie et tendresse sous l'impulsion d'une poignée d'éminents comédiens parvenant résolument à faire oublier leur stature médiatique. Jugnot, réalisateur, parvenant à nous attacher à ces marginaux impudents avec une dimension humaine poignante (mais souvent sous-jacente), à l'instar des retrouvailles inespérées entre un père désemparé (car destitué de son identité) et son fils d'une main secourable (Julien Harlay, formidable de juste mesure dans sa requête paternelle !). Et si le happy-end (en demi-teinte) peut paraître un brin romantisé, il reste crédible et constitue par cette unique occasion une belle leçon d'amour, de pardon et de tolérance du point de vue familial. 

@ Bruno

Info subsidiaire (source Wikipedia): Dans son enquête de septembre 2014 concernant les 20 films de cinéma les plus regardés par les Français entre 1989 et 2014 lors de leur diffusion à la télévision française, Médiamétrie indique que le film avait été vu par 13,27 millions de téléspectateurs le 23 novembre 1993 ; il arrivait donc en 17e position de la liste des films les plus vus. 

mardi 12 décembre 2017

INCUBUS

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Leslie Stevens. 1966. U.S.A. 1h15. Avec William Shatner, Milos Milos, Allyson Ames, Ann Atmar, Eloise Hardt, Robert Fortier

Sortie salles France: Novembre 1966. U.S: 26 Octobre 1966

FILMOGRAPHIE: Leslie Clark Stevens IV (Leslie Stevens) est un scénariste, dramaturge et producteur de télévision américaine né le 3 Février 1924, décédé le 24 Avril 1998. 1960 : Propriété privée. 1962 : Hero's island. 1965 : Incubus. 1987 : Three kinds of heat.


Exhumé de l'oubli en 1998 grâce à la Cinémathèque Française, Incubus est l'archétype par excellence du film maudit qui plus est tourné en espéranto (une langue internationale peu utilisée au cinéma). Une sortie salles extrêmement discrète (11 430 entrées sur notre territoire), un incendie dévastateur causant la perte de la bande originale en dépit d'une seule copie que notre cinémathèque pu sauver, la société Davstar qui tomba en faillite et trois comédiens retrouvés morts après le tournage ! Milos Milos s'étant suicidé après avoir tué sa compagne, Ann Atmar en fit de même pour sa personne, et la fille de l'actrice Eloise Hardt fut retrouvée également assassinée après avoir été kidnappée ! Sorti en Dvd en 2001 sous l'égide du distributeur Jean-Pierre Dionnet qualifiant l'essai comme un chef-d'oeuvre (voir son digne monologue dans les Bonus), Incubus renaît enfin de ces cendres avec une intensité électrisante. Véritable cauchemar éveillé truffé de séquences mystiques d'un onirisme aussi bien baroque que macabre, l'intrigue nous relate la romance improvisée entre une succube pratiquant des sacrifices humains pour le prince des ténèbres, et un jeune soldat voué à la cause de Dieu que sa soeur avait recueilli après la guerre.


Autour de ce duo sentimental, les forces du Bien et du Mal vont se combattre jusqu'à ce que l'un emporte la mise. Tourné dans un magnifique noir et blanc rappelant par moments les plus belles fresques du Masque du Démon de Bava, Incubus est une pure invitation au rêve sous l'alchimie du Mal. Comme si Satan en personne était descendu sur terre pour s'approprier une caméra et filmer ses méfaits mortifères afin de nous les faire partager. C'est dire la puissance de son atmosphère horrifique que Leslie Stevens transfigure entre sens du cadrage alambiqué et stylisme sépulcral. On s'étonne également du jeu expressif des acteurs méconnus littéralement hantés, possédés par la cause de Satan, quand bien même le néophyte William Shatner parvient à nous faire omettre son illustre rôle de Capitaine Kirk dans celui d'un soldat dévoué, partagé entre la passion des sentiments et la raison de Dieu qu'il se résigne finalement à sauvegarder en dernier ressort. Si l'intrigue étique et sans surprise (en dépit d'une sublime résurrection assez latine je trouve) avait gagnée à être plus dense et étoffée, sa fulgurance formelle tout droit sortie d'un authentique cauchemar (qu'on aurait donc gravé sur pellicule) emporte tout sur son passage. D'autant plus que le jeu bougrement inquiétant des seconds-rôles nous magnétise par leur capacité à nous faire croire (sans effet de manche) à leur foi surnaturelle (vision dérangeante oh combien crépusculaire d'un bouc à l'appui).


