lundi 29 août 2016

CONJURING 2: LE CAS ENFIELD

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"The Conjuring 2" de James Wan. 2016. U.S.A. 2h14. Avec Patrick Wilson, Vera Farmiga, Sterling Jerins, Frances O'Connor, Madison Wolfe, Lauren Esposito, Patrick McAuley.

Sortie salles France: 29 Juin 2016. U.S: 10 Juin 2016.

FILMOGRAPHIE: James Wan est un producteur, réalisateur et scénariste australien né le 27 Février 1977 à Kuching (Malaisie), avant de déménager à Perth (Australie).
2004: Saw, 2007: Dead Silence, Death Sentence, 2010: Insidious. 2013: The Conjuring. 2013: Insidious 2. 2016: The Conjuring 2.


Après le succès international de The Conjuring, James Wan rempile trois ans plus tard pour nous offrir une suite à la mesure de son talent. S'inspirant du cas Enfield auquel une famille anglaise fut persécutée par le fantôme d'un vieillard au milieu des années 70, Conjuring 2 préserve la même recette que son prédécesseur (jump-scare, suspense oppressant, rebondissements, effets-chocs en roue libre) avec une efficacité probablement plus convaincante ! De par la structure de son récit un peu plus subtil et substantiel que son modèle si bien que les situations homériques qui émaillent l'intrigue permettent de se renouveler sans lassitude. James Wan s'appuyant sur l'épreuve professionnelle des Warren à daigner une ultime fois (faute d'instance de retraite) superviser un nouveau cas de demeure hantée ! Dans leur jeu de questionnement spirituel à démêler le vrai du faux émane également une quête identitaire à savoir qui se planque derrière l'esprit démoniaque. Là encore, James Wan parvient à nous surprendre dans un habile jeu de simulacre que constituent la fille aînée, Janet Hodgson (en proie à toutes les suspicions de l'entourage professionnel !) et le fantôme sclérosé !


Hormis ces situations de déjà vu recyclées autour des thèmes de la demeure hantée et de la possession démoniaque, James Wan continue donc d'imprimer un indéniable savoir-faire technique, tant par sa mise en scène incisive que de la rigueur du montage et du cadrage. Et afin de rendre plausible cette nouvelle histoire de fantôme fertile en agressions surnaturelles, le cinéaste compte également sur sa solide direction d'acteurs, particulièrement les seconds-rôles infantiles d'une étonnante sobriété dans leur fonction molestée ! (mention spéciale à la néophyte Madison Wolfe). Quant au duo conjugal formé par Patrick Wilson et Vera Farmiga, ces derniers continuent d'afficher le même aplomb dans leur posture notoire de chasseurs de poltergeists avec une cohésion conjugale assez poignante (notamment leur valeur du mariage invoqué auprès de la jeune Janet). Ed Warren étant cette fois-ci sévèrement mis à mal pour sa destinée depuis que son épouse fut préalablement témoin d'une sombre prémonition. Outre l'angoisse savamment entretenue autour de situations mutiques redoutant un terrible danger, l'utilisation du hors-champ sonore est savamment exploité afin de nous faire bondir de notre siège au moment le plus fortuit !


Angoissant, parfois terrifiant (les apparitions de "l'homme tordu" !) et captivant grâce à la structure d'un récit plus étoffé que son modèle et grâce au savoir-faire factuel de son auteur, Conjuring 2 renchérit le "ouh fait moi peur" avec une efficacité optimale si bien qu'il aurait tendance à surpasser la première affaire des Warren ! Ajoutez à cela une splendide photographie contrastant à merveille avec sa scénographie nocturne ainsi qu'une bande-son percutante (entre deux hommages nostalgiques aux Beatles et à Elvis !) et vous obtenez un tour de montagne russe où l'émotion forte laisse finalement transparaître une éloge à l'union conjugale. 

