de Paul Morrissey (avec la collaboration d'Antonio Margheriti). 1974. U.S.A/France/Italie.1h43. Avec Joe Dallesandro, Udo Kier, Arno Juerging, Maxime McKendry, Milena Vukotic, Dominique Darel, Stefania Casini.
Sortie salles France: 22 Janvier 1975
FILMOGRAPHIE: Paul Morrissey est un réalisateur, scénariste, directeur de photographie, producteur, monteur et acteur américain, né le 23 Février 1938 à New-York (Etats-Unis).1966: Chelsea Girls. 1967: I, a Man. 1968: San Diego Surf. 1968: The Loves of Ondine. 1968: Flesh. 1969: Lonesome Cowboys. 1970: Trash. 1971: I miss Sonia Henie. 1971: Women in Revolt. 1972: Heat. 1973: l'Amour. 1973: Chair pour Frankenstein. 1974: Du sang pour Dracula. 1978: Le Chien des Baskerville. 1981: Madame Wang's. 1982: Forty Deuce. 1985: The Armchair Hacker. 1985: Cocaïne. 1985: Le Neveu de Beethoven. 1988: Spike of Bensonhurst.
Un an après son chef-d'oeuvre aussi mal élevé que décadent Chair pour Frankenstein, Paul Morrissey s'empare cette fois du mythe de Dracula pour nous livrer à nouveau une semi-parodie beaucoup plus prononcée vers la sensualité érotique que l'horreur sanguine. Sorti en VHS à l'orée des années 80 sous la bannière René Chateau dans le cadre des "films que vous ne verrez jamais à la télévision" (mention: strictement interdit au moins de 18 ans svp !), Du Sang pour Dracula tente de renouer avec la subversion débridée de son binôme cité plus haut. Avec toujours la même équipe technique (Carlo Rambaldi, Antonio Margheriti, Enrico Job, Claudio Gizzi, Luigi Kuveiller, Andy Warhol, Jean Pierre Rassam et Jean Yanne !) et son illustre trio d'acteurs (Udo Kier, Joe Dallesandro, Arno Juerging), cette relecture quelque peu pittoresque du baron vampire se distingue par son portrait moribond où la maladie l'emporte toujours un peu plus au dépit de sang vierge. En guise de clin d'oeil, on reconnaîtra lors d'un passage spécialement loufoque le réalisateur Roman Polanski dans celui d'un client de bar.
Le pitch: Profondément malade et famélique, Dracula part en Italie avec l'entremise de son valet pour rechercher la femme vierge qui pourrait le rajeunir de sang pur. Sur place, ils font la rencontre d'une famille d'aristocrates en situation précaire auquel les jeunes filles effrontées sont sous l'emprise d'un jardinier machiste. Avec son rythme languissant et sa narration un tantinet redondante, Du Sang pour Dracula peut de prime abord déconcerter le public non averti pour cette déclinaison saugrenue de l'archétype du vampire. Car illustrant le profil agonisant d'un baron en quête de virginité, Paul Morrissey déroge aux règles traditionnelles en nous caractérisant son égérie immortelle comme un être faible, faillible, aigri, qui plus est particulièrement pathétique et désabusé. Se déplaçant le plus souvent sur une chaise roulante par son valet, son handicap semble davantage une contrainte et son désespoir de trouver une femme vierge au sein d'une société moderne en émancipation sexuelle le réduit à un vieillard anachronique (il se teint la tignasse en noir afin de masquer ses cheveux blancs !). Ainsi, en individu défraîchi gagné par l'ennui de l'existence et la frustration de sa solitude, Udo Kier réussit une nouvelle fois à démystifier l'icône vampirique ici sévèrement raillé par des nymphettes en épanouissement sexuel. Son visage glacial de mort-vivant gagné par la maladie ainsi que son regard terne imprégné de mélancolie nous inspirant avec une certaine pitié l'image d'un mourant intoxiqué.
Ainsi, de façon pittoresque, sensuelle et décalée, Paul Morissey nous dresse en l'occurrence un tableau dérisoire de la mythologie du vampire où les séquences érotiques occupent une place importante afin souligner notamment le caractère frondeur d'une lutte de classes. Si bien que le communisme est ici personnifié par l'autorité machiste du jardinier voué à abuser de la noblesse de femmes hautaines en pleine libération de moeurs. Le réalisateur n'hésitant pas à porter en dérision le portrait de ces jeunes nymphos d'apparence respectable mais totalement assouvies par le masochisme sexuel d'un mâle insatiable. Ainsi, autour de cette partie de jambes en l'air quotidienne, le vampire déclinant assiste impuissant à cette déchéance où la virginité n'a plus lieu de déontologie. Et ce même s'il tentera en désespoir de cause de copuler avec certaines d'entres elles avant de vomir (à en mourir !) leur sang impur ! Comme pour mettre un terme au folklore du vampire séculaire n'ayant plus sa place dans la société contemporaine, le final gore en diable clôt cette éloge à la libération sexuelle (tout en traitant en filigrane des thèmes déviants de l'inceste et de la pédophilie !) lors d'un bain de sang exutoire. L'ironie retorse voudra notamment que le jardinier, aussi détestable, imbécile et paraphile soit-il (il s'adonne finalement à la pédophilie pour un enjeu vital si j'ose dire), se porte finalement en héros de dernier ressort afin de protéger de la contamination les jeunes filles dépucelées par ses soins. Un parti-pris oh combien burné, politiquement incorrect de la part du réal Paul Morrissey osant héroïser avec une dérision provocatrice toujours plus prononcée le profil licencieux de cet érotomane à la fois condescendant, violeur, abusif, littéralement ingrat, égoïste, pour ne pas dire détestable.
Soutenu de l'inoubliable partition élégiaque de Claudio Gizzi et porté à bout de bras par l'ange diabolique Udo Kier, Du Sang pour Dracula reste une oeuvre atypique à l'esthétisme gothique imprégné d'érotisme suave (les actrices sont toutes magnifiques de sensualité limpide à travers leur robe de soie et chemise de nuit au sein d'une nature solaire superbement éclairée). Son climat semi parodique baignant inopinément dans la provocation d'une sexualité libertine, notamment pour y transcender avec sarcasme (respectueux) le portrait mélancolique de ce vampire souffreteux que nous ne sommes pas prêts d'oublier. Grand classique détourné d'une audace incongrue, Du sang pour Dracula fascine, provoque, amuse, déconcerte, choque et surprend tout en séduisant à l'unisson.
*Bruno
14.07.22. 5èx. vf
06.12.12.
merci pour le film
RépondreSupprimer