mercredi 5 décembre 2012

La Nuit du Chasseur / The Night of the Hunter


                                          
                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Charles Laughton. 1954. U.S.A. 1h33. Avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, James Gleason.

Sortie salles France: 11 Mai 1956. U.S: 29 Septembre 1955

FILMOGRAPHIE: Charles Laughton est un réalisateur et acteur britannique, né le 1er Juillet 1899 à Scarborough (Yorkshire, Royaume-Uni), naturalisé américain en 1950. Il décède le 15 Décembre 1962 à Hollywood (Californie) des suites d'un cancer. 1954: La Nuit du Chasseur


Unique réalisation de l'acteur Charles Laughton, La Nuit du Chasseur fut dès sa sortie officielle une oeuvre maudite puisque dépréciée par la critique et boudée par un public non préparé à une telle excentricité. Reconnu au fil des ans comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, ce conte hypnotique sur l'innocence bafouée resplendit de mille feux à travers son noir et blanc scintillant, transcendé aujourd'hui du support blu-ray mais aussi et surtout de sa nouvelle restauration 4K à damner un saint ! 

Le PitchAprès avoir planqué un butin que leur père leur légua juste avant d'être condamné pour assassinat, deux enfants sont persécutés par son ancien compagnon de cellule. Un pasteur machiavélique obnubilé à l'idée de mettre la main sur le fameux magot. 

Poème livide sur l'enfance maltraitée durant la période de la grande dépression, suspense haletant d'une traque incessante entre un pasteur démoniaque et deux bambins candides, romance passionnelle sur la préservation de l'innocence infantile par l'entremise de la pédagogie et des valeurs du Bien, la Nuit du Chasseur est une oeuvre ineffable. Un diamant noir, à mi-chemin entre l'onirisme du conte de fée et l'icône horrifique de l'ogre surgi de la forêt. Car dans une photo expressionniste en clair-obscur, Charles Laughton nous compose avec une folie créatrice un florilège d'images saisissantes et baroques aux inspirations hybrides (western, film noir, fantastique, horreur se télescopent parmi l'esthétisme du cinéma muet).


Tant auprès de la fuite crépusculaire sur le lit de rivière que les deux gamins emprunte sur la barque, du meurtre mystique de Willa Harper dans sa chambre tamisée d'éclairages ciselés, que de la découverte macabre qui s'ensuit lorsque son cadavre se laisse voguer au fond de l'eau parmi les algues marins. Par ailleurs, à travers son ambiance opaque insaisissable, La Nuit du Chasseur nous propose notamment d'y parfaire l'un des plus glaçants portraits de serial-killer auprès de sa perversité insatiable. Si bien que sous l'allégeance du diabolique Harry Powell, Robert Mitchum livre sans nul doute l'interprétation de sa carrière tant il retranscrit avec une froideur absolument terrifiante (3 séquences cruelles convoquent peur et malaise) le profil véreux d'un révérend bafouant la cause de Dieu. Pleinement conscient des valeurs manichéennes du Bien et du Mal, Harry Powell régit sa vie sans vergogne dans le cynisme le plus insidieux (pour ne pas dire notamment le plus crapuleux). Car pour duper une veuve puritaine, quoi de plus cruel et couard que de molester l'innocence au profit d'un juteux butin que deux gamins préservent secrètement. Ainsi, à travers cette sombre traque où deux orphelins fuient leur bourreau à travers champs d'une nature étrangement sereine (en accord avec l'harmonie animalière), Charles Laughton nous dépeint l'influence sournoise que le Mal puisse exercer chez l'être humain avide d'amour et de reconnaissance (Willa Harper et l'adolescente timorée sont impuissamment assujetties à l'emprise charnelle de Powell). Il y dénonce notamment le fanatisme religieux chez les personnes superstitieuses et démunies car se rabattant auprès d'une divinité puritaine afin d'apaiser leur déveine et éventuelle culpabilité. Enfin, il met en valeurs les principes moraux de la bienséance à travers l'enseignement parental lorsque les enfants fragilisés sont destitués de leur propre famille.


Conte obscur nappé de cynisme horrifique et d'onirisme enchanteur, récit initiatique confronté à la perte de l'innocence, la Nuit du Chasseur ne cesse de surprendre, de choquer parfois, d'apeurer aussi, d'éblouir et d'émouvoir enfin (quel final rédempteur pétri de tendresse !) un spectateur impliqué dans une structure narrative déconcertante. La puissance formelle de ces images aussi limpides qu'insolites, l'originalité de sa mise en scène pragmatique, le jeu gouailleur de Robert Mitchum glaçant d'austérité et de sarcasme (le diable en personne j'vous dit !) ainsi que la prestance très attachante du jeune Billy Chapin, transperçant l'écran par sa détermination fragile, confinent au chef-d'oeuvre émotif à la modernité trouble.  

*Bruno 
05.12.12. 3èX
12.04.24. 4èx. Vo. 4K

L'avis de Mathias Chaput:
Ce qui frappe avant tout dans "la Nuit du Chasseur" c'est le charisme MONUMENTAL de Mitchum dans son rôle !
S'immisçant de façon hypnotique dans le paysage, dans l'environnement et même dans le subconscient de ceux et celles qu'il côtoie, il signe là son rôle le plus emblématique, loin des stéréotypes des acteurs américains des années 50, cantonnés soit dans des rôles de durs soit dans des rôles de justiciers !
Non ici c'est AUTRE CHOSE...
C'est difficile à décrire en fait ce que l'on ressent, en fait je crois que ça se VIT...
Il faut le voir pour le comprendre, c'est très dur à faire discerner ou à raconter...
Métaphysique, métaphorique (la fuite la nuit sur la barque avec la toile de l'araignée, symbole du pasteur prédateur qui tisse son piège, les grenouilles, les lapins, le hibou, presqu'un métrage naturaliste, en tout cas hors normes avec le cinéma d'alors...) et surtout proche du fantastique, grâce à des cadrages élaborés rares pour l'époque ! (le reflet des personnages marchant le long de la rivière, la femme protectrice maternelle qui garde les orphelins et qui n'hésite pas à sortir son fusil de chasse et à en faire usage !)...
Le côté lancinant et charmeur à la limite de la dépravation de Mitchum dont même une adolescente à peine sortie de la puberté dit être amoureuse !
POLITICALLY INCORRECT !
Tous ces aspects pour le moins discutables contribuent sans nul doute à faire émerger une approche malsaine du personnage qui peut être identifié comme le "DIABLE", souillant et troublant la candeur des bambins innocents et aux visages terrorisés rien qu'à la vision de Powell, ogre des temps modernes, avide d'argent et étant prêt à tout pour obtenir le butin caché, quitte à occire ceux qui se trouveront sur son passage, y compris les mômes qu'il ne prendra aucune difficulté à supprimer dans l'alternative où son but est atteint !
Osé, novateur, sidérant et pathologique dans son style, "la Nuit du Chasseur" est un masterpiece qu'il faut impérativement avoir visionné si l'on se dit cinéphile...
Note : 10/10

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