La Chronique de The Conjuringhttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/08/the-conjuring.html

E-B

Le p'tit mot de Jean Marc Micciche:
Cycle 'foutre la trouille 1' avec The conjuring 2. On le sait, s'il y a bien un genre où James Wan est vraiment à l'aise c'est avec le fantastique traditionnel, du curieux Dead silence, en passant par l'inégale mais passionnante saga des Insidious, sans oublier le premier The conjuring n'a cessé de retrouver la substantielle moelle de de la peur au cinéma...tous les vieux trucs du cinéma old school mais aussi de vraie tentatives de renouvellement des thèmes tout comme le travail sur le son et le cadre. La grande question que l'on pouvait se poser c'était de quel manière l'expérience du blockbuster Fast and furious 7 allait d'une certaine manière influencé le cinéma d'épouvante. Et force et de reconnaître que James Wan tente une greffe aussi étonnante qu'originale, tenter de faire un film d'action horrifique. La terminologie peut sembler poussive mais force et de reconnaître que Wan sur de ses moyens propose une mise en scène dynamique que seul Raimi (Evil Dead 1 et 2, Jusqu'en en enfer) ou Jackson (Fantômes contre fantômes) avaient réussi. En utilisant les thèmes les plus usités du cinéma d'épouvante, Wan parvient à créer grâce à une mise en scène et un découpage étonnant à créer d'authentiques moments de terreur primitives. Fondu et raccord étonnant, mouvement amples, direction artistiques tout dévoyés à une creer une ambiance de danger et de chaos palpable, James Wan éléve le cinéma de terreur et sa saga The Conjuring à un niveau étonnant. D'autant plus étonnant que sa sortie n'a pas fait dans le vague alors que le challenge a de grande chance de marquer durablement les esprits. Que dire d'autres ? le prologue sur Amytiville et sur Amythiville 2 est déjà en soi un moment de terreur unique, les cinéphiles apprécieront sans aucun doute la subtile citation à Audrey Rose de Robert Wise. Que le film est puritain ? mais étant donné l'angle narratif, on s'en fout un peu. Que le film a beau jouait la carte de l'épouvante, le film n'oublie jamais ses acteurs et que le film reste aussi un beau film d'amour sur un couple....

Le point de vue de Seb Lake:
Trois ans d'attente pour enfin voir la suite du meilleur film d'horreur de ces vingt dernières années,ce Conjuring 2 est construit de la même manière que son prédécesseur, petit prologue d'une de leur affaire (en l'occurrence ici celle d'Amityville),présentation de la famille concernée par leur future enquête puis les événements paranormaux qui s'en suivent,les deux films sont très proches dans leur concept à faire monter la tension en crescendo et une fois de plus James Wan réussi son pari,le film est mené de main de maître, ce qui est encore plus fort de la part du jeune cinéaste c'est que tous les clichés des films de maison hantée sont présents (porte qui claque,jouet démoniaque, jumpscare, possession, voix suspectes etc etc) malgré ça le film est étrangement innovant et se suit avec un grand plaisir. Venons en au bémol du film et il est de taille, ce qui faisait le charme et l'angoisse omniprésente du premier Conjuring c'était la peur ,la vraie peur viscérale, autant vous le dire tout de suite je n'ai pas fait un seul sursaut et à aucun moment j'ai senti la trouille m'envahir,c'est ma seule déception mais qui au final lui fait baisser sa note. En conclusion Conjuring 2 est un bon film d'horreur mais qui n'égale pas le premier opus. 4/6

vendredi 26 août 2016

Le Syndrome de Stendhal / La Sindrome di Stendhal

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Dario Argento. 1996. Italie. 1h59. Avec Asia Argento, Thomas Kretschmann, Marco Leonardi, Luigi Diberti, Paolo Bonacelli, Julien Lambroschini, John Quentin.

