jeudi 29 décembre 2011

L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL (L'uccello dalle piume di cristallo)


de Dario Argento. 1969. Italie/Allemagne. 1h38. Avec Tony Musante, Susy Kendall, Enrico Maria Salerno, Eva Renzi, Umberto Raho, Renato Romano, Giuseppe Castellano, Mario Adorf, Pino Patti, Gildo Di Marco.

Sortie en salles en France le 20 Juin 1971. U.S: 12 Juin 1970

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Premier métrage de Dario Argento et seconde adaptation du roman de Fredric Brown (The Screaming Mimi), l'Oiseau au plumage de cristal est l'un des tous premiers Giallo contemporains, après que Bava en eut appliqué les règles en 1963 avec La fille qui en savait trop pour le transcender ensuite un an plus tard avec 6 femmes pour l'assassin. Après ce coup d'essai novateur, Argento est surnommé par la presse internationale le nouvel Hitchcock italien. Suite à son triomphe en salles, il influencera dans son propre pays une ribambelle de thrillers érotico-horrifiques dont les noms évocateurs de volatiles ou d'animaux seront parfois repris dans leur intitulé pour tenter de rameuter le public en masse. Un écrivain américain résidant à Rome est témoin devant la vitre d'une galerie de sculpture d'une tentative de meurtre sur une jeune femme. Hanté par cette vision d'effroi d'un tueur ganté, vêtu d'un imperméable noir, l'homme décide de faire sa propre enquête pour tenter de se remémorer une réminiscence non résolue et ainsi démasquer ce mystérieux assassin.


Comment oublier l'intensité de cette scène d'ouverture illustrant avec maîtrise technique le désarroi d'une jeune femme se faire poignarder par un mystérieux tueur vêtu de noir ! Une troublante séquence insolite émaillée de sculptures baroques en interne d'une galerie d'art et éclairée par la pâleur de cette chambre théâtrale aux nuances noires et limpides. Pris au piège entre deux devantures de glaces vitrées, un quidam sera témoin d'une tentative de meurtre déjà perpétrée alors que le tueur réussit in extremis à prendre la fuite. Ce modèle de mise en scène distille déjà un sentiment anxiogène palpable au spectateur fasciné par son ambiance singulière et l'impuissance du témoin incapable de pouvoir porter assistance à une femme agonisante sauvagement blessée devant lui. Après ce prologue d'anthologie resté en suspens, notre héros se torture les méninges d'avoir omis un indice capital durant la vision de cette furtive agression. Délibéré à se remémorer une preuve manquante, son enquête le mènera vers l'interrogatoire de personnages excentriques ou marginaux plutôt déconcertants. Un tableau de peinture représentant une fillette poignardée par un tueur sous un décor enneigé, un bruit de volatile atypique et les voix trafiquées d'un interlocuteur finaud seront les indices capitaux pour tenter déjouer les odieux méfaits d'un meurtrier occultant un passé galvaudé.


Dans un habile dosage de suspense Hitchcockien et de séquences de meurtres sobres mais déjà porteurs de la signature du maître de l'esthète macabre, Dario Argento nous complote une passionnante énigme constamment surprenante car rivalisant d'indices et détails singuliers. Le réalisateur studieux sachant marier avec dextérité l'utilisation judicieuse du noir ténébreux contrastant avec la blancheur pour valoriser une ambiance aussi bien cafardeuse que charnelle. La comptine angélique d'Ennio Morricone va également accroître son aspect doucereusement trouble pour mettre en exergue une réminiscence traumatique liée à l'enfance du meurtrier. Le caractère insolite de certains décors de bâtisse auquel sont réfugiés les victimes démunies et le sadisme érotique octroyé à l'implication des meurtres nous séduisent d'inquiétude. De par notre sentiment répulsif mêlé de fascination face aux méfaits nuisibles d'un assassin rendu iconique par la mosaïque de vêtements opaques et scintillants. Ainsi, la séquence éprouvante auquel la femme du héros calfeutrée dans sa demeure car sévèrement pris à parti avec l'assassin tentant de pénétrer dans son foyer, joue de manière judicieuse avec nos nerfs en insufflant un climat claustrophobe au sein de ce huis-clos exigu.


Grâce à l'ingéniosité d'un scénario machiavélique falsifiant notre perception de la réalité, l'Oiseau au plumage de Cristal scande le giallo novateur parmi des séquences anthologiques saturées d'un suspense à couper au rasoir. Mis en lumière de manière esthétique dans les nuances contradictoires du noir et du blanc et utilisant avec virtuosité l'espace du cadre alambiqué, cette première oeuvre possède déjà tous les ingrédients d'un artiste inspiré, fasciné par la beauté morbide du meurtre et de son fétichisme sexuel. 

* Gaïus
29.12.11

mardi 27 décembre 2011

Rambo 2, La Mission / Rambo: First Blood Part 2


de George Pan Cosmatos. 1985. U.S.A. 1h36. Avec Sylvester Stallone, Richard Crenna, Charles Napier, Steven Berkoff, Julia Nickson-Soul, Martin Kove, George Cheung, Andy Wood, William Ghent, Voyo Goric.

