vendredi 28 décembre 2012

Dellamorte Dellamore / Cemetery Man. Prix Spécial du Jury à Gérardmer, 1994

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site intemporel.com

de Michele Soavi. 1994. Italie. 1h44. Avec Rupert Everett, François Hadji-Lazaro, Anna Falchi, Mickey Knox.

Sortie salles France: 10 Mai 1995. U.S: 26 Avril 1996. Toronto: 9 Septembre 1994

FILMOGRAPHIE: Michele Soavi est un réalisateur italien né le 3 Juillet 1957 à Milan, (Italie).
1985: The Valley (vidéo). 1985: Le Monde de l'horreur (Documentaire). 1987: Bloody Bird. 1989: Le Sanctuaire. 1991: La Secte. 1994: Dellamorte Dellamore. 2006: Arrivederci amore, ciao. 2008: Il sangue dei vinti.


Nous sommes morts avant d'être vivants. 
En petit maître de l'horreur transalpine, Michele Soavi nous enthousiasma en 1987 avec une première oeuvre prometteuse, un giallo génialement théâtral justement récompensé à Avoriaz, Bloody Bird. Sa carrière se poursuit ensuite avec deux essais fantastiques maladroits mais intègres et ambitieux car d'une inventivité onirique, qui plus est rehaussés d'une atmosphère envoûtante, le Sanctuaire et surtout l'énigmatique La Secte. En 1994, il livre avec Dellamorte Dellamore son ultime chef-d'oeuvre cérébral, un diamant noir aux moult niveaux de lecture toujours plus équivoque et passionnant au fil des révisions. Une sorte de poème macabre mélancolique d'autant plus personnel à travers son lyrisme qu'il y suggére notamment une réflexion métaphysique sur la nonchalance de l'existence (ici la peur de vivre, et non de mourir). Le PitchFrancesco est le gardien d'un cimetière en compagnie de son assistant déficient. Ensemble, ils fuient l'ennui de l'existence en assassinant les morts récalcitrants au sein de leur nécropole. Un jour, il rencontre une jeune veuve profondément chagrinée par la perte de son mari. Eperdument amoureux, il tente de l'aborder pour entamer une idylle passionnelle. Mais la jeune femme éprise de tendance nécrophile se transforme en zombie sous la morsure de son défunt. Pendant ce temps, un inspecteur enquête sur la vague de meurtres perpétrés dans la région. 


Comédie d'horreur décalée au cheminement narratif incontrôlable et irracontable, Dellamorte Dellamore se réapproprie du thème du zombie avec une originalité incongrue. Si la première partie esthétiquement immaculée s'érige en poème nécrophile autour d'un amour éperdu, le second chapitre nous entraîne dans le dédale psychique d'un gardien dépressif, davantage dépité par la dérision de l'existence. Jalonné de situations excentriques aussi cocasses que débridées (la relation infantile de Gnaghi avec une tête putrescente, les multiples déconvenues de Francesco avec les sosies de son égérie nécrophile, l'opération chirurgicale de sa prétendue castration), Michele Soavi se focalise notamment sur les monologues existentiels de son héros déchu, devenu meurtrier malgré lui par indifférence des vivants. Attention au défilé de Spoils ! Par conséquent, afin que les morts n'y reviennent semer le trouble au sein de sa sépulture, il décide donc de supprimer les êtres vivants sous les recommandations d'un oracle spectral. Complètement isolé du monde qui l'entoure parmi ces cadavres renfrognés, il tente vainement d'apprivoiser l'amour à trois reprises parmi les rencontres aléatoires d'un sex-symbol et ces deux sosies antinomiques. Au fil de ses entretiens avec des quidams imbéciles ou étourdis, notre meurtrier s'évertue sans foi à les convaincre qu'il est le véritable auteur des crimes gratuits. Perdu au milieu de nulle part sur une voie départementale sans issue, Francesco et Gnaghi ne seraient finalement que de simples pantins rêvassant d'une existence significative dans leur petite boule de verre ! Fin des Spoils.


J'ai rêvé d'un autre monde.
Chacun peut interpréter à sa manière personnelle l'éthique véritable de cette fantaisie aussi grotesque que désincarnée si bien que de l'aveu même du réalisateur, il ne savait point quelle analyse il pouvait finalement en tirer ! Formellement épuré à damner un saint au gré d'une richesse cérébrale infinie,  Dellamorte Dellamore est un éloge au néant. Ou plutôt un éloge à un ailleurs, à un au-delà indéterminé du point de vue d'un solitaire profondément ennuyé par la morosité de son existence car incapable de s'adapter au monde adulte. Un poème nécrophile où l'inanité de la résurrection est une déveine et où l'amour n'y trouve plus de rédemption. Pour autant, il nous évoque paradoxalement qu'en dépit de l'absurdité existentielle et de l'indifférence des sentiments que les autres nous renvoient, notre destinée est instinctivement régie par l'ambition d'y cristalliser nos rêves les plus intimes sous l'impulsion de l'amour (à condition de savoir aimer et donc d'apprendre à aimer). Quand bien même il vaut mieux éviter de se forger un cocon oppressant, une prison virtuelle afin de se libérer de notre routine que nous avions malgré nous cristalliser par peur de s'ouvrir aux autres plus morts que vivants. Grand film métaphorique sur la tare de l'ennui au point d'y privilégier le trépas plutôt que de s'accrocher à la vie, Dellamorte Dellamore s'adresse autant à notre âme, notre coeur et notre raison à travers des trésors d'onirisme macabre où érotisme et mort ne font plus qu'un auprès d'un fulgurant sens du détail stylisé. 

