mercredi 2 mars 2016

LA TRAQUE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site lci.tf1.fr

de Serge Leroy. 1975. France. 1h35. Avec Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Jean-Luc Bideau,
Michael Lonsdale, Michel Constantin, Philippe Léotard, Paul Crauchet, Michel Robin.

Sortie salles Allemagne: 7 Novembre 1975

FILMOGRAPHIE: Serge Leroy est un réalisateur français, né le 14 Mai 1937 à Paris, décédé le 27 Mai 1993.
1973: Le Mataf. 1975: La Traque. 1977: Les Passagers. 1978: Attention, les enfants regardent. 1981: Pause-café. 1982: Légitime Violence. 1983: L'Indic. 1985: Double Face (téléfilm). 1985: Le Quatrième Pouvoir. 1988: Contrainte par corps. 1989: Pause-café, pause tendresse. 1989: Une saison de feuilles (télé-film). 1991: Les Cahiers Bleus (télé-film). 1992: Maigret chez les Flamands (télé-film). 1992: Maigret et le corps sans tête (télé-film). 1993: Taxi de Nui. 


Survival brut de décoffrage pour un genre peu prisé dans le paysage du cinéma français, la Traque porte la signature du franc-tireur Serge Leroy. Un cinéaste audacieux ayant surtout oeuvré dans les années 70 et 80, comme le souligne l'excellent Attention les Enfants regardent (farce caustique sur l'influence que peut exercer la violence télévisuelle chez nos têtes blondes). Peu diffusé à la TV et inédit en Dvd dans l'hexagone, La Traque constitue un modèle de mise en scène plus de 40 ans après sa sortie confidentielle. Dans le sens où la réalisation consciencieuse privilégie l'aspect inhabituellement documenté d'un thriller âpre profondément malsain où la dynamique de groupe s'accorde une complicité commune d'une rare vilenie. La violence des actes émanant autant d'une brutalité physique (le viol, les blessures corporelles à l'arme à feu) que d'une psychologie perfide (les bourreaux multipliant points de vue et comportements contradictoires avant une connivence déloyale). A travers le périple cauchemardesque d'une jeune anglaise pourchassée par des chasseurs en pleine forêt après avoir été violée, Serge Leroy cultive un réalisme poisseux afin de déranger le spectateur témoin malgré lui d'une battue d'un nouveau genre, la chasse au gibier humain. 


Dans la lignée du Comte Zaroff pour sa réflexion sur la bassesse et l'instinct pervers du chasseur avide de pourchasser sa proie (humaine) jusqu'à ce que mort s'ensuive, la Traque dresse le portrait pathétique d'une communauté de bourgeois machistes compromis par leur confort, leurs pulsions lubriques et punitives ainsi que leur lâcheté. Bien que le film affiche une distribution de premier choix (on y croise Jean-Pierre Marielle, Jean-Luc Bideau, Michael Lonsdale, Michel Constantin, Philippe Léotard, Paul Crauchet et Michel Robin), on en arrive à oublier ses têtes familières tant chacun des comédiens exprime un naturel sobre dans leur fonction couarde, pleutre, mesquine et sournoise. Quant à la jeune actrice américaine Mimsy Farmer, cette dernière insuffle une acuité fragile dans sa carrure filiforme de proie incessamment molestée par des justiciers sans vergogne. Spoil ! Ces derniers s'efforçant de la traquer sans relâche pour lui autoriser une transaction depuis sa complicité de s'être vengée auprès d'un des tortionnaires. Habités prochainement par une justice expéditive, leurs comportements impulsifs finissent à leur tour par les inciter à la vendetta Fin du spoil. Par son regard tendre et candide habité par le désespoir et l'angoisse de trépasser, Mimsy Farmer provoque un malaise toujours plus tangible face à sa condition torturée. Ce qui nous converge vers une glaçante conclusion d'une violence psychologique difficilement soutenable ! 


Apre, tendu, malsain, dérangeant, poisseux, désespéré, La Traque est l'une des rares incursions françaises à s'être essayé au survival rural avec brio et réalisme sans fard. Car plus de 40 ans après sa sortie, cette descente en enfer champêtre continue d'exercer un pouvoir vénéneux dans sa déchéance immorale. Tant par la situation insurgée de la victime violée que de la peinture sordide allouée à une bourgeoisie invulnérable (à l'instar de leur culpabilité victorieuse). 

La chronique d'Attention, les Enfants regardent: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/09/attention-les-enfants-regardent.html

mardi 1 mars 2016

L'ANTECHRIST (Baiser de Satan)


"L'Anticristo/The Tempter" d'Alberto De Martino. 1974. Italie. 1h51 (version intégrale). Avec Carla Gravina, Mel Ferrer, Arthur Kennedy, George Coulouris, Alida Valli.

Sortie salles Italie: 22 Novembre 1974. France: Sans doute en 1975 en Province (418 075 entrées).

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Alberto De Martino (né le 12 juin 1929 à Rome) est un réalisateur italien. Il utilise parfois le pseudonyme de Martin Herbert.
1963 : Persée l'invincible. 1963 : La Maison de la terreur.1964 : Le Triomphe d'Hercule .1964 : Les Sept invincibles. 1966 : Django tire le premier. 1967 : Opération frère Cadet. 1968 : Rome comme Chicago. 1969 : Perversion. 1972 : Le Nouveau boss de la mafia. 1974 : L'Antéchrist. 1977 : Holocauste 2000.


Hit video des années 80 sous la bannière notoire de VIP, l'Antéchrist constitue la réponse transalpine à l'Exorciste de Friedkin réalisé un an au préalable. Façonné par Alberto De Martino, habile artisan du cinéma d'exploitation comme le prouvera notamment son excellente déclinaison de la Malédiction, Holocaust 2000, l'Antéchrist renaît aujourd'hui de sa torpeur grâce à sa sortie Dvd supervisée par le Chat qui fume. Considéré comme le meilleur ersatz des films de possession, ce petit classique du B movie préserve son charme fascinatoire grâce à sa facture latine qu'Alberto De martino s'efforce de transfigurer par le biais d'une scénographie baroque oscillant monuments historiques (la région de Rome) et sculptures ornementales (la résidence bourgeoise de la famille d'Ippolita). Sublimant la ville à l'instar d'une visite touristique où plane une ombre malfaisante et les superstitions de pénitents, l'Antéchrist est également illuminé par la prestance écorchée de Carla Gravina. Littéralement habitée par ses pulsions perverses, l'actrice se réapproprie honorablement des clichés du genre (sa métamorphose physique impartie aux jets de bave verdâtre et yeux révulsés) grâce à sa caractérisation humaniste en chute libre. Alberto De Martino prenant soin dans sa première partie de nous décrire son cheminement spirituel vers Satan après une séance d'hypnose. Durant cette expérience, son passé parvient à lui remémorer le rituel d'un sabbat perpétré sous l'autorité d'une secte satanique ainsi que sa condamnation au bûcher décrétée par des apôtres religieux. Ippolita étant soumise dans sa vie antérieure à s'initier à la sorcellerie avant de se reconvertir en dernier ressort à Dieu.