Sortie salles Italie: 26 Janvier 1996. Sortie DTV France: 13 Décembre 1999

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Film à part dans la carrière de Dario Argento si bien qu'il aborde le drame psychologique dans le cadre  du psycho-killer sanguinolent, le Syndrome de Stendhal risque de déconcerter une partie du public néophyte peu habituée aux oeuvres auteurisantes parfois expérimentales, alors que les initiés se délecteront à nouveau de la maestria inspirée du maestro sans toutefois crier au chef-d'oeuvre ultime. Mais ne boudons pas notre plaisir lorsque nous avions affaire à du vrai cinoche horrifique à la fois ludique, envoûtant, intelligent, sulfureux, poétique, macabre. 

Le PitchAnna, jeune policière, souffre du Syndrome de Stendhal après avoir été subjuguée par la beauté d'un tableau. Enquêtant sur une série de viols et d'homicides particulièrement sanglants, elle finit par rencontrer le tueur après avoir été séquestrée et violée par ce dernier. Traumatisée par son agression, elle consulte un psychiatre afin de réprimer ses angoisses et par la même occasion tenter de guérir sa pathologie psychosomatique. Mais le tueur aux aguets n'en n'a pas fini avec elle. 


Nanti d'un rythme languissant pour autant captivant et parfois même envoûtant, Le Syndrome de Stendhal repose sur un climat d'angoisse trouble et d'inquiétude au sein d'un jeu machiavélique du chat et de la souris. De telle manière que le spectateur se laisse emporter par cette introspection schizophrène avec une attention irrépressible. Illuminé de la vénéneuse présence d'Asia Argento (peut-être son plus beau rôle), l'actrice porte le film sur ses épaules dans sa fonction policière d'ange déchue, afin de pallier  aussi le jeu timoré de quelques seconds-rôles (les amants d'Anna) toutefois non dénués de charme bisseux à travers leur attachante maladresse. Or, cette direction d'acteurs qu'Argento manipule  un peu maladroitement (à l'instar de son homologue Fulci) renforce le climat feutré où séduction/répulsion, doute et appréhension ne cessent de se contredire. Car abordant les thèmes du trauma, de l'obsession et du dédoublement de personnalité dans une démarche picturale baroque, Dario Argento dynamise les codes du thriller avec une autonomie plus singulière qu'au préalable (si on écarte l'audacieux et - aujourd'hui - mésestimé Trauma). Si bien que la mise en scène appliquée doit beaucoup de son magnétisme au gré d'une intrigue cérébrale privilégiant les névroses sexuelles d'une héroïne en perdition morale. Empruntant quelques petites influences à Psychose d'Hitchcock et au cinéma de De Palma  (notamment Pulsions), les rapports intimes et obsessionnels qu'entretiennent victime et tueur (leur fascination pour l'art) suscitent une ambiance érotico-morbide aussi dérangeante que fascinante (notamment parmi des excès de violence incisive). Et ce avant de mettre en exergue un cas pathologique en étroit rapport avec son vertige des sens et son hyper sensibilité à ce confondre dans l'illusion.


S'il n'est pas le chef-d'oeuvre escompté comme chaque nouveau projet amorcé par le maître (surtout lors des années 90 avant qu'il ne décline en perdition), Le Syndrome de Stendhal ne laisse jamais indifférent pour nous confier au final quelques séquelles psychologiques sachant qu'après la projo on se surprend de rester hanté par cette étreinte torturée avec le Mal. Argento l'illustrant crument au travers d'une hantise spectrale, d'une contagion morale, d'un cancer incurable que le thème lancinant de Morricone diabolise avec une certaine fragilité sensuelle. A (re)découvrir.


*Bruno. 
09.01.24. 3èx. Vistf 5.1.

jeudi 25 août 2016

S.O.S FANTOMES 2

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ecranlarge.com 

"Ghosbusters 2" d'Ivan Reitman. 1989. U.S.A. 1h48. Avec Bill Murray, Dan Aykroyd, Harold Ramis, Sigourney Weaver, Rick Moranis, Ernie Hudson, Harris Yulin.