Sortie en salles en France le 16 Octobre 1985. U.S: 24 Mai 1985

FILMOGRAPHIE: George Pan Cosmatos était un réalisateur et scénariste grec né le 4 janvier 1941 à Florence (Toscane, Italie), mort le 19 Avril 2005 à Victoria (Colombie-Britannique, Canada) d'un cancer du poumon.
1977: Le Pont de Cassandra. 1979: Bons Baisers d'Athènes. 1983: Terreur à Domicile. 1985: Rambo 2, la Mission. 1986: Cobra. 1989: Leviathan. 1993: Tombstone. 1997: Haute Trahison


En 1982, Ted Kotcheff avait su renouveler le cinéma d'action avec Rambo, charge sociale illustrant avec beaucoup d'efficacité la difficile réinsertion des vétérans du Vietnam de retour au pays américain. En prime, la notoriété de l'acteur Sylvester Stallone déjà célébrée avec les 3 premiers Rocky va définitivement asseoir le personnage sur le trône de star mondiale. George Pan Cosmatos, habile artisan de la série B, prend cette fois-ci les reines de cette nouvelle mission axée sur l'action belliqueuse au sein d'une jungle vietnamienne ! Retenu en prison pour cinq ans de travaux forcés, John Rambo est rappelé par le colonel Trautman pour obtenir une éventuelle rémission judiciaire. Pour cela et en guise de preuve, il aura pour mission de prendre des clichés de prisonniers de guerre américains retenus en pleine jungle vietnamienne. Rambo décide contre l'autorité de son supérieur de ramener en vie un otage américain. Dépité, Murdock ordonne d'abroger la mission pour laisser notre héros seul contre les les viêt-công et les alliés russes. 
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Ted Kotcheff avait su nous divertir et émouvoir avec Rambo, modèle du film d'action contemporain exacerbé par le profil aigri d'un ancien vétéran du Vietnam débouté par sa propre patrie. En 1985, fort du succès mondial entrepris avec ce classique du survival musclé, George Pan Cosmatos et ses complices, James Cameron et Sylvester Stallone (attitrés au poste de scénaristes), entreprennent une suite entièrement conçue sur la surenchère guerrière. A titre anecdotique, c'est James Cameron qui écrivit d'abord une première version du scénario à résonance politique avant que Stallone ne le remanie en privilégiant l'action homérique. Le script originel avait d'ailleurs prévu que Trautman et Rambo se retrouvent en interne d'un hôpital psychiatrique et non dans une prison fédéral comme on peut le voir en préambule de l'oeuvre. Cette fois-ci, notre réalisateur déjà responsable d'un excellent film catastrophe (Le Pont de Cassandra) et d'une série B horrifique roublarde (Terreur à Domicile était un modèle d'efficacité) concentre la totalité de son intrigue dans un florilège de bravoures ultra spectaculaires perpétrées par notre (super) héros seul contre tous ! Tout ce qui avait fait jubiler les amateurs d'action débridée dans le dernier quart d'heure de Rambo (un condensé de destruction massive au coeur d'une bourgade ricaine) se retrouve ici condensé en 1h36 de péripéties haletantes et explosions héritées de l'univers de la BD.


D'une intrigue linéaire éludée de surprise (hormis le coup de trafalgard opté par Murdock contre Rambo), George Pan Cosmatos en tire donc un pur film d'action ludique et décérébré. Et cela même s'il fustige une nouvelle fois en toile de fond social son gouvernement américain fraudant des preuves sur l'existence de survivants américains, retenus en otage en pays hostile depuis leur détention au cours des seventies. S'ensuit à un rythme effréné une succession d'évènements trépidants auquel nos antagonistes déployés en masse vont tenter par tous les moyens de capturer Rambo, seul contre tous. Courses-poursuites à pied ou en hélico, mitraillages frénétiques ou coups de flèches destructeurs à embout explosif, torture à l'ancienne sous haut voltage et épuration de villages incendiés à grands coups de roquettes ! Cette fois-ci, notre héros indestructible réduit en machine à tuer est confiné en terrain connu pour s'engager à déclarer une guerre impitoyable contre les preneurs d'otages, tout en réclamant vengeance auprès de son gouvernement, faute d'un leader bureaucrate vénal. A ce titre, le règlement de compte opposant Murdock et Rambo dans le local bureautique s'avère un moment de bravoure orgasmique, de par l'intensité des coups de mitraillettes généreusement déchargées sur les archives administratives !


Handicapé par un scénario improbable multipliant à outrance les affrontements et prises de risques saugrenues, Rambo 2 la mission s'édifie en série B bourrine à l'efficacité certaine. Rondement mené sous le score épique de Jerry Goldsmith et dominé par l'icone virile d'un Stallone plus pugnace que jamais, le divertissement belliciste réussit par miracle à transcender ses lacunes dans une décontraction décérébrée.

Rambo: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/rambo-first-blood.html

*Bruno Matéï
22.03.22. 6èx
27.12.11

Note: le film restera dans l'histoire du box-office français, ayant été le premier film à passer la barre des 500 000 entrées en 1ère semaine d'exploitation (avec 510 096 entrée pour la capitale de Paris)

vendredi 23 décembre 2011

WARRIOR (Warriors)


De Gavin O'Connor. 2011. U.S.A. 2h20. Avec Tom Hardy, Joel Edgerton, Nick Nolte, Jennifer Morrison, Noah Emmerich, Bryan Callen, Kevin Dunn, Denzel Whitaker, Frank Grillo, Kurt Angle, Jake McLaughlin.