Outre le soin stylisé de ces séquence fantasmagoriques chargées d'éclairages bleutés, Martino réussit à transcender une répulsion tangible par le pouvoir de suggestion. Je songe évidemment à la première séquence, celle anthologique du léchage d'anus d'une chèvre qu'Ippolita mime langoureusement en pleine séance d'hypnose. Un moment lubrique d'une audace inouïe car illustrant sous l'égide du Mal une préliminaire assumée de zoophilie ! Mais au-delà de l'aspect horrifico-sexuel de ses séquences-chocs que la seconde partie va largement exploiter par le principe d'exorcismes à répétition (répliques ordurières à l'appui !), l'Antéchrist cultive la fascination grâce à sa densité narrative décrivant consciencieusement le profil galvaudé d'une célibataire aigrie. Perturbée par la tragédie de son accident qui lui valu son impotence paraplégique et par la mort de sa mère, hantée par le remord d'une liaison incestueuse potentiellement échangée avec son frère, Ippolita jalouse également l'infidélité de son père épris d'une nouvelle maîtresse. Seule et désemparée dans sa solitude, elle tente dans un premier temps de se repentir auprès d'une madone avant que Satan n'y habite son corps. Ce qui nous vaut un prologue d'un réalisme documenté assez saisissant lorsque des pénitents conjurent l'absolution dans une posture erratique. Ces éléments de frustration concupiscente soulignant la lente dégénérescence d'Ippolita vont parvenir à crédibiliser son futur cas de possession, notamment grâce à la sobriété des personnages secondaires que des acteurs reconnus (ou familiers du ciné Bis) vont solidement endosser. On peut également souligner l'intensité dramatique de son final rédempteur lorsque Ippolita tente de renouer (comme dans sa vie antécédente) avec le pardon divin sous une ondée nocturne. Les scores musicaux orchestrés à l'orgue par Ennio Morricone et Bruno Nicolai renforçant le caractère élégiaque de la situation.


Exploitant avec souci de véracité et d'esthétisme baroque un nouveau cas de possession préalablement inégalée par Friedkin, Alberto De Martino parvient honorablement à s'extraire du second degré (si on fait fi de quelques FX cheap aujourd'hui obsolètes) grâce à la maîtrise de sa réalisation et le tempérament furibond de la troublante Carla Gravina. Un classique du Bis estampillé latin par ses audaces visuelles, son aura démoniaque et sa dramaturgie diaphane. 

Remerciement au Chat qui fume.

01.03.16
29.10.10 (229)
5èx


lundi 29 février 2016

ROOM. Oscar 2016 de la meilleure actrice, Brie Larson.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site les400coups.org

de Lenny Abrahamson. 2015. Canada/irlande. 1h57. Avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen, William H. Macy, Sean Bridgers, Tom McCamus.

Sortie salles France: 9 Mars 2016. U.S: 16 Octobre 2015.

FILMOGRAPHIE: Lenny Abrahamson est un réalisateur irlandais, né le 30 novembre 1966 à Dublin.
2004: Adam & Paul. 2007: Garage. 2012: What Richard Did. 2014: Frank. 2015: Room.


Prenant pour thème éculé le rapt lorsqu'une mère et son fils se retrouvent embrigadés dans un abris de jardin depuis 7 longues années, Lenny Abrahamson parvient à en détourner les codes grâce à l'intelligence de sa mise en scène scrutant les états d'âmes de nos protagonistes avec une sensibilité à fleur de peau. Sans misérabilisme ni pathos, le réalisateur nous transfigure un conte plein de poésie du point de vue candide de l'enfant tout en exacerbant un drame psychologique sur la difficile réadaptation sociale de la mère. La manière sobre dont est traitée cet enlèvement s'inscrit dans une pudeur fragile, de par les relations intimes qu'entretiennent quotidiennement Joy et Jack condamnés à coexister dans une chambre terne éludée de présence humaine. Seul la fenêtre d'une lucarne leur laisse parfois entrevoir l'exposition du soleil lorsque le temps en accorde une embellie.


Par le biais de cette vision édénique symbolisant l'épanouissement de la liberté, et par l'entremise de l'enseignement maternel, Lenny Abrahamson accorde beaucoup d'intérêt à éveiller les sentiments de l'enfant prochainement apte à se transcender pour tenter de braver leur exclusion. D'ailleurs, la séquence onirique auquel Jack contemple enfin pour la première fois l'immensité du ciel au moment même où sa vie en dépend affiche un lyrisme bouleversant ! Si la première partie dégage déjà une puissance émotionnelle pour les rapports étroits des otages livrés à leur seule compagnie, la seconde partie s'intéresse à leur rédemption dans le cadre autrement plus vaste et chaleureux d'une demeure familiale. En captant le regard attentionné et innocent de Jack curieux de comprendre le désarroi de sa mère, Lenny Abrahamson porte un témoignage bouleversant sur sa fragilité et son initiation à la sagesse tout en soulignant les liens amicaux inoxydables que peuvent sacraliser un enfant et sa mère. Si l'actrice Brie Larson n'a pas volé son oscar d'interprétation pour livrer avec une sobre émotion le douloureux portrait d'une mère traumatisée par sa claustration, je retiendrais surtout le jeu expressif de l'incroyable Jacob Tremblay se mettant à nu devant la caméra avec un naturel confondant. Une force de la nature transcendée par l'authenticité de son regard prude avide de découverte, de réconfort et d'amour.


Grâce au tact de sa mise en scène détournant les clichés du genre avec une habileté sans fard et à la présence incandescente des deux comédiens, Room transcende le drame psychologique par le biais du conte existentiel. Car sous l'alibi d'une situation traumatique d'embrigadement, Lenny Abrahamson en extrait un hymne à la vie, une initiation à l'apprentissage à travers les richesses de l'univers. Un moment intimiste d'une émotion suprême confinant au vertige par son intensité dramatique improvisée (dans le sens où le réalisateur ne surligne jamais les instants de gravité).