Véritable ovni infortuné condamné à la solitude, à l'isolement et à la damnation si je me réfère aux circonstances tragiques des suites du tournage, Incubus demeure une perle rare dans son désir de rationaliser une expérience sataniste imprégnée de mystère diffus et de visions cauchemardesques (notamment l'exhumation d'un incube) que l'on croirait extirpées de l'Enfer. A découvrir d'urgence pour les vrais initiés d'ambiance funèbre, cas de figure autonome et (si) inspiré de la divinité du Mal constamment aux aguets à épier nos failles et faiblesses. 

 @ Bruno
11.01.24. 3èx

lundi 11 décembre 2017

SEULE DANS LA NUIT

                                       Photo emprunté sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

"Wait Until Dark" de Terence Young. 1967. U.S.A. 1h47. Avec Audrey Hepburn, Alan Arkin, Richard Crenna, Efrem Zimbalist Jr., Jack Weston, Samantha Jones.

Sortie salle France: 11 Septembre 1968. U.S: 26 Octobre 1967.

FILMOGRAPHIETerence Young est un scénariste et réalisateur britannique, né le 20 juin 1915 à Shanghai, Chine, décédé le 7 septembre 1994 à Cannes d'une crise cardiaque.1946 : La gloire est à eux. 1948 : L'Étrange Rendez-vous. 1948 : One Night with You. 1949 : Les Ennemis amoureux. 1950 : Trois des chars d'assaut. 1951 : La Vallée des aigles. 1952 : The Tall Headlines. 1953 : Les Bérets rouges. 1955 : La Princesse d'Eboli. 1955 : Les Quatre Plumes blanches. 1956 : Safari. 1956 : Zarak le valeureux. 1957 : Au bord du volcan. 1958 : La Brigade des bérets noirs. 1959 : Serious Charge. 1960 : La Blonde et les nus de Soho. 1961 : 1-2-3-4 ou les Collants noirs. 1961 : Les Horaces et les Curiaces. 1962 : James Bond 007 contre Dr No. 1963 : Bons Baisers de Russie. 1965 : Les Aventures amoureuses de Moll Flanders. 1965 : Guerre secrète. 1965 : Opération Tonnerre. 1966 : Opération Opium. 1967 : Peyrol le boucanier. 1967 : La Fantastique Histoire vraie d'Eddie Chapman. 1967 : Seule dans la nuit. 1968 : Mayerling. 1969 : L'Arbre de Noël. 1970 : De la part des copains. 1971 : Soleil rouge. 1972 : Cosa Nostra. 1974 : Les Amazones. 1974 : L'Homme du clan. 1977 : Woo fook. 1979 : Liés par le sang. 1981 : Inchon. 1983 : La Taupe. 1988 : Marathon.


Classique des Seventies, Seule dans la nuit est un superbe thriller d'angoisse exploitant à merveille le cadre exigu d'un appartement tamisé. Celui d'une jeune aveugle contrainte de s'y cloisonner car constamment persécutée par un trio de trafiquants à la recherche d'une poupée bourré d'héroïne. Le réalisation parvenant facilement à nous familiariser dans ce décorum par le biais de détails domestiques qui auront pour la plupart une certaine importance dans le déroulement de l'action. Nanti d'une atmosphère d'insécurité sous-jacente puis tangible au fil du cheminement de survie de Susy en proie à une intimidation toujours plus agressive, Seule dans la nuit parvient efficacement à captiver sous le pilier d'un scénario machiavélique semé de rebondissements et d'idées retorses. Notamment l'intrusion de cette jeune ado impertinente (qu'endosse dans une étonnante spontanéité Julie Herrod) qui va peu à peu (et en guise de pardon pour son comportement indocile) prêter main forte à Susy avec un sens de bravoure assez couillu. L'empathie amicale éprouvée pour celles-ci fonctionnant à merveille dans leur esprit subitement commun de solidarité.