Sortie salles France: 15 Décembre 1989. U.S: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Ivan Reitman est un réalisateur canadien, né le 27 Octobre 1946 à Komarno en Tchécoslovaquie.
1971: Foxy Lady. 1973: Cannibal Girls. 1979: Arrête de ramer, t'es sur le sable. 1981: Les Bleus. 1984: SOS Fantômes. 1986: L'Affaire Chelsea Deardon. 1988: Jumeaux. 1989: SOS Fantômes 2. 1990: Un Flic à la Maternelle. 1993: Président d'un Jour. 1994: Junior. 1997: La fête des pères. 1998: 6 Jours, 7 nuits. 2001: Evolution. 2005: Ma Super ex. 2011: Sex Friends.


Chronique express (si bien qu'il s'agit d'une aigre déception).

Boudé par la critique de l'époque, une vaine déclinaison littéralement soporifique, faute d'un script épigone tournant à vide, de gags aussi poussifs que lourdingues et d'une implication timorée d'acteurs à bout de souffle (d'ailleurs notre quatuor s'était refusé de rempiler pour une suite avant de se raviser, financièrement parlant).

Bref, une suite indigente d'une vacuité artistique.

La Chronique d' S.O.S. Fantômes: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/02/sos-fantomes-ghostbusters.html

E-B

mercredi 24 août 2016

DAGON

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdpascher.net 

de Stuart Gordon. 2001. Espagne. 1h35. Avec Ezra Godden, Raquel Meroño, Francisco Rabal, Macarena Gómez, Brendan Price.

Sortie salles Espagne: 31 octobre 2001. Sortie video France: 17 Juin 2003 

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago (Illinois).
1979: Bleacher Bums (télé-film). 1985: Ré-Animator. 1986: Aux portes de l'au-delà. 1987: Dolls. 1988: Kid Safe (télé-film). 1990: Le Puits et le Pendule. 1990: La Fille des Ténèbres. 1990: Robojox. 1993: Fortress. 1995: Castle Freak. 1996: Space Truckers. 1998: The Wonderful ice cream suit. 2001: Dagon. 2003: King of the Ants. 2005: Edmond. 2005: Masters of Horror (le cauchemar de la sorcière - Le Chat Noir). 2007: Stuck. 2008: Fear Itself.


Inédit en salles et directement passé par la case DTV chez nous, Dagon est une série B horrifique sortant des sentiers battus avec l'appui d'une nouvelle de H.P. Lovecraft, "Le Cauchemar d'Innsmouth". Révélé par Ré-animator, From Beyond et Dolls, Stuart Gordon renoue avec l'inspiration si bien que Dagon constitue une perle (atypique) d'atmosphère macabre au sein d'un univers côtier redoutablement pernicieux. Deux couples s'égarent en mer au moment d'une fortuite tempête. Alors que l'une des femmes est grièvement blessée, le jeune couple s'empresse de rejoindre la rive pour alerter la populace du hameau. Sur place, après s'être séparés et avoir vainement tenté un quelconque soutien, Paul finit par aborder quelques étranges citadins à la démarche dégingandée et à la voix râpeuse.


A partir d'un pitch délicieusement intrigant par son climat de mystère palpable et le charisme cynique de villageois encapuchonnés, Stuart Gordon confectionne un suspense oppressant par le principe du survival que notre couple va encourir sans relâche. En décuplant les tentatives d'évasion du héros piégé en interne d'un village spectral et ses rencontres impromptues avec des antagonistes fétides, Gordon relance l'enjeu de survie avec notamment comme alibi la quête désespérée d'une retrouvaille (celle de l'épouse disparue !). L'action ne cessant de rebondir grâce à la diversité de décors glauques et perméables que le héros arpente à perdre haleine sous une intempérie diluvienne. Au fil de son cheminement cauchemardesque où l'on ne cessera d'intenter à sa vie, d'autres surprises l'attendent violemment au tournant quand bien même sa nouvelle rencontre avec l'électrisante Uxía Cambarro (Macarena Gómez aussi fringante que terrifiante dans l'acuité de son regard reptilien !) pourrait changer son destin ! Outre sa densité narrative émaillé de rebondissements et révélations traumatiques (notamment ce final explosif à twists réfutant le traditionnel happy-end), Dagon nous converge lentement vers une abysse aquatique à la beauté sépulcrale ! En dépit de quelques plans CGI complètement foirés (pour ne pas dire dégueulasses !), les autres trucages artisanaux qui empiètent le récit s'avèrent beaucoup plus persuasifs par leur réalisme viscéral lors des moments les plus draconiens ! A l'instar du réalisme poisseux des sévices gores infligées sur des victimes démunies (le dépeçage en plan serré d'un visage humain !).