Récompenses:
Oscars du cinéma 2016 : Oscar de la meilleure actrice pour Brie Larson
Festival international du film de Toronto 2015 : People's Choice Award
Festival international du film de Vancouver 2015 : VIFF Award du meilleur film canadien
British Independent Film Awards 2015 : meilleur film indépendant international
Festival international du film des Hamptons 2015 : meilleur film
National Board of Review Awards 2015 :
Meilleure actrice pour Brie Larson
Meilleur espoir pour Jacob Tremblay
Golden Globes 2016 : meilleure actrice dans un film dramatique pour Brie Larson

vendredi 26 février 2016

TERREUR AVEUGLE

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Blind Terror/ See No Evil" de Richard Fleischer. 1971. Angleterre. 1h29. Avec Mia Farrow, Dorothy Alison, Robin Bailey, Diane Grayson, Brian Rawlinson, Norman Eshley.

Sortie salles France: 2 Septembre 1971

FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn, et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles.
1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieues sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1971: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.


Thriller d'angoisse méconnu et peu diffusé à la TV malgré la notoriété de son auteur, Terreur Aveugle me fut dévoilé pour la première fois au début des années 80 sur la chaîne belge RTBF1. Sorti ensuite en location VHS chez quelques rares commerçants, sa sortie Dvd éditée en Belgique me permit de le redécouvrir dans une condition qualitative eu égard de sa copie épurée. Dans la lignée du classique de Terence Young, Seule dans la nuit, Terreur Aveugle illustre avec vigueur l'épreuve de force d'une célibataire en cécité, harcelée par un psychopathe. Séjournant chez son oncle et sa tante dans une maison rurale afin de mieux gérer son handicap, Sarah retrouve également son ancien amant avec qui elle pratique l'équitation. De retour après une promenade à cheval, elle part se délasser dans sa chambre sans savoir que des cadavres sont éparpillés dans les pièces de la demeure. C'est le début d'une descente aux enfers que Sarah va endurer pour se confronter à une menace invisible. Suspense horrifique rondement mené par sa tension distillée au compte-goutte et ses rebondissements justifiés, Terreur Aveugle part d'une idée solide (la cécité d'une victime tentant de déjouer une menace meurtrière) pour diluer une angoisse oppressante. Après la mise en place scrupuleuse des personnages, nous témoignons d'abord de la vision morbide de cadavres ensanglantés sans que la victime ne s'aperçoive au premier coup d'un quelconque incident.


Ce sentiment anxiogène de l'observer dans sa posture négligente est rehaussé de l'apparence suspecte d'un criminel flegmatique. Richard Fleischer se privant aussi de nous montrer son visage pour un motif que nous ne connaîtrons que dans la dernière partie. Passé ce premier acte cultivant un suspense en crescendo, la tension va graviter lorsque Sarah finira par découvrir l'horrible carnage. Par le biais d'un chaîne en or que le tueur avait égaré dans la maison, l'intrigue se focalise ensuite sur l'improvisation de cache-cache entre lui et la victime. Le spectateur assistant fébrilement aux stratégies de survie de notre frêle survivante habitée par une paranoïa préjudiciable (cadrages obliques et alambiqués à l'appui). Par le principe du huis-clos, Fleischer exploite intelligemment les décors familiers auquel le duo s'est malencontreusement fourvoyé. Et cela juste avant d'utiliser quelques idées ingénieuses pour les délocaliser vers la campagne anglaise. Cette dernière partie toujours plus tendue et éprouvante s'avère encore plus cruelle pour la condition molestée de la victime multipliant les risques, poursuites et tentatives d'évasion dans une cécité dénuée de repères. Alors que la conclusion semble toucher à son terme, Fleischer pousse un peu plus le vice lorsque Sarah est sur le point de trépasser sous notre impuissance. Une confrontation d'une rigueur émotionnelle éprouvante car privilégiant la caméra subjective afin de transcender une terreur asphyxiante.


Thriller remarquablement charpenté par l'efficacité de ses rebondissements, ses péripéties alertes et le brio de sa mise en scène, Terreur Aveugle honore le suspense horrifique autour du ressort psychologique. La densité humaine de Mia Farrow insufflant une émotion viscérale aussi désespérée que valeureuse par son statut d'handicapée en initiation de survie. A redécouvrir au plus vite ! 


jeudi 25 février 2016

PIRANHA 3D

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

d'Alexandre Aja. 2010. U.S.A. 1h28. Avec Elisabeth Shue, Adam Scott, Christopher Lloyd, Eli Roth, Kelly Brook, Jerry O'Connell, Ving Rhames, Dina Meyer, Richard Dreyfuss, Steven R. McQueen.

Sortie salles France: 1 Septembre 2010 (Interdit aux - de 12 ans). U.S: 20 Août 2010

FILMOGRAPHIE: Alexandre Aja, (Alexandre Jouan-Arcady) est un réalisateur, producteur, scénariste, dialoguiste et acteur, né le 7 Août 1978 à Paris.
1999: Furia. 2003: Haute Tension. 2006: La Colline a des yeux. 2008: Mirrors. 2010: Piranha 3D. 2013: Horns.


Déclinaison moderne (3D à l'appui !) de Piranhas de Joe Dante en précisant qu'Aja n'a jamais souhaité remaker son illustre modèle, Piranha 3D fleure bon le divertissement du samedi soir dans son alliage de sexe, drogue et alcool sur fond de techno et de gore. Prenant pour cadre la fête juvénile du Spring Break réunissant chaque été des milliers de fêtards, l'intrigue met en parallèle la virée indocile du fils du shérif Julie Forester (Elisabeth Shue à la maturité charnelle !) incidemment invité sur un yacht parmi une équipe de vidéastes pornographes. Alors qu'un séisme vient de libérer une armada de piranhas préhistoriques du fond d'un lac, nos étudiants vont devoir user de bravoure et subterfuges afin de déjouer la menace. Témoins de la découverte de cadavres déchiquetés, Julie Forester et son adjoint Fallon vont s'efforcer d'annuler les festivités avant le carnage redouté.