Un habile moyen de relancer l'action vers une direction plus alarmiste lorsque Susy s'apercevra du traquenard négocié dans son cadre domestique, et ce par la cause d'une poupée devenue introuvable que son mari absent aura égaré. Prenant pour cadre claustro cette unité de lieu et de temps, l'intrigue se focalise essentiellement sur ces rapports de force psychologiques entre nos 3 malfrats, délibérés à s'approprier la poupée, et Susy, parvenant grâce à sa cécité puis à Gloria (sa voisine de palier fureteuse) à découvrir leur stratégie perfide de communication avec un sens de l'intuition et de l'orientation clairvoyant. Outre le caractère haletant du suspense rondement mené autour de cette victime singulière prise à parti avec trois usurpateurs (Richard Crenna, Jack Weston et surtout l'inquiétant Alan Arkin se disputent la vedette avec un charisme viril patibulaire dans leur esprit insidieux d'autorité), Seule dans la Nuit parvient à exacerber son angoisse ouatée auprès d'une dernière partie nocturne, jeu de cache-cache entre la victime et le tueur. Terence Young parvenant à inverser les rôles autour d'une confrontation physique se déroulant dans la pénombre puis le noir parmi l'inventivité de détails domestiques (couteau de cuisine, bidon d'essence, lumière de frigo, foulard) compromis à l'action horrifique. Quand bien même, et sans que l'héroïne ne s'en aperçoive un seul instant, un cadavre était secrètement planqué à proximité d'elle afin de dramatiser l'atmosphère feutrée.


Illuminé par la présence aussi bien chétive que pugnace d'Audrey Hepburn parfaitement à l'aise  dans son rôle d'handicapée en initiation héroïque (elle était en faite équipée de lentilles pour mieux se prêter au jeu de la cécité !), Seule dans la Nuit redore le genre du thriller avec originalité et savoir-faire. Terence Young plutôt avisé à charpenter son récit gérant efficacement l'espace et l'action (si bien qu'on en oublie très vite sa facture théâtrale) autour d'une atmosphère opaque assez magnétique. A l'instar du score discret mais si inquiétant de Henry Mancini rappelant en intermittence le côté vénéneux de la situation (atypique) de prise d'otage. 

@ Bruno
3èx

vendredi 8 décembre 2017

MOTHER !

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Darren Aronofsky. 2017. U.S.A. 2h01. Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Domhnall Gleeson, Brian Gleeson.

Sortie salles France: 13 Septembre 2017 (Int - 12 ans). U.S: 15 Septembre 2017 (Int - 17 ans)

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur. 1998 : π, 2000 : Requiem for a dream, 2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2014: Noé. 2017: Mother !


On n'est pas obligé de comprendre pour aimer, l'important c'est de rêver. David Lynch.
Abasourdi, sonné, troublé, en perte de repères alors que le générique lénifiant continue de défiler sous mes yeux ! Je sors psychologiquement éreinté de la projo de Mother ! après avoir subi une expérience cinégénique aussi rigoureuse que profondément fascinante. Et ce en dépit de l'ultra violence de certaines scènes horrifiques que l'on croirait extraites d'un enfer de Dante, et de l'effluve de son climat oppressant littéralement vertigineux si bien que je n'avais pas éprouvé un malaise aussi bien viscéral que cérébral depuis le blasphématoire l'Exorciste (c'est peu de le dire et donc à marquer d'une pierre blanche !). Le pitch: un couple, une jeune femme qu'on appellera "mère" (car on ignore son nom) et son compagnon, un écrivain, vivent paisiblement dans une demeure bucolique jusqu'au jour où un étrange inconnu frappe à leur porte. Accueilli avec hospitalité par l'écrivain, la mère se demande quel est le sens de sa si grande générosité. Quand bien même on apprendra un peu plus tard que l'étranger possède dans sa poche une photo de l'écrivain. Le lendemain, c'est l'épouse de l'inconnu qui s'invite à son tour à leur foyer. Peu à peu, la mère éprise de malaise et de crise sombre dans une paranoïa en roue libre au fil de rencontres impromptues aussi bien impudentes qu'hostiles. A la croisée du cinéma de Lynch et surtout de Polanski (on peut clairement citer les références Rosemary's Baby, le Locataire et Répulsion pour ces thèmes imputés à la paranoïa, la timidité, l'isolement, le repli sur soi, la peur de l'étranger - ou plus précisément celle du voisin - et la crainte de l'enfantement parmi l'iconographie d'un fanatisme occulte, voir religieux), Mother ! est une expérience cauchemardesque sans retenue ! (ou si peu).