Série B formellement soignée (si on élude quelques insalubrités en CGI) et redoutablement ensorcelante sous le ressort d'une atmosphère humide, Dagon transcende un univers malsain pour démystifier le sectarisme d'une confrérie adepte d'une divinité amphibienne ! Captivant et terrifiant (les résidents provoquent une réelle appréhension sans gestuelle outrancière !), Stuart Gordon peaufine le cadre de son archipel avec la densité d'un scénario baroque. Une authentique perle du genre au parfum de souffre aussi moite que vertigineux. 

B-M. 3èx

mardi 23 août 2016

CARNIVAL OF SOULS

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com 

de Herk Harvey. 1962. U.S.A. 1h24. Avec Candace Hilligoss, Frances Feist, Sidney Berger, Art Ellison, Stan Levitt, Tom McGinnis.

Sortie salles France: 26 Septembre 1962

FILMOGRAPHIEHerk Harvey est un réalisateur américain né le 3 juin 1924 et décédé le 3 avril 1996. 1962: Carnival of Souls.


Une expérience hallucinée avec le mysticisme !
Véritable film culte au sens étymologique du terme alors qu'il fut un bide en salles, Carnival of Souls gagna sa réputation notoire parmi des fans toujours plus nombreux au fil des décennies. Réalisé avec des moyens précaires sur une durée de trois semaines de tournage, Carnival of Souls constitue une expérience visuelle vénéneuse alors qu'il s'agit de l'unique réalisation de Herk Harvey. A la suite d'un accident de voiture, une jeune femme s'égare dans un dédale urbain peuplé d'étranges quidams. Alors qu'elle vient de trouver un emploi d'organiste dans une église, les phénomènes inexpliqués se multiplient sans qu'elle puisse acquérir une quelconque logique à sa condition esseulée. 


A partir de ce pitch minimaliste, le réalisateur en extirpe un cauchemar éveillé du point de vue de l'héroïne, quand bien même le spectateur aussi désorienté se laisse border par la main par ce maelstrom d'images anxiogènes sorties de son esprit torturé. Par son climat fantasmagorique en roue libre et la posture nonsensique des personnages secondaires, Carnival of Souls laisse libre court à une fantaisie surréaliste dénuée de cohérence. A raison lorsque l'on connait finalement la résolution de l'énigme mainte fois reprise depuis chez d'autres réalisateurs en herbe (Night M. Shyamalan en tête). En faisant référence au cinéma muet, Herk Harvey parvient à susciter l'angoisse et parfois même l'effroi lors des multiples apparitions de spectres (grimés de fond de teint blanc !) que l'héroïne redoute dans sa paranoïa en chute libre. Baignant dans une fascinante atmosphère d'onirisme macabre (notamment ce fameux bal des âmes) que sa photo monochrome exacerbe avec stylisme, Carnival of Souls nous plonge dans une dérive schizo sous l'impulsion de situations affolantes. Le jeu assez amateur des comédiens néophytes et la présence attachante de Candace Hilligoss amorçant un habile contrepoint pour renchérir notre perte des repères. Notamment ce travail retors sur sa bande-son musicale entièrement conçue à l'orgue et de ces bruitages parfois mutiques que l'héroïne ET le spectateur s'interpellent communément !