*Bruno Matéï
06.05.22. 4èx
28.12.12. 3èx

DistinctionsPrix Spécial du Jury à Gérardmer
Silver Scream Award au Festival du film fantastique d'Amsterdam
Meilleur Acteur pour Rupert Everett au Festival de Fantasporto


jeudi 27 décembre 2012

Schock / les Démons de la Nuit

                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site ilgiornodeglizombi.wordpress.com

de Mario Bava. 1977. Italie. 1h33. Avec Daria Nicolodi, John Steiner, David Colin Jr, Ivan Rassimov, Nicola Salerno.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946: L'orecchio. 1947: Santa notte. 1947: Legenda sinfonica. 1947: Anfiteatro Flavio. 1949: Variazioni sinfoniche. 1954: Ulysse (non crédité). 1956: Les Vampires (non crédité). 1959: Caltiki, le monstre immortel (non crédité). 1959: La Bataille de Marathon (non crédité). 1960: Le Masque du démon. 1961: Le Dernier des Vikings (non crédité). 1961: Les Mille et Une Nuits. 1961: Hercule contre les vampires. 1961: La Ruée des Vikings. 1963: La Fille qui en savait trop. 1963: Les Trois Visages de la peur. 1963: Le Corps et le Fouet. 1964: Six femmes pour l'assassin. 1964: La strada per Fort Alamo. 1965: La Planète des vampires. 1966: Les Dollars du Nebraska (non cédité). 1966: Duel au couteau. 1966: Opération peur. 1966: L'Espion qui venait du surgelé. 1968: Danger : Diabolik ! 1970: L'Île de l'épouvante. 1970: Une hache pour la lune de miel. 1970: Roy Colt e Winchester Jack. 1971: La Baie sanglante. 1972: Baron vampire. 1972: Quante volte... quella notte. 1973: La Maison de l'exorcisme. 1974: Les Chiens enragés. 1977: Les Démons de la nuit (Schock). 1979: La Venere di Ille (TV).


Bava: peintre du macabre. 
Pour son ultime réalisation, Mario Bava laisse derrière lui une pierre angulaire de l'épouvante contemporaine. Car en brassant les thèmes éculés du cinéma fantastique (demeure hantée, paranoïa, hallucinations, possession, folie meurtrière), le maître du macabre en extrait un modèle d'efficacité et d'originalité dans sa maîtrise notable à susciter l'effroi par le biais d'une poésie macabre aussi trouble que sensuel. Le pitchAlors qu'elle fut jadis propriétaire d'une demeure parmi son ex compagnon toxicomane, une jeune femme, son fils et son nouvel époux s'y installent quelques années plus tard. Rapidement, l'étrange comportement railleur du gamin irrite sévèrement la mère d'autant plus que des hallucinations récurrentes finissent par la plonger en pleine paranoïa schizophrène. Avec une roublardise frénétique, Mario Bava nous invite en l'occurrence à un huis clos infernal au sein d'une demeure hantée par le spectre d'un défunt revanchard. Sous l'allégeance d'un bambin étrangement complice, cette présence hostile communiquera avec ce dernier afin d'importuner la mère dépressive, quotidiennement victime de persécution et d'hallucinations. Noyée de visions surnaturelles et de cauchemars nocturnes, Dora semble peu à peu perdre pied avec la réalité. Au fil de sa déchéance mentale sur le déclin, nous découvrirons finalement que son passé traumatique y occulte un sordide secret.


Atmosphère lourde et feutrée, ambiance d'étrangeté prégnante, suspense diffus, Mario Bava n'a rien perdu de sa verve insolente pour nous cristalliser un cauchemar onirique jalonné d'incidents inexpliqués. Exploitant avec intelligence chaque sombre parcelle des pièces du logement où des objets familiers deviennent de véritables menaces meurtrières, Schock demeure un jeu de couardise érigé sur le dédale paranoïde d'une maman désemparée. Ici, la temporalité n'a plus lieu d'être car nous ne savons plus si la rationalité subsiste tant le réalisateur se joue malin plaisir à nous duper avec la folie aliénante de son héroïne. En prime, la présence interlope du jeune bambin patibulaire renforce le malaise éprouvé face à ces mesquineries commises contre sa génitrice. Si l'interprétation surjouée du petit David Colin Jr peut paraître outrancière, son étrange trogne infantile doublée d'un regard versatile réussit véritablement à provoquer une gêne persistante. Quand bien même Daria Nicolodi, transie d'émoi, les yeux écarquillés, le visage plein de sueurs, use d'expression faciale pour parfaire une victime torturée avec une véhémence toujours plus incontrôlée ! Enfin, pour parachever, outre ses audaces visuelles ornées de poésie macabre (une goutte de sang est confondue avec une pétale de rose !), sa terreur cuisante et ses éclairs de violence sanglants, Schock s'accentue d'un contrepoint musical terriblement ébranlant. Tant auprès d'une douce comptine inquiétante que de ces multiples percussions vrombissantes (synergie entre l'orgue, le clavier, les batteries et instrument à cordes) aux fréquences démesurées !


La Maison de tous les cauchemars
Terriblement efficace, original et affolant sans jamais paraître redondant alors qu'il ne s'agit que d'une succession de phénomènes surnaturels et d'hallucinations, Schock semble aujourd'hui encore plus opaque et pénétrant dans sa capacité à se réapproprier des conventions du genre avec une personnalité typiquement latine. Soutenu de la frénésie d'un score musical hétéroclite et d'un scénario finaud exploitant moult incidents incongrus, Schock nous chemine au dédale anxiogène par le trajet psychotique de l'héroïne en perdition envahissant peu à peu les sens du spectateur. Incontournable évidemment. 

*Bruno Matéï
21.05.22. 5èx
27.12.12. 4èx


mardi 25 décembre 2012

LE CHOC DES TITANS (Clash of the Titans)

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site thot-book.blogspot.com

de Desmond Davis. 1981. U.S.A. 1h58. Avec Harry Hamlin, Judi Bowker, Burgess Meredith, Laurence Olivier, Jack Gwillim, Claire Bloom, Maggie Smith, Ursula Andress.

Sortie salles France: 8 Juillet 1981. U.S: 12 Juin 1981

FILMOGRAPHIE: Desmond Davis est un réalisateur britannique, né le 24 Mai 1926 à Londres.
1964: La Fille aux yeux verts. 1965: The Uncle. 1965: I was Happy Here. 1967: Deux anglaises en délire. 1969: A nice girl like me. 1981: Le Choc des Titans. 1984: Ordeal by Innocence


Sorti la même année, jour pour jour, que les Aventuriers de l'Arche Perdue, Le Choc des Titans fut néanmoins un succès commercial considérable aux Etats-unis, puisqu'il aura amassé plus de 41 000 000 de dollars de recettes (sur un budget estimé à 15 !). Il s'agit notamment du dernier film auquel le maître Ray Harryhausen a souhaité collaborer aux effets-spéciaux mais aussi en tant que co-producteur avec l'appui de Charles H. Schneer. Après l'entreprise calamiteuse d'un remake insignifiant conçu par le français Louis Leterrier, il faut bien admettre que ce peplum fantastique érigé sur le mythe de Persée continue de perdurer dans sa capacité à enchanter le public de 7 à 77 ans.