Série B décomplexée où le mauvais goût du gore putassier flirte avec l'érotisme polisson, Piranha 3D est entièrement voué à divertir le spectateur embarqué dans un délire cartoonesque des plus débridés. Multipliant les blagues salaces et lutinages sous l'influence d'un vidéaste érotomane, Aja s'en donne aussi à coeur joie à exhiber les corps de sirènes dénudées afin de satisfaire notre instinct voyeuriste. Jalonné de clins d'oeil, de sympathiques caméos (Richard Dreyfuss, Eli Roth, Christopher Lloyd) et de clichés volontairement éculés (l'ado désobéissant embarqué malgré lui dans une épreuve de survie, la foule avinée reniant le danger malgré l'injonction de la police !), Piranha 3D affiche un dynamisme aussi intense que jouissif par ces situations alertes d'affronts et de plaisanteries lubriques. Le clou du spectacle culminant avec le carnage du Spring Break auquel des centaines d'étudiants se feront déchiqueter de la manière la plus cruelle et inventive. L'humour noir souvent présent n'hésitant pas parfois à côtoyer la scatologie potache. Bref, une séquence de panique à graver dans les annales pour son ampleur orgasmique d'orgie improvisée ! Epaulé d'effets spéciaux numériques assez réussis (en épargnant quelques plans foireux de CGI mal intégrés chez certaines actions), Piranha provoque notamment la fascination en la présence outre-mesure de piranhas issus d'un âge séculaire. Voraces, teigneux, démoniaques et véloces, leurs déplacements en masse provoquent une irrésistible vigueur pour leur appétence carnivore à dévorer le plus furtivement nos nageurs impudents. Nombre de confrontations alertes oscillant la claustration du huis-clos (la survivante confinée dans le sous-sol du yacht) et suspense oppressant quant au sort précaire des nageurs prisonniers de l'eau.


Fun et jouissif, pour ne pas dire jubilatoire lorsqu'on évoque sa séquence anthologique instaurée durant le Spring break, Piranha 3D cultive une insolence et une générosité expansives sous la spontanéité d'étudiants fébriles sévèrement brimés. Une série B d'exploitation d'une belle efficacité qu'Aja coordonne avec savoir-faire au rythme énergisant de la techno et d'une imagerie gore friponne.  

La Chronique de Piranhas: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/06/piranhas.html

25.02.16
06.03.11 (269)

mercredi 24 février 2016

MON ROI. Prix d'Interprétation Féminine, Cannes 2015.

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site avisdupublic.net

de Maïwenn. 2015. France. 2h10. Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, Isild Le Besco, Chrystèle Saint Louis Augustin, Patrick Raynal, Yann Goven, Paul Hamy, Djemel Barek.

Sortie salles France: 21 Octobre 2015

FILMOGRAPHIE: Maïwenn Le Besco est une réalisatrice, actrice, scénariste française, née le 17 Avril 1976 aux Lilas (Seine-Saint-Denis). 2004: I'm an actrice (court-métrage). 2006: Pardonnez moi. 2009: Le Bal des Actrices. 2011: Polisse. 2015: Mon Roi.


Quatre ans après le choc Polisse, la réalisatrice Maïwenn aborde le mélo sous l'impulsion d'un duo d'acteurs d'une belle vérité humaine. Mon Roi retraçant avec réalisme méticuleux la descente aux enfers d'un couple passionnel d'autant plus tributaire d'une responsabilité parentale. A la suite d'une chute de ski, Tony part en rééducation dans un centre spécialisé. C'est durant sa longue convalescence qu'elle se remémore sa romance partagée avec Georgio. Un charmeur plutôt instable et ingrat par son insouciance libertaire.


A partir d'une intrigue finalement banale s'attardant à décrire avec une certaine intensité la déliquescence morale d'une épouse inlassablement soumise par un escamoteur, Maïwenn compte surtout sur l'autorité viscérale de Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot pour provoquer l'émotion entrecoupée d'éclairs de violence conjugale. Emmanuelle Bercot se livrant corps et âme devant la caméra à la manière d'une écorchée vive dans sa condition de souffre-douleur. Un portrait saisissant de femme fragile incapable de se délier de ses sentiments pour l'être aimé jusqu'au regain de conscience à ne plus se laisser chérir par la manipulation. Sa prestance naturelle inscrite dans une dignité féminine ne laissa pas indifférent le jury de Cannes si bien qu'il lui décerna un prix d'interprétation. Dans un rôle à contre-emploi de Don Juan phallocrate rempli d'orgueil, Vincent Cassel suscite souvent l'irritation, voir parfois même une violente antipathie par son indifférence et son mépris à contredire le désarroi de son épouse. Si le côté redondant de leurs prises de bec alternant séparations/réconciliations peut à force lasser une frange du public, la mise en scène plutôt maîtrisée et le réalisme imparti à la fragilité de leur quotidien parviennent modestement à transcender cette lacune. On peut également souligner le vent de liberté accordé aux seconds-rôles servant de pilier amical afin de soutenir (délibérément ou incidemment) le couple.


L'affliction amoureuse
Grâce à sa direction d'acteurs hors-pair où la diction des personnages épargne admirablement l'intonation théâtrale (trop rare pour ne pas le souligner chez le cinéma français), Mon Roi s'extirpe in extremis de la routine pour retracer avec une émotion tantôt prude tantôt brutale le chemin de croix vertigineux d'une femme aveuglée par la passion. Il en émane un moment d'émotion poignant émaillée de séquences intimistes d'une grave intensité, à l'instar de son épilogue bouleversant lorsque Maïwenn transfigure de manière chirurgicale la physionomie galante de Vincent Cassel sous le regard subtilement concentré d'Emmanuelle Bercot




mardi 23 février 2016

LAND OF THE DEAD (le territoire des morts).

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com

de George A. Romero. 2005. U.S.A/Canada/France. 1h37. Avec Simon Baker, John Leguizamo, Dennis Hopper, Asia Argento, Robert Joy, Eugene Clark, Joanne Boland.

Sortie salles France: 10 août 2005. U.S: 24 juin 2005

FILMOGRAPHIE: Georges Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead.


20 ans après le Jour des Morts-vivantsGeorges Romero s'entreprend en 2005 d'offrir une suite à sa légendaire trilogie avec Land of the Dead. Série B horrifique avant tout conçue sur l'action d'affrontements homériques entre survivants et zombies, Land of the dead continue d'exploiter le thème de l'intelligence des zombies par le biais du souvenir et de l'instinct des habitudes que le docteur Frankenstein avait préalablement su expérimenter sur le sujet Bub. L'action d'aujourd'hui prend pour cadre une cité urbaine de Pittsburgh juste après l'apocalypse. Après avoir été trahi par le gouverneur Kaufman, un mercenaire latino s'y rebelle en lui dérobant l'éclaireur, un camion ultra perfectionné pourvu de lance-roquettes. Exigeant une rançon contre l'engin blindé, Kaufman renonce à sa transaction et fait appel à Riley afin de récupérer l'éclaireur. Epaulé de son adjoint Charlie et d'une marginale, ils partent accomplir leur mission au moment même où les zombies doués de lucidité s'organisent en masse pour affronter les vivants.