Sortie en salles en France le 14 Septembre 2011. U.S: 9 Septembre 2011

FILMOGRAPHIE: Gavin O'Connor est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né en 1964 à Long Island (New-York). 1994: American Standoff. 1995: Comfortably Numb. 1999: Libre comme le vent. 2001: Murphy's Dozen (TV). 2004: Miracle. Clubhouse (série TV). 2006: The Prince (TV). 2008: Le Prix de la Loyauté. 2011: Warrior


Dans la lignée de Rocky et des "success story" taillées sur mesure sous les projecteurs d'Hollywood, Warrior réussit à proposer un autre film d'action particulièrement intense et riche dans sa description fébrile de deux frères en rivalité puis confrontés à leur père ex- alcoolique depuis leur adolescence. adolescence. Warrior n'est pas un film de boxe à proprement parler car il nous fait partager ici l'activité du "Free Fight". Une discipline de combat complet (ou combat libre) affiliant pugilat et lutte au corps à corps avec coups de pieds, de genou, de coude et de poings assénés contre l'adversaire.
Tommy, jeune marine revient dans son pays pour rejoindre son père et lui proposer de l'entraîner à nouveau pour le championnat du Free Fight. Le frère aîné, Brendan, père de famille et marié à Tess, risque de perdre la propriété de sa maison. En désespoir de cause, il décide lui aussi de reprendre les gants pour pouvoir ainsi payer sa dette bancaire. Un combat pour la survie et la fraternité s'engage entre les deux frères conflictuels.
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Gavin O'Connor, réalisateur jusqu'ici discret et peu reconnu, risque de changer la donne au vu du résultat spectaculaire entrepris avec Warrior afin de retranscrire l'univers aride du combat libre.
Ce nouveau film sportif dédié cette fois-ci à l'activité du Free Fight prend une ampleur insoupçonnée au fil du récit classiquement illustré mais transcendé par les esprits contrariés de frères en perdition habités par la rage de survie. Si Warrior se révèle davantage intense et bouleversant c'est dans le portrait chétif asséné à une famille désunie en quête de rédemption. Ces deux frères au caractère bien distinct mais communément hantés par une requête de reconnaissance, nous émeut avec une dignité dépouillée sans sombrer dans les effets grossiers du pathos. Offensés par un passé inéquitable inscrit sur la rancoeur et la jalousie, faute d'un paternel partial et alcoolique, ils vont finalement s'affronter sur un ring pour régler leur compte personnel et peut-être se pardonner les erreurs d'un mauvais souvenir. Hormis les clichés éculés référencés pour dépeindre une famille martelée par le malheur, l'interprétation magistrale des comédiens transcende les facilités caractérielles dans un poignant humanisme de désespoir. Tandis que la violence aride des nombreux combats chorégraphiés avec réalisme s'extériorisent par les esprit torturés des deux frères envahis par la fougue de combattre pour l'absolution. Le point d'orgue, d'une intensité émotionnelle drastique, nous impose le calvaire de deux guerriers contraints de s'affronter dans l'espoir d'une ultime victoire pour la catharsis de la souffrance morale. Un final dantesque au souffle épique ahurissant dans les corps à corps rugissants, d'autant mieux scandé par un score musical vulnérable.
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Dans le rôle de Tommy, Tom Hardy réussit une fois encore à nous livrer une puissante interprétation dans sa hargne opiniâtre à exécuter des combats physiques d'une rigueur concise. Un boxeur primitif habité par la révolte d'une antécédente bavure militaire et par la rancoeur d'un frère aîné dépendant d'une vie conjugale équilibrée. Joel Edgerton incarne avec espoir désabusée celui du doyen avide de ressouder les liens familiaux afin d'éclipser les amertumes complaisantes et renouer avec la parité fraternelle. En sexagénaire rongé par les années d'alcoolisme, Nick Nolte endosse avec une humanité déchirante un paternel désapprouvé par sa famille, faute d'une autonomie égocentrique. La séquence confinée dans une chambre d'hôtel auquel il décide de se morfondre à nouveau dans l'alcool parmi le témoignage de Tommy exacerbe une déchéance suicidaire pitoyable.


Mené à un rythme alerte et pourvu d'un souffle épique incisif découlant des corps brutalisés par les combats, Warrior est de prime abord le portrait tourmenté d'une famille désunie par l'esprit de rancoeur et de l'égoïsme. Magnifiquement interprété par des comédiens transis de virilité, ce récit simple mais transgressé par ces personnages en quête d'amour parental a su parfaitement affilier action spectaculaire et drame humaniste. Une épopée aussi sensible que furieusement sauvage en interne de l'arène du sport mais inscrit dans la loyauté, retrouvant par la même occasion le lyrisme cher aux classiques du genre dont Rocky se porte en étendard.

Dédicace à Olivier Delaby
23.12.11
Bruno Matéï


mercredi 21 décembre 2011

GONE BABY GONE


de Ben Affleck. 2009. U.S.A. 1h54. Avec Morgan Freeman, Casey Affleck, Michelle Monaghan, Ed Harris, Robert Wahlberg, Amy Madigan, Amy Ryan, Michael K. Williams, Edi Cathegi, John Ashton.