Après avoir été prémuni par son père d'une condamnation à mort, Persée, fils de Zeus, tombe sous le charme de la jeune Andromède. Mais à la suite d'un affront sur sa beauté ingénue, la déesse Thétis exige que dans 30 jours la princesse soit offerte en sacrifice au Kraken, monstre de la mer. Afin de sauver la vie d'Andromède, Persée part en direction de l'île des morts avec l'assistance de son cheval ailé Pégase, la chouette Bubo, son conseiller Ammon ainsi qu'une escorte de combattants pugnaces. 

 
Film d'aventures haut en couleurs déployant une multitude de créatures mythologiques, Le Choc des Titans se révèle l'ultime réussite technique du maître du trucage en stop motion, Ray Harryhausen. Si la mise en scène manque parfois d'opulence et que l'interprétation du jeune Harry Hamlin aurait mérité à être un peu plus persuasive dans son charisme folichon, le spectacle promu par Desmond Davis ne manque pas d'attrait dans ses enjeux fantastiques. Notamment d'une certaine intensité émanant de quelques confrontations dantesques avec divers monstres (l'altercation de nos héros avec la gorgone en interne de son temple ou leurs combats perpétrés avec les scorpions géants). D'autres créatures (estampillées avec autant de considération par notre maître prodige) s'allouent d'une prestance démoniaque particulièrement impressionnante dans leur apparence démesurée ou hideuse. Tant auprès de Kraken, monstre des mers atteint d'un gigantisme disproportionné, que de Calibos, fils maudit de la déesse Thétis, devenu en l'occurrence un démon cornu empli de haine et de rancoeur. Basé sur le mythe stellaire des dieux antiques, le Choc des Titans oppose de prime abord leur colère, leur jalousie et leur orgueil sur la postérité de mortels voués à transcender honneur et bravoure. Avec l'entremise de créatures attachantes, tels le cheval ailé Pegase ou la chouette mécanique Buba, la mission périlleuse de Persée est une escapade jalonnée de confrontations insensées pour la sauvegarde d'une romance épurée.


Hormis le caractère désuet de certains trucages parfois perfectibles (le raz de marée mal ajusté aux séquences réelles de foule en panique, l'aspect risible du système d'ouverture de la grille du Kraken, ou encore le maquillage trivial conçu sur les paupières des trois sorcières aveugles) ainsi que la modestie de son caractère épique, le Choc des Titans est suffisamment attrayant dans sa générosité de fournir un spectacle ludique pour satisfaire les plus indécis. En prime, l'illusion artisanale des FX de Harryhausen, l'aspect gracile du score aérien composé par Laurence Rosenthal et sa conclusion incandescente découlant d'une poésie stellaire confinent l'aventure mythologique au rang de classique du genre. 

Dédicace à Isabelle Rocton
25.12.12. 5èx
Bruno Matéï


lundi 24 décembre 2012

FRANKENWEENIE

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site melty.fr

de Tim Burton. 2012. U.S.A. 1h30. Noir et Blanc.

Sortie salles France: 31 Octobre 2012. U.S: 5 Octobre 2012

Récompenses: Prix du Meilleur Film d'animation
Prix du Meilleur Film d'animation: New York Film Critics Circle Awards
Prix du Meilleur Film d'animation: Boston Society of Fil Critics Awards
Prix du Meilleur Film d'animation: Florida Film Critics Circle Awards
Prix du Meilleur Film d'animation: Kansas City Film Critics Circle Awards

FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie.
1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au payx des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie.


Sept ans après les Noces Funèbres, Tim Burton renoue avec l'animation conçue en stop motion pour adapter l'un de ses premiers courts, Frankenweenie. Hommage à Frankenstein et aux monstres hybrides, ode au droit à la différence, Frankenweenie est une comédie débridée à la poésie macabre prédominante. Tourné dans un noir et blanc immaculé afin de mieux suggérer l'atmosphère monocorde de James Whale, cette perle funeste allie avec insolence, fantaisie, tendresse et émotion. Après avoir perdu son chien mortellement blessé par une voiture, le jeune Victor Frankenstein se destine à réanimer son cadavre. Revenu à la vie, Sparky commence à attiser la curiosité des camarades de son maître après s'être échappé de sa maison. En prime, depuis que leur professeur de Biologie a lancé un concours de science, certains élèves envisagent à leur tour de ranimer leurs défunts animaux pour remporter le 1er prix. 


Cette déclinaison infantile du célèbre Frankenstein est d'abord une réussite esthétique probante dans sa facture monochrome contrastant avec la richesse de décors crépusculaires (cimetière gothique, moulin à vent, grenier régi en laboratoire d'expérimentation). L'atmosphère lugubre qui en émane et son thème métaphysique imparti à la résurrection véhiculent des images picturales emplies de poésie. A partir d'un argument fantastique notoire, Tim Burton nous confectionne une irrésistible comédie bourrée de références aux classiques du film de monstres (Gamera, Dracula, la Momie, la Fiancée de Frankenstein, voir même Gremlins !). D'autant plus que la narration délirante regorge dans sa seconde partie de péripéties particulièrement échevelées. En effet, la dernière demi-heure, intense et homérique, déploie un attirail de monstres belliqueux venus semer la panique en plein centre-ville. Que ce soit en interne d'une fête foraine où chaque créature investit les lieux avec une vigueur cinglante ou au sein d'un moulin enflammé auquel les villageois s'étaient réunis pour traquer le petit Sparky.