Etablissant une analogie au terrorisme du 11 septembre par le biais (avant-coureur) d'une menace interne, Land of the Dead exploite une intrigue suffisamment haletante et captivante pour y dénoncer la responsabilité d'un dirigeant en tractation avec un activiste aussi véreux. En l'occurrence, Cholo, employé de ravitaillement de nourriture délibéré à récupérer sa part du gâteau après avoir été dupé. Avec ironie (notamment le portrait à contre-emploi de Dennis Hopper) et une violence gore décomplexée, George A Romero parvient à mettre en exergue une flamboyante bande-dessinée conçue sur l'efficacité d'enjeux de survie entre mercenaires, rupins et zombies. Outre l'intensité de cette dangereuse mission à se disputer la mise d'un fourgon customisé, Romero s'attarde également à dresser un portrait humaniste sur cette communauté désoeuvrée de zombies en instance de conscience. Eveillés par la perspicacité rebelle d'un afro américain, ces derniers vont s'efforcer de concrétiser leur vengeance après avoir été exploités par la cupidité de leurs ancêtres. Formellement fascinant dans une photo scope aux teintes noires/azur, la scénographie urbaine affiche un onirisme macabre aussi envoûtant que mélancolique, comme le soulignent les états d'âme endeuillés de nos zombies et la loyauté de dernier ressort des survivants. Pourvu d'un charisme infaillible, les comédiens remarquablement dessinés parviennent à donner chair à leur personnage avec une vérité humaine parfois poignante et un héroïsme jamais pédant (si on épargne le zèle assumé de l'excellent John Leguizamo). Outre ses têtes d'affiche souvent méconnues mais très attachantes par leur esprit de cohésion (principalement le duo Riley/Charlie), Land of the Dead est également rehaussé de la présence photogénique des zombies putréfiés. Des êtres hagards sillonnant les ruelles urbaines avec une amertume souvent empathique dans leur condition démunie. Sous l'impulsion de cette menace en voie de sédition, l'univers crépusculaire dans lequel ils évoluent nous magnétise l'esprit parmi la sobre émotion d'un score fragile (on pense aussi à l'ambiance noire et ensorcelée d'un Carpenter).


Si Land of the Dead n'atteint jamais la quintessence de la trilogie par son manque d'ambition et le contexte éculé de son message socio-politique, George Romero parvient tout de même à cristalliser une solide série B constamment efficace par sa structure narrative vigoureuse et la virilité d'un jeu d'acteurs à la complicité commune. Petit bémol, et en dépit de sa sympathique prestance, on aurait peut-être aimé un peu plus d'entrain de la part d'Asia Argento pour affirmer sa stature guerrière malgré la beauté effrontée de son charme félin. 



lundi 22 février 2016

LES 7 CITES D'ATLANTIS

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

"Warlords of Atlantis" de Kevin Connor. 1978. Angleterre. 1h36. Avec Doug McClure, Peter Gilmore, Shane Rimmer, Capitaine Daniels, Lea Brodie, Michael Gothard, Hal Galili, John Ratzenberger, Derry Power.

Sortie salles France: 12 juillet 1978. U.S: 15 Mai 1978

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Kevin Connor est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né en 1937 à Londres (Royaume-Uni).
1973: Frissons d'outre-tombe. 1975: Le 6è Continent. 1976: Trial by combat. 1976: Centre Terre, septième continent. 1977: Le Continent Oublié. 1978: Les 7 cités d'Atlantis. 1979: Le Trésor de la Montagne Sacrée. 1980: Nuits de Cauchemar. 1982: La Maison des Spectres.


Spécialiste de l'aventure mythologique comme en témoignent le 6è Continent, Centre Terre-septième continent et Le Continent Oublié, Kevin Connor rajoute une corde à son arc avec Les 7 cités d'Atlantis, juste avant d'achever son cycle parmi le Trésor de la Montagne sacrée. Un spectacle familial aussi exaltant que spectaculaire lorsqu'une poignée d'aventuriers échouent sur l'île engloutie d'Atlantis pour y côtoyer une étrange civilisation. Car depuis la dictature du chef Atmir, ils vont devoir user de stratégies afin de s'échapper de ce lieu tenu secret depuis des millénaires. Nanti d'effets spéciaux cheap mais néanmoins assez convaincants lorsqu'il s'agit de donner chair aux monstres préhistoriques, Les 7 Cités d'Atlantis exalte un parfum rétro réjouissant dans son alliage de fantaisie et d'action périlleuses, de fantastique, de merveilleux mais aussi d'anticipation, sachant que le peuple extra-terrestre d'Atlantis est issu de la planète Mars. Si l'intrigue simpliste n'apporte aucune surprise au cheminement de survie de nos héros, la vigueur des affrontements avec les monstres, les échanges de tirs entamés contre l'ennemi et les situations excentriques (l'expérience du casque aux visions prémonitoires) cultivent une modeste efficacité sous l'impulsion attachante de personnages solidaires. C'est sans compter sur la bonhomie des comédiens de seconde zone (l'acteur fétiche en tête Doug McClurese) se prêtant au jeu héroïque avec ferveur alors que d'autres vont servir de transfuge pour endosser une fonction insidieuse inscrite dans la cupidité. Une manière efficiente d'épicer l'intrigue de quelques revirements autour de la convoitise d'une relique en or.


Cheap et naïf par son récit débridé, sa scénographie en carton pâte ou en matte-painting et ses monstres articulés, mais dégageant un charme rétro irrésistiblement attachant, Les 7 Cités d'Atlantis constitue un divertissement familial généreux et sincère dans sa modeste création dénuée de prétention. 


vendredi 19 février 2016

MASSACRE AU CAMP D'ETE

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site contrebandevhs.blogspot.fr

"Sleepaway Camp" de Robert Hiltzik. 1983. U.S.A. 1h24. Avec Felissa Rose, Jonathan Tiersten,
Karen Fields, Christopher Collet, Mike Kellin, Katherine Kamhi, Paul DeAngelo, Tom Van Dell.

Sortie salles U.S: 18 Novembre 1983

FILMOGRAPHIE: Robert Hiltzik est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
1983: Massacre au camp d'été. 2008: Return to Sleepaway Camp (Video) .