Sortie en salles en France le 26 Décembre 2007. U.S: 19 Octobre 2007

FILMOGRAPHIE: Benjamin Geza Affleck, dit Ben Affleck est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 15 Août 1972 à Berkeley en Californie.
2007: Gone Baby Gone
2010: The Town
2012: Argo

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Dieu s'adressant à ses disciples: "Je vous envoie comme des agneaux au milieux des loups. Soyez rusé comme un serpent et pur comme une colombe."
Acteur peu confirmé souvent superficiel, Ben Affleck s'attelle toutefois à la réalisation en 2007 avec un premier long-métrage, Gone Baby Gone, d'après un roman de Dennis Lehane. Clint Eastwood avait d'ailleurs emprunté 5 ans au préalable l'un des récits du romancier pour concrétiser son bouleversant Mystic River. Malgré un succès mitigé au box-office, ce polar glauque enrichi sa densité au fil d'un scénario machiavélique traitant de l'enfance galvaudée.

Dans une petite ville de Boston, une fillette de 4 ans disparaît sans laisser de traces. La mère engage deux détectives privés pour tenter de la retrouver saine et sauve. Après 3 jours d'investigation, les chances s'amenuisent tandis qu'un peu plus tard un autre enfant, un garçonnet de banlieue, est à son tour porté disparu. 


Conçu comme une enquête policière de prime abord tristement banale mais particulièrement vénale pour disséquer la vérité d'une disparition infantile inexpliquée, Gone Baby Gone attise l'inquiétude déconcertée au fil de son canevas tortueux. Il nous confine dans une contrée bucolique de Boston où les quidams marginaux, drogués et flicards corrompus s'entrecroisent dans un univers insidieux alors qu'une mère de famille junkie semble désintéressée de l'absence de sa fillette kidnappée.
Avec la verve perspicace d'un duo de jeunes détectives, leur cheminement nous entraîne dans une succession d'évènements délétères particulièrement glauques et sordides. En effet, rien de plus dérangeant et intolérable que de se confronter à la mort d'un enfant et de ses responsables tortionnaires capables de commettre le pire des crimes en guise de cupidité.
Mais l'improbabilité est encore à encourir pour nos protagonistes avides de justice quand le fantôme d'Amanda refait finalement surface. Un exutoire impondérable qui va nous permettre de réévaluer les consciences perverties, les âmes endeuillées ou les esprits torturés par la déchéance de l'enfance assujettie.

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Ben Affleck brosse ici un tableau licencieux sur la responsabilité parentale quand les géniteurs sont incapables d'assumer leur devoir d'inculcation et d'affection pour l'équilibre d'un bambin. Il nous questionne sur la déontologie professionnelle quand des hommes sans vergogne décident de bafouer les règles pour sauver la postérité d'un enfant innocent. Quel avenir précaire est envisagé quand un gamin livré à lui même depuis sa naissance dans un climat sordide est destiné à survivre et réitérer les mêmes erreurs que ces géniteurs ?
Mais à travers le comportement drastique d'un détective convaincu de son code d'honneur et d'une justice équitable, le réalisateur cherche à nous interroger sur les conséquences potentiellement dramatiques qu'un enfant maltraité pourrait encourir pour sa future destinée.
Il remet en question notre doctrine morale et souveraine de protéger et éduquer l'enfant candide inscrit dans la pureté de l'ignorance avec une légitime décence.
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Dominé par la sobre prestance de Casey Affleck, étonnant dans un rôle austère d'homme engagé dans l'honneur et d'une brochette d'illustres acteurs (Morgan Freeman en retraité dépité et Ed Harris en flic frondeur), Gone Bay Gone doit sa puissance émotionnelle grâce à la densité de ses personnages fébriles et d'un suspense machiavélique. Structuré avec parcimonie pour accentuer son intrigue implacable et baignant dans une ambiance glauque parfois malsaine, il culmine son point d'orgue dans un épilogue renversant littéralement bouleversant. Cette révélation inopinée nous permet de reconsidérer une justice équitable et nous dresse un constat équivoque, une ambivalence sur notre idéologie à expertiser la notion morale du bien et du mal.
Une oeuvre puissante et cérébrale qui donne à réfléchir sur notre revendication d'élever et discipliner un enfant.

21.12.11
Bruno Matéï

TOP 13, 2011 !

Numéro 1:
http://brunomatei.blogspot.com/2011/05/la-solitude-des-nombres-premiers.html


Numéro 2:
http://brunomatei.blogspot.com/2011/11/la-guerre-est-declaree-grand-prix.html


Numéro 3: 


Dans le désordre: 


http://brunomatei.blogspot.com/2011/07/balada-triste-balada-triste-de-trompeta.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/la-piel-que-habito.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/02/black-swan.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/mothers-day.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/11/kidnappes-secuestrados.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/drive-prix-de-la-mise-en-scene-cannes.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/10/territoires.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/07/woman.html


http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/intouchables.html





lundi 19 décembre 2011

INTOUCHABLES


de Eric Toledano et Olivier Nakache. 2011. France. 1h52. Avec François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny, Audrey Fleurot, Clothilde Mollet, Alba Gaia Bellugi, Cyril Mendy, Christian Ameri, Marie-Laure Descoureaux.