Le soin méticuleux octroyé à la confection des personnages se révèlent saisissant de réalisme dans leur physionomie caricaturale où chacun s'alloue d'une personnalité distincte. Leur caractère commun s'avérant bien défini si bien que l'on s'attache facilement aux mesquineries des gamins indisciplinés (façon Goonies !) épris d'expériences morbides à daigner réveiller les morts ! Mention spéciale au camarade de Victor, gamin insidieux incapable de garder sa langue dans sa poche avec sa dentition effrayante ! D'autres protagonistes snobs et interlopes (l'instituteur de biologie passionné par ses cours d'enseignement), marginaux (la gamine mortuaire et son étrange chat) ou bougons (le voisin bedonnant féru de botanique) nous communiquent autant de ferveur dans leur personnalité spontanée.
Sous l'entremise d'un jeune enfant épris d'amour pour son chien, Tim Burton accorde notamment beaucoup d'intérêt à illustrer avec une infinie tendresse l'émotion partagée entre l'homme et l'animal. Plusieurs séquences poétiques laisse place à de jolis moments intimistes (Victor, plongé dans l'amertume de l'existence. Sparky, réfugié sur sa tombe pour s'isoler d'une population intolérante), tandis que d'autres situations débridées distillent une cocasserie irrésistible (les altercations entre Victor et son voisin opiniâtre, la conjonction électrique entre Sparky et la chienne de la voisine, les cours de biologie où chaque élève semble transi d'émoi devant la persuasion drastique de leur professeur). Spoiler ! A contrario, on regrettera l'aspect conventionnel de son happy-end inutilement niais car glorifiant une résurrection salvatrice. Fin du Spoiler.


En traitant des thèmes du droit à la différence et de l'indéfectible fraternité impartie entre l'homme et l'animal, Frankenweenie constitue une fantaisie macabre à l'inventivité expansive. Le soin assidu imparti à l'extravagance des personnages, son esthétisme sépulcrale et la compassion entretenue au cours du cheminement mystique de Victor s'harmonisent afin d'agrémenter un hommage cartoonesque au mythe de Frankenstein.

24.12.12
Bruno Matéï


jeudi 20 décembre 2012

BARBE BLEUE (Bluebeard)

                                                                Photo offerte pas Ciné-Bis-Art

de Edward Dmytryk et Luciano Sacripanti. 1972. U.S.A. 2h05. Avec Richard Burton, Raquel Welch, Virna Lisi, Nathalie Delon, Marilù Tolo, Karin Schubert, Agostina Belli, Sybil Danning, Edward Meeks, Jean Lefebvre, Mathieu Carrière.

Sortie salles France: 3 Mai 1973. U.S: 1er Septembre 1972

FILMOGRAPHIEEdward Dmytryk est un réalisateur américain, né le 4 Septembre 1908 à Grand Forks, Colombie-Britannique (Canada), décédé le 1er Juillet 1999 à Encino (Californie).
1940: Golden Gloves. 1941: The Devil Commands. 1943: Les Enfants d'Hitler. 1943: Face au soleil levant. 1946: Jusqu'à la fin des temps. 1954: Ouragan sur le Caine. 1954: La Lance Brisée. 1955: La Main Gauche du Seigneur. 1956: La Neige en Deuil. 1958: Le Bal des Maudits. 1959: l'Homme aux Colts d'or. 1966: Alvarez Kelly. 1968: Shalako. 1972: Barbe Bleue. 1975: La Guerre des Otages. 1979: Not Only Strangers. Luciano Sacripanti est le réalisateur d'un unique film: Barbe Bleue.


Enième adaptation cinématographique du célèbre conte de Charles Perrault, Barbe Bleue est une production binaire, co-réalisée par le briscard Edward Dmytryk et le novice Luciano Sacripanti. Avec une distribution éclatante de stars notoires déployant un défilé de demoiselles voluptueuses (Raquel Welch, Virna Lisi, Nathalie Delon, Marilù Tolo, Karin Schubert, Agostina Belli et Sybil Danning !), cette semi-parodie du célèbre personnage créé en 1697 est une merveille d'ironie macabre. Véritable ballet érotique de donzelles extraverties, assujetties à un misogyne impuissant, Barbe Bleue s'érige en farce saugrenue d'où l'attrait esthétique flamboyant contraste avec les corps extatiques. Dans l'antre d'un immense château rempli de pièces monochromes alternant l'azur et le carmin, une jeune épouse en instance d'exécution écoute les vicissitudes meurtrières d'un mari subordonné aux conquêtes extravagantes. 


Spoil ! Ancien héros de guerre respecté mais xénophobe, il est accoutré d'une barbe bleue afin de masquer ses cicatrices. Avec un concours de circonstances liées à la déveine, cet individu hautain à la mine renfrognée multiplie les mariages avec d'élégantes potiches dérisoires. Mais dès qu'il s'agit de passer à l'acte sexuel, Barbe Bleue se défile de la couette par frustration névrosée, faute d'une affection amoureuse pour sa mère décédée. Son cadavre embaumé est d'ailleurs préservé sous les soins d'une gouvernante sexagénaire. C'est donc au moment fatal de la copulation qu'il décide de supprimer chaque dulcinée. Anne, sa dernière épouse, est sur le point de vivre ses dernières heures parce qu'elle aura eu la malchance de pénétrer à l'intérieur d'une pièce secrète occultant les cadavres de son époux. Apeurée mais éprise d'un flegme courageux, la jeune femme va tenter de le dissuader à l'assassiner. Fin du Spoil. Humour macabre, érotisme sensuel et suspense progressif se télescopent adroitement dans cette version cynique du mythe de Barbe Bleue, incarné en l'occurrence par le monstre sacré Richard Burton. Tour à tour inquiétant, sinistre et austère, l'acteur véhicule une prestance orgueilleuse dans ses ambitions conjugales vouées aux filles ingénues particulièrement gracieuses. 


Mais sa pathologie mentale compromise à l'inhibition sexuelle lui extériorise soudainement des pulsions meurtrières misogynes afin de masquer sa propre honte. Avec un humour lubrique mais aussi une cocasserie parfois hilarante (Agostina Belli, impassible devant la découverte du cadavre momifié de la mère !), les deux réalisateurs nous concoctent une comédie érotique en forme de sketchs, où les femmes les plus radieuses (et les plus niaises !) composent des numéros de potiches totalement farfelues. Que ce soit la nonne reconvertie, la garçonne masochiste, la bonimenteuse inculte, la chanteuse aguicheuse, l'amoureuse dépitée ou la juvénile flâneuse ! Seule, la dernière épouse, Anna, (superbement campée par Joey Heatherton) réussit à tirer son épingle du jeu dans sa spontanéité et sa docilité à amadouer un tueur en série opiniâtre ! Il faut impérativement saluer le jeu espiègle de chacune des comédiennes déployant avec fougue communicative des comportements désinvoltes sous une silhouette longiline emplie de sensualité. Jalonné de meurtres inventifs au sein d'un château rempli de pièces gothiques et d'instruments de torture (la fameuse chaise électrique !), Barbe Bleue se savoure en farce lubrique rehaussée d'un suspense en nette ascension ! (caractère haletant du point d'orgue vertigineux !).