La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille. 
Bad trip sensitif d'une puissance formelle aussi diaphane que fulgurante, Carnival of Souls est à prescrire à tous les amoureux d'ambiance éthérée sachant que l'onirisme macabre et le baroque se télescopent avec une fluide alchimie ! Source d'inspirations pour des générations de cinéastes (Lynch, Romero et Shyamalan en tête !), cet ovni singulier laisse des traces dans l'encéphale si bien qu'il tend aussi à souligner une réflexion existentielle sur notre perception (chimérique) de la réalité et sur l'éventuelle foi en l'"au-delà" ! (on peut même y déceler une certaine influence chez l'Aldila de Fulci lors d'une itinérance routière !). 

B-M. 3èx

lundi 22 août 2016

GREYSTOKE, LA LEGENDE DE TARZAN

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com 

"Greystoke: The Legend of Tarzan, Lord of the Apes" de Hugh Hudson. 1984. Angleterre. 2h15. Avec Christophe Lambert, Ralph Richardson, Ian Holm, James Fox, Andie MacDowell, Cheryl Campbell, Ian Charleson, Nigel Davenport.

Sortie salles France: 3 Octobre 1984. U.S: 30 Mars 1984

FILMOGRAPHIEHugh Hudson est un réalisateur britannique né le 25 août 1936 à Londres.
1981 : Les Chariots de feu. 1984 : Greystoke, la légende de Tarzan. 1985 : Révolution. 1989 : Le Carrefour des Innocents. 1995 : Lumière et Compagnie (Doc). 1999 : My Life So Far. 2000 : Je rêvais de l'Afrique. 2016: Altamira.


Hymne à la vie, à la faune et à la flore dans son cadre le plus humble et authentique, Greystoke, la Légende de Tarzan transcende toutes les versions portées à l'écran d'après le célèbre roman d'Edgar Rice Burroughs. A contre-emploi d'une lignée de divertissements de séries B immortalisées par l'acteur Johnny Weissmuler, Greystoke imprime avec sa mise en scène classieuse une aventure flamboyante sous l'impulsion d'un souffle romanesque tantôt bouleversant. Si la première partie épique condense en 50 minutes la jeunesse primitive de notre héros éduqué par les singes en forêt africaine, le second acte plus grave bifurque vers le drame existentiel lorsque John Clayton est accueilli dans la riche propriété de son grand-père aristocrate.


Outre sa petite romance partagée avec Miss Jane Porter et sa grande amitié nouée avec Philippe D'Arnot, John s'efforce de trouver un centre d'intérêt à sa nouvelle condition humaine depuis le comportement matérialiste de l'homme esclave de son confort. Réflexion sur notre cupidité humaine à cultiver le profit sous toutes ses coutures et en exploitant les plus faibles, Greystoke se porte également garant de la cause animale lorsque la haute bourgeoisie se soumet d'empailler des animaux pour les exhiber fièrement dans leurs musées d'histoire. Irrespectueux et meurtrier envers l'animal, l'homme moderne se dévoile sous les yeux de Greystoke comme un charlatan mégalo dénué de sens moral. Au-delà des comédiens notoires issus de l'ancienne (Ralph Richardson; Ian Holm) et la nouvelle génération (la sémillante Andie MacDowell du haut de ses 26 ans !), Christophe Lambert constitue LA révélation du film tant celui-ci parvient à donner chair à l'homme-singe avec une vérité humaine aussi vibrante que bouleversante. Tant pour son talent du mimétisme primal que de son expressivité mélancolique à travers la chaleur de son regard candide.


Avec ses décors grandioses de forestation sauvage et l'architecture baroque d'un royaume monarque; Greystoke établit un saisissant contraste entre l'ancienne et notre nouvelle civilisation. A travers le témoignage candide d'un homme singe pétri de valeurs et déférence pour sa famille (celle des primates), Greystoke tend à faire écho à la citation de Ghandi ("on reconnait la grandeur d'une nation à la manière dont elle traite les animaux") pour fustiger la cruauté de l'homme moderne envers son descendant. Une oeuvre magnifique émaillée d'intenses fragments dramatiques sous l'impulsion lyrique du thème classique de John Scott et du jeu viscéral de Christophe Lambert.  