Sortie en salle en France le 2 Novembre 2011.
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FILMOGRAPHIE: Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et acteur français, né à Suresnes le 14 Avril 1973. Il travaille souvent en coréalisation avec Eric Toledano. Il est le frère de l'actrice Géraldine Nakache.
Eric Tolédano est un réalisateur, scénariste, acteur et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille régulièrement avec Olivier Nakache sur l'écriture et la réalisation de longs-métrages.
2005: Je préfère qu'on reste amis... 2006: Nos jours heureux. 2009: Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014: Samba. 
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D'après l'histoire vraie d'une étonnante amitié entre un tétraplégique (Philippe Pozzo di Borgo) et un black de banlieue, Intouchables est le succès surprise de cette fin d'année 2011. Une bouffée d'air frais dans la confrontation du choc des cultures et des générations réalisée sans pathos pour la caractérisation émise à un handicapé en berne. Une oeuvre sensible tenant du miracle car unifiant notamment sans préjugé les classes sociales contradictoires. Pour continuer de toucher les assedics, un jeune banlieusard, repris de justice, postule pour un emploi d'aide à domicile chez un tétraplégique aristocrate. Leur relation au départ intempestive va aboutir à une complicité amicale indétrônable. 
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Conçu dans le moule de la comédie familiale tous publics, Intouchables avait de quoi laisser perplexe les allergiques aux produits franchouillards pullulant systématiquement sur nos écrans chaque mercredi de l'année. D'autant plus que cet énorme succès surprise que personne n'attendait concoure aujourd'hui pour transcender les chiffres d'affaires démesurés d'un autre succès antinomique, Bienvenu chez les Ch'tis. Si je peux me permettre de rassurer les réfractaires à la comédie nordiste de Danny Boon, Intouchables n'est en rien une comédie franchouillarde comme on en voit trop régulièrement dans notre paysage hexagonal. Cette union amicale entre un tétraplégique rupin et un banlieusard marginal réussissant sans peine à provoquer les éclats de rire incontrôlés et la tendresse dans un subtil alliage de situations jamais redondantes où les réparties fusent. Si Omar Sy doit énormément au potentiel comique de ces facéties dans sa spontanéité désinvolte, nos deux réalisateurs n'oublient pas pour autant de nous conter une poignante histoire d'amitié d'une riche dimension humaine. En confrontant le choc des cultures aux générations distinctes, leur complicité impromptue tend à unifier, rassembler les mentalités divisées par leur classe sociale. Avec l'aisance naturelle d'un banlieusard flâneur dénué d'ambition mais soudainement compromis à épauler le quotidien d'un handicapé, Intouchables démontre sous l'alibi humoristique notre frêle manière d'appréhender le malade voué à une grave déficience physique. Mais avec l'indifférence de Driss, jeune délinquant issue d'une famille miséreuse et vivant dans un climat d'insécurité déprimant, sa condition précaire imposée depuis l'enfance va lui éveiller la conscience face à la condition grabataire d'un aristocrate collectionneur de peinture. Par l'échange du loisir (la musique classique confrontée à la funk et au disco), de la communication, le respect d'autrui et par l'éducation parentale (le jeune frère de Driss est un rouleur de mécanique sur la corde raide tandis que la fille de Philippe est inversement une potiche capricieuse et impertinente), leurs péripéties insouciantes vont favorablement équilibrer leur existence commune.


Si l'interprétation perfectible d'Omar Sy souffre parfois d'une once de justesse dans ses tribulations délurées, l'acteur ne manque pas d'atout à nous insuffler sa bonhomie et sa soif de vie sans excès rébarbatif lors de ses réparties impayables. Son show de taquineries et pitreries imparties à Philippe réussissant à provoquer le rire sans verser dans la gaudriole. Secondé par François Cluzet, il réussit admirablement à éluder la complaisance dans sa condition austère de paraplégique renouant avec la vivacité existentielle (l'envolée lyrique en delta plane et une bouffée d'air frais exaltante !). L'empathie que l'on éprouve envers son lourd handicap n'est jamais outrancière car elle nous inculque avec subtilité l'intelligence de ne jamais s'apitoyer sur son sort.


Mené à un rythme effréné et servi par un duo aussi irrésistible qu'inattendu, Intouchables est LA comédie surprise de l'année ! Un antidépresseur radical dans sa philosophie à nous rappeler que la vie est une denrée précieuse qu'il faut savoir entretenir quelque soit nos contraintes imposées par l'infortune. L'abatage d'Omar Sy en pleine reconnaissance et la prestance autrement flegme de François Cluzet réussissant à nous séduire et attendrir sans misérabilisme ni mièvrerie. Hymne à la vie, ode aux valeurs de l'amitié, Intouchables scande l'euphorie de l'éclat de rire avant de nous ébranler lors d'un épilogue humble, car transcendant l'amitié cordiale entre deux acolytes inséparables. Son succès n'est cette fois-ci en rien prohibé et mérite toutes les louanges dithyrambiques, notamment grâce à sa dignité humaine et à sa tolérance impartie aux mentalités contraires. 

Dédicace à Philippe Astruc.
19.12.11
Bruno Matéï

Note: le générique de fin indique que 5% des bénéfices réalisés par le film sont reversés à une association pour les personnes paralysées: Simon de Cyrène, fondée par Laurent de Cherisey.

jeudi 15 décembre 2011

DRIVE. Prix de la mise en scène, Cannes 2011.

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Nicolas Winding Refn. 2011. 1h42. Avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Albert Brooks, Bryan Cranston, Ron Perlman, Oscar Isaac, Christina Hendricks, Cesar Garcia, Tiara Parker, Christian Cage.

Sortie salles France: 5 Octobre 2011. U.S: 16 Septembre 2011.