Sorti depuis peu en dvd chez Bach Films (ou disponible également en version intégrale sur certains sites du net), Barbe Bleue est un bijou d'humour noir où l'érotisme charnel des actrices exacerbe toujours plus les névroses pathologiques d'un châtelain acariâtre. A (re)découvrir de toute urgence pour les amateurs de facétie mortuaire, d'autant plus que le score épuré de Morricone inspire une concupiscente tendresse.

Un grand merci à Ciné-Bis-Art !
Bruno Matéï
20.12.12


mercredi 19 décembre 2012

MASKS. Prix du Public au Festival de Paris 2011.

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site blogomatic3000.com

de Andreas Marschall. 2012. Allemagne. 1h52. Avec Susen Ermich, Magdalena Ritter, Julita Witt, Stefanie Grabner, Sonali Wiedenhöfer, Michael Siller.

Sortie salles Allemagne: 13 Avril 2012

Récompenses: Prix du Public au Festival International du film de Paris, 2011
Prix Ciné + Frisson au Festival International du film de Paris, 2011

FILMOGRAPHIE: Andreas Marschall est un réalisateur, scénariste, acteur et directeur de photo allemand.
2004: Tears of Kali
2012: Masks


Après l'expérimental Amer, originaire de Belgique, c'est au tour de l'Allemagne d'emprunter le même schéma hermétique avec Masks, giallo très influencé par l'univers de Suspiria auquel il émaille l'intrigue de multiples références (tonalité baroque d'une école pernicieuse, directrice patibulaire, esthétisme criard, demoiselles droguées et soumises, rituel de meurtres acérés, partition mélodique).

Une jeune comédienne novice arrive dans une école de théâtre pour tenter de décrocher un rôle majeur. Mais un mystérieux tueur sème la mort auprès de la gente féminine. Stella va apprendre que dans ce même établissement, des interprètes se sont autrefois suicidés sous l'allégeance d'un enseignant masochiste.


Photo saturée de nuances azurs et carmins, sauvagerie de meurtres stylisés, atmosphère aussi trouble que feutrée, personnages interlopes régis par une force diabolique, mise en scène épurée. Il n'y a pas de doute, nous sommes bien en présence d'un hommage horrifico-fantastique à l'illustre Suspiria, auquel le giallo s'y serait notamment introduit par la porte d'une serrure bloquée. Si l'intrigue absconse, volontairement décousue, peut rapidement irriter le spectateur, impliqué malgré lui dans un cauchemar diaphane, l'atmosphère anxiogène palpable et le pouvoir sensuel émanant de la présence timorée de Stella réussissent néanmoins à nous envoûter. Sorte de Black Swan immergé dans du vitriol où une comédienne se retrouve assujettie par une direction délétère, Masks nous dévoile sournoisement un jeu de duperie et de provocation ou l'émotion et le sang s'approprient d'un rôle substantiel !


En manipulateur indocile, Andreas Marschall use et abuse d'un canevas tortueux pour semer doute et  confusion auprès d'une héroïne droguée, compromise à déployer ses talents de comédienne pour mieux se parfaire à "la méthode". Une démarche morbide qui avait été enseigné par un gourou mystique au cours duquel chacun de ses élèves étaient contraints de décupler leurs émotions sous l'emprise d'une drogue hallucinogène. Une manière extravagante de pouvoir transcender leur jeu d'acteur emphatique ! Quarante ans plus tard, voilà qu'une mystérieuse porte cadenassée renferme un terrible secret auquel Stella va tenter d'affranchir pour découvrir l'ultime vérité ! Et quelle vérité ! Le point d'orgue macabre culminant sa déchéance morale vers une idéologie malsaine où le vampirisme adopte une politique séculaire. Pendant tout ce temps, quelques témoins gênants auront la déveine de périr égorgés ou transpercés d'une arme blanche, gros plans explicites à l'appui ! Mystère tangible, inquiétude oppressante, érotisme charnel, visions cauchemardesques se combinent au rythme d'un score entêtant. En dépit de sa structure tarabiscotée, Masks insuffle à rythme régulier une attention croissante avant de nous ébranler par l'implacable vérité !


Métaphore sur l'ambition artistique liée à l'improvisation, réflexion sur l'affres de l'échec, jeu de miroir où le mal tente de dévisager le masque de l'apparence en dévorant nos émotions, Mask multiplie les références argentesques tout en élaborant une intrigue originale finalement étonnante. Esthétiquement raffiné, violemment gore et pourvu d'un romantisme saphique (la relation homo entre stella et son amie), cet exercice de style suscite interpellation et séduction, même si sa narration désordonnée aurait mérité à être plus accessible. A revoir rapidement pour en saisir toute sa richesse thématique mais à réserver à un public  prémédité, au risque d'en égarer en chemin. 

19.12.12
Bruno Matéï



mardi 18 décembre 2012

SOUS LA VILLE (W ciemnosci / In Darkness)

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site pariscine.com

de Agnieszka Holland. 2011. Pologne/Allemagne/Canada. 2h24. Avec Robert Wieckiewicz, Benno Fürman, Agnieszka Grochowska, Herbert Knaup, Maria Schrader, Kinga Preis.

Sortie salles France: 19 Octobre 2012. U.S: 2 Septembre 2011. Pologne: 5 janvier 2012

Récompense: Meilleure Réalisatrice au Festival International de Valladolid

FILMOGRAPHIEAgnieszka Holland est une réalisatrice née le 28 Novembre 1948 à Varsovie.
1980: Acteurs provinciaux. 1985: Amère Récolte. 1988: Le Complot. 1990: Europa, Europa. 1992: Olivier, Olivier. 1993: Le Jardin Secret. 1995: Rimbaud Verlaine. 1997: Washington Square. 2001: Golden Dreams. 2002: Julie Walking Home. 2006: Copying Beethoven. 2011: Sous la Ville.