Précédé d'une réputation sulfureuse pour la révélation traumatique du meurtrier lors d'un dénouement resté dans toutes les mémoires, Massacre au camp d'été surfe sur la vague déferlante du Slasher forestier initié par Vendredi 13. Bien que sa conclusion aussi originale qu'effrayante parvient réellement à susciter un malaise tangible, Massacre au camp d'été fait pâle figure comparé à son modèle et ses disciples beaucoup plus ludiques et maîtrisés (Carnage, Humongous, Survivance, Rituals). En dépit d'idées plutôt originales pour le genre (le trouble identitaire chez un refoulé sexuel et l'homosexualité suggérée chez certains suppléants autoritaires), l'intrigue peine à motiver notre intérêt tant les situations éculées sont paresseusement exploitées autour des humiliations quotidiennes d'une souffre-douleur autrefois traumatisée par la mort accidentelle de son père. Depuis ses persécutions, ses oppresseurs vont un à un faire les frais d'un mystérieux meurtrier multipliant les stratégies afin de les trucider de la manière la plus cruelle.


Sans une once de suspense ou de tension et sans chercher à nous interroger sur l'éventuelle culpabilité d'un ou de plusieurs suspects, Robert Hiltzik émaille son récit de mises à mort gentiment spectaculaires mais désamorcées du hors-champ si on épargne un meurtre à l'arme blanche assez grotesque quand on se réfère à la posture inexpressive de la victime. Privilégiant la résultante du crime, le réalisateur réussit tout de même à provoquer une certaine répulsion lorsqu'un cuisinier s'ébouillante le visage avec une marmite et quand un ado se retrouve coincé dans les WC pour s'opposer à un essaim d'abeilles. Au faible intérêt narratif où l'on peine notamment à distinguer le caractère puéril de chaque personnage, le réalisateur n'épargne pas non plus le ridicule lorsque le moniteur du camp est persuadé que le fidèle ami d'Angela constitue le véritable meurtrier. Multipliant les outrances physiques et verbales, Mike Kellin (l'alcoolo entrevu dans le prologue de Survivance) fait preuve d'un cabotinage grotesque à tenter de nous convaincre que cet éventuel suspect serait à l'origine des méfaits. Difficile donc d'éprouver une quelconque empathie à cette clique de vacanciers passant leur temps à batifoler et flirter quand il ne s'agit pas de se gausser d'Angela. Souvent mutique et prostrée dans une lassante expression d'apathie, Felissa Rose parvient aussi timidement à éveiller la compassion dans son statut infortuné.


Faute d'une réalisation aseptique, d'un scénario redondant et d'une direction d'acteurs maladroite, Massacre au camp d'été ne parvient pas à captiver par son absence flagrante de suspense et de tension, et ce en dépit du contexte singulier imparti à la pathologie de l'assassin. Néanmoins, avec une grande indulgence, on peut juger le spectacle futilement plaisant avant de se confronter à l'horreur viscérale de sa conclusion perturbante. Rien que pour ce moment d'anthologie, Massacre au camp d'été mérite tout de même le coup d'oeil. 

jeudi 18 février 2016

LES FLEURS DE SANG / LA NUIT DE L'EPOUVANTAIL

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorphilia.com

"Dark Night of the Scarecrow" de Frank De Fellita. 1981. U.S.A. 1h39. Avec Jocelyn Brando, Larry Drake, Charles Durning, Tonya Crowe.

Diffusion TV U.S: 24 Octobre 1981

FILMOGRAPHIEFrank De Fellita est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 3 Août 1921 à New-York. Il est le scénariste et producteur de l'Emprise et Audrey Rose.
1991: Scissors.  1986 Killer in the Mirror (TV Movie).  1981 Les fleurs de sang (TV Movie). 1979: The Two Worlds of Jennie Logan (TV Movie).  1973 Danger Doberman (TV Movie) (as Frank DeFelitta).  1965 The Stately Ghosts of England (TV Movie) .  1962 The DuPont Show of the Week (TV Series) (1 episode) . - Emergency Ward (1962).  1961 Assignment: Underwater (TV Series) (1 episode) . - Dead Weight (1961)


Télé-film horrifique devenu au fil des décennies un petit classique du genre, La Nuit de l'Epouvantail (ou les Fleurs de sang si je me réfère à son exploitation en VHS) marqua toute une génération de spectateurs grâce à ses multi-diffusions sur la chaîne la Cinq. Sous son format télévisuel, on est agréablement surpris de se retrouver face à une facture cinégénique ! Tant par le soin apporté à la réalisation, à la musique envoûtante, à la prestance dépouillée des comédiens (Charles Durning en tête dans un rôle de pervers insidieux reniant toute réflexion irrationnelle !), à sa photo contrastée et à son ambiance inquiétante qui va planer durant tout le cheminement anxiogène des coupables. A la suite de l'agression d'une fillette par un chien; Bubba, l'idiot du village, est accusé à tort par un quatuor d'ouvriers avides d'auto-justice. Planqué derrière l'apparence d'un épouvantail au milieu d'un champ, Bubba est froidement abattu par ces derniers, persuadés qu'il était à l'origine du meurtre de la fille. Mais cette dernière survit pourtant à ses blessures. Rongés par le remord, ils décident de maquiller le crime. Relaxés par la justice, ils se retrouvent dès leur sortie persécutés par une présence invisible si bien que l'un d'eux succombe à un accident meurtrier. 


En exploitant habilement le thème de l'épouvantail meurtrier, Frank De Fellita parvient à faire naître une certaine angoisse grâce à la suggestion d'un surnaturel sans fard. Et c'est bien là la vraie qualité de La Nuit de l'Epouvantail (renouer avec un Fantastique éthéré) tant le cinéaste réfute à se laisser animer par un regain de surenchère ou de grand guignol (l'épouvantail symbolique étant également peu présent à l'écran). L'intrigue privilégie donc l'expectative des meurtres souvent perpétrés de manière accidentelle si bien que l'on est en droit de se questionner sur l'éventuelle culpabilité d'un complice revanchard (la mère de Bubba, l'avocat et la fillette seront successivement suspectés par les complices criminels). En jouant avec les nerfs de ces quatre gugusses malmenés par leur leader autoritaire et épris de panique à affronter le danger sous-jacent, Frank De Fellita distille un suspense diffus au fil de leurs tourments tout en dressant un portrait dérisoire sur leur médiocrité morale. Epaulé d'un score lancinant, l'ambiance ombrageuse y gagne en intensité parmi son efficacité narrative s'attachant surtout à dénoncer la lâcheté et l'intolérance de tortionnaires incapables de discerner la bonté de l'innocence. Par l'impulsion spontanée d'un personnage déficient inévitablement attachant, on peut vanter la prestance émotive de Larry Drake tant il parvient à susciter l'empathie pour sa tendre amitié entretenue avec la fillette mais aussi pour sa condition psychologiquement torturée d'endurer une traque impitoyable avant de subir la cruauté d'un lynchage communautaire. S'identifiant à ce personnage martyr, nous éprouvons donc un vrai intérêt à suivre les motivations occultes d'une menace sans visage et à y découvrir qui se cache éventuellement derrière le masque parmi l'impuissance terrifiée des quatre engeances.


