mardi 1 novembre 2011

Bad Boy Bubby. Prix Spécial du Jury à Venise 1993.


de Rolf De Heer. 1993. Australie/italie. 1h52. Avec Nicholas Hope, Claire Benito, Ralph Cotterill, Carmel Johnson, Syd Brisbane, Nikki Price, Norman Kaye, Paul Philpot, Peter Monaghan, Natalie Carr.

Sortie en salles en France le 1 novembre 1995. U.S: 26 Avril 2005

FILMOGRAPHIE: Rolf De Heer est un réalisateur, producteur, scénariste et compositeur australien d'origine néerlandaise, né le 4 Mai 1951 à Heemskerk (Pays-Bas). 1984: Sur les ailes du tigre. 1988: Encounter at Raven's Gate. 1991: Dingo. 1993: Bad Boy Bubby. 1996: La Chambre Tranquille. 1997: Epsilon. 1999: Dance me to My Song. 2001: Le Vieux qui lisait des romans d'amour. 2002: The Tracker. 2003: Le Projet d'Alexandra. 2006: 10 canoës, 150 lances et 3 épouses.

En 1995 sort dans une quasi-indifférence un long métrage australien signé d’un réalisateur néerlandais. Inondé de récompenses dans divers festivals internationaux, Bad Boy Bubby gagne, au fil du bouche-à-oreille, un statut d’ovni hybride : dérangeant, beau et sordide, où l’humanisme candide de son protagoniste ébranle un public friand d’anticonformisme.

Le pitch : Bubby, 35 ans, vit reclus comme un animal dans sa maison familiale, sous la férule d’une mégère incestueuse. Enfermé, maltraité, réduit en esclave, il partage son isolement avec un chat de gouttière. Jusqu’au jour où, jalousé par les retrouvailles inespérées avec son père alcoolique, il décide de se rebeller et de franchir les frontières industrielles de sa prison.

Éprouvante, profondément malsaine et dérangeante, la première demi-heure rivalise de déviance dans ce foyer insalubre, où quelques cafards jonchent le sol et un chat est séquestré dans une cage. Sa mère, ventripotente et perverse, impose à son rejeton inculte de rester assis sur une chaise toute la journée durant ses absences prolongées. Parfois, elle l’étouffe tranquillement en lui bouchant bouche et nez. Pour sortir de la maison, elle se déplace en ville avec un masque à gaz, feignant auprès de son fils que l’air urbain est empoisonné, proche des bâtiments industriels. Abruti par une existence sans compassion, sans amour, sans notion du bien ni du mal, Bubby endure son ennui, son seul loisir étant d’asphyxier un chat domestique, par curiosité morbide. Ces scènes, d’une cruauté extrême et d’un réalisme glaçant, poussent à s’interroger : le chat a-t-il vraiment souffert, sacrifié pour mieux nous ébranler ? Avec l’arrivée inopinée de son père alcoolique, Bubby s’extériorise, adoptant une attitude de débauche sexuelle envers sa mère. 

Par la suite, après nous avoir fait vivre dans un souci documentaire — un peu comparable au climat ombrageux et dépressif d’Eraserhead de Lynch — le sordide quotidien d’un homme réduit à l’état primitif, le réalisateur amorce lentement une quête initiatique. Il s’agit d’illustrer le profil d’un quidam arriéré — comparable au monstre de Frankenstein par son ignorance et sa pudeur déficiente — rencontrant au hasard des rues la jungle des marginaux, intégristes, artistes bénévoles et handicapés dystrophiés. Durant ce parcours d’un homme autrefois refoulé et molesté, Rolf De Heer filme de façon corrosive le portrait poignant d’un être esseulé, perdu au cœur d’une cité où les citadins cherchent un sens métaphysique à leur existence. À la manière d’un poème décalé sur l’absurdité humaine, Bad Boy Bubby se déploie en magnifique récit initiatique, vers la raison et la rédemption. En fustigeant la religion responsable du fondamentalisme, le film devient aussi un hymne à la liberté la plus autonome, ainsi qu’à l’épanouissement de l’amour. Dans le rôle du clochard fasciné par les merveilles du monde, Nicholas Hope époustoufle par son jeu naturel et son regard empli d’innocence. Son chemin fantasque cristallise un message de tolérance, une fraternité envers les exclus, et une quête identitaire vers l’accomplissement.


"
Bad Boy Bubby : L’odyssée crue d’une âme captive".
Choquant, déstabilisant, glauque, parfois malsain lors de sa première partie effrontée, le film de Rolf De Heer adopte une mise en scène singulière, inscrite dans la crudité, pour dépeindre avec sensibilité un univers aliénant et débridé. Caustique, désincarné, débridé, poétique, drôle et profondément bouleversant, porté par l’interprétation fébrile d’un acteur au jeu infantile, Bad Boy Bubby est un ovni anticonformiste. Il transcende le portrait d’un homme chrysalide, découvrant peu à peu les nouveaux repères de son existence. Chef-d’œuvre dédié aux laissés-pour-compte, aux marginaux et aux athées, il s’impose comme une déclaration d’amour à la banalité de notre existence, ancrée dans l’instant présent.

Dédicace à Isabelle et Eugène Rocton, et Philippe Blanc.
*Bruno 
01.11.11.

Récompenses: Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise en 1993.
Prix du Meilleur Réalisateurmeilleur scénariomeilleur montage et meilleur acteur pour Nicholas Hope lors des Australian Film Institute Awards en 1994.
Prix du Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleure Mise en scène au Festival du film de Seattle en 1994.
Prix du Public, Prix RFM, Prix des Etudiants, Prix Spécial du Jury au Festival d'action et d'Aventures de Valenciennes en 1995.
Prix Très Spécial à Paris en 1995

Rolf De Heer



5 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas ce film, merci Bruno pour cette perle.

    C'est bien le film le plus intéressant que j'ai pu voir cette année, voici une baffe
    que je ne suis pas près d'oublier.
    tout simplement intelligent et d'une maitrise totale.
    L'acteur principal est hallucinant ….je compte le revoir ce week-end .

    A bullet in The head………,strike

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  2. ça me fait super plaisir ! on a regardé ça dimanche dernier entre amis à mon home !
    C'est la 2è fois que je le vois, c'est un de mes films préférés. Tout le monde n'a pas été indifférent.

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  3. Première fois que je viens sur votre blog et deuxième article que je lis mais quelque claque!
    Ce films est MYTHIQUE!!! Un chef d'oeuvre.
    Merci infiniment pour la découverte!!

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  4. Et puisqu'un bonheur n'arrive jamais seul, je me suis empressé de me fournir un autre film du même réalisateur : " le projet d'Alexandra" de 2003.

    que voulez vous, quand on tient un artiste on se fait pas priez deux fois pour parcourir son oeuvre surtout quand elle est atypique et nous fait voir des choses différentes de la doxa conceptuelle et artistique.

    Quid de ce film…eh bien je laisserai plutôt le soin à notre ami Bruno , quand il aura le temps de le voir un ces jours et d'en faire la critique.

    Ce qui est sûr, c'est que lui aussi ne laisse pas indifférent et confirme un réalisateur doué d'un vrai sens
    du cinéma, tant sur l'esthétique que la manière de mettre en scène son scénario.

    Je ne peux que vous donner envie de le voir, car même
    s'il n'égale pas " Bad boy Buddy" dans la narration extraordinaire d'un pauvre bougre.
    il emmène aisément sur un terrain intelligent qui ne devrait pas vous laisser indifférent .
    Quel est le projet D'Alexandra? je vous laisse dans le suspense.

    Une video trailer est sur Utube.

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