Avec son nouveau long-métrage, la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland relate l'histoire vraie d'un contrebandier qui tenta de sauver de l'épuration nazie 12 Juifs en les abritant dans les égouts de la ville polonaise de Lvov en 1944.
Film fleuve d'une durée de 2h24, Sous la Ville tente de nous décrire sans aucun misérabilisme et encore moins de complaisance la survie d'une poignée de juifs (hommes, femmes et enfants) plongés dans l'opacité des égouts urbains. Après avoir creusé un trou dans le sol de leur demeure, plusieurs familles décident de rejoindre les conduits souterrains afin d'éviter les exécutions en masse perpétrées par les soldats nazis. C'est à ce moment fatidique qu'un employé municipal va les surprendre. Pour protéger leur vie ainsi que la sienne, il décide de leur réclamer une taxe quotidienne en guise de nourriture et d'eau. Véritable enfer souterrain plongé dans la moiteur des eaux fétides et des rongeurs sauvages, ces rescapés vont devoir rester cloîtrés dans les ténèbres durant plusieurs mois en espérant échapper au génocide.


De manière implacable et avec réalisme abrupt, ce témoignage édifiant sur les horreurs du génocide juif et la bravoure qui s'ensuit d'un prolétaire cupide, peine malgré tout à retransmettre une authentique empathie pour chacun des témoins démunis. Son climat lourd et austère puis l'antipathie impartie au personnage vaillant (devenu héros malgré lui) suscite une certaine frustration chez le spectateur circonspect. D'autant plus que le rythme sporadique n'évite pas la redondance dans les agissements risqués d'un protecteur indécis mais épris de compassion pour la misère humaine. Ces incessants va et vient entre la clarté des extérieurs urbains et l'obscurité des égouts nauséeux nous suscite une certaine irritation, faute du manque d'intensité conférée aux enjeux dramatiques. Pourtant, hormis ces défauts précités et surtout la défaillance d'une narration assez désordonnée, on ne peut qu'éprouver une certaine émotion face la condition précaire de ces rescapés faméliques et insalubres, totalement isolés du monde extérieur. A travers ce douloureux calvaire intenté aux juifs durant le régime nazi, la réalisatrice souhaite notamment rendre hommage à l'héroïsme d'un quidam insidieux. Un employé individualiste mais davantage gagné par l'humilité pour tenter d'extraire de l'enfer des innocents envoyés en bûcher.


Hormis ses défaillances allouées au rythme irrégulier et à l'austérité des interprètes, Sous la ville reste néanmoins un drame poignant jalonné de moments forts dans son climat anxiogène régi par l'Allemagne du 3è Reich. D'autant plus que sa dernière partie, haletante et déterminante, provoque une émotion vigoureuse chez le spectateur lamenté. Ne serait ce que pour le caractère authentique de cette page historique impartie à la cause juive, Sous la ville mérite d'être découvert avec intérêt et considération.

18.12.12
Bruno Matéï

ATTENTION SPOILER !!!
"Les juifs de socha" passèrent 14 mois dans les égouts de Lvov. Le 12 Mai 1946, Leopold Socha fut tué en protégeant sa fille d'un camion de l'armée russe hors de contrôle. A ses funérailles, quelqu'un a dit: "Dieu l'a puni pour avoir aidé les juifs". Comme si nous avions besoin de Dieu pour se punir les uns les autres. Plus tard, Krystyna Chiger écrivit ses mémoires, "la fille au chandail vert" publiés en 2008. Krystyna et les autres survivants fuirent Lvov, alors en Union Sovétique, pour se réfugier en Israel, en Europe et aux Etats-Unis. Leopold et Wanda (Magdalena) Socha figurent parmi les 6000 polonais honorés par Israel en tant que Justes parmi les nations. Ce film est dédié à chacun d'entre eux.
FIN DU SPOILER


LE HOBBIT: un voyage inattendu (The Hobbit)


                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site hobbitmovienews.com

de Peter Jackson. 2012. 3h05. Avec Martin Freeman, Ian McKellen, Benedict Cumberbatch, Richard Armitage, Andy Serkins, Cate Blanchett, Christopher Lee, Hugo Weaving, Elijah Wood, Graham McTavish.

Sortie salles France: 12 Décembre 2012. U.S: 14 Décembre 2012

FILMOGRAPHIE: Sir Peter Robert Jackson est un réalisateur, producteur et scénarise néo-zélandais, né le 31 Octobre 1961 à Pukerua Bay, North Island (Nouvelle-Zélande).
1987: Bad Taste. 1989: Les Feebles. 1992: Braindead. 1994: Créatures Célestes. 1995: Forgotten Silver. 1996: Fantômes contre fantômes. 2001: Le Seigneur des Anneaux. 2002: Les Deux Tours. 2003: Le Retour du Roi. 2005: King-Kong. 2009: Lovely Bones. 2012: Le Hobbit: un voyage inattendu. 2013: Le Hobbit: la Désolation de Smaug. 2014: Le Hobbit: Histoire d'un aller et retour.


11 ans après sa légendaire trilogie des anneaux, Peter Jackson renoue avec l'héroïc fantasy de J. R. R. Tolkien pour nous narrer cette fois-ci une chasse au trésor préalablement survenue 60 ans avant la découverte de l'anneau ! Un soir, Bilbon Sacquet, paisible hobbit, est recruté par treize nains et le magicien Gandalf. Afin de récupérer l'or d'une forteresse gardé par un dragon, nos valeureux héros vont devoir traverser un périple semé d'embûches et d'antagonistes belliqueux pour accéder à la montagne solitaire.


De prime abord, si certains spectateurs auront à reprocher son côté puéril et conciliant, le roman originel rédigé à la fin des années 20 et au début des années 30 n'avait d'autre but que de divertir les enfants du célèbre romancier. Il s'agit donc d'un prélude à l'univers cher de l'écrivain, une première oeuvre explorant l'univers de la Terre du Milieu. Son succès fut d'ailleurs si fructueux qu'une suite, le Seigneur des anneaux, fut rapidement mise en chantier. Ode à l'altruisme inscrit dans les valeurs de la fraternité et à l'autonomie de pouvoir transcender sa routine usuelle, initiation au courage, au goût du risque pour accéder à l'ultime victoire, Le Hobbit est une odyssée fantastique vu à travers la personnalité d'un paisible pèlerin. Un individu vertueux entraîné malgré lui par la main d'un cortège de nains à l'esprit d'équipe et d'héroïsme empli de frénésie. A la manière de son remake King-kong, Peter Jackson s'alloue d'une générosité sans égale pour nous illustrer avec bravoure une quête au trésor rempli d'aventures échevelée et d'action homérique. Que ce soit les attaques récurrentes des orques belliqueux, la traversée inquiétante d'une forêt empoisonnée, la première rencontre avec le schizophrène Gollum (dépouillé de son anneau invisible !), l'altercation des hommes de pierre, l'apparition du nécromancien et surtout le repère de l'antre des Trolls. Si la première partie pittoresque laisse présager une aventure futile plutôt attendrissante dans son humour bon enfant, la suite des enjeux se révèle beaucoup plus intense et captivante pour nos héros compromis aux rixes d'antagonistes toujours plus pugnaces et sanguinaires. A ce titre, la dernière heure étourdissante de vigueur épique laisse place à de furieux moments de bravoure proprement anthologiques sous la caméra virtuose d'un Peter Jackson totalement maître de son art !