B-M. 3èx

vendredi 19 août 2016

LA MOUCHE NOIRE

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site alamy.com

"The Fly" de Kurt Neumann. 1958. U.S.A. 1h35. Avec Vincent Price, David Hedison, Patricia Owens, Herbert Marshall, Charles Herbert, Kathleen Freeman.

Sortie salles: 29 Août 1958

FILMOGRAPHIE: Kurt Neumann est un réalisateur, producteur et scénariste américain d'origine allemande, né le 5 Avril 1908 à Nuremberg, décédé le 21 Août 1958. 1932: Mon copain le roi. 1935: Solitude. 1937: Espionage. 1939: Island of lost men. 1945: Tarzan et les amazones. 1946 : Tarzan et la Femme léopard. 1947: Tarzan et la Chasseresse. 1950 : Le Kid du Texas. 1950 : Vingt-quatre heures chez les Martiens. 1952: Le Fils d'Ali Baba. 1956: L'Attaque du Fort Douglas. 1958: La Mouche Noire. 1958 : Machete. 1959 : Watusi. 1959 : Counterplot.


Bien avant le chef-d'oeuvre bouleversant de Cronenberg, Kurt Neumann s'était approprié en 1958 de la nouvelle de George Langelaan pour transposer à l'écran les expériences amorales d'un scientifique convaincu de pouvoir sauver le monde de la famine et de la pollution grâce à un désintégrateur ! Ou plus communément appelé de nos jours "téléportation" dans le but de substituer nos traditionnels moyens de locomotion. Après avoir tenté l'expérience sur un chat (désintégré dans l'espace !) et un cochon d'Inde, il décide de servir de cobaye afin de parfaire son ambition et la promulguer au monde. Seulement, au moment d'entrer dans la machine, une mouche s'y est incidemment invitée ! La suite, vous la connaissez, du moins pour ceux ayant déjà découvert la version (organique) de Cronenberg. Ce pitch aussi improbable que débridé, Kurt Neumann nous le conte avec souci informatif par l'entremise d'un long flash-back.


L'épouse du savant ayant été contrainte de le sacrifier selon sa dernière volonté, elle finit par se confesser à la police afin de leur expliquer les conséquences tragiques de l'invention. De par la spontanéité des comédiens aussi rigoureux dans leur émoi et désarroi et sa structure narrative militant la suggestion en retardant au possible l'effet de surprise d'une vision d'effroi, La Mouche Noire nous plonge dans une intrigue ombrageuse où le suspense maintient l'attention. Le savant ayant durant la quasi totalité du métrage un drap noir sur la tête afin de préserver à son épouse son horrible métamorphose, nous nous amusons de notre curiosité voyeuriste sous le joug de l'expectative. Bien que les effets-cheaps feront aujourd'hui sourire le public, la posture aussi convaincante qu'attachante de chacun des interprètes parviennent à les transcender si bien que nous croyons à l'infortune de ce scientifique davantage gagné par la déroute alors que son épouse bouleversée tente vainement de le rassurer. Outre l'aspect captivant de sa narration convergeant à une issue dramatique, on se surprend également de la tournure délirante d'une "chasse à mouche blanche" que nos héros effectuent à perdre haleine dans la maison et le jardin (lors de la transmission de matière, la tête humaine du savant fut transplantée sur l'insecte aujourd'hui en liberté !).


Intriguant, délirant et cauchemardesque (à l'instar de son point d'orgue anthologique d'une cruauté viscérale encore perturbante !), La Mouche Noire continue de perdurer son petit pouvoir de fascination sous l'impulsion de comédiens loquaces (notamment Vincent Price dans un second rôle avenant !) et d'une efficacité narrative signalant en sous texte les dérives technologiques. A redécouvrir avec un oeil aussi distrait que diligent !

B-M. 3èx