Grâce à son efficacité narrative et l'art de relater avec simplicité un conte horrifique promu par l'effet de suggestion (la dernière image onirique marque aussi les esprits), La Nuit de l'Epouvantail captive et inquiète sous l'impulsion d'un surnaturel indicible titillant l'imagination névrosée de ses oppresseurs. Digne d'une oeuvre de cinéma, une excellente série B à redécouvrir avec vif intérêt !

18.02.16 (3èx)
15.03.11 (422 v)

mercredi 17 février 2016

L'IMPORTANT C'EST D'AIMER. César de la meilleure actrice, Romy Schneider.

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site critikat.com

d'Andrzej Zulawski. 1975. Allemagne/France/Italie. 1h52. Avec Romy Schneider, Fabio Testi, Jacques Dutronc, Claude Dauphin, Roger Blin, Gabrielle Doulcet, Michel Robin, Guy Mairesse, Katia Tchenko.

Sortie salles France: 12 février 1975 (avec mention: Interdit aux - de 18 ans).

FILMOGRAPHIE: Andrzej Zulawski est un réalisateur, scénariste, écrivain, metteur en scène de théâtre polonais, né le 22 Novembre 1940 à Lwow (Lviv).
1971: La Troisième partie de la nuit. 1972: Le Diable. 1975: L'Important c'est d'aimer. 1981: Possession. 1984: La Femme Publique. 1985: L'Amour Braque. 1987: Sur le globe d'Argent. 1989: Mes Nuits sont plus belles que vos jours. 1989: Boris Godounov. 1991: La Note Bleue. 1996: Chamanka. 2000: La Fidélité. 2015: Cosmos.


                                                Une chronique exclusive de Mathias Chaput

Synopsis :
Servais Mont est un reporter photographe qui a couvert de grands événements, notamment la guerre du Vietnam et les conflits en Algérie...
Dorénavant il végète un peu à droite à gauche, scrutant le moindre scoop pouvant lui rapporter un maximum d'argent facile...
Il n'hésite donc pas à faire des photos pornographiques en effectuant des clichés de gens partouzards à leur insu, derrière une glace sans tain !
Alors qu'il déboule clandestinement sur le tournage d'un film, il prend en photo l'actrice Nadine Chevalier alors qu'elle effectue une scène très difficile à jouer (l'amour avec un homme sur le point de mourir)...
Très vite une relation ambigüe va se nouer entre les deux protagonistes car le mari de Nadine est impuissant et ne lui fait, pour ainsi dire, jamais l'amour...
Nadine voit en Servais un échappatoire et une possibilité d'assouvir et de réguler ses pulsions et ses fantasmes sexuels débridés !
Mais l'homme reste hermétique à tout celà...
Le film relate donc les difficultés des relations dans un couple et transcrit les tenants et les aboutissants d'un périclitement conjugal, avec comme issue, soit la mort soit la déception éternelle...


Mon avis :

"L'important c'est d'aimer" est un des films les plus "posés" du grand Zulawski, ici beaucoup moins de survoltage et de délires baroques que l'on retrouvera dans ses métrages postérieurs...

Zulawski prend tout son temps pour délivrer les émotions et les angoisses de ses comédiens et s'applique, comme toujours, à relater des tranches de vie de gens écorchés vifs, souffrant d'une pathologie inhérente à leurs conditions, en l'occurrence ici, à leurs vies de couples !

Dès le démarrage, on est dans le ton : Romy Schneider se donne à fond et sans retenue et Testi semble comme un électron libre, vacillant dans un univers d'opprobre, cerné par un entourage de pervers aussi repoussants que sociopathes...


Les personnages secondaires sont également bien entamés notamment Michel Robin en vieil alcoolique atteint de délirium et Kinski déjà à la folie bien amorcée qui électrise le film par sa composition au summum de la catharsis...

Ceci étant, "L'important c'est d'aimer" n'occulte nullement l'aspect dramatique et tragique et fait des transferts/parallèles entre le monde virtuel (celui du cinéma) et l'univers réel (les difficultés du quotidien et de la gestion d'un couple)...

Ce n'est d'ailleurs pas innocent si l'oeuvre de Zulawski s'inspire de la "Nuit américaine", sorte de mise en abyme de la pièce de théâtre que Nadine essaie, non sans mal, de jouer, captant avec difficultés ce que le réalisateur veut lui inculquer et insuffler...


Zulawski, par son immense talent, arrive avec facilité via une direction d'acteurs au cordeau, à décortiquer des situations lambda et fréquentes, que nous avons tous plus ou moins déjà rencontrées, et provoque un bouleversement affectif aussi bien dans ses séquences que chez le spectateur...

En gros, il nous explique que le plus simple c'est juste d'AIMER sans se poser de questions et rendre heureux ceux qui nous entourent et que l'on aime...

La dernière phrase du film veut tout dire et se conclut par un "Je t'aime" dans  la bouche de Romy Schneider !

Je dédicace ma critique à Pierre, qui lui aussi a tant d'amour à donner et à recevoir !

Note : 9/10

Récompense: César de la Meilleur Actrice, Romy Schneider, 1976.

mardi 16 février 2016

SUBURRA

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Stefano Sollima. 2015. Italie/France. 2h15. Avec Pierfrancesco Favino, Greta Scarano, Jean-Hugues Anglade, Elio Germano, Alessandro Borghi, Giulia Gorietti, Lidia Vitale, Claudio Amendola.

Sortie salles France: 9 décembre 2015. Italie : 14 octobre 2015

FILMOGRAPHIE: Stefano Sollima, né le 4 mai 1966 à Rome, est un cinéaste et réalisateur italien. FILMS: 2012: A.C.A.B.: All Cops Are Bastards. 2015: Suburra. SERIES TV: Un posto al sole - soap opera (2002), La squadra - série TV, 7 épisodes (2003 - 2007), Ho sposato un calciatore - mini série (2005),
Crimini - série TV, épisodes Il covo di Teresa, Mork et Mindy et Luce del nord (2006 - 2010)
Romanzo criminale, 22 épisodes (2008 - 2010). Gomorra, 12 épisodes (2014 - 2015).