Chaque protagoniste qui empiète le récit s'avère attachant dans leur sens de camaraderie, leur crainte d'échouer mais aussi et surtout leur entrain à combattre sans abdiquer des rivaux sans vergogne. Leurs ennemis patibulaires remplis de haine et de fiel sont caractérisés par des êtres monstrueux toujours aussi charismatiques dans leur physionomie fétide. Mention spéciale à la créature Gollum, encore plus impressionnante dans son réalisme famélique, et au chef ventripotent des Trolls, immonde leader plein d'orgueil et de gouaille insolente. Mais le personnage le plus attrayant s'avère sans nulle doute Bilbon Sacquet, incarné par l'excellent Martin Freeman. A travers son personnage indécis épris de contrariété pour s'engager dans une guerre sempiternelle et fuir la sérénité du cocon douillet, l'acteur laisse exprimer une capacité exutoire à réprimer les affres de l'angoisse pour mieux présager une singulière destinée. Visuellement splendide dans ses immenses décors de paysages édéniques ou de contrées maléfiques et déployant avec une évidente générosité des séquences d'action gargantuesques (la bataille cinglante dans l'antre des Trolls), Peter Jackson réussit une fois de plus à enchanter sans fioriture le spectateur ayant su préserver son âme d'enfant. 


En dépit d'un petit air de déjà vu, Bilbo Le Hobbit est suffisamment flamboyant, homérique et magique dans son sens du divertissement prodige pour contenter les plus réfractaires à cette nouvelle trilogie. S'il n'atteint pas le lyrisme, la grâce et la sombre densité du Seigneur des Anneaux, il véhicule néanmoins un pouvoir de fascination prégnant au cours des vicissitudes incessantes allouées à nos petits héros indéfectibles ! Grandiose, émotif et purement divertissant !

Le Hobbit 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/01/le-hobbit-la-desolation-de-smaug-hobbit.html
Le Hobbit 3: http://brunomatei.blogspot.fr/…/le-hobbit-la-bataille-des-5…

18.12.12
Bruno Matéï

lundi 17 décembre 2012

L'ILE MYSTERIEUSE (Mysterious Island)

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmfestamiens.org

de Cy Endfield. 1961. Angleterre/U.S.A. 1h41. Avec Michael Craig, Joan Greenwood, Michael Callan, Gary Merrill, Herbert Lom, Beth Rogan.

Sortie salles France: 1962. U.S: 20 Décembre 1961

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Cy Raker Endfield (10 Novembre 1914 - 16 Avril 1995) est un réalisateur, scénariste, écrivain, magicien et inventeur américain, établi en Grance Bretagne depuis 1953. 1955: The Secret. 1956: Les Aventures du Colonel March. 1956: Child in the house. 1957: Train d'Enfer. 1958: Sea Fury. 1959: Jet Storm. 1961: l'Île Mystérieuse. 1963: Hide and Seek. 1964: Zoulou. 1965: Les Sables du Kalahari. 1969: Le Divin marquis de Sade. 1971: Universal Soldier.


L'île mystérieuse est la troisième adaptation cinématographique du roman homonyme de Jules Vernes façonnée par Cy Endfiel, réalisateur aussi discret que peu connu du public (en dehors du génial Zoulou). Des prisonniers de la guerre de sécession parviennent à s'évader par l'entremise d'un ballon dirigeable. Emportés par les vents violents, il échouent sur une mystérieuse île peuplée de monstres gigantesques. Mais l'arrivée fortuite de pirates ainsi qu'une éruption volcanique vont davantage compromettre la survie de nos pèlerins. Récit d'aventures fantastiques fertile en péripéties auquel une poignée de survivants vont se mesurer à l'hostilité d'une bande de pillards et de créatures animales, avant de s'allier avec un capitaine pacifiste, L'île mystérieuse nous insuffle un délicieux parfum rétro. Parmi l'accord musical d'un mélomane notoire (Bernard Herrmann s'il vous plait !), la flamboyance de son technicolor et un génie des FX élaborés en stop motion (Ray Harryhausen), Cy Endfield nous renvoie à une époque révolue où le fantastique et l'aventure se télescopaient pour l'allégeance d'une oeuvre artisanale.


Un spectacle familial un brin naïf dans les agissements indécis de héros primitifs mais à la spontanéité vigoureuse pour leurs vicissitudes en roue libre. Au sein d'un environnement insulaire à l'inquiétude sous-jacente, nos rescapés vont donc se confronter à l'arrivée aléatoire d'autres naufragés et tenter de refonder communément un semblant de vie plus confortable. Durant leur périple, ils vont découvrir une végétation sauvage particulièrement insolite mais aussi des lieux inquiétants repérés au sein d'une grotte, dans l'antre d'une ruche géante, sous les flots d'une ville engloutie ou encore à proximité d'une montagne volcanique. L'intrusion d'une bande de pirates et les diverses offensives imposées avec un crabe, une poule et une abeille atteints de gigantisme seront leurs enjeux les plus alarmistes. Une fois de plus, Ray Harryhausen accomplit des prodiges pour tenter de nous faire croire que nos animaux familiers sont en l'occurrence atteints d'une taille disproportionnée ! Exit donc le bestiaire mythologique tributaire des aventures de Sinbad, Jason ou Persée, le réalisateur optant ici pour un fantastique rationnel plus en phase avec notre réalité contemporaine.


Avec un sens du merveilleux hérité de l'imagination de Jules Vernes et le caractère haletant des péripéties que nos Robinson de fortune enchaînent vaillamment, l'île mystérieuse affiche un charme rétro d'une acuité toujours aussi exaltante. Son technicolor rutilant de l'époque, la présence magnétique de l'inquiétant Herbert Lom, le score orchestral aux cuivres imposants de Bernard Herrmann et la magie des FX animés par Ray Harryhausen le confinant au classique inoxydable. 