FILMOGRAPHIE: Nicolas Winding Refn est un scénariste, réalisateur, producteur et acteur danois, né le 29 septembre 1970 à Coppenhague (Danemark). 1996: Pusher. 1999: Bleeder. 2003: Inside Job. 2004: Pusher 2. 2005: Pusher 3. 2008: Marple - Nemesis (télé-film). 2009: Bronson. 2010: Valhalla Rising. 2011: Drive. 2012: Only God Forgives.


D'après un roman de James Sallis, Drive est une invitation au polar stylisé, hypnotique, laconique à travers une errance sentimentale en apesanteur (élégie musicale en sus dans toutes les mémoires !). Si bien que le public français particulièrement conquis l'eut applaudi avec 1 580 624 entrées. A titre anecdotique, Neil Marshall était désigné pour le réaliser alors que Hugh Jackman devait endosser le rôle du chauffeur de nuit. Un chauffeur de braqueurs, cascadeur pour le cinéma, tombe amoureux de sa voisine de palier, Irène. Son mari, repris de justice à peine sorti de prison, est contraint de perpétrer un nouveau braquage pour le compte de mafieux. L'opération tourne mal et le Driver qui s'était porté assistance décide par amour de secourir Irène et son jeune fils en traquant un à un les responsables du meurtre de son défunt mari. Encensé par la critique et auréolé du Prix de la mise en scène sur la croisette cannoise, Drive a su surprendre et conquérir une majorité du public alors que sa simplicité narrative aurait pu chavirer l'entreprise vers une série B superficielle. Le préambule, saisissant de virtuosité concise, évoque irrémédiablement une réminiscence auprès du magnifique Driver de Walter Hill. De par sa course-poursuite urbaine à travers Los Angeles mais aussi pour le profil mutique imposé à l'anti-héro d'un sang froid impassible ! Cascadeur pour le cinéma le jour, chauffeur illégal la nuit, le Driver dépend de son urbanisation tentaculaire à travers l'ambiance irréelle de sa ville constellée (on songe aussi à Michael Mann et Friedkin pour l'esthétique léchée des éclairages autrement orangers et azurs). Son professionnalisme pour la conduite de véhicules clinquants et sa droiture de solitaire inflexible, illégalement complice d'actions frauduleuses, nous saisit d'autant plus de fascination à travers sa défroque décalée (un blouson argenté estampillé d'un scorpion au dos). C'est en portant assistance à un ancien repris de justice et par amour pour une jeune voisine influençable que sa destinée routinière va subitement adopter un tournant mortuaire.


Tant et si bien que le driver se résigne à venger la mort injustifiée de l'ex taulard derrière son nouveau masque d'ange exterminateur. Ainsi, si Drive fascine et hypnotise de façon aussi bien désincarnée que contemplative, il le doit beaucoup à sa bande-son entêtante héritière de l'ambiance (mélancolique) des années 80, ainsi qu'au panache de sa mise en scène perfectionniste multipliant les cadrages alambiqués ou chiadés avec une inventivité en roue libre. Qui plus est, son pouvoir attractif est décuplé du magnétisme de Ryan Gosling (ancien danseur, compositeur, musicien mais également chanteur et guitariste du groupe Dead Man's Bones) littéralement habité en marginal au grand coeur mais pour autant entraîné dans une spirale meurtrière hallucinée (il faut le voir massacrer ses victimes avec une sauvagerie stylisée !). Lui partageant la vedette dans une posture vertueuse ensorcelante, notamment auprès de son regard tendrement sémillant, Carey Mulligan irradie l'écran de sa silhouette filiforme emplie de sagesse et d'innocence. Nicolas Winding Refn dirigeant le couple avec une attention hyper consciencieuse si bien que leurs moindres faits, gestes et respirations sont magnifiquement radiographiés par une caméra résolument posée. Oscillant les étreintes romantiques et les éclairs de violence funèbres, Drive exerce un pouvoir d'attraction irrépressible à travers un itinéraire sanglant à l'onirisme aussi crépusculaire qu'arc en ciel. L'intrigue simpliste mais pour autant efficace parvenant à maintenir l'intérêt auprès des enjeux humains de par leur impitoyable descente aux enfers. La mise en scène au firmament sublimant la notion de silence lattent et les non-dits avec une grâce mélancolique. Ainsi, à travers cette romance aléatoire d'un chauffeur clandestin et d'une veuve en berne, Drive y transcende leur déconvenue sentimentale, entre lyrisme enchanteur et violence consumée. Si bien que certaines séquences hyper tendues nous crispent à notre siège avec une appréhension souvent perplexe, voire démunie.


Illuminé d'une pop-rock aussi fiévreuse qu'envoûtante, Drive explore avec une ambition personnelle l'odyssée romanesque d'un couple en perdition morale, faute d'une conséquence criminelle irréversible. Une romance fébrile transplantée dans le cadre d'un polar purement baroque afin d'y esquisser les émotions oniriques de leur dérive sentimentale. Capiteux et obsédant, formellement stylisé dans une modernité high-tech, Drive hante durablement les esprits à travers cette vendetta urbaine où ultra violence âpre et plages de tendresse se contredisent avec une rigueur dramatique aussi fragile que finalement bouleversante. Dans la mesure où l'on apprécie en prime son épilogue bicéphale d'une infinie tristesse car soufflant le chaud et le froid avec une sobriété pleine d'humilité. Beau à en pleurer sous l'impulsion du duo iconique Ryan Gosling (LA révélation !) / Carey Mulligan (confondante d'aménité mélancolique). 