Mother's Baby.
Darren Aronofski, en pleine possession de ses moyens, nous livrant une réalisation hyper maîtrisée lorsqu'il s'agit de nous immerger dans l'introspection morale d'une mère livrée à la dépression et la paranoïa, faute d'un mari égoïste et condescendant privilégiant son addiction pour la célébrité au mépris de l'amour. Purement métaphorique de la 1ère à la dernière image, et donc multipliant à l'infini les divers niveaux de lecture (certains y voient une interprétation biblique ou écolo contre dame-nature, d'autres politique), Mother ! est avant tout une épreuve émotionnelle à rude épreuve dans son art de distiller une angoisse sensorielle permanente sous l'impulsion d'une bande-son stridente incroyablement limpide ! Le film parvenant littéralement à provoquer un malaise dépressif dans la faculté innée du réalisateur à nous plonger dans l'esprit névrosé de l'héroïne par le biais de plans larges où chaque pore du visage de Jennifer Lawrence transpire l'anxiété, la peur, la colère et le semblant de folie contagieuse ! Fragile, démunie, timorée, car inscrite dans la pudeur et si intègre, Jennifer Lawrence donne du corps et du coeur à son personnage fébrile avec une vérité humaine terriblement éprouvante ! Sa plongée vertigineuse dans l'incompréhension et la folie nous saisissant d'effroi au gré des comportements dérangeants car indociles d'hôtes désinvoltes fanatisés par la luxure, l'effronterie et la célébrité ! Au-delà de sa facture visuelle étourdissante de brio à donner vie à un environnement d'insécurité éthéré ou graphique (photo sepia à l'appui afin de renforcer son climat claustro toujours plus irrespirable) et d'une direction d'acteurs hors pair (Javier Bardem est notamment effrayant d'ambiguïté et d'hypocrisie à daigner protéger sa bien aimée afin d'amorcer son nouveau roman, Michelle Pfeiffer est détestable d'arrogance et de désinvolture !), Darren Aronofski aborde une réflexion sur l'addiction de la célébrité lorsque l'écrivain ne peut que poursuivre son talent en se nourrissant de l'amour des autres. Toujours plus égoïste et capricieux, ce dernier assujetti à sa création artistique s'abreuvant de l'amour et du soutien de son épouse pour retrouver l'inspiration d'un nouveau best-seller.


Un film mutant au climat de folie et de terreur dépravées où les esprits fonctionnent entre démence et provocation. 
Cauchemar sur pellicule proprement hallucinogène (le film fait clairement l'effet d'un bad trip sous acide au point de perdre pied avec notre réalité !), Mother ! ne nous laisse aucun répit pour nous entraîner dans la descente aux enfers "morale" d'une mère avide de grossesse mais discréditée par un mari cannibale où seul compte son égotisme. Eprouvant, traumatisant, sensoriel, ensorcelant, magnétique, révulsif, voir limite expérimental (me souffle mon amie Nelly !) Mother ! laisse en état de choc et d'épuisement par le biais d'une allégorie sur une nature humaine avide d'amour et de reconnaissance mais destituée de son égocentrisme. Film monstre tentaculaire sur l'éternelle procréation afin de préserver le devenir de l'humanité, ce chef-d'oeuvre funèbre extériorise le vampirisme de nos civilisations modernes fanatisées par la religion, le goût de la violence, l'irrespect de l'autre (dont celle de la nature) et l'instinct pervers de la possessivité. Une oeuvre hybride maudite (puisque incomprise et inévitablement conçue pour diviser) qui fera date dans son genre inclassable. 
Pour public averti 

P.S: par pitié, un Oscar pour Jennifer Lawrence !

@ Bruno

jeudi 7 décembre 2017

THELMA. Prix du Jury et du Meilleur Scénario, Catalogne 2017.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.fr

de Joachim Trier. 2017. Norvège/Suède/Danemark/France. 1h56. Avec Eili Harboe, Kaya Wilkins, Henrik Rafaelsen, Ellen Dorrit Petersen, Grethe Eltervåg

Sortie salles France: 22 Novembre 2017. Norvège: 15 Septembre 2017

FILMOGRAPHIE: Joachim Trier est un réalisateur et scénariste norvégien, né à Copenhague en 1974. 2006: Reprise. 2011: Oslo, 31 août. 2015: Back Home. 2017: Thelma.