* Bruno
17.12.12. 3èx


jeudi 13 décembre 2012

Les Week-end maléfiques du Comte Zaroff / 7 Femmes pour un Sadique. Médaille d'Argent à Sitges, 1977

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinedweller.com

de Michel Lemoine (Michel Leblanc). 1976. France. 1h25. Avec Michel Lemoine, Howard Vernon, Joëlle Coeur, Martine Azencot, Sophie Grynholc, Robert Icart, Stéphane Lorry, Patricia Mionet.

                       Classé X, interdit au moins de 18 ans et banni des écrans français

Récompense: Médaille d'Argent au Festival du film Fantastique de Sitges, 1977.

FILMOGRAPHIE: Michel Lemoine (Michel Charles Lemoine) est un acteur et réalisateur français, né le 30 Septembre 1922 à Pantin (Seine-Saint-Denis). 1970: Comme il est court le temps d'aimer (co-réalisateur, non crédité). 1972: Les Désaxés. 1973: Les Chiennes / Le Manoir aux Louves. 1973: Les Confidences Erotiques d'un lit trop accueillant. 1974: Les Petites Saintes y touchent. 1976: Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff. 1978: Excitation au soleil / Viens, je suis chaude. 1978: Cuissardes. 1978: Tire pas sur mon collant. 1978: Langues Profondes. 1979: Viens, je suis chaude. 1980: Contes Pervers / les Filles de madame Claude (co-réalisateur). 1981: l'Amour aux sports divers / Alice... tu glisses. 1982: Desire under the sun. 1983: Ardeurs d'été. 1984: Neige brûlante. 1984: Rosalie se découvre / l'Initiation de Rosalie / Rosalie, ou la débauche d'une adolescente. 1984: La Maison des mille et un plaisirs. 1984: Mobilhome girls. 1985: Je t'offre mon corps. 1985: Marilyn, mon amour. 1986: Echange de femmes pour le week-end / Hot Desire. 1986: l'Eté les petites culottes s'envolent / Prenez moi ! / Flying Skirts. 1986: Le Retour de Marilyn. 1987: l'île des jouissances sauvages / Honeymoon in Paradise / l'île des jouissances perverses / Voluptés aux Canaries. 1987: La Déchaînée / Slips fendus et porte-jaretelles / Forbidden Pleasures. 2010: La Vierge au pays des trolls / String tendus et plaisirs Perdus / Lost Pleasures.


Unique incursion dans le fantastique d'un réalisateur lucratif tributaire de l'érotisme et du porno, Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff n'eut même pas les honneurs d'une exploitation en salles puisqu'il fut purement et simplement interdit de diffusion pour cause d'incitation au meurtre !!! Classifié X, le film sera tout de même distribué en vidéo après sa sortie célébrée à Sitges où il repart avec une médaille d'argent au festival ibérique du film fantastique. Exploité à l'étranger sous le titre Seven Women for Satan et parfois diffusé dans l'hexagone sur les chaines câblées, les amateurs de raretés atypiques ne se sont jamais vraiment remis de cette expérience onirique vaguement influencée par les braconnages du célèbre comte Zaroff.


Le pitch: Boris Zaroff, un châtelain nanti, occupe ses week-ends à kidnapper de jeunes filles égarées sous l'assistance de son majordome, Karl. Hanté par la mort de son ancienne maîtresse, Anne De Boisreyvault, le comte esseulé est quotidiennement victime d'hallucinations et de pulsions meurtrières. De surcroît, le père de Karl semble avoir une emprise diabolique sur le château. Ovni franchouillard honteusement boycotté par le comité de censure de l'époque (on se demande encore pour quelle raison équitable car aucune outrance graphique à l'horizon !), Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff s'avère une denrée incongrue de par son aura fantasmatique prégnante. Ainsi, à travers les délires érotico-morbides d'un châtelain partagé entre ses pulsions délétères et sa hantise d'un amour perdu, l'oeuvre de Michel Lemoine nous entraîne dans une sorte de trip expérimental dénué de raisonnement. 


Un poème charnel où les corps ardents des filles dévêtues se délectent d'apathie quand ils ne sont pas violés, molestés ou torturés par les exactions du comte névrosé. Traversé d'images baroques où l'architecture gothique du manoir insuffle un esthétisme pictural dans son jeu d'ombres et de lumières incandescentes, Michel Lemoine accorde un soin évident à émailler son atmosphère diaphane, accentuée par la paisible beauté de sa campagne isolée et d'une inquiétante nécropole. Si ce poème cynique parfois hilarant (le couple impassible assujetti à la torture de l'amour vaut son pesant de cacahuètes) provoque autant d'enthousiasme chez l'amateur de délire hermétique, il est en prime scandé d'une superbe mélodie entêtante composée par Guy Bonnet. Quand bien même l'aspect amateuriste des comédiennes juvéniles pourvues d'un joli minois insuffle à leur personnage une bonhomie toute naïve. Mais la palme de la prestance impayable en revient à nos deux protagonistes hautains, propriétaires du château maléfique et d'un dog pur-sang. Dans le rôle du majordome interlope, Howard Vernon traîne sa dégaine de manière hagarde et monolithique, quand bien même Michel Lemoine vampirise l'écran par son regard ahuri transi d'émoi dans celui du comte névralgique ! Si Karl correspond un étrange rapport morbide avec son ancêtre et laisse finalement périr un couple en étreinte dans la chambre des tortures, Boris, lui, est plongé dans ses délires lubriques parmi de charmantes inconnues et son fétichisme nécrophile auprès d'Anne !


Fantôme d'Amour
Avec sa narration sporadique dénuée de vraisemblance (ou si peu), ses comédiens excentriques, son érotisme polisson, sa musique psychédélique et ses images étonnamment graciles, Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff constitue un oeuvre saugrenue où la frénésie irréelle s'empare tranquillement de l'esprit du spectateur. Il en ressort de ce rêve onirique l'impression tangible d'avoir assisté à une sorte d'illusion surnaturelle si bien que notre conscience s'est laissé emporté par ce florilège d'images somme toute graciles. A voir absolument pour les amateurs de curiosité atypique inscrite dans la débrouille du système Z. 

*Bruno
17.09.22. 3èx
13.12.12.