RécompensesPrix de la Mise en scène à Cannes 2011.
Utah Film Critics Association 2011
Meilleur film
Meilleur acteur dans un second rôle pour Albert Brooks
Meilleure photographie pour Newton Thomas Sigel
Satellite Awards 2011 :
Meilleur acteur pour Ryan Gosling
Meilleur acteur dans un second rôle pour Albert Brooks
Meilleur réalisateur pour Nicolas Winding Refn
Meilleur son pour Dave Patterson, Lon Bender, Robert Fernandez, Victor Ray Ennis
Black Film Critics Circle 2011 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Albert Brooks
Critics' Choice Movie Awards 2012 : Meilleur film d'action


* Bruno
25.08.18.
19.12.11. 341 vues

INTRUDER


de Scott Spiegel. 1989. U.S.A. 1h28. Avec Elisabeth Cox, Dan Hicks, Renne Estevez, Sam Raimi, Bruce Campbell, Ted Raimi, Craig Stark.

FILMOGRAPHIE: Scott Spiegel est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 24 Décembre 1957 à Walnut Lake, Michigan.
1989: Intruder
1999: Une Nuit en Enfer 2
2004: My Name is Modesty
2008: Spring Break '83


Une caméra inventive multipliant les cadrages alambiqués, un cadre original et 2/3 meurtres sympathiquement gore ne font pas un bon film. 
Aucune gestion de suspense, aucune ambiance anxiogène habilement distillée, des acteurs amateurs risibles, pas une once de frayeur à l'horizon, une succession de situations archi rebattues, un final ridicule dont une révélation du meurtrier proprement grotesque.
Me suis endormi à 1H05 de métrage. Je ne le reverrais plus et je comprends pourquoi je n'ai jamais été tenté de le voir à l'époque ! (une bonne intuition si je puis dire).




Un supermarché ferme ses portes pour la journée et les employés apprennent peu de temps après qu'ils vont se retrouver au chômage car le magasin a été racheté. C'est à ce moment là qu'un ex petit- ami de l'une des employées refait surface. Son attitude violente inquiète le personnel,qui se retrouve assassiné dans des conditions atroces.


mardi 13 décembre 2011

LA PIEL QUE HABITO

     
de Pedro Almodovar. 2011. Espagne. 1h57. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Roberto Alamo, Eduard Fernandez, Blanca Suarez, Susi Sanchez, Barbara Lennie, Fernando Cayo.

Sortie en salles en France le 17 Août 2011. Espagne: 2 Septembre 2011. U.S: 14 Octobre 2011

FILMOGRAPHIE: Pedro Almodovar Caballero est un réalisateur espagnol né le 24 Septembre 1949 à Calzada de Calatrava dans la province de Ciudad Real et la communauté autonome de Castille-La-Manche, en Espagne.
1980: Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier. 1982: Le Labyrinthe des passions. 1983: Dans les Ténèbres. 1984: Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ? 1985: Matador. 1986: La Loi du Désir. 1988: Femmes au bord de la crise de nerfs. 1989: Attache moi. 1991: Talons Aiguilles. 1993: Kika. 1995: La Fleur de mon secret. 1997: En chair et en os. 1999: Tout sur ma mère. 2002: Parle avec elle. 2004: La Mauvaise Education. 2006: Volver. 2009: Etreintes Brisées. 2009: La Conseillère anthropophage. 2011: La piel que Habito.
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D'après le roman Mygale de Thierry Joncquet, le nouveau Almodovar est une pièce rare, un dédale ténébreux inversant les chronologies pour mieux nous surprendre dans une énigme tortueuse illustrant deux familles au passé galvaudé. Déroutant, âpre, vertigineux, d'une richesse formelle épurée transcendant la sculpture du corps érotique, ce drame d'amour fou est un hypnotique jeu de miroir dans la relation prohibée entre le monstre et son créateur.

Robert Ledgard est un chirurgien esthétique notoire ayant réussi à créer un épiderme artificiel pour préserver les êtres humains de maladies telle que la malaria. Avec l'aide d'un cobaye féminin du nom de Vera, ce médecin gravement éprouvé par la mort de sa femme et de sa fille élabore en secret une vengeance punitive mais aussi un nouvel espoir à renouer avec l'amour de sa chère défunte. 
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Extravagant dans sa mise en scène singulière et le profil établi envers ces personnages interlopes, La Piel que Habito ne cesse de jouer avec nos sentiments déroutés. Il titille notre curiosité fébrile fréquemment ébranlée par une intrigue vénéneuse multipliant les allers-retours du passé et du présent. Proprement inracontable, le script savamment mis en place par Almodovar et Joncquet se réapproprie des genres pour les distordre et amplifie sa dramaturgie au fil des révélations familiales dissociées.
C'est l'ambition démesurée d'un médecin torturé, surmené par les deuils d'une épouse infidèle et du suicide de sa fille qui nous est illustré d'une manière subjective par un réalisateur au sommet de son inspiration. En l'occurrence, Robert a réussi à ravir une ravissante jeune femme gracile, prise comme cobaye pour ses expériences chirurgicales afin de mieux préserver notre épiderme contre certaines maladies. Ou plus exactement sauver la mise de victimes de brasier d'un incendie criminel. Car depuis la mort de son épouse retenue prisonnière dans sa voiture carbonisée et celle de sa fille violentée par un styliste drogué, Robert décide d'accomplir une vengeance implacable contre son tortionnaire. Mais également concocter depuis des années une créature parfaite afin de renouer avec l'amour déchu d'une femme antécédemment coupable d'adultère.
Les personnages équivoques dépeints dans cette énigme à tiroirs ont tous un passé tortueux et des secrets inavoués tandis que la filiation parentale va les confronter dans leur psyché étroitement lié.