Révélé par le film A.C.A.B. et les séries TV, Romanzo Criminale et Gomorra, Stefano Sollima n'en finit plus de prouver l'étendue de son talent avec une nouvelle bombe sépulcrale, Suburra. D'une puissance émotionnelle rigoureuse pour les revirements impromptus des vendettas criminelles (on ne devine jamais quel est la prochaine victime à trépasser et par qui elle sera exécuté !), l'intrigue retrace avec souci de réalisme et de limpidité le déclin en chute libre de clans mafieux se disputant le projet de casinos parmi la complicité véreuse d'un parlementaire et d'un cardinal. Ou comment la mort par overdose d'une mineure va déclencher chez eux une dérive d'exactions revanchardes depuis la culpabilité d'un politique. Fort d'une mise en scène épurée et d'une bande-son stylisée constamment ensorcelante, Suburra nous immerge de plein fouet dans cet univers vénéneux où chacun des témoins tentent d'accéder à la suprématie avec une détermination intraitable. L'emploi de la violence chez la nouvelle génération s'avérant notamment désordonnée et d'une cruauté sans limite dans leurs pulsions de rancoeur et d'allégeance. A cet égard, les éclairs de violence poisseuse qui traversent le récit font preuve d'une crudité acérée quand bien même une certaine fascination malsaine s'en extrait sans sombrer dans la complaisance.


Chaque exécution n'étant que le vecteur des conséquences tragiques d'une réaction en chaîne de vendetta mafieuse. Si l'intrigue éculée a déjà été maintes fois exploitée dans les classiques du genre que Scorcese, De Palma, Mann et Coppola ont su optimiser avec quintessence, Stefano Sollima parvient à renouveler les codes grâce à la virtuosité de sa réalisation d'une précision métronome, son réalisme brut, sa tension alerte et à l'autorité viscérale de comédiens criants de vérité. Des sales gueules burinées au pouvoir de séduction infaillible dans leur posture orgueilleuse à se disputer la mise d'une transaction pharaonique. Ténébreuse lorsque la ville d'Ostie nous est représentée comme un dédale tentaculaire corrompu par le Mal, Suburra fait appel au lyrisme par sa puissance dramatique en ascension, puis à l'onirisme désenchanté lorsque les hommes rêvent d'un Eden inaccessible quand bien même les femmes dépendent de leur machisme avant que l'une d'elle n'entreprenne une riposte. Sous l'impulsion vaniteuse de ces témoins tributaires de leur déchéance vénale, Suburra fascine et hypnotise nos sens avec une vigueur émotionnelle vertigineuse. Car on ne compte plus les scènes d'anthologie tantôt sensuelles (sexe et mort s'uniformisent lors d'un triolisme), tantôt criminelles (la fusillade dans le supermarché, la poursuite en voiture, Spoil ! la mort d'un rival sous les yeux impuissants de son amie fin du Spoil) que Stefano Sollima transcende au gré d'une charpente narrative souvent inopinée par ces ripostes furibondes.


Vision hallucinée et crépusculaire d'un univers de corruption proche du chaos (le préambule nous averti déjà d'une fatale apocalypse et la chronologie journalière des évènements dramatiques va confirmer la prophétie !), Suburra dépeint le venin du pouvoir par le biais du sexe et de l'argent. Un monde de déchéance humaine où chacun des rupins lâches, cyniques, pleutres et insidieux vont payer le prix fort de leur insolence mégalo. Fort d'une bande-son électrisante appuyant un lyrisme désenchanté, ce polar mafieux confine irrémédiablement au chef-d'oeuvre opératique par son réalisme aussi poisseux que stylisé et sa distribution au charisme félin étrangement séducteur. 



samedi 13 février 2016

AMY

                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Asif Kapadia. 2015. Documentaire. 2h02. Amy Winehouse, Mitchell Winehouse, Janis Winehouse, Raye Cosbert, Nick Shymanksy, Blake Fielder-Civil, Mos Def, Tyler James, Juliette Ashby.

Sortie salles France: 8 Juillet 2015. U.S: 3 Juillet 2015

FILMOGRAPHIE: Asif Kapadia, né à Hackney (Londres) en 1972, est un cinéaste britannique d'origine indienne. 1994 : Indian Tales. 1996 : The Waiting Room. 1996 : Wild West. 1997 : The Sheep Thief. 2001 : The Warrior. 2006 : The Return. 2007 : Far North. 2008 : Uneternal City
2008 : Trancity. 2008 : My World. 2010 : Senna. 2012 : The Odyssey. 2013 : Standard Operating Procedure. 2015 : Amy. 2016 : Ali and Nino


Chronique express:

Gloire et décadence d'une cendrillon trop fragile pour subsister.

Retraçant avec une émotion aussi prude que rigoureuse l'ascension puis le déclin de la diva du Jazz, Amy Whinehouse, ce documentaire unique nous immerge de plein fouet dans sa quotidienneté intime et professionnelle sans faire preuve de voyeurisme ou de racolage pour sa déliquescence liée à la toxicomanie et pour l'instabilité sentimentale de ses liaisons conjugales. Sous l'impulsion fragile car humaniste d'une mélomane jamais prétentieuse, son parcours fulgurant nous dévoile l'envers du décor du showbizz par son statut de célébrité. Une manière probante de régler aussi des comptes avec la cupidité des producteurs, la rapacité des journalistes et la raillerie des médias vis à vis de sa déchéance autant morale que physique. Emaillé de chansons inoubliables autour de l'intervention familiale, les managers et les proches amis, Amy met en exergue parmi leur humble témoignage son désarroi, sa solitude, son impuissance et son épuisement à se défaire de l'alcool et la drogue depuis sa dictature professionnelle (elle est contrainte de respecter la clause de ses contrats) et sa rupture amoureuse. Hypnotique car immersif et sensoriel, il en émane un bouleversant (pour ne pas dire déchirant) portrait de femme-enfant par son franc naturel, son insouciance libertaire, sa fantaisie parfois exubérante, sa passion des sentiments et son désir immodéré de tendresse.


Biopic exhaustif inscrit dans sa passion musicale, Amy suscite une intensité émotionnelle en chute libre pour son parcours chaotique car c'est dans la mort (le suicide ?) qu'elle fuira la pression et les paillettes de sa starisation pour accéder malgré elle (la célébrité n'a jamais été son ressort professionnel) à une figure emblématique du jazz.

Dédicace à Guylian Pinchard et Frederic Serbource