Variation auteurisante de Carrie sans pour autant singer le chef-d'oeuvre de Brian De Palma, Thelma fait presque office d'ovni par son climat d'étrangeté ouaté aussi bien baroque qu'onirique (notamment au gré des étreintes vénéneuses que s'échangent sensuellement les deux héroïnes ou encore avec l'iconographie de sa nature végétative superbement contrastée d'une photo limpide !). Exarcerbé du jeu nuancé de l'épurée Eili Harboe (prix d'interprétation oh combien mérité au Festival de Mar del Plata !) portant littéralement le film sur ses épaules ténues, et de la réalisation sans fard de Joachim Trier brossant avec retenue le portrait d'une jeune catholique en proie à l'émancipation, Thelma envoûte avec une intelligence peu commune pour le genre ludique. Car sous ses allures de film fantastique à la fois trouble et inquiétant s'y extrait un drame psychologique vigoureux où le puritanisme religieux pourrait être le catalyseur des pouvoirs télékinésiques de Thelma. Jeune solitaire partie étudier à Oslo en toute autonomie, Thelma fait la rencontre de Anja avec qui elle finit par avoir une relation amoureuse. Influencée par celle-ci et ses amies, elle cède aux plaisirs interdits (alcool, sexe, drogue) depuis l'absence parentale. Mais sans raison apparente, Thelma souffre de violents malaises semblables à la crise épileptique. Elle décide de consulter un spécialiste afin d'élucider son inexplicable pathologie. 


Epousant le parti-pris de conter son histoire avec refus du spectaculaire, et ce en dépit de certaines séquences impressionnantes par sa froideur réaliste (celles du nourrisson provoquant un malaise des plus malsains), Thelma fait preuve de dextérité et d'imagination pour renouveler son thème surnaturel par le biais de la métaphore. Le récit cultivant plusieurs niveaux de lectures, tel celui de l'extériorisation d'une catholique trop longtemps bercée dans un enseignement rigoriste mais aujourd'hui délibérée à accomplir son destin après s'être débarrassée de ses démons que ses parents lui auront inculqué depuis sa trouble enfance. Emaillé d'indices que Joachim Trier dévoile au compte-goutte au fil de flash-backs toujours plus obscurs, Thelma provoque une impression d'étrangeté indicible par son atmosphère éthérée, notamment grâce au magnétisme d'Eili Harboe endossant son personnage torturé avec profond humanisme car d'une fragile sensibilité. De par son caractère introverti hanté par la peur de commettre l'interdit, celle-ci semble vouée à l'autosuggestion dans sa psychologie aussi torturée que complexe (notamment sa jalousie - parfois inconsciente - éprouvée auprès de son frère durant son enfance dépressive). La caméra observant ses agissements et caressant son visage avec une pudeur réservée afin de mettre en exergue son désarroi moral, son malaise identitaire de se réduire à une victime potentiellement irrécupérable.


Récit fantastique inquiétant semé d'interrogations quant à la nature réelle des évènements parfois décrits avec un onirisme baroque, drame cérébral d'une intensité assez rigoureuse quant au portrait démuni d'une étudiante chrysalide en voie de rémission, Thelma laisse une marque tangible dans l'encéphale grâce à l'ambition de sa réalisation autonome et à l'interprétation toute en finesse d'Eili Harboe crevant l'écran avec une trouble sobriété (il faut la voir pleurer face caméra dans sa nature prude, érudite et docile en éludant toute forme de sensiblerie). Pour les amateurs de Fantastique adulte et éthéré, l'oeuvre gracile du norvégien Joachim Trier ne doit pas être occultée ! 

@ Bruno

Récompenses: Festival international du film de Catalogne 2017 : Prix spécial du jury et Prix du meilleur scénario.
Festival international du film de Mar del Plata 2017 : Astor de la meilleure actrice pour Eili Harboe

mercredi 6 décembre 2017

DETROIT

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Kathryn Bigelow. 2017. U.S.A. 2h23. Avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, Jacob Latimore, Jason Mitchell, Hannah Murray, Kaitlyn Dever, Jack Reynor.

Sortie salles France: 11 Octobre 2017 (Int - 12 ans). U.S: 4 Août 2017

FILMOGRAPHIE: Kathryn Bigelow est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 27 Novembre 1951 à San Carlos, Californie (Etats-Unis). 1982: The Loveless (co-réalisé avec Monty Montgomery). 1987: Aux Frontières de l'Aube. 1990: Blue Steel. 1991: Point Break. 1995: Strange Days. 2000: Le Poids de l'eau. 2002: K19. 2009: Démineurs. 2012: Zero Dark Thirty. 2017: Detroit.