Dans la peau limpide et pastel d'une femme asservie aux expérimentations organiques d'un savant sans vergogne, Elena Anaya redouble de lascivité érotique dans son corps perfectible voué à un véritable simulacre d'une perte identitaire. Elle réussit viscéralement dans sa dernière ligne droite à retranscrire au spectateur ses états d'âme sévèrement commutés sitôt la révélation énoncée. Dans celui de son créateur damné, Antonio Banderas réussit avec sobriété et austérité à affilier ressentiments vindicatifs teintés de cynisme et compassion attendrie par l'influence perfide de sa divine créature. Ils forment à eux deux un tandem incongru dans leur relation en demi-teinte inscrite sur la rancoeur et la tendresse acculée.
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D'une maîtrise virtuose impressionnante d'inventivité formelle dans sa beauté esthétique glacée, La Piel que Habito est un drame hermétique d'une puissance psychologique davantage contraignante assénée aux personnages sévèrement fustigés. Emporté par la grâce infortunée de ces deux protagonistes répréhensibles, l'oeuvre empoisonnée d'Almodovar réinvente l'art de narrer une histoire d'une richesse thématique contemporaine. C'est à dire notre rapport instinctif face à la fascination érotisée du corps charnel et notre perte de repère face à une identité fraudulée. Cette oeuvre épurée et funèbre bouscule les marques du spectateurs jusqu'à bouleverser notre morale dans son épineux épilogue aussi chétif que désarmant. 
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Dédicace à Hélia Marzloff
13.12.11
Bruno Matéï
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Pour ceux qui n'auraient pas compris tous les éléments capitaux de l'intrigue du film, je vous laisse le scénario brièvement décortiqué par le site Wikipedia: 

ATTENTION SPOILERS !!!!!!
Résumé détaillé
L'action se passe en 2012. Un éminent chirurgien esthétique, Robert Ledgard tente depuis douze ans de créer une peau synthétique qui aurait pu sauver son épouse, grièvement brûlée. Il réussit à créer un épiderme viable qui apparaît être d'une formidable résistance face aux agressions extérieures : piqûres de moustiques, brûlures,... Néanmoins, comme tout scientifique, le docteur Ledgard a besoin d'un cobaye. Il s’agit de sa dévouée patiente Vera, qu'il détient captive dans une chambre de son manoir, dans la région de Tolède. Seule Marilia, la fidèle domestique du médecin, est au courant de cette relation qu'elle voit d'un mauvais œil.
Un soir de carnaval où Robert est absent, Zeca, le fils de Marilia, arrive pour se cacher dans la maison : il a été reconnu sur la vidéo d'un cambriolage et veut échapper à la police. Marilia accepte de l'aider temporairement. Zeca remarque Vera sur les images de vidéo-surveillance du manoir et croit reconnaître la femme de Ledgard, qui fut son amante avant sa mort. Zeca ligote alors sa mère et entre dans la chambre de la femme pour la violer. Quand Robert rentre chez lui, il les surprend et tue Zeca d'une balle. Il part se débarrasser du corps, laissant Marilia et Vera seules au manoir.
Marilia commence alors à se confier : elle est la mère biologique de Robert, bien qu'il l'ignore. Des années auparavant, Zeca a eu une liaison avec la femme de Robert ; ensemble, ils ont tenté de fuir, mais ont eu un grave accident de voiture. Zeca a pu en réchapper et s'enfuir mais la femme de Robert a brûlé vive dans la voiture. Sauvée in extremis, elle a survécu plusieurs mois avant de se défenestrer en surprenant son reflet dans une vitre. Norma, sa fille a été témoin de la scène et a alors sombré dans une grande détresse psychologique.
La suite de l'histoire est un flashback : en 2006, Robert choisit de se faire accompagner de sa fille, encore fragile, à un mariage. Cette dernière croise du regard Vicente, un séduisant styliste dépendant aux médicaments. Les deux jeunes se plaisent, mais quand Vicente tente de coucher avec elle dans le parc du château, Norma s'affole et Vicente la frappe et l'assomme par accident. Pris de panique, Vicente s’enfuit mais Robert est témoin de la scène. Norma sombre à nouveau dans la dépression et retourne en hôpital psychiatrique. Robert kidnappe alors Vicente et le retient prisonnier dans une cave jusqu'au jour où Norma se suicide. La vengeance de Robert commence alors lentement : il fait subir à Vicente contre son gré de multiples opérations chirurgicales pour lui faire changer de sexe et le transformer en sosie parfait de sa femme.
En 2012, Vicente est devenu Vera et feint la soumission en acceptant de rejoindre Robert dans son lit. Un jour, Fulgencio, collègue chirurgien de Robert qui a participé aux opérations sans en connaître le contexte, reconnait le visage de Vicente sur un avis de recherche. Mettant en doute l’innocence de Robert, il le menace de révéler l'affaire au grand jour, mais Robert et Vera le menacent et le font fuir. Robert a désormais toute confiance en Vera. Mais la vision de l’avis de recherche a bouleversé Vera et le soir même, elle s'empare d'un revolver, tue Robert et Marilia et s’enfuit pour retrouver sa mère