Une histoire américaine. 
Brûlot anti-raciste d'un réalisme documenté constamment impressionnant (caméra à l'épaule et images d'archives récurrentes à l'appui en nous télescopant fiction et réalité), Detroit est une épreuve cinématographique d'une intensité parfois insupportable. Tout du moins c'est ce que nous révélera son éprouvant (car interminable) second acte lors de stratégies de manipulation et de soumission que la police d'état va employer avec une dictature fascisante (aussi improbable soit son contexte ubuesque si bien que le véritable coupable recherché n'est qu'un usurpateur inconséquent !). Véritable descente aux enfers auprès d'une communauté noire discréditée par leur couleur de peau, Kathryn Bigelow nous immerge de plein fouet au sein d'un huis-clos "horrifique" (le terme n'est pas racoleur croyez moi !) entièrement bâti sur l'aspect éhonté du "fait-divers". Durant les émeutes de Juillet 67 consistant à protester contre la discrimination d'une police réactionnaire, une poignée d'afros-américains est prise en otage au sein d'un motel depuis l'éventuelle complicité d'un tireur parmi eux. Clamant désespérément leur innocence parmi le témoignage aussi démuni de deux blanches ayant préalablement sympathisé avec eux, trois policiers vont finalement céder à leurs pulsions meurtrières lors d'un interrogatoire psychorigide.  


Film choc s'il en est, de par son contexte de crise sociale au sein d'une Amérique aussi bien intolérante qu'inéquitable auprès des migrants noirs (sa première partie retraçant avec souci historique les premières émeutes de Juillet 67 avec son lot de violences policières imposées à la matraque et à l'arme à feu) et l'évolution dramatique qui s'ensuit lors d'une nuit urbaine explosive (l'état d'urgence fut décrétée et l'armée en masse sillonne chaque quartier depuis les vols, effractions et incendies dans les commerces), Kathryn Bigelow n'y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger les méthodes putassières de certains policiers se vautrant dans l'intimidation et la tyrannie criminelles. S'efforçant studieusement de décrire le chemin de croix physique et morale d'otages juvéniles assujettis à leurs abus de pouvoir, Detroit dresse le portrait dérisoire (pour ne pas dire scandaleux) d'une Amérique couarde et orgueilleuse incapable de reconnaître ses torts car préférant se voiler la face d'une vérité innommable. C'est ce que le troisième acte imputé au procès judiciaire nous dévoilera avec une amertume difficilement digérable notamment lorsque l'on apprend la destinée des survivants  littéralement traumatisés par leur épreuve de force préalablement réduite à l'état d'esclave.


L'Amérique Interdite
De par son thème dérangeant du racisme que l'Amérique actuelle ne parvient toujours pas à panser ni à solutionner dans ses conflits ethniques où certains policiers perdurent leur abus d'autorité, Detroit récapitule avec une glaçante vérité un fait historique aberrant risquant assurément de créer aujourd'hui la polémique au sein de son état toujours incriminé par sa ségrégation. S'il n'est à mon sens pas le chef-d'oeuvre annoncé, Detroit n'en demeure pas moins un grand film. Un témoignage alerte et essentiel, un électrochoc émotionnel d'une intensité si épineuse qu'on ne sort pas indemne du jeu de massacre sitôt le sort des survivants répertoriés. On reste également impressionné par sa fulgurante réalisation et distribution (aussi sobre soit-elle !), à l'instar du jeu criant de vérité de Will Poulter en flicard placide au relent de sociopathie.  

@ Bruno

mardi 5 décembre 2017

DUNKERQUE.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site breageeknews.fr

de Christopher Nolan. 2017. U.S.A/Angleterre/France/Hollande. 1h47. Avec Fionn Whitehead, Tom Glynn-Carney, Jack Lowden, Harry Styles, Aneurin Barnard, James D'Arcy, Barry Keoghan, Kenneth Branagh, Cillian Murphy, Mark Rylance, Tom Hardy.

Sortie salles France: 19 Juillet 2017. U.S: 21 Juillet 2017

FILMOGRAPHIE: Christopher Nolan est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 30 Juillet 1970 à Londres en Angleterre. 1998: Following. 2000: Memento. 2002: Insomnia. 2005: Batman Begins. 2006: Le Prestige. 2008:The Dark Knight. 2010: Inception. 2012: The Dark Knight Rises. 2014: Interstellar.


Un modèle de mise en scène (expérimentale), une bande-son sensorielle, des images sublimes (en sus d'une photo chromée) et quelques séquences grandioses au service d'une narration sporadique déconcertante qui peine à captiver pour me laisser un goût amer d'inachevé et de frustration.

